mardi 02 octobre 2007
Faut-il des dispositifs ?
En feuilletant quelques livres sur le sujet alors que j’essayais de retourner à une masse d’expériences et de souvenirs extrêmement riches je retrouvais une anecdote qui m’avait déjà frappé et qui concernait un certain Murray Bowen. Bowen est l’inventeur du génogramme 2 , une codification que certaines d’entre vous connaissent forcément quand ils ne l’ont pas pratiqué et qui consiste à reconstituer minutieusement l’arbre généalogique d’un individu, à intégrer la compréhension de son système familial, ses cycles de vie, à mettre en évidence ses points de rattachements, ses ascendants et ses descendants, en résumant les faits essentiels de sa vie(mariages, divorces, filiation, naissance, etc…).Bowen n’a pas fait qu’évoquer le fameux génogramme. Il a produit des analyses sur les systèmes familiaux et, en résonance, sur les systèmes institutionnels qui les prennent en charge.
Or, il insiste sur un point qui me paraît d’une très grande pertinence :La distinction entre les phénomènes émotionnels et les phénomènes conceptuels .
Bowen raconte comment, lorsqu’il travaillait dans une clinique dans laquelle il soignait des sujets très perturbés, il pouvait se sentir complètement immergé par les problèmes de ses patients, au point qu’il prit conscience de la chose à partir de déplacements qu’il devait faire pour son travail. :
« Je remarquais, dit il, lorsque je m’éloignais en voyage 3 que j’étais plus objectif et plus clair vis à vis de mes relations professionnelles et que je perdais toute objectivité en rentrant travailler. Après cette première remarque, je fus plus attentif à observer le phénomène. L’objectivité s’installait une heure environ après le départ de l’avion.A1u retour, elle était perdue lorsque je franchissais la porte de la clinique C’est comme si le système émotionnel se refermait sur moi dés que je pénétrais dans le bâtiment ».
Lorsque je rencontrais pour la première fois cette histoire, j’y fus particulièrement réceptif, car je vivais une situation parfaitement identique. Je venais de prendre la responsabilité d’un établissement d’adulte handicapées, après m’être occupé d’enfants et d’adolescents. Le sentiment soudain d’être noyé dans des questions affectives et même quelquefois des comportements de violence, affecté par un manque de codification et de repères, mais aussi par des revendications surprenantes des familles. Le sentiment d’être trituré, pris en otage.Pour éviter une panique qui montait en moi, je m’obligeais à prendre du recul à un moment où l’on aurait voulu que je plonge dans la situation immédiatement et sans délai. Après un premier contact et très vite je m’obligeais à prendre trois jours de congé pleins et tout seul et je partais visiter les châteaux cathares de mon pays. A pied s’il vous plaît. Ceux qui connaissent savent à quel point ces lieux sont implantés dans des terres désertiques, chaotiques et des paysages désolé où la solitude est au rendez vous. De retour, quelque chose s’était passé, qui m’avait permis de mettre les choses en ordre et de ne pas confondre la souffrance de certains parents avec mes propres difficultés. Vous verrez plus loin pourquoi je raconte cette histoire un peu personnelle.
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Un des dangers rencontré par les équipes de professionnels dans les établissements concerne l’usure. L’habitude de se rencontrer, la confrontation permanente aux même problématiques indéfiniment répétées, aux même symptômes, les difficultés qu’on rencontre sur son propre chemin pour rester vivant risquent d’occulter le chemin que l’autre doit parcourir, la course d’obstacle dans laquelle il est engagé, l’ensemble des épreuves qu’il doit traverser, mais plus encore ces écueils imperceptibles qui émaillent les parcours de vie. Derrière la routine terrifiante et cyclique de ce temps qui se replie sur lui même qui ne se déploie jamais, se cachent des évènements de vie qui ont un caractère singulier, des moments de deuil et de séparation, de petites morts et de grandes pertes; la perte d’être chers et les modifications qu’elle entraîne, mais aussi d’autres pertes plus subtiles. L’autonomie elle-même des usagers, quand elle reste possible peut angoisser autant que les phénomènes de régression et d’involution. Face à l’ensemble de ces situations le professionnel devrait se méfier de modéliser son action sur la place de « substitut parental »,que précisément on lui demande de tenir. Il ne devrait jamais oublier qu’il n’est pas à la place des parents, quand bien même les parents seraient morts ,absents ou incapables. Car comment aiderait il à ce que cette place soit correctement occupée, de quelle place pourrait il soutenir quelque chose du désir parental et éventuellement de sa souffrance qui s’exprime souvent de façon turbulente, comment pourrait il « la parler » avec l’adulte handicapé s’il se met à l’occuper, cette place ? Le respect dû aux familles, le respect dû aux adultes handicapé suppose de travailler avec la plus grande rigueur ce qui ne signifie en rien que l’on doive mettre de côté son humanité, ni son désir de proximité. Face à l’ensemble des situations auxquelles le professionnels est convoqué, situations qui peuvent le faire lui même vaciller, perdre ses propres repères, ou ce qui est pire continuer joyeusement sur une voie mauvaise, une véritable technicité doit être développée. Le professionnel de la relation d’aide, sait qu’un équilibre retrouvé pour la famille, c’est une victoire de plus, une avancée pour la prise en charge. Une réussite de l’enfant n’est pas grand chose quand elle n’est pas reçue, comprise, approuvée par la famille.
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Une prise en charge d’adulte handicapé met en œuvre des sentiments et des dépendances plus ou moins enfouies, plus ou moins visibles et lisibles, celles qui ont été désignées par les freudiens comme « transfert et contre transfert ».Le transfert et le contre transfert sont précisément les signes que les personnes qui nous sont confiées nous affectent , nous font quelque chose. Affects et affections qui précisément sont d’autant plus enfouies que nous avons appris plus ou moins à les contenir ou les mettre à distance. J’entends même encore des professionnels croire, ou se faire croire, que la distance en tant que telle est une façon d’être dans la relation d’aide, ce qui est sans doute plus « économique » pour eux, mais qui est une absurdité. Confusion entre la distance et la bonne distance , ce qui n’est pas la même chose. La bonne distance, c’est celle ou les affects continuent à être pris en compte, sans vous empêcher de fonctionner avec lucidité.
Ces affects, quand ils sont négatifs, sont difficilement avouables. Ils supposent pour chacun d’entre nous, un travail d’élucidation qui n’est jamais achevé. Certes, le fait d’être payé pour faire ce que nous faisons, de le faire dans un lieu de travail bien distinct de notre vie privée, peut nous aider, du moins provisoirement, puisqu’en principe, nous rentrons chez nous tous les soirs. Effet Bowen que nous évoquions tout à l’heure. Pourquoi ce travail d’élucidation est il nécessaire ?Tout simplement parce qu’il conditionne l’ensemble des actes et des paroles que chacun produit tous les jours. Parce qu’il soutient et donne du sens ou du bon sens à notre façon de « prendre soin » de l’autre, qui n’a pas seulement besoin d’aide instrumentale, qui a aussi besoin d’une rencontre authentique avec chacun des « accompagnants », quelque soit sa problématique. Parce que c’est précisément le transfert et le contre transfert qui produisent du désordre et du malentendu dans les relations humaines.
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Il y a belle lurette que les anthropologues, c’est à dire les gens qui se préoccupent de toutes formes de cultures humaines, de ses pratiques et de ses rites, ont compris que leur capacité de vision et d’observation dépendaient d’une bonne part de leurs affects. Sans insister pour le moment sur cette question, je dirai que la tendance habituelle est de moraliser cette question qui est au cœur de la découverte psychanalytique, peut être plus encore que le sacro-saint Œdipe(vous savez celui qui tua son père et épousa sa mère !)dont certains chercheurs ont pu évoquer la relativité. J’ai une mauvaise relation avec un usager, il m’agace, il m’énerve , je le pilerai comme on peut l’entendre quelquefois quand on lâche ses sentiments, ce qui signifierait qu’on ne verrai pas d’inconvénient à ce qu’il s’enfonce sous terre pour nous laisser respirer. La maltraitance même n’est pas loin, car,de nos jours, ce mot là est vite prononcé. Par contre, j’ai une très bonne relation-il y a des mots pour ça chez les éducateurs, accrochage affectif, relation privilégiée, etc..)et l’on peut croire que tout va bien.
En effet, les choses ne sont pas si simples et l’enfer est pavé de bonnes intentions. D’une part,on peut constater que certaines « bonnes relations » peuvent se muer brusquement en mauvaise le contraire étant vrai, bien sûr. D’autre part, et chacun d’entre vous le sait sûrement, à l’acmé d’une excellente relation on peut se sentir mal à l’aise. La toute puissance dans laquelle nous instaure l’enfant-adulte produit une certaine gène, phénomène d’autant plus amplifié que le handicap est plus sévère, que la dépendance aux gestes de l’adulte est plus forte. Surtout quand cette toute puissance dans laquelle nous a mis l’usager rend impuissante à intervenir une équipe dans sa diversité. Chacun le sent bien, que la relation peut devenir un « tête à tête amoureux » qui n’est pas sans risque, car créant à l’intérieur du système institutionnel quelque chose qui ressemble à des points de « suturation. »
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Pour ceux qui voudraient aller plus loin, je leur dirai que cette question avait été assez peu élaborée dans le champ de la déficience mentale, jusqu’aux travaux de Jacques Cabassut, dont j’ai préfacé le dernier ouvrage 4 . Ce que nous dit ce psychologue clinicien de la déficience est particulièrement intéressant. Pour lui, le travail sur la déficience est trop souvent comme une « défectologie »(c’est un mot qui existe encore dans certains pays),elle insiste sur le manque ou le déficit lesquels provoquent à leur tour dans une volonté plus ou moins consciente d’intervenir, de réparer à tout prix, de satisfaire. On propose de la « bonne relation »,on recouvre de vigilance, on ne prend plus aucun risque, on met les gens dans des cocons étouffants qui leur évite le moindre geste, la moindre parole, le moindre désir. Sans cette hypothèse je vous laisse décoder où est le contre transfert et s’il est négatif ou positif car vous savez qu’on peut mourir par étouffement. Pour ce psychologue clinicien, et j’ai exprimé cela à mon tour dans mes livres dans un registre plus éducatif, le vrai déficit est un déficit d’altérité. C’est la question de l’autre qui vient briser la dyade ou le couple formé par le « bon intervenant » qui vient combler le déficit, qui n’est pas là un soucis de gestionnaire. Question de l’autre qui trop souvent, pour le déficient ne se pose pas.
D’où j’en ai tiré un principe que j’ai décliné assez souvent et qui paraphrase le poète Paul Valery :
D’où la nécessité de triangulation, d’éviter le face à face systématique et répété, les jeux en miroirs, le tête à tête, l’aparté, d’où la nécessité d’essayer d’être trois dans toutes les situations. Ce qui ne signifie pas forcement d’être dans la même pièce. Question qui a été théorisée par la Psychothérapie Institutionnelle depuis longtemps, mais malheureusement beaucoup moins dans le registre du handicap et de la déficience.
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D’où un certain soucis des formes qui résulte d’une analyse des enjeux :
Le rôle des rencontres familiales n’est pas de créer à tout prix une connivence entre la famille et l’institution , ce qui peut s’illustrer assez bien par l’expression redoutable de parents coopérants. La coopération en soi n’est pas une valeur. On peut coopérer à la destitution de l’adulte. Adopter ensemble et avec enthousiasme des attitudes erronées. Il s’agit dans tous les cas de s’adresser à lui ou de le rendre témoin ou acteur, ce qui, mais vous le savez bien, est tout un travail. Cette question est moins évidente qu’il n’y paraît.
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Se rencontrer c’est travailler :Trop souvent, on est plus réactifs qu’interactifs, mettant en place des rencontres plus ou moins programmées en cas de gros problèmes ou de nécessité extrême. Plus rarement pour repérer les micro-évènements provoqués par la prise en charge, mieux comprendre les difficultés de la famille avec l’enfant et de l’enfant avec sa famille. Ce travail ne saurait se faire sur le pas d’une porte, devant un taxi ou un car de ramassage. Il doit avoir une place(temps et espace )reconnue. Il peut avoir un minimum de coût pour être payant. Cela signifie qu’il prend place à l’intérieur d’un système de rendez vous périodique convenu, où chacun se met en situation de grande disponibilité, doit faire l’effort nécessaire à un travail de réflexion commune et attentive dans un espace relativement contenu.
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C’est dans ce sens qu’il ne faut pas, à mon avis, se contenter dans une institution ou un service d’une bonne relation avec les parents et dans des formes uniquement spontanées. Au delà du quotidien, de l’espace éducatif ou ré éducatif, des activités, des différents supports ou médiation de la relation que vous proposez et qui sont le cœur de votre métier, au delà des ateliers, des diverses possibilités de rencontres occasionnelles ou systématiques mises en place dans une institution entre les usagers et l’équipe, au delà même des rencontres à tonalité plus thérapeutiques ou même réparatrices quand il y en a, lesquelles mettent en jeu des savoirs techniques précis, au delà même des rencontres de hasard ou même routinières(se voir devant un seuil, devant un car de ramassage, à l’occasion d’une sortie de week-end ou une kermesse)il est nécessaire de créer un espace original de rencontre plus structuré. Cette aire intermédiaire sera protégée à la fois du dedans et du dehors, elle sera ni l’espace de la famille, ni l’espace de l’institution des usagers à proprement parler. Dans cet espace effectivement protégé, devrait pouvoir se dérouler un travail en commun qui concerne la famille et l’institution, une élaboration insistante et consistante de leurs actions et de leurs réactions.
Le terme d’aire intermédiaire fait penser à Winnicott et à sa pensée paradoxale. Ce pédiatre psychanalyste qui était un personnage étonnant, une sorte de lutin farceur et rêveur qui avait une sorte de jubilation quand il était mis en contact avec des enfants et des bébés, qui avait une aptitude géniale à rentrer dans le langage de n’importe quel enfant,-et même ceux qui ne parlaient pas sa langue-, a théorisé ces questions de façon intéressante 5 . Il me semble que les phénomènes de tâtonnements et de découvertes auxquels on a affaire même avec des adultes en situation de handicap ou de déficience recoupent ceux qu’il a observé. Ils doivent être travaillés en profondeurs. Il faut leur consacrer une quantité de temps et une qualité significative(même si l’on sait aujourd’hui que le temps est une denrée rare !).
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Je viens de présenter le professionnel comme assez désarmé finalement, pouvant perdre le fil ou se prendre au piège de la toute puissance qui n’est pas si loin de la suffisance qui est une façon de ne pas avoir besoin de l’altérité .Je n’ai pas placé celui-ci dans une position de certitude et de maîtrise, même chèrement acquises dans les Ecoles ou les universités. C’est de sa fragilité que j’ai parlé, de ses zones de faiblesse et de ce qu’il pourrait en faire.
On voit bien que la même analyse, à peu de choses prés pourrait être évoquée au sujet des familles qui nous confient leur enfant. Elles jouent bon an mal an leur rôle. Un rôle qui ne s’apprend pas ou s’apprend en faisant. Un rôle qui s’invente tous les jours. Un rôle dont on ne s’échappe pas si facilement. A ce détail prés tout de même que l’histoire d’un enfant depuis sa naissance n’est jamais pour eux une seule question de prise en charge. Elle renvoie finalement à la « destinée » d’une famille. Elle se constitue en événement de vie dont les résonances sont infinies, dépassent le point de vue personnel pour toucher plusieurs générations ;et il n’est que de questionner des frères et sœurs d’handicapés ou des grands parents pour le comprendre. D’où j’en tire tout de suite une conclusion pratique qui pourrait se traduire de la façon suivante :faire du bien à un enfant, c’est souvent faire du bien à ses parents, faire du bien à ses parents c’est faire du bien à une famille, ce bien, ayant une capacité de développement et d’influence sur tout un environnement social qui va bien plus loin que la mère ou le couple conjugal et qui se retourne favorablement sur l’individu lui même. Comme je ne suis pas à la mode et que je ne cherche pas à l’être je vous dirai qu’un certain Blaise Pascal, inventeur de la machine à calculer, et mathématicien génial et philosophe l’avait découvert avant que les systémiciens en parlent :
Toutes choses étant aidées et aidantes, causées et causantes, je tiens pour impossible de connaître le tout sans connaître les parties et de connaître la partie sans connaître le tout .
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Je me rends compte encore assez souvent de la difficulté des équipes à considérer que le travail d’accompagnement des familles suppose des délimitations, des temps des espaces bien représentés. Cette question est d’une très grande importance pour le résident ou l’usager… Importance de préserver l’espace qui est le sien, mais nécessité d’accompagner celui-ci d’une démarche réparatrice. Qui inclut la famille.
Pour mettre en interaction un ensemble de partenaires souvent plus importants qu’il n’y paraît, il faut se défausser d’une vision intimiste et prudente, mettre en place des bonnes formes, des procédures bien identifiables, dés le premier entretiens. Espace d’élaboration et de croissance commune, lieu d’élaboration et de rencontre, la question de la rencontre avec les familles n’est pas une question de « spécialiste »qui serait enfermé dans une compétence supposée. Question par définition multiforme, produisant des effets de résonance et parfois des harmoniques multiples et inattendues en relation avec la prise en charge et la prise en compte de l’usager ,elle suppose une gestion collective.
Rencontrer une famille, c’est donc une question institutionnelle :
C’est sur ce schéma que j’ai travaillé pendant de longues années, avec un niveau de satisfaction maximum de l’ensemble des partenaires et des résultats évidents. Les familles étaient toujours rencontrées par un collectif, lequel se constituait autour des questions posées-la mise en place de l’entretien- mais aussi de l’évolution de la prise en charge, des évènements qui la ponctuait. On pouvait y trouver indistinctement le directeur(souvent),un psychologue, un intervenant éducatif, un rééducateur ou un psychomotricien, un médecin quelquefois, etc…Toutes combinaisons étant possibles et bougeaient dans le temps à condition d’être parlées. Le seul principe qui régissait ce fonctionnement :se situer dans une élaboration collective s’engager dans un travail d’élaboration de l’après coup, mais aussi dans la durée. Le staff -c’est ainsi qu’on l’appelait, se donnait un court temps de préparation puis d’analyse brève après l’entretien, pour dégager à chaud les enjeux, les difficultés entrevues, les objectifs à préciser, les dysfonctionnement repérées, avant de prendre le temps ,généralement à la réunion suivante, de mettre en ordre l’ensemble des questions de façon plus ordonnées. L’élaboration de l’émotionnel -à un certain degré-y était possible.
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Nous disions que l’objectif de ces entretiens est de créer un espace intermédiaire, un troisième terme qui n’est pas l’institution ni la famille, afin de favoriser le jeu complexe des interactions entre l’un et l’autre, favorisant l’écoute des différents partenaires Pourtant nous n’avons pas encore dit grand chose. Il nous faudrait mieux définir le contenu de ces entretiens.
Il me semble que leur principale fonction est de rentrer en résonance avec les effets de la prise en charge, qui sont toujours très nombreux. Résonner ensemble(et non pas raisonner) est bien le but, en évitant les a-coups, les malentendus trop douloureux. La question qui est sur la table, n’est donc en aucun cas de changer la famille, de la faire évoluer, mais d’apprendre à se comprendre ou d’apprendre à se déprendre. L’aire intermédiaire se présente au bout du compte comme un espace de croissance commune ayant comme objet de favoriser la prise en compte de l’usager.
Cet espace intermédiaire ne doit pas être sur-raffecté ou sursaturé. Je pense encore à ce que disait le psychanalyste Masud Khan de la « jachère » :
Terre qui est bien labourée et hersée mais qui n’est pas encore ensemencée pendant une ou plusieurs années. 6
Ce concept de jachère me paraît très important pour aborder les questions institutionnelles. Pour revenir à mon anecdote du début sur les châteaux cathares, il y a des moments où il est nécessaire de faire le vide pour pouvoir recommencer à penser. Il faut toujours un espace de jeu aussi, ou l’expression soit possible, jeu de déploiement des idées, des réactions, des émotions, qui ne soit trop bordé ni bridés. Un lieu où l’on se dit les choses tout en étant attelé au même travail. Un lieu aussi où l’on fait connaissance, où l’on s’apprivoise, dans l’acceptation la plus forte du terme, où l’on peut connoter les évènements qui émaillent de leur signification l’histoire de la prise en charge.
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Cette notion de jachère renvoie encore à la notion de croissance qui apparaît très clairement dans les théories d’un grand psychologue qui s’appelait Carl Roger’s ( The growth ) 7 ,aussi violemment optimiste que Sigmund Freud était pessimiste. Elle ne devrait pas dissimuler la question des conflits et des litiges. Car il est difficile de croître ensemble, et encore plus difficile de laisser des espaces en friche. De quoi voir des conflits en perspective. A mon avis, le respect dû aux parents, aux familles et aux usagers impose de ne pas éviter ces conflits à tout prix. Les conflits ont leur valeur intrinsèque, ils signifient souvent un tournant de notre histoire commune avec celles-ci. Ils font partie de la vie démocratique. On mesure une « bonne équipe »(une équipe « suffisamment bonne » dirait Winnicott),non pas à l’évacuation systématique des conflits auxquels tous les groupes humains sont exposés,(Emmanuel Levinas citant Montesquieu: « un état libre est toujours agit é »),mais à la façon dont elle les traite pour en tirer des valeurs positives, élevant la communauté à un meilleur niveau de conscience 8 .
Dit autrement, un bon travail avec les familles ne peut et ne doit pas évacuer, et cela au nom d’une sorte de bienséance convenue, ce que j’appellerais les questions politiques , qui sont toujours premières :questions de pouvoir , de responsabilité , de limites et de délimitations , ce qu’on pourrait encore appeler « le cadre », tout ce qui rend possible la prise en compte du sujet. Je vais peut être choquer, mais il est des moments où une équipe doit tenir ses positions fermes et rigoureuses pour être crédible, elle doit tenir aux procédures qu’elle a élaborés sans avoir à leur propos une attitude fétichiste ou obsessionnelle raide. Malheureusement, le recours maladroit ou excessif à la psychologie, assez fréquent dans des situations où c ‘est le cadre qui est malmené, peuvent aboutir à des catastrophes ou tout au moins à des pertes de temps considérables .
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D’où quelques aspects pratiques :
Il me semble qu’il faut toujours veiller à s’entretenir avec les familles et non avec les seuls parents, ou même avec les mères. De même que l’institution médico-sociale est concernée dans sa globalité, l’institution familiale est à considérer comme un ensemble qui va bien au delà de la fonction parentale, le père, la mère, mais dans ce que le docteur Jean Oury désignait comme « La constellation familiale ».Dés lors qu’il s’agit d’adultes, et pour certains déjà vieillissants la fratrie, les ascendants(le rôle des grands parents est très important(les « pères de derrière » comme il se dit encore dans certaines cultures africaines) mais aussi les neveux ou nièces).
J’ai déjà eu l’occasion de dire ou d’écrire à quel point, dans une institution , travailler avec les mères exclusivement(comme je le vois encore trop souvent) c’est « travailler avec le premier venu. »Si j’insiste la dessus, vous comprendrez que ce n’est pas pour destituer ou déjuger les mères qui doivent, bien sûr, avoir la parole, mais parce que le fait que les mères se présentent bien souvent en priorité ne signifie pas pour autant qu’il faille les doter du diagnostic de mères coopérantes ou omniprésentes. L’intérêt d’entretiens formalisés précisément, est qu’on peut, bien sûr convoquer(inviter à la rencontre) les deux parents, ce qui est la moindre des choses quand on veut effectuer un travail approfondi ( par exemple évoquer les attitudes parentales ou simplement les « soutenir »).De plus, le fait d’avoir affaire à des familles monoparentales, séparées, divorcées ne justifie pas les cas d’exception, bien au contraire, signifie qu’il faut rencontrer les deux parents, l’exiger même, en même temps ou séparément après négociation.
J’ai pu constater maintes fois comment la présence d’un père, les questionnements et même les désaccords qu’ils pouvaient amener pouvaient faire avancer une prise en charge-dés lors qu’on avait cessé de les perdre en chemin ou de les oublier, qu’on leur permettait de rentrer dans le jeu. On peut ajouter que la présence des deux parents quand elle est possible peut être étayée par la fratrie(un frère une sœur) ce qui peut être l’occasion d’aborder les questions à partir d’angles renouvelés, des sensibilités qui se complètent et se répondent. J’ajouterais que dans les pratiques que j’ai connues et défendues nous accueillions avec joie les petits enfants.
J’ai le souvenir d’une situation de trousseau complètement enkystée, qui patinait depuis des années, évoquée pour la nième fois devant un petit fils qui se tenait en silence au fond de la pièce et de sa réflexion excédée qui retentit bruyamment et affectueusement : « Mais pépé, écoutes donc ce que te disent les éducateurs et le directeur ! »et du regard soudain illuminé du pépé qui s’adoucit de façon inattendu ,ce qui dans les minutes qui suivirent permit à tous de trouver une solution convenable à une situation conflictuelle qui devenait interminable.
Ainsi, à travers une ouverture très grande à la famille élargie qui s’ajoute à celle des deux parents, la présence de nouveaux membres devant être toujours bienvenue, on voit bien que c’est la question de la transmission qui est posée(problèmes de tutelle, par exemple) ainsi que la place de chacun dans la filiation.
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La place de l’usager :
Vous savez comme moi qu’un des enjeu du travail éducatif est de savoir s’adresser à l’intéressé, et ce malgré et peut être à cause de son handicap. Un grand philosophe qui s’appelait Martin Bubber a construit une part de sa philosophie qu’il désigne comme « dialogisme » en distinguant le JE-CELA et le JE-TU.Le JE-TU(je m’adresse à quelqu’un) devient trop facilement un JE-CELA(je parle de quelqu’un)surtout si on l’a pétrifié dans une fonction subalterne. Il est trop facile de transformer l’adulte handicapé en UN CELA, de ne pas s’adresser à lui pour ce qui le concerne. Dans son ouvrage Parents, familles et soignants , Jean Claude Benoit 9 précise que le patient-il s’agit dans son travail d’adultes malades mentaux ou présentant des troubles du comportement- doit être toujours présent. On verra que c’est notre position avec seulement quelques nuances.
En effet, si l’on analyse tour à tour et minutieusement l’ensemble des raisons qui font qu’un usager n’est pas convoqué à un entretien familial, on se rend compte que ces raisons sont la plupart du temps fallacieuses ou de mauvaises raisons(« il ne comprend pas, il ne parle pas, il est préférable qu’il reste dans son activité, cela ne l’intéresse pas, c’est à nous de décider à sa place !… »).Dans ce dernier cas quand le sujet concerné s’oppose, il faudrait qu’il ait la possibilité, justement de l’exprimer librement et ouvertement. D’où le principe qui souffre très peu d’exception :
Dans les entretiens avec les familles, quand il y en a, la présence des personnes handicapées est la règle, son absence l’exception. Quand exception il y a, celle ci doit être justifiée(et non le contraire).
Je pense en effet que la rencontre physique dans les murs de l’institution possède une teneur hautement symbolique, qu’elle constitue un évènement à l’intérieur duquel la personne adulte doit pouvoir symboliquement se déplacer. Il doit se rendre compte que nous accordons du prix et du poids à nous rencontrer et que nous apprécions sa présence même s’il ne parle pas ou peu. Ce qui ne doit pas empêcher les professionnels de parler ensemble si cela leur est nécessaire.
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Je ne voudrais pas être trop long. L’ensemble de ces questions demanderaient à être affinées, précisée de façon minutieuse. Nous aurions pu insister sur l ‘importance pour équipe, dés lors qu’elle est concernée, d’apprendre à travailler une situation où elle est impliquée différemment. Des entretiens familiaux peuvent détenir une densité émotionnelle très forte. L’importance de déterminer des types d’entretiens différents avec leur approche spécifique, Entretiens d’accueil par exemple, qui n’est pas la même chose qu’un entretien d’admission , l’un devant être plus « relationnel » que l ’autre qui est plus contractuel (politique). L’importance à accorder à des entretiens de contrat où le principe même de la prise en charge et de ses modalités sont posées, mais aussi explicités. L’importance de mettre en place des temps d’élaboration permanente qui n’exclue pas pour le personnel des formations éventuelles. L’importance de pouvoir créer des situations de contrôle et de supervision dans un sens où je l’entends et qui est encore Rogérien, c’est à dire, comme je l’ai développé, à partir d’une volonté de croissance commune , à laquelle tous les acteurs soient conviés, réunions qui doivent être vraiment habitées.
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On me reproche quelquefois d’être trop procédurier. Trop formel, en quelque sorte. A remarquer que ces objections sont souvent présentées par des professionnels qui n’ont pas pratiqué eux même la méthode ou n’ont pas de méthode du tout. Certains vont jusqu’à défendre un travail social plus spontané, et donc plus humain, croient-ils, plus proche des gens. Pourquoi passer disaient ils par des procédures si formelles, des rendez vous souvent écrit(ça laisse des traces) un contrat de fréquence des rencontres, etc..etc…tout un ensemble d’exigences qui pourraient paraître superflues et qui, de toutes façon sont bien compliquées ?
A ces objections assez classiques, je peux donner quelques réponses brèves. D’abord, ce formalisme en question est plus paradoxal qu’il n’y paraît. Il crée du vide là où il risque d’y avoir du trop plein et du débordement. Il fait gagner du temps et de l’énergie. Il est bon en effet que certaines choses soient dites de façon officielle et même un peu solennelle pour ne pas inlassablement y revenir. Il est bon que la parole engage et donc qu’elle ait des témoins même si ceux ci ne sont pas des témoins assignés.
Deuxièmement, ce formalisme revêt une porté symbolique incalculable, il a des effets pédagogiques certains pour ceux qui ont été si privés de symboles 10 . A travers le repérage des rendez vous,-car tout entretien doit être un événement- les disponibilités proposées, les différentes façon de se rencontrer, la cohérence des discours, et leur mise en scène, puis de leur mise en acte, c’est l’institution toute entière qui se met en chantier.
Enfin cette aire intermédiaire produit une médiation, un partage des fonctions et des rôles sans cesse interpellé, une proximité des intervenants dans des situations vécues, qui modifie et bonifie insensiblement la qualité de la relation d’aide. Ce formalisme produit de la formation et de l’expérience partagée. Car contrairement à une idée qui court beaucoup, il est beaucoup plus difficile de travailler dans l’informel que dans le formel. Ce à quoi on peut ajouter : toutes les tentatives de formaliser l’informel sont vouées à l’é chec. Ce qui pourrait encore se dire de la manière suivante :Le professionnel formalise, l’informel n’a besoin de personne, la vie s’en charge !
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Bien évidement, lorsque je parle de la formalisation, et même de procédures, ce n’est pas du procédurier ni du bureaucratique que je parle. J’ai même inventé le terme de « procédural » pour définir une façon de travailler dans la temporalité, par étape successives bien ordonnées, en marquant ces étapes par des rituels, ce qui n’a rien à voir avec le temps chronique et dépourvu de sens, le temps deshistorisé qui risque de s’imposer dans toute institution confrontée au handicap mental. avoir tellement travailler en groupe qu’on sait bien travailler seul…
J’ai trop entendu de famille d’handicapé dans ma vie, j’ai trop écouté d’histoires de vie, pour sous évaluer le degré de traumatismes que peuvent subir encore certaines familles, à quel point ils peuvent souffrir de comportements ou d’attitudes qui ne sont pas suffisamment élaborées par les professionnels, ou qui, comme on dit, leur échappent. S’il y avait quelque chose à savoir avant toutes choses ,c’est le retentissement émotionnel –j’y reviens- de toute information donnée. En toutes situation, là comme ailleurs, il faut y mettre des formes. Et ces formes même, n’ont rien à voir avec une bureaucratisation des rapports vers laquelle pourrait nous pousser un certain nombre de prescriptions « réglementaires ». Stanislas Tomkievicz à propos du trauma et des situation humanitaires 11 : « soigner le corps seul de manière que j’appellerai bureaucratique inflige un traumatisme supplémentaire à la victime ».
De cela, il faut toujours se méfier, même dans des petites structures comme les votre, qui semblent en être d’avantage protégées, où semble-t-il, les relations sont à taille humaine. Une petite structure n’est pas essentiellement bonne parce qu’elle est petite. Elle doit s’engager dans ces domaines dans un travail qui va bien au delà du minimum vital qui donne bonne conscience, le Conseil à la Vie sociale qui donne la parole aux familles, et le Contrat de Séjour qui est sensé clarifier les rapports une fois pour toutes, alors que le travail de clarification ne peut être que le fruit d’un labeur inlassable et continu.
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Même lorsqu’on a du cœur à l’ouvrage, on n’a guère de gratifications. Et ce n’est pas pour cela qu’on doit cesser de travailler. Pourtant quelquefois certains messages vous parviennent qui sans êtres des messages d’outre-tombe reviennent d’assez loin…Dernièrement j’ai rencontré par hasard un frère d’handicapé que je n’avais pas revu depuis dix ans. Je me suis souvenu que l’institution que je dirigeais alors s’était occupé de son frère un déficient mental moyen d’une quarantaine d’années, à l’occasion de la mort de sa mère. J’avais même participé comme je le fais toujours à l’enterrement, nous avions envoyés une couronne de fleurs, une partie des copains du résidents avaient voulus être là, et les éducateurs avaient fait un accompagnement remarquable de cette personne qui s’était comportée, comme souvent dans ce genre de circonstance avec une dignité qui avait été remarquée. Les parents ,comme tous les parents venaient depuis des années à des rencontres assez régulières qui s’étaient espacées vers la fin, avec l’équipe, et nous avions fait un travail d’accompagnement familial assez réussi.
On voit là comment le formel et l’informel s’étaient articulé de façon heureuse, avaient permis, à l’occasion de cet événement de vie, l’accompagnement de qualité que nous avions pu faire. Et celui-ci n’avait en rien chassé la spontanéité.
1 Educateur spécialisé, docteur en sciences humaines, ancien directeur d’établissement. Dernier livre paru Le travail social à l’épreuve du handicap , Paris, Dunod, 2007, Education spécialise, chemin de vie ,Col. Histoires de vie, L’Harmattan,2007.(Les deux à paraître en fin septembre )
2 in Jean-Claude Benoit , Manuel d’entretiens familiaux en psychiatrie , Ramonville Saint Agne, Erès,2003.
3 Claude Benoit Ibid. p.37
4 Jacques Cabassut Le déficient mental et la psychanalyse, clinique du sujet supposé non-savoir Préface de Jean-François Gomez, Nîmes, Champ social, 2005.
5 R.W Winnicott Jeu et réalité, l’espace potentiel , NRF Gallimard, Préface de J.B.Pontalis,traduit de l’anglais,1975.
6 In L’Arc, article de Masud Khan, Etre en jachère Examen d’un aspect du loisir p.52.
7 Pour connaître mieux ce grand psychologue américain, on pourra consulter l’inoubliable ouvrage de André de Peretti Présence de Carle Rogers , Ramonville Saint agne, Erès,1997.
8 Deux notions, l’une de Gérard Mendel La régression du politique au psychique (ayant comme conséquence le conflit comme valeur) et l’autre de Paulo Freire le brésilien, la conscientisation , pourraient permettre d’approfondir cette question.
9 Jean-Claude Benoit , ibid.
10 Mon ouvrage Le Temps des rites , handicap et handicapés ,2° édition, préface de Thierry Goguel d’Allondans,2006 Presses universitaires de Laval, Québec, où je développe le concept de « ligature du symbolique » et de « temps arrêté »chez les personnes handicapées.
11 Comprendre et soigner le trauma en situation humanitaire interview de Stanistas Tomckievicz par Lisa Ouss-Ryngaert, Dunod,2003.
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