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Psychanalyse et travail social : le retour

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Joseph Rouzel

vendredi 31 août 2007

Y aurait-il une autre voie fréquentable? Certes. Je n’ai cessé de dire et d’écrire que la psychanalyse est ailleurs. Sur une autre scène. Et cet ailleurs nous est indiqué par Freud en personne. Notamment dans la préface qu’il fit à l’ouvrage de l’éducateur August Aïchhorn en 1925. 3 Tout d’abord Freud nous présente son idée de base. Il y a chez l’être humain un Enfant terrible et merveilleux qui dure toute la vie et fait quelques apparitions dans les rêves, les symptômes ou la sublimation. Enfant de la jouissance, pourrait-on dire à la suite de Lacan. Cet enfant exige en permanence un traitement. L’éducation, la culture, la civilisation présentent les figures de cette d’« hommestication » jamais achevée. 4 Pour approcher chez autrui cet Enfant terrible, Freud précise qu’il vaut mieux qu’un travailleur social se le soit coltiné en soi-même. C’est tout le sens de la cure analytique car, précise Freud, la psychanalyse s’apprend « à même son corps ». Point n’est question ensuite, à partir de cette expérience singulière, de fabriquer à tour de bras des psychanalystes à la chaîne (détournement très sensible dans pas mal d’Associations de psys). Ce dont il s’agit c’est qu’un éducateur, une AS ou tout autre praticien social qui a vécu cette expérience et qui l’a poussé suffisamment loin, puisse y prendre appui pour exercer son métier. L’en empêcher ne relèverait « que de l’étroitesse d’esprit ». C’est également du lieu de ce « savoir y faire » qu’un professionnel peut soutenir une orientation vers le cabinet d’un psychanalyste. Nous avons là une indication très claire de Freud. Il ne s’agit pas d’envahir le champ social avec des psychanalystes clonés dans un discours formaté, mais de soutenir chacun dans sa pratique et ses capacités d’invention. Ainsi peut-on voir des instituteurs, des travailleurs sociaux, des psychologues, des médecins, des thérapeutes éclairés par la psychanalyse, sans rien lâcher de leur place ni de leur savoir faire. Non pas, plus de psychanalystes, il y en a déjà pléthore, mais plus de psychanalyse. C’est ainsi que j’ai rencontré un chauffeur de taxi à Paris. En discutant il m’a laissé entendre qu’il était passé par l’analyse. Je peux témoigner que ce chauffeur ne se prenait pas pour un psy, mais il avait une façon d’exercer son métier qui témoignait, dans l’accueil du client, sa façon de parler et de faire, de ce passage. Dans un moment où le social va mal, où les travailleurs sociaux, aux avants postes du lien social, sont malmenés, il ne s’agit pas d’accepter ce méprisant: « pousse-toi de là que je m’ y mette », animé par une rhétorique guerrière. La psychanalyse comme signal d’alerte, sur le plan subjectif et collectif, nous permet de nous tenir éveillés sous l’aiguillon des questions qu’elle soulève. Nul n’en est propriétaire. Mais questionner ne suffit pas dans ce contexte difficile. Il faut des actes pour que ça change : des actes cliniques, institutionnels, politiques. Autant d’ouverture à des réseaux de résistance active. De nombreux cliniciens du travail social, inspirés par la psychanalyse, peuvent témoigner que des actes, il s’en produit dans leur travail. 5 L’extension de la psychanalyse n’implique pas des psychanalystes en expansion. La psychanalyse est chose trop précieuse pour être laissée uniquement aux mains des psychanalystes.

Joseph ROUZEL, psychanalyste, directeur de l’Institut Européen Psychanalyse et travail social (Montpellier)

Derniers ouvrages parus :

La supervision d’équipes en travail social , Dunod, 2007

A bâtons rompus, 40 ans de poésie , EditionsThéétète.

1 Martine Fourré, Lieu d’accueil et de soin psycho-social à Dakar. Psychanalyse et lien social, Cultures et Sociétés, N° 4, septembre 2007.

2 Ces questions sont éclairées par l’ouvrage posthume du regretté Jean Clavreul, compagnon de route de Lacan, L’homme qui marche sous la pluie , Odile Jacob, 2007.

3 August Aïchhorn, Jeunes en souffrance , préface de Sigmund Freud, Editions du Champ Social, 2002.

4 Sur ce point voir les travaux d’un philosophe, Dany-Robert Dufour, Dix lignes d’effondrement du sujet moderne , Denoël, 2007 et d’un psychanalyste belge, Jean-Pierre Lebrun, La perversion ordinaire , Denoël, 2007.

5 Cette question fait l’objet du 2eme Congrès travail social et psychanalyse organisé par Psychasoc du 8 au 10 octobre 2007 au Forum de Montpellier. Psychasoc, 11, Grand rue Jean Moulin, 34000 Montpellier. Tél : 04 67 54 91 97. Site : http://www.psychasoc.com

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