mercredi 25 juin 2008
En effet, plus de 400 Lieux de Vie et d'Accueil (LVA) répertoriés en France proposent un accueil personnalisé en petit effectif (jusqu’à 7), d'enfants, d'adolescents, d'adultes en situation familiale, sociale ou psychologique problématique. Leurs méthodes de travail s’élaborent depuis 40 ans et il serait dommage que de nouveaux dispositifs voient le jour dans l’ignorance (coûteuse) de ce « patrimoine » expérimental.
Histoire
L’identité professionnelle des LVA s’ancre dans le riche mouvement de remise en cause de l’institution des années 60-70. Il s’agissait ici et maintenant, par la mise en pratique, de contester les modes de réponse traditionnels à la différence, qu’elle soit mentale ou comportementale et qu’elle relève de la médecine, de l’éducation ou de la justice. Des espaces communautaires s’organisent où l’on se refuse de réduire la personne à des symptômes qu’il faut faire disparaître. Il s’agit d’apprendre, pour les accueillis comme pour les accueillants, à rendre compatibles les personnalités et les histoires singulières de chacun, par l’expérimentation de la relation au quotidien.
Même s’ils sont d’origine professionnelle diverse, les penseurs de l’époque se retrouvent autour d’impératifs communs : expérimenter des alternatives au vivre ensemble traditionnel, refuser les ghettos, qu’ils soient de fous ou de délinquants….
Ils s’appellent Bonnafé, Basaglia, Bateson, Cooper, Deleuze, Foucault, Gentis, Guattari, Illich, Laing, Mannoni, Mendel, Oury, Szasz, Tosquelles, Winnicott, et tous les oubliés, et font l’effervescence d’une période hardie, suivie d’un « retour à l’ordre » qu’il s’agit aujourd’hui d’interroger.
Dans les années 80 les lieux de vie se regroupent sous forme de collectifs ou d’associations pour échanger leurs expériences et sortir d’un isolement qui n’est plus tenable (Association pour l’étude et la promotion des structures intermédiaires (ASEPSI), Collectif du réseau alternatif (CRA), Groupe d’échanges et de recherches sur les pratiques en lieux d’accueil (GERPLA), Foyer d’accueil et de soutien temporaire sud Aveyron (FASTE). La Fédération Nationale des Lieux de Vie (FNLV) sera créée plus tard en 2003).
S’ils sont nés dans ce creuset contestataire de l’antipsychiatrie et de la thérapie institutionnelle, les LVA ont maintenant apaisé et stabilisé leur dissidence et sont présents au catalogue général des modes de prise en charge, tant des troubles mentaux que des ruptures familiales et sociales. Le temps leur a permis de consolider leur place, de roder des pratiques tout en préservant les singularités.
De leur côté et bien que dans l’ombre, les services publics (ASE, PJJ, psychiatrie…), connaissent et reconnaissent de mieux en mieux la pertinence et l’utilité des LVA en finançant leurs prix de journée et en déplorant le manque de places.
La loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale a réactualisé la question du devenir de ces structures alternatives en encadrant leur fonctionnement et en confirmant leur place indispensable dans le champ du travail social.
Malgré ces avancées décisives, des résistances locales subsistent et freinent le développement.
Les Lieux de Vie et d’Accueil existent !
De ces modalités historiques il reste aujourd’hui, la posture revendiquée du « vivre avec » qui se décline dans des unités de petite taille (7 accueillis), développant des pratiques singulières en symbiose avec la systémique du lieu (les accueillants, leur famille, l’environnement social, matériel et économique et les collaborations avec les organismes placeurs et les prestations professionnelles locales). Dans tous les cas, le « vivre avec » conjugué selon des formes diverses dans la combinaison des espaces privés et professionnels, reste revendiqué comme modalité principale et identitaire, comme moteur des effets sur les accueillis et comme différence avec les établissements traditionnels . Chaque lieu a donc un caractère induit qu’il s’agit d’estimer dans chaque indication de placement. Les projets de séjour sont individualisés et l’on cherche l’adéquation entre la personnalité d’un lieu et la personnalité d’un accueilli et non pas la correspondance entre une catégorie diagnostique de trouble et une catégorie d’établissement. C’est du cas par cas, où l’on recherche la possibilité d’une rencontre entre celui qui arrive et ceux qui sont déjà là.
Les acteurs du réseau parlent davantage de démarche que de méthode pour exprimer cette souplesse, cette adaptabilité où chaque projet d’accueil se veut une nouvelle aventure relationnelle dont le chemin se fait en marchant. De fait, la posture permet des séjours stables pour des personnes qui ont souvent épuisé de nombreuses autres solutions de prise en charge. Stabilité qui donne du temps à l’accalmie des souffrances, aux expériences positives et à l’amorce en parallèle de thérapies. Pour ces mêmes raisons les LVA se prêtent aux séjours courts, de rupture, de transition, séquentiels ou de régularité.
L’augmentation des indications, et la demande pléthorique, malgré des résistances nombreuses, confrontent tous les acteurs à la question du nécessaire développement des LVA.
S’il en était encore besoin, l’actualité en donne une confirmation de plus par les débats autour du nouveau « plan autisme ». Les freins entre autres, sont dus au fait que la pathogenèse de l’autisme est loin d’être établie et partage l’ensemble des spécialistes selon des clivages habituels des sciences médicales et sociales. L’autisme et les troubles mentaux, plus peut-être que d’autres formes de différences, reposent en permanence les grandes questions anthropologiques et philosophiques qui expliquent les raisons de ces débats enflammés et entravent les politiques publiques.
Les LVA se sont globalement gardés des obédiences, d’une part par réflexe anti-dogmatique et d’autre part, par la forte singularité de chaque lieu, jaloux de son propre syncrétisme « théorique ». A l’heure où les pouvoirs publics semblent vouloir se départir des pesanteurs de chapelles, il est temps de conduire une évaluation sérieuse de l’expérience des LVA, d’en repérer les pratiques et d’en encourager le développement. Il est temps également, pour l’autisme comme pour les autres besoins d’accueil des différences, que l’administration ouvre le pré carré de ses institutions traditionnelles et reconnaisse au grand jour ces solutions complémentaires, singulières et moins coûteuses, prêtes aujourd’hui à collaborer avec l’ensemble des acteurs.
Les LVA sont confrontés à une première grande respiration de leur histoire qui s’origine dans les soubresauts de la critique de notre modernité dont on fête aujourd’hui à grands frais nostalgiques, les 40 ans. C’est dire leur actualité dans un monde où l’ambivalence du progrès est sur toutes les lèvres. C’est l’ère de la sortie du bois avec ses incertitudes, le constat des faiblesses et le risque de perte d’une identité courageusement acquise.
En ce qui concerne le risque de la perte d’identité , il convient de parler du coup de projecteur donné sur les petites structures alternatives, par Sandrine Bonnaire avec, « Elle s’appelle Sabine ». Sans remettre en cause la valeur d’alerte du documentaire, le film développe un propos manichéen (« regardez ce que la psychiatrie a fait de ma sœur ») qui n’est pas et en tous cas plus celui des LVA et qui savent trop à quoi s’en tenir- pour vivre avec- au sujet des troubles mentaux. La complexité des questions qu’ils posent, imposent l’humilité. D’autre part, la structure d’accueil de Sabine ne correspond pas aux critères des LVA. Dès lors qu’on parle de petites structures, le risque de confusion est grand car il existe, et heureusement, de nombreux systèmes d’accueils qui ressemblent aux LVA : familles d’accueil, appartements thérapeutiques…
Le GERPLA a cherché dès 1987 à encadrer la définition des LVA, tout en préservant la singularité nécessaire de chacun, par une charte. Celle-ci précise entre autre, qu’un LVA est géré de façon autonome par un collectif de professionnels qui se sont cooptés dans le cadre d’un projet commun et qui en partagent le mieux possible les responsabilités. Ils vivent sur place dans une organisation réfléchie du quotidien, avec le soutien d’une supervision.
En ce qui concerne le constat des faiblesses , il s’agit du travail de mise en forme pas encore abouti des pratiques, du dialogue à améliorer avec les corpus théoriques et les autres métiers, du manque de système de transmission des valeurs pour pallier à l’usure et à la relève, ainsi que de la faiblesse de la communication qui porte la méconnaissance des LVA jusque dans les rangs des travailleurs sociaux.
Professionnalisation
Aujourd’hui, le GERPLA, mise sur la professionnalisation pour dynamiser ce développement nécessaire des LVA en se basant sur trois constats :
- Les permanents en activité ressentent le besoin de renforcer leurs compétences sur tel ou tel domaine (notamment en raison de l’évolution des publics accueillis et de la complexification des aspects juridiques et gestionnaires), et souhaitent faire un bilan de leur expérience pour la valoriser, la transmettre et faire évoluer leurs projets.
- Les futurs permanents ont besoin d’être conseillés et accompagnés dans leurs projets.
- L’évolution actuelle des LVA demande un effort de formalisation des pratiques afin que celles-ci soient mieux comprises et reconnues et pour améliorer le partenariat avec les autres professionnels du secteur
Pour accompagner cette évolution, 2009 verra la mise en œuvre du 4P LVA (Parcours Professionnalisant Personnalisé des Permanents de Lieux de Vie et d’Accueil) par le GERPLA qui a opté pour un dispositif modulaire basé sur le compagnonnage. Ce parcours est destiné à renforcer les compétences, former la relève, formaliser les pratiques pour en améliorer la transmission et faciliter les partenariats avec les autres métiers du secteur sanitaire et social. La Fondation de France en soutient de façon importante la mise en place.
L’équipe 4P LVA/GERPLA.
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