mardi 21 octobre 2003
Mémoire d’ES 2002
Durant ces trois années de formation j’aurai eu l’occasion de voir les familles des deux côtés du miroir.
En effet, mes deux premiers stages se sont effectués l’un en Institut de Rééducation et l’autre en Centre de Rééducation Fonctionnelle.
Les deux populations accueillies dans ces établissements, très différentes et touchées par des problématiques très opposées, m’ont permis de travailler en priorité avec les enfants. Je me suis forgée des représentations concernant les parents de ces enfants. Ces représentations n’étaient nullement fondées sur la réalité, il s’agissait de ce que je pouvais imaginer de ces parents en fonction des enfants que j’avais en face de moi quotidiennement.
Durant ces deux fois trois mois de stage, je n’ai eu que très rarement affaire aux parents, si ce n’est les vendredis et les dimanches soirs pour le départ et le retour des enfants.
C’est dire si mes représentations étaient uniquement fondées sur mes propres fantasmes. Ces parents ne pouvaient être que de « mauvais » parents pour infliger « tant de choses » à leurs enfants.
Lors de mon troisième stage, stage de neuf mois, j’ai eu l’occasion de travailler au plus près des parents. J’ai en effet, effectué ce stage dans un service d’Action Educative en Milieu Ouvert.
C’est là que j’ai pu voir les parents, les familles de l’autre côté du miroir.
J’ai débuté ce stage avec les représentations que je m’étais faites durant les deux premiers stages. De ce fait, je suis restée en retrait pendant un certain temps, ne me laissant pas aller à écouter les sentiments que je pouvais ressentir face à ces parents qui étaient « forcément mauvais ».
Puis, petit à petit j’ai dû me rendre à l’évidence, ces parents ne sont pas « seulement mauvais », ils ne commettent pas d’actes forcément gratuits envers leurs enfants, simplement, ils sont au moins autant que leurs enfants en souffrance.
J’ai, de ce fait, sensiblement, au fil du temps, nuancé ma façon de voir les familles, et je me suis laissée aller à écouter ce que je ressentais face à des personnes souvent en grande difficulté mais pourtant terriblement humaines.
Après quelques mois de stage je me suis interrogée sur le fait que j’ai découvert ces familles sous un autre jour car j’ai eu l’occasion de travailler auprès d’elles. Mais qu’en aurait-il été si je n’avais pas eu cette opportunité ?
C’est pour cette raison que j’ai commencé à m’intéresser aux différentes représentations que peuvent avoir les personnes qui interviennent auprès de ces familles que l’on dit « vulnérables » du simple fait de l’intervention du social auprès d’elles.
J’ai en effet constaté que travailler en partenariat avec les différents acteurs sociaux qui peuvent être amenés à intervenir dans les familles (et ils peuvent parfois être nombreux) n’est pas toujours facile, car nous intervenons tous avec nos propres représentations de la famille idéale. Viennent s’ajouter à ces représentations les normes sociales qui elles aussi imprègnent les acteurs sociaux et interviennent dans leur pratique.
De ce fait, j’ai eu à plusieurs reprises l’occasion d’observer la manière dont les différents intervenants dans une famille pouvaient se mettre à agir d’une façon qui me semblait, à moi qui voyais la situation de l’extérieur, être en inadéquation avec la demande initiale
Je me suis donc interrogée sur ce point.
Puis je me suis moi-même retrouvée dans des situations où je me surprenais à poser des actes qui, après réflexion, n’avaient pas lieu d’être.
Ainsi, après beaucoup d’interrogations et de lectures sur cette question, j’ai décidé de faire de ce point précis qui m’a questionné et qui me questionne toujours : le sujet de mon mémoire.
Je vais donc tenter de répondre à cette question qui est : comment les représentations qu’induisent les familles « vulnérables » amènent-elles les travailleurs sociaux à être dans l’agir, notamment en ayant des exigences normatives ?
Pour ce faire je vais commencer, dans une première partie , par dresser un historique de la prise en charge de la vulnérabilité, puis je vais définir quelques termes tels que « vulnérabilité », « famille vulnérable » et « normes sociales ».
Je vais également tenter de voir ce qui est de l’ordre des valeurs dans le travail éducatif, notamment en AEMO, et s’il y a conflit entre ces valeurs.
Quel est le positionnement de l’éducateur spécialisé face aux normes et aux valeurs ?
De la même manière je vais m’attarder sur les différentes représentations qui entrent en ligne de compte dans le travail social et étudier ce qu’elles induisent chez les travailleurs sociaux comme chez les usagers.
Quels sont les risques de ces représentations lorsque nous ne les remettons pas en question régulièrement ? C’est la porte ouverte aux fantasmes et le passage dans l’agir.
Dans une deuxième partie je vais, à travers l’exposé de situations concrètes vécues ou observées, tenter de faire le pont entre les aspects théoriques développés dans la première partie et le vécu des situations auprès des familles.
A travers l’analyse de ce que j’aurai observé ou vécu, je vais dégager un certain nombre de questions qui m’amèneront dans une troisième partie à dégager des hypothèses de travail, à faire part de la manière dont j’envisage personnellement le travail d’éducateur spécialisé auprès des familles.
1 Historique
a u moyen âge , était considéré comme normal ce qui est anormal aujourd’hui. On regroupait tous les « anormaux » (les pauvres, les infirmes, les voleurs, les prostituées, …) entre eux, ce qui constituait une masse indistincte qui vivait au sein de la société.
A cette époque on ne pensait pas pouvoir améliorer la vie sur terre. Il n’était donc pas question de s’intéresser de plus près à ces personnes « différentes ». De ce fait, très peu de discours existent sur cette partie de la population.
François BOURSIER cite Henri Jacques STIKER 1 qui nous dit que « Si le discours est si bref, c’est peut-être parce que les infirmes, les diminués, les invalides faisaient spontanément partie du monde et de la société que l’on acceptait bigarrée, diversifiée, disparate ».
La peur apparaît à la fin de cette période. « L’anormal » va faire peur et on va l’enfermer afin de le cacher aux yeux de la société. Mais il n’y a toujours pas de différenciation dans cette masse regroupant les personnes « anormales ».
Aux 17e et 18e siècles va donc se produire la grande politique de l’enfermement.
Cette période va connaître la création de l’hôpital général en 1656. La déviance est encadrée.
On va créer les dépôts de mendicité qui accueillent une population très hétérogène et qui seront transformés en maison de réception en 1791. Ils seront présents jusqu’au 20e siècle.
Cette période aura connu la confusion, l’indistinction assez générale des populations et « le grand enfermement ».
A la fin de cette époque va surgir lentement l’idée que, ce que désormais l’on identifie comme anomalie, débilité ou autre, l’on pourrait peut-être le réparer, et de ce fait relever les gens.
Il apparaît une forme de biologisation de la pensée : la vie n’est pas statique, elle évolue et l’on peut donc la réparer, pourvoir à son relèvement.
Le 19e siècle va marquer une rupture, un changement important.
C’est le siècle des révolutions industrielles. On sort du monde rural, ouvrier pour entrer dans le monde urbain et industriel.
A ce moment la République prend conscience qu’elle doit agir, conduire une action.
La nécessité de créer des lois et d’aider financièrement les gens dans le besoin se fait sentir.
De ce fait, à la fin du 18e siècle et au début du 19e siècle, on assiste à l’émergence de ce que Colette BEC 2 appelle « le triptyque assistantiel » avec trois lois :
- la loi du 15 juillet 1893 qui concerne l’assistance médicale gratuite ;
- la loi du 27 juin 1904 sur le service aux enfants assistés ;
- la loi du 14 juillet 1905 sur l’assistance aux vieillards, aux infirmes et aux incurables.
Au niveau du social, l’idée d’encadrer et de remettre au niveau des autres les infirmes, les déviants, fait son entrée dans l’histoire. On va assister au développement d’institutions qui commencent à se spécialiser.
Cela induit des techniques et des spécialistes. C’est le début de la professionnalisation.
Sur fond de critique de l’intervention charitable qui existait jusque là, l’efficacité exige de séparer, classer, fractionner les problèmes et les situations.
Afin d’apporter des réponses plus appropriées et plus efficaces, il devient nécessaire de dégager des catégories bien ciblées. Les réponses pouvant être sociales, juridiques ou institutionnelles.
Une dernière rupture importante se produit au 19e siècle avec la loi du 9 avril 1898 sur les accidents du travail. La société décrète qu’elle est responsable d’elle-même. Si quelqu’un a un accident du travail, ce n’est pas la faute de Dieu, c’est le fait que la société dans son développement introduit des risques nouveaux et donc doit en assumer la responsabilité.
Avec le 19e siècle nous sommes donc entrés dans le temps de la classification, de la catégorisation des situations et des pathologies.
Mais également dans la prise en compte par la République des personnes « vulnérables », qu’elle que soit la cause de cette vulnérabilité.
Ce phénomène va s’amplifier et débouchera au 20e siècle sur l’abandon de l’assistance et la naissance de « l’aide sociale ».
Au 20e siècle on construit une articulation positive entre l’économique et le social.
Faire du social provoque de la croissance économique. Le social a été pensé comme un investissement.
On va voir se multiplier les métiers du social et notamment la profession des travailleurs sociaux.
L’émergence du sujet, l’idée de réparation apporteront leur pierre à l’édifice des institutions sociales et médico-sociales dans la loi du 30 juin 1975. La primordiale consigne sera d’intégrer.
C’est « l’apothéose » de tout ce qui a été observé en gestation concernant la réparation des personnes.
Tout cela est encore très présent mais en mutation, en bouleversement. Nous sommes en train de vivre depuis 25 ans une grande transformation de la société.
Les politiques sociales sont en train de s’y adapter.
- En prenant conscience que l’individu ne peut plus être l’objet de nos interventions mais le sujet. Nous sommes dans une nouvelle « exigence » avec cet usager. Il faut construire des réponses qui font à la personne toute la place du sujet qu’il est. La personne n’est plus objet de nos soins mais actrice ;
- En prônant une approche plus globale de la personne ;
- L’exclusion apparaît comme une nouvelle question sociale. L’Etat a ressenti le besoin de pratiquer l’inter-ministérialité. Là où régnait la sectorisation on introduit une approche transversale en introduisant une multitude d’acteurs.
l’histoire continue…
L’Aide Sociale à l’Enfance telle qu’elle existe aujourd’hui est le fruit d’une lente évolution des conceptions et des pratiques.
· Dès le moyen âge jusqu’au 17e siècle prévaut la notion de charité.
L’Eglise joue un rôle essentiel dans la protection des enfants contre la mort et la misère. L’abandon est fréquent, des institutions caritatives accueillent les orphelins (1638 : Saint Vincent de Paul). L’avortement est fortement réprimé, la société se protège contre les éléments dits asociaux, vécus comme dangereux.
· A la Révolution française : conception laïque.
La nation se charge de l’éducation physique et morale des enfants abandonnés appelés orphelins : c’est l’ASSISTANCE PUBLIQUE. Ouverture de maisons où les femmes enceintes peuvent se retirer pour « faire leurs couches »
· Au 19e siècle
Prise de conscience que, pour limiter les abandons, les familles pourraient garder leurs enfants si on les aide : apparition d’autres formes d’aides notamment financières.
Au 20e siècle : développement de la protection sociale et judiciaire de l’enfant
La loi du 22 juillet 1912 met en lumière la notion de « Droits de l’Enfant » ; cette loi instaure le Tribunal pour enfants et la possibilité d’ordonner des mesures de surveillance et d’éducation.
L’ordonnance du 2 février 1945 , relative à l’enfance délinquante créée un corps de magistrats spécialisés (juge pour enfants) et institue l’enquête sociale et le placement.
Le terme « Aide sociale à l’enfance » fait son apparition en 1953.
Le 24 février 1956 ,création du Code de la Famille et de l’Aide Sociale.
En 1958 , une ordonnance organise la protection judiciaire de l’enfance en danger et institue l’assistance éducative tandis qu’en 1959 une première déclaration des Droits de l’Enfant voit le jour.
La réforme de 1959 élargit les possibilités d’interventions administratives ou judiciaires aux notions de SANTE, SECURITE ou MORALITE compromises pour l’enfant.
En 1970, la famille reprend ses droits. Une idée nouvelle germe : privilégier le maintien de l’enfant dans sa famille. Cette année connaît également la fin de l’autorité paternelle puissante et issue du droit romain.
De 1970 à 1989 , le parlement vote une série de lois en faveur de l’enfance.
Le 10 juillet 1989 la loi relative à la protection des mineurs et à la prévention des mauvais traitements est votée. Cette loi a eu pour effet de redéfinir et de soutenir le travail des professionnels de l’Enfance.
En 1989 , la France ratifie la Convention des Droits de l’Enfant .
L’émergence de l’enfant comme sujet dans la société s’est donc faite en même temps que la prise en charge par la société de la vulnérabilité.
A partir de là vont se développer des politiques d’interventions au nom de la protection de l’enfance et de l’intégration des personnes en marge de la société.
L’Etat va s’immiscer de plus en plus dans les familles afin de leur venir en aide et, il faut le dire, effectuer un contrôle.
Comment définit-on une famille vulnérable aujourd’hui ? Les critères ont-ils changés ?
2 Quelques concepts
La vulnérabilité
· Vulnérable. Qu’entend-on par ce terme ?
Le dictionnaire 5 nous dit que ce qui est vulnérable peut être blessé, attaqué. C’est ce qui est faible, défectueux, qui donne prise.
· la vulnérabilité représente de ce fait ce qui est vulnérable, qui est à la merci de la moindre blessure.
A partir de ces définitions, que représente une personne vulnérable ?
Une personne vulnérable est une personne fragile. Cette fragilité peut être la conséquence d’une défaillance physique, affective ou mentale.
La personne vulnérable est protégée en droit pénal.
Cette protection existe essentiellement depuis la parution du nouveau code pénal du 1er mars 1994. Ce dispositif est articulé autour de deux points qui sont d’un côté la discrimination et la responsabilité et de l’autre l’augmentation des sanctions et des infractions spécifiques.
La personne vulnérable est également protégée en droit civil.
Pour les personnes dont les facultés mentales sont altérées, par une maladie, une infirmité ou un affaiblissement dut à l’âge.
On y trouve trois grands régimes de protection :
- la sauvegarde de justice ;
- la curatelle ;
- la tutelle.
La vulnérabilité est donc une fragilité individuelle.
Une personne vulnérable va appeler un étayage social, au titre de la solidarité sociale, face aux difficultés.
Différentes solutions seront possibles soit au niveau médical, psychologique, économique ou social.
La vulnérabilité est donc prise en charge par la société qui se donne pour tâche de venir en aide aux personnes concernées.
Mais en a-t-il toujours été ainsi ? Depuis quand l’Etat, la société s’autorise-t-elle à intervenir auprès des personnes qui sont particulièrement vulnérables ?
Pourquoi, au nom de quelles motivations, et quand a-t-on jugé nécessaire, essentiel, d’organiser la prise en charge de la « population différente », souvent mise à part ?
La famille vulnérable
Reprenons la définition de la vulnérabilité :
« La vulnérabilité représente ce qui est vulnérable, qui est à la merci de la moindre blessure ».
De même, « ce qui est vulnérable peut être blessé, attaqué. C’est ce qui est faible, défectueux, qui donne prise ».
Une famille vulnérable serait donc plus exposée aux blessures, aux attaques qu’une famille qui ne serait pas considérée comme vulnérable.
La vulnérabilité entraîne souvent la marginalisation de ces familles.
Quels sont les critères qui nous permettent de dire qu’une famille est vulnérable ?
- le risque encouru par les enfants ;
- la plus ou moins grande marginalisation des parents ;
- l’état de santé physique et psychique des parents ;
- l’évolution scolaire, sociale, physique et mentale de l’enfant ;
- l’environnement dans lequel évolue la famille.
Comme nous venons de le voir la plupart de ces critères ne représentaient pas un risque avant le 19e siècle.
Tous ces critères, et ils ne sont pas exhaustifs, contribuent à signaler aujourd’hui une famille qui semble être en difficulté.
Mais par rapport à quoi pouvons nous édicter ces critères ?
Toutes les familles ne sont-elles pas vulnérables par définition ? En effet, quelle famille n’est pas en danger d’être blessée un jour ?
Quelles sont donc les normes sociales auxquelles nous nous référons pour décréter que telle famille est plus vulnérable qu’une autre ?
La notion de norme sociale
Pour définir la notion de norme je vais m’appuyer sur un ouvrage 6 , notamment sur le chapitre N°1 de la première partie écrit par P. PELEGE qui s’appuie lui-même sur différents ouvrages.
Pour CANGUILHEM 7 « Un système est considéré comme normal parce qu’il est considéré comme adéquat pour un grand nombre de cas ; A ce moment là, il peut être considéré comme normatif, c’est-à-dire que ce normal et ses représentations vont désigner la norme ».
De ce fait, l’anomalie découlerait de la non-adaptation à ce système.
Une fois la norme fixée, tout ce qui est « hors-norme », c’est-à-dire qui varie par rapport à la norme, va être considéré comme dangereux et inconnu
Toujours selon CANGUILHEM, la norme est un moyen parmi d’autres d’unifier les différences, voire de résorber la différence.
Mais une norme n’a aucune valeur en elle-même.
En effet, le mode d’adoption d’une norme est aléatoire et basé sur des « préférences » qui sont elles-mêmes fixées à partir de valeurs.
« Dans l’ordre du normatif, le commencement, c’est l’infraction. Il y a d’abord infraction et, ensuite, du normatif » 8 .
La normalité est donc fixée par une limite socialement admise et qui de ce fait peut désigner comme « hors-normes » tout ce qui est en-dessous ou au-dessus de cette limite.
« C’est par la mesure quantitative des phénomènes que l’on évalue, identifie et désigne la normalité » 9 .
Michel FOUCAULT 10 dit ceci : « Avec la médicalisation, la normalisation, vous arrivez à obtenir une sorte de hiérarchie d’individus capables et moins capables, celui qui obéit à une certaine norme, celui qui dévie, celui qu’on peut corriger, celui qu’on ne peut pas corriger, celui qu’on peut corriger avec tel moyen, celui pour lequel il faut employer d’autres moyens. C’est tout cela, cette espèce de prise en considération des individus en fonction de leur normalité qui est l’un des grands instruments de pouvoir dans la société contemporaine ».
Ces propos, historiquement datés, semblent à l’heure actuelle encore parfaitement convenir pour expliquer comment dans notre société nous stigmatisons et enfermons des conduites « hors norme ».
Les valeurs
La mise en place de valeurs dans une société est tout aussi arbitraire que la mise en place de normes.
En effet, les valeurs sont-elles aussi dépendantes d’une époque et d’une société ce qui fait d’elles des notions aléatoires et mouvantes selon l’évolution de la société.
De plus, nous avons tous des valeurs qui sont individuelles, propres à chacun de nous.
De ce fait, chaque discours moral est composé de valeurs et représente un idéal à atteindre, quelque chose à défendre.
Tout homme porte en lui une échelle de valeurs, le plus souvent inconsciente, qui commande intuitivement son action.
Les travailleurs sociaux sont eux-mêmes pris dans ce système de valeurs et ils interviennent dans les familles avec ce bagage et en plus celui de la société.
Ils se retrouvent face à des familles qui elles aussi ont un système de valeurs propre et qui en plus sont souvent en rupture avec les valeurs de la société.
Il me paraît donc important d’étudier de plus près ces différentes valeurs en jeu dans l’intervention du social dans la sphère privée que représente la famille.
3 les valeurs
Les valeurs inhérentes à l’intervention dans les familles
L’AEMO s’exerce avant tout dans le cadre de l’assistance éducative qui est plus une institution de droit civil qu’une prestation sociale. Elle est en cela différente des autres missions de l’action sociale.
Les mesures d’AEMO sont prononcées par le juge des enfants en vertu des articles 375 et suivants du Code civil : « si la santé, la sécurité ou la moralité d’un mineur non émancipé sont en danger, ou si les conditions de son éducation sont gravement compromises, des mesures d’assistance éducative peuvent être ordonnées par la justice ».
Le service désigné est de ce fait missioné afin : « d’apporter aide et conseil à la famille afin de surmonter les difficultés matérielles et morales qu’elle rencontre. Cette personne ou ce service est chargé de suivre le développement de l’enfant et d’en faire rapport au juge périodiquement ».
Les origines de la décision judiciaire sont toutes fondées sur un même constat : les parents sont défaillants et les enfants en danger.
Mais les troubles observés peuvent être divers. En effet, outre les troubles éducatifs (fugues…), on trouve également les troubles scolaires (absentéisme…), et des troubles à caractère délinquant (passages à l’acte, incivilités…).
Il s’agit dans tous les cas de signes « d’anormalité » d’un enfant au sein de sa famille.
Le but de l’action éducative est de « lever le danger en responsabilisant les parents. Le travailleur social qui a en charge la mesure s’appliquera à lever le danger en interpellant les parents dans leur fonction, en tentant de les responsabiliser tout en s’attachant à protéger les enfants et à favoriser leur épanouissement » 11 .
Il s’agit de faire avec les parents et non à leur place. Le travailleur social accompagne les personnes afin que celles-ci puissent trouver les solutions qui résoudront les difficultés qu’elles rencontrent.
Les valeurs principales présentes dans l’AEMO sont les suivantes : le respect des personnes qui passe par un accompagnement sans jugement de valeurs et sans désir de changer les personnes.
La toute puissance est dénoncée et rejoint la notion de respect. Le désir de maîtrise totale de la situation familiale est également fortement dénoncé.
Ces valeurs sont celles des travailleurs sociaux qui tentent pour la plupart de ne pas faire de cette intervention dans les familles un acte de toute puissance de celui qui sait face à ceux qui ne savent pas. Cela est d’autant plus difficile que la société qui entoure cette intervention dans les familles n’a pas forcément les mêmes valeurs.
Les valeurs de la société qui entoure cette intervention
Quelles sont les valeurs de la société qui entoure l’intervention au cœur même des familles ?
Jacques DONZELOT 12 , avance l’idée que la crise de la famille est moins une réalité qu’une ruse des sociétés libérales afin de réduire son pouvoir et en même temps lui faire porter une responsabilité accrue.
Qu’en est-il aujourd’hui ?
Régulièrement on nous annonce la disparition de la famille. Pourtant elle est toujours présente.
A partir du 19e siècle, l’intervention sociale agit sur l’enfant et à travers lui sur la famille, l’école elle aussi exerce un contrôle sur les familles.
A travers tout cela on assiste au développement d’une « police des conduites familiales » comme le dit Jacques DONZELOT 13 .
Dans la famille de l’Ancien Régime, le père exerçait un pouvoir qui lui conférait un droit de vie et de mort sur ses enfants. Lorsque la société est intervenue dans la famille, au nom de l’enfant, cette puissance paternelle a été menacée.
A partir de là, la famille va non seulement être désignée comme étant le creuset du bon développement de l’enfant, mais aussi être suspectée de mal faire.
La famille représente donc une institution qui a une mission pour le moins ambiguë. En effet, chargée par la société de « fabriquer » ses futurs citoyens elle est en même temps extrêmement surveillée et le souci de l’enfant amène la société à exercer une mesure de contrôle sur la famille.
Les familles sont de plus en plus épaulées par la collectivité dans l’éducation de leurs enfants. En effet, l’école a pris une ascendance importante depuis le 19e siècle et intervient de plus en plus souvent dans les familles à travers les enfants.
Il en est de même pour toutes les activités extra-scolaires proposées aux parents pour leurs enfants.
La famille délègue de plus en plus ses responsabilités éducatives, mais lorsque cela se passe mal avec l’enfant la société désigne la famille comme unique responsable.
Mais comment les familles vivent-elles cette intrusion de la société chez elles ?
Y-a-t-il conflit entre ces valeurs ?
Nous venons de voir que pour l’AEMO la famille représente la base de toute éducation d'un enfant. C’est pourquoi un des maîtres mots des travailleurs sociaux est de faire participer les familles à la résolution de leurs difficultés.
Ne pas faire pour la famille mais avec elle.
Pour la société, il n’en est pas tout à fait de même. En effet, la société accorde une place très importante à la famille tant qu’elle assure le bon développement des enfants. Mais lorsque ce n’est plus le cas, le jugement de valeur tombe et la famille se retrouve surveillée et contrôlée.
Comment l’intervention dans les familles est-elle possible dans ce cadre là ?
Là où la société voudrait trouver les causes de la détresse des familles dans le chômage, le logement, le revenu… les éducateurs assistent au quotidien à la misère des familles, à leurs difficultés matérielles, physiques, morales et éducatives.
La violence, l’agressivité qui est sous-jacente à cette misère sont bien entendu inacceptables par la société, mais traduisent tant toute la détresse de ces familles en perdition.
Qu’attend la société de l’intervention auprès des familles ?
Protéger l’enfant ou contrôler ? Surveiller les familles qui ont échoué dans l’éducation de leurs enfants et par cette action les faire entrer dans la norme sociale ?
Je me pose ces questions, car les services intervenant auprès des familles en difficulté sont de plus en plus tenus de faire part de leur activité, d’évaluer leur travail. Il faut des résultats « palpables », observables par la société.
Alors qu’hier il fallait insérer dans une société en pleine expansion sociale qui pouvait faire espérer une place pour tous, aujourd’hui que peuvent faire les éducateurs face à des pans entiers de la population qui sont exclus de la société ?
Une attitude provocatrice pourrait induire à proposer « d’apprendre aux gens à être pauvre pour que ce ne soit pas trop visible ».
La tâche est ardue pour les travailleurs sociaux car les mutations de la société laissent de plus en plus de gens à sa marge, et c’est le social qui les maintien à cette marge car sinon ils seraient tout bonnement exclus de la société.
Comment le travailleur social peut-il alors se positionner ?
4 Positionnement de l’éducateur
Le travailleur social qui intervient dans les familles est lui-même pris dans ce mouvement de la société qui veut qu’une majorité soit intégrée alors qu’une minorité est exclue.
Le travailleur social a ses propres valeurs, ses normes et, étant intégré dans la société, il partage au moins une partie de ses valeurs et normes.
Comment dans ce cas peut-il échapper au désir de normaliser les familles ?
En effet, le travailleur social en AEMO est missionné par le juge des enfants pour mettre des moyens en œuvre afin de protéger l’enfant en danger eu sein de sa famille.
Pour cela le magistrat fait part de ses attendus. Attendus auxquels le travailleur social se référera tout au long de sa mission.
De ce fait, comme nous l’avons déjà vu, d’un côté le travailleur social prône le respect de l’usager et de l’autre il lui demande de s’engager dans un processus de changement. Il lui laisse le temps pour cela, mais il doit se conformer à ce qu’on attend de lui.
Il paraît dans ce cas difficile de tenir compte des personnes et le désir est grand de faire à leur place afin de pouvoir démontrer que la famille évolue.
Pour échapper à ce travers, l’éducateur se doit de faire référence à ces propres convictions, à ses valeurs fondamentales, bref à ce qui le fonde en tant qu’être humain d’abord et de travailleur social ensuite.
Ce qui fonde sa pratique lui permettra de maintenir sa position et d’éviter de sombrer dans les travers de la normalisation.
De plus, il est aidé en cela par l’analyse de la pratique qui lui permet de se questionner sur sa position dans les familles.
L’équipe avec laquelle il travaille, que ce soit en AEMO ou en internat, représente quant à elle, un précieux garde-fou, un cadre qui permet d’éviter ces travers.
En effet, l’équipe est, après l’institution, la première référence de l’éducateur en ce qui concerne le cadre éducatif.
De ce fait, le partage au sein de l’équipe est d’une importance capitale dans le travail de l’éducateur spécialisé, il représente un des précieux garants mis à sa disposition.
Mais l’éducateur intervient également avec des représentations qui lui sont propres. En effet, il s’agit de représentations multiples concernant la famille idéale, la famille maltraitante, la société, le travail social, l’intervention auprès des familles.
Toutes ces représentations font que chaque travailleur social aura une pratique particulière, bien à lui, le tout étant de rester dans le cadre de la mission.
5 Les représentations
LES DIFFERENTES REPRESENTATIONS
Nous avons vu que la société a tendance à porter toute la responsabilité des enfants en difficulté sur la famille. D’ailleurs on appelle ces enfants des enfants maltraités alors qu’il n’y a pas si longtemps on les appelait des cas sociaux.
Ce n’est donc plus la société qui est responsable mais bien la famille.
On ne peut donc s’empêcher de penser que la société met en place des mesures « sanction » afin d’amener les familles à réparer ce qu’elles ont mal fait.
Les représentations de la société à l’égard des familles vulnérables semblent donc être plutôt négatives, car il s’agit pour elle de surveiller et de contrôler ces familles en les menaçant également de retirer leurs enfants si elles ne se plient pas aux attentes de la société.
Là aussi nous avons vu que l'attente de la société à l’égard du travail social est de réintégrer ces familles vulnérables.
D’ailleurs la loi dite « particulière » de 1986, redéfinit les missions de l’ASE et demande à l’AEMO de participer à la lutte contre l’inadaptation sociale et la marginalisation pour favoriser l’insertion des personnes.
Si une telle précision a été nécessaire c’est que le travail social auprès des familles n’apparaissait pas comme participant à la lutte contre l’exclusion.
Aujourd’hui, on demande de plus en plus aux services sociaux de faire part de leurs activités, de leurs projets et des résultats obtenus. Les financements dépendent souvent de la qualité de ses derniers.
Les représentations de la société à l’égard du travail éducatif auprès des familles semblent être floues. Les travailleurs sociaux se trouvent souvent en situation d’explication, de justification de leur travail qui reste encore méconnu par une large partie de la société.
Les travailleurs sociaux font partie de la société. De ce fait ils sont pris dans ce mouvement qui veut que l’on rende les familles responsables des difficultés des jeunes.
Cela influence leurs représentations à l’égard des familles vulnérables.
A partir de là, on peut également supposer, et espérer, qu’en tant qu’hommes et femmes, nous ayons nos propres représentations qui font de nous des êtres uniques.
Peut-être peut-on également supposer qu’en choisissant ce travail, les travailleurs sociaux ont une vision des familles vulnérables qui est particulière.
En effet, en voulant aider les autres dans leurs difficultés ne peut-on supposer qu’il faut croire en la possibilité de pouvoir inverser ce mouvement d’exclusion qui touche les familles vulnérables ?
On pourrait supposer, comme nous l’avons fait précédemment, qu’en choisissant ce travail, les travailleurs sociaux sont convaincus de l’intérêt de cette pratique.
Pourtant cette conviction, si elle est intimement ancrée dans chaque pratique éducative, semble être fluctuante.
En effet, il arrive que les éducateurs soient atteints par un certain découragement vis-à-vis de leur mission. Découragement qui est fort heureusement le plus souvent passager, mais qui traduit la difficulté dans laquelle se trouvent les éducateurs lorsqu’il s’agit de réintégrer des familles dans la société.
De plus, l’augmentation des familles en difficultés, les problématiques de plus en plus complexes, ne permettent pas aux éducateurs spécialisés de voir la réinsertion des familles sous un meilleur jour.
Les familles en difficultés qui bénéficient d’une mesure d’AEMO considèrent rarement que leurs difficultés sont supérieures à celles des familles dites « normales ».
Elles ont souvent des exemples de voisins qui « font pire avec leurs enfants ».
Ceci pour dire que leurs difficultés ne leur semblent pas insurmontables.
Ces familles ne se sentent pas différentes dans leurs fonctionnements. Elles mettent leurs difficultés sur le compte du chômage, du logement, bref, sur des causes extérieures.
Selon elles, la famille idéale serait identique à la leur mais avec les difficultés financières en moins.
Lorsque des familles reconnaissent leur décalage avec les familles dites intégrées, elles pèsent souvent avec effroi tout ce qui les sépare.
Le poids de l’injustice sociale est alors très présent.
Les représentations de ces familles en difficulté à l’égard de la famille dite normale, sont donc mitigées. La plupart du temps il s’agit de représentations qui correspondent à ce qu’ils connaissent, c’est-à-dire qu’ils se représentent les familles « normales » identiques à elles avec uniquement les difficultés financières en moins.
Les familles vulnérables, le travail social auprès d’elles et le travailleur social
Comme nous venons de le voir, ce sentiment de ne pas être différentes des familles dites normales, amènent les familles vulnérables à se questionner par rapport à la légitimité de l’intervention d’un travailleur social auprès d’elles.
De ce fait les représentations des familles vulnérables du travail social auprès d’elles et du travailleur social, sont souvent mitigées.
En effet, les travailleurs sociaux ne sont pas toujours accueillis à bras ouverts dans les familles.
Il ne faut pas oublier que la mesure d’AEMO est vécue comme une contrainte et que cette contrainte pèse souvent très lourd.
Mais à côté de cela il ressort souvent que ces familles acceptent l’aide qu’on leur apporte, elles acceptent d’être accompagnées, d’être protégées.
Les représentations à l’égard du travailleur social sont souvent celles d’un professionnel qui sait et qui va de ce fait leur apprendre comment faire.
Lorsqu’elles se rendent compte que ce n’est pas le cas, qu’il va falloir qu’elles trouvent elles-mêmes les solutions pour s’en sortir avec l’aide du travailleur social, l’étonnement est souvent grand.
QU’INDUISENT TOUTES CES REPRESENTATIONS ?
Comme nous l’avons déjà dit, la plupart des familles concernées par l’intervention du social auprès d’elles, attendent de la part du travailleur social qu’il trouve les solutions afin de résoudre leurs problèmes.
Elles attendent également de lui une protection pour éviter le placement de l’enfant, car l’éducateur d’AEMO est le dernier recours avant le placement, même s’il peut tout à fait demander que l’enfant soit placé.
J’ai également rencontré des parents qui étaient d’accord que le travailleur social s’occupe des enfants de la famille mais qu’il n’avait absolument pas à intervenir auprès d’eux, car ce sont les enfants qui vont mal et pas les parents.
L’on comprend aisément que ces attentes seront irréalisables. Le travailleur social n’est pas le sauveur attendu et n’est en aucun cas celui qui évitera le placement si celui ci s’avère nécessaire. De la même façon il lui est difficile, voire impossible, de dissocier les parents des enfants dans son travail.
Ces attentes entraînent souvent de l’incompréhension, une remise en question de l’utilité de cette intervention.
Le travailleur social a, quant à lui, tendance à attendre la reconnaissance de son action de la part de la société.
En effet, intervenant au quotidien auprès des familles démunies et auprès des enfants en difficultés, il demande à la société de reconnaître son travail et d’obtenir des moyens humains, financiers et matériels pour accomplir ce travail avec plus de qualité.
De ce fait, la demande d’évaluation du travail social est souvent mal vécue par les travailleurs sociaux qui ont du mal à faire preuve de l’efficacité de leur intervention auprès des familles en difficultés.
En effet, il est difficile de convaincre la société de la pertinence de l’intervention sociale auprès des familles alors que les chiffres de la délinquance augmentent d’année en année, que de plus en plus de familles vivent avec le minimum et subissent le chômage.
« Mais que font les éducateurs….. ? »
La société, comme nous l’avons vu, attend de l’intervention sociale qu’elle aide les familles en situation d’exclusion à se réinsérer dans la société.
Si l’on part de ce point de vu, on se rend aisément compte de la difficulté de la tâche, car le social à lui seul ne peut réinsérer une partie entière de la population.
En effet, la société, dans son évolution, laisse derrière elle une population en difficultés, vulnérable, dépassée par la rapidité de cette évolution.
En attendant de l’intervention sociale qu’elle apprenne à cette population en marge à vivre avec sa détresse, sa pauvreté, sa misère afin que cela se voie moins, la société risque d’être en décalage avec l’action réelle des travailleurs sociaux.
Les diverses représentations que nous avons décrites plus haut, peuvent entraîner des situations d’incompréhension entre les différentes parties concernées par le travail social.
En effet, la situation peut rapidement être bloquée s’il n’y a pas de concertation entre les travailleurs sociaux, la population concernée par l’intervention sociale et les représentants de la société.
Ceci paraît utopique, et cela l’est certainement, mais, à un niveau moindre, il me paraît important de faire part de nos représentations aux familles afin de pouvoir engager un travail autour de ce que chacun attend de l’autre.
Si les situations d’incompréhension persistent, cela peut aller jusqu’à l’échec de l’intervention sociale.
L’incompréhension, le sentiment de non reconnaissance, le sentiment d’injustice, peuvent être la cause d’échecs cuisants, de démobilisation de la part des travailleurs sociaux, de la mise en place de procédures de plus en plus nombreuses et lourdes afin de contrôler le travail social.
Tout cela crée des situations dont tout le monde sort « blessé ». Les premières victimes sont évidemment les familles qui, pourtant, l’étaient déjà.
L’on en arrive parfois à oublier le sens de l’intervention éducative, sens qui représente pourtant la base de la pratique des travailleurs sociaux.
6 Les fantasmes
Fantasme du travailleur social tout puissant
A partir des représentations des familles à l’égard des travailleurs sociaux, on peut imaginer la dérive éducative de ces derniers qui se plairaient à correspondre au « héros » que ces familles attendent la plupart du temps.
Dans ce cas, le travailleur social a le fantasme d’être celui qui va parvenir à sortir les familles de la misère dans laquelle elles se trouvent, d’être celui qui va réussir là où tout le monde a échoué.
Afin de bien comprendre de quoi l’on parle je vais définir le terme de fantasme.
Fantasme : Scénario imaginaire où le sujet est présent et qui figure, (…), l’accomplissement d’un désir (…). 14
Le travailleur social aurait-il donc ce désir de vouloir être celui qui va réparer ce que la société a inexorablement induit ?
S’il se laisse aller à écouter les familles qui lui octroient ce pouvoir et s’il se met lui-même à y croire, on en arrive à, ce que l’on appelle souvent ironiquement, l’éducateur « Zorro ».
Heureusement les espaces de réflexion tels que les synthèses, l’analyse de la pratique et bien entendu l’équipe, permettent d’éviter ce genre de dérive qui finalement découle d’une bonne intention mais qui malheureusement ne rend pas service aux familles auprès desquelles on intervient.
En effet, si ce fantasme prend le dessus chez le travailleur social, il va très rapidement se mettre à faire à la place de l’usager, ce qui confortera celui-ci dans l’idée que l’éducateur est celui qui sait.
De plus, cette pratique éducative se retrouve très vite vouée à l’échec. En effet, comme j’ai pu m’en rendre compte lors de mon stage en AEMO, l’usager s’emploie le plus souvent à faire échouer ce que l’éducateur aura mis tant de temps et d’énergie à mettre en place.
Ce qui est fait à la place de l’usager sans qu’il y ait de désir de sa part, est le plus souvent voué à l’échec.
C’est pourquoi il est important pour le travailleur social de ne pas écouter « le chant des sirènes » et de s’appuyer sur les capacités des familles pour entreprendre avec elles des actions.
Les représentations des uns et des autres sont de ce fait très importantes et il est important qu’elles soient pensées et parlées afin d’éviter ce genre de dérive.
Le fantasme du « rapt » d’enfant selon P. FUSTIER
P. FUSTIER 15 nous dit que : « On ne s’occupe pas impunément des enfants des autres. D’où le scénario fantasmatique du vol d’enfants. ».
Ce serait A.-N. Henri qui en aurait parlé pour la première fois en 1969. Puis A. Eiguer en 1981
Toujours selon P. FUSTIER 16 , l’origine de l’histoire de l’éducation spécialisée se trouverait dans la théorie selon laquelle les enfants concernés ont une « mauvaise » famille ce qui est la cause de leurs troubles. Il suffirait donc de substituer à cette « mauvaise » famille une « « bonne » famille afin de « réparer » l’enfant. L’institution serait cette « bonne »famille.
L’institution représente le cadre qui justifie cette appropriation de l’enfant, puisque c’est pour le bien de l’enfant. Toute culpabilisation est donc écartée.
Pourtant, penser qu’il suffit de retirer l’enfant de son milieu et de le placer dans un autre pour qu’il aille mieux relève de l’utopie. Selon P. FUSTIER 17 , cette représentation est pourtant encore observable dans les institutions : « Tous les éducateurs de maison d’enfant ont pensé à un moment ou à un autre que le week-end qu’un jeune passait en famille avait des effets néfastes ; l’enfant revenait « en mauvais état psychique », et « il faut toujours tout recommencer ».
Il ajoute que « L’idée qui affleure à la conscience pourrait être la suivante : l’éducateur, nouveau Sisyphe, travaille toute une semaine pour construire, et pendant le week-end la famille détruit tout ce qui a été péniblement réalisé » 18 .
Dans ce processus d’appropriation de l’enfant par les institutions de l’éducation spécialisée, et ceci pour le bien de l’enfant, les représentations que les travailleurs sociaux ont des parents occupent une place importante.
En effet, si les représentations sont négatives, sans autre alternative, les parents seront écartés de l’institution.
Mais cela n’est pas si simple. Les parents finissent toujours par se manifester, soit par leur absence, soit par leur présence.
En effet, dans les réunions institutionnelles deux thèmes reviennent régulièrement : l’absence des parents qui est inadmissible, ou au contraire leur trop grande présence qui se traduit par une confrontation aux travailleurs sociaux.
Il semblerait que les représentations négatives des parents d’enfants en difficultés amènent les travailleurs sociaux à ne pas reconnaître la capacité de ces parents à être parents.
P.FUSTIER nous dit que si l’on peut être géniteur d’un enfant inadapté on ne peut pas en être parent.
Il s’agit d’un mécanisme de minorisation des parents qui sont de ce fait ramenés au niveau de leurs enfants afin d’être traités comme tels par les travailleurs sociaux.
« En fin de course, le travailleur social n’aurait plus à rencontrer que des enfants, les uns réels et inadaptés, les autres imaginaires et géniteurs des premiers. » 19
7 Les conséquences sur l’action sociale
Etre dans l’agir
Lorsque le travailleur social intervient avec ses représentations, en ne les remettant pas en question, cela peut l’amener à être pris dans un mouvement qu’il ne maîtrise plus, et de ce fait, à être dans l’agir.
Qu’est-ce qui peut provoquer ce genre de fonctionnement de la part du travailleur social si ce n’est la notion de risque ?
En effet, il semblerait que les familles en grandes difficultés et apparemment sans défense, donc des familles particulièrement vulnérables, induisent chez les travailleurs sociaux un très fort sentiment de prise de risque.
De ce fait, être dans l’agir avec ses familles en organisant, par exemple, à chaques vacances scolaires le départ des enfants du domicile familial, ou en proposant de plus en plus d’activités au quotidien pour ces enfants, permet d’éloigner le sentiment de prendre des risques.
Le travailleur social se sent rassuré en agissant car c’est bien évidemment lorsque l’on se donne à soi même, et à la famille, le temps de voir évoluer la situation que la prise de risque est la plus importante.
Alors bien sûr, je ne fais pas ici part des situations dans lesquelles il n’est pas question de prendre du temps sans mettre la vie de l’enfant en danger. Dans ces moments il faut agir rapidement afin de protéger l’enfant.
Mais toutes les situations ne présentent pas ce caractère d’urgence, et pourtant nous sommes parfois amenés à y intervenir comme si cette notion d’urgence était tout de même présente.
L’intervention en AEMO est motivée par la notion de danger concernant l’enfant et les défaillances éducatives des parents.
Il semble donc légitime que les travailleurs sociaux se sentent en insécurité, face à une prise de risque qui n’est pas négligeable.
Mais on peut alors tout aussi légitimement se demander si le fait d’être dans l’agir sert les intérêts de l’enfant ou tout simplement les nôtres en nous rassurant ?
Avoir des exigences normatives
Une autre façon de travailler auprès des familles vulnérables en se basant sur les représentations que l’on en a, est de vouloir faire rentrer ces familles dans une norme qui peut être celle de la société et/ou la notre.
Cette attitude va souvent de paire avec celle citée précédemment. En effet, vouloir normaliser les familles et être dans l’agir lorsque cela échoue.
Quelles sont ces exigences normatives ?
* Il peut s’agir d’imposer des pratiques éducatives. C’est-à-dire que l’on veut apprendre comment faire aux parents avec leur enfant. Cela se produit souvent lorsque l’enfant est en bas âge.
* Il peut également s’agir de donner des lignes de conduites en société à ces familles. C’est-à-dire que l’on va jusqu’à les conseiller sur leurs fréquentations, leur manière de vivre dans la société.
* Il peut également s’agir de ne pas croire en leurs compétences, en leurs ressources pour s’occuper de leur enfant. De ce fait, on va leur demander de changer cette façon de faire qui leur est propre.
Nos représentations et les représentations de la société envers les familles vulnérables, prennent alors le dessus dans notre pratique éducative.
Ces familles se plient le plus souvent, en apparence, à toutes ces demandes qui ne correspondent de ce fait en rien à ce qu’elles sont, d’autant plus qu’elles ont la menace du retrait de leur enfant qui est permanente.
Le recours à la norme permet en quelque sorte aux travailleurs sociaux de mettre la vulnérabilité à distance.
Mais de quelle vulnérabilité parlons-nous depuis le début de ce travail ? De celle des familles bien sûr, mais qu’en est-il de celle des travailleurs sociaux ? N’est-ce pas à leur propre vulnérabilité que les renvoient ces familles vulnérables ?
Ceci m’amène à formuler l’hypothèse suivante : les familles vulnérables renvoient les travailleurs sociaux à leur propre vulnérabilité. Ce qui les amène souvent à être dans l’agir par rapport à une norme rassurante et contenante. Le fait d’agir contre cette vulnérabilité permet aux travailleurs sociaux de ne pas se retrouver eux-mêmes en position de vulnérabilité.
J’ai effectué mon stage de neuf mois dans un service d’AEMO. La mission de ce service est définie par le juge des enfants de Mâcon afin d’assumer une mission de protection de l’enfant dans le cadre de mesures d’Assistance Educative, qui se réfèrent aux articles 375 et suivants du Code civil.
Durant ces neuf mois de stage, j’ai eu l’occasion d’intervenir dans une dizaine de familles, en doublure ou seule.
Si j’ai choisi la situation d’Agathe c’est parce qu’il me semble qu’elle illustre, sous un certain regard, la façon dont les travailleurs sociaux, à travers ce qu’induisent leurs représentations, peuvent être amenés à travailler « contre » et non pas « avec » la famille.
La particularité de cette situation se trouve certainement dans le fait qu’elle met en scène plusieurs intervenants et donc des représentations de la famille vulnérables différentes.
Nous verrons ce que cette famille a induit chez ces professionnels, et de quelle manière ceux-ci vont s’en défendre, parfois au détriment de la famille.
« Lorsque l’enfant paraît, le cercle de famille applaudit à grands cris », écrivait Victor Hugo.
1
AGATHE
La mesure concernant Agathe est arrivée au service au mois de juin 2001, l’audience ayant eu lieu au mois de mai.
Cette mesure a été attribuée à mon référent de stage mais je suis intervenue toute seule dans cette famille.
Agathe a 6 mois lorsque j’interviens pour la première fois.
Mère : Mme D. a 30 ans. Elle bénéficie de l’Allocation Adulte Handicapé (AAH) et travaille dans un Centre d’Aide par le Travail (CAT).
Père : M. D. a 41 ans. Il est maçon grutier.
L’autorité parentale est détenue par les deux parents.
Mme D.
Mme D. a vécu une enfance extrêmement difficile et traumatisante. Elle a grandit entre un père alcoolique et violent et une mère complice de ces violences. Elle a un frère et deux sœurs.
Mme D. a été victime d’abus sexuels de la part de son père entre 9 et 15 ans. Lorsque vers l’âge de 25 ans elle se décide à dénoncer ces actes, son père se suicide et elle en garde une très grande culpabilité.
Mme D. a une très mauvaise image maternelle, elle assure que sa mère savait que son père la violait mais qu’elle ne s’y est jamais opposée.
Mme D. a été hospitalisée en hôpital psychiatrique lorsqu’elle était enfant, elle ne se souvient plus à quel âge.
De 11 à 18 ans elle a été en IME puis en IMP où elle est interne. C’est aussi à ce moment que son père cesse d’abuser d’elle.
A la sortie de l’IMP, elle obtient un CES dans la lingerie d’un hôpital.
Lorsqu’elle a 21 ans elle sera hospitalisée durant un mois dans le cadre d’une décompensation à la suite d’une rupture sentimentale.
Puis elle reprendra son emploi.
A l’âge de 23 ans elle sera violée par plusieurs hommes qu’elle connaît à la sortie de son travail. Elle porte plainte et ils seront condamnés.
Par la suite elle sera hospitalisée plusieurs fois suite à des crises d’angoisse.
Lorsqu’elle a 18 ans elle rencontre son mari par le biais d’une agence matrimoniale.
Mme D. est sous tutelle depuis qu’elle perçoit l’AAH. Cette tutelle sera remplacée par une curatelle au moment de son mariage.
Mme D. a déjà fait plusieurs tentatives de suicide. Elle est obèse et a un regard sur son corps qui est de l’ordre de la répulsion. Elle est intellectuellement limitée et travaille actuellement en CAT.
Elle est suivie sur le plan psychique depuis plusieurs années (elle ne se souvient plus depuis quand) et a un traitement médicamenteux destiné à limiter ses crises d’angoisse.
Mme D. se sent incapable de tout, comme on le lui a toujours dit. Elle passe par des phases de grandes angoisses durant lesquelles elle est capable de passer à l’acte. Elle n’a aucune considération pour elle-même car, comme elle le dit, ses parents l’ont un jour « jetée à la poubelle » ce qui pour elle montre à quel point elle est « inutile et bonne à jeter ».
M. D.
M. D. est le septième enfant d’une fratrie de 5 garçons et de trois filles.
Il a vécu jusqu’à l’âge de 8 ans avec ces parents. Il dit avoir eu une enfance heureuse jusqu’au moment où il a été placé avec ses frères et sœurs.
C’est en effet à l’âge de 8 ans que son père tombe malade et que sa mère place les trois derniers enfants afin de pouvoir soigner son mari.
M. D. garde de ce placement un sentiment de déchirure qui semble être encore très présent.
Il sombre à ce moment dans un mutisme qui disparaît lors des rares visites de son père.
Celui-ci décède alors que M. D. a 12 ans. Le décès lui sera caché et il ne l’apprendra qu’une fois son père enterré.
Il en garde une profonde blessure.
Après le décès la mère ne récupère que le plus jeune des trois enfants placés.
Il restera donc placé jusqu’à ses 14 ans, âge auquel il intègre un centre d’apprentissage de maçonnerie. Il le quittera pour revoir sa mère.
A l’âge de 16 ans il revient vivre chez elle et travaille. Il ne repartira qu’au moment de son mariage à l’âge de 39 ans.
De nombreux conflits existent entre lui et ses frères et sœurs qui lui reprochent sa possessivité envers leur mère.
A leur demande il sera mis sous curatelle car il donnait tout son argent à sa mère.
Ses frères et sœurs l’ont également inscrit à l’agence matrimoniale sans qu’il soit au courant.
M. D. est comme son épouse limité intellectuellement. S’il donne l’impression d’une meilleure santé mentale que son épouse, il n’en demeure pas moins très fragile psychologiquement.
M. D. ne semble pas avoir conscience de ses difficultés.
Pourtant il garde les traces d’une enfance difficile.
Il conserve une grande rancœur envers les établissements accueillant les enfants placés.
De toutes ces années durant lesquelles il a vécu seul avec sa mère il garde une difficulté à choisir entre elle et son épouse.
M. D. exerce la profession de maçon grutier. Il travaille toute la semaine.
Il s’occupe beaucoup d’Agathe le soir et le week-end.
Il présente donc une plus grande stabilité que son épouse. Mais il n’a pas conscience de ses propres difficultés et peut, lorsqu’il se sent dépassé par la situation, être lui aussi totalement incapable de s’occuper d’Agathe.
Mme D. est connue des services sociaux depuis qu’elle bénéficie d’une mesure de tutelle.
M. D. quant à lui, a bénéficié, avec sa mère, d’un suivi social suite à un signalement de la part des voisins concernant l’état de dénutrition dans lequel se trouvait sa mère.
M. D. aurait « séquestré » sa mère chez lui en la nourrissant très peu. Elle a été hospitalisée suite à l’intervention des travailleurs sociaux.
Alors que Mme D. est enceinte, la tutrice de l’UDAF s’inquiète pour la future naissance de cet enfant au vu de la fragilité mentale de Mme D.
Elle en fait part aux services sociaux compétents et un « suivi social » se met en place avant même la naissance d’Agathe.
Ce suivi social se présente sous la forme de visites à domicile d’une assistante sociale, d’interventions d’une travailleuse familiale deux fois par semaine et d’une sensibilisation de Mme D. concernant la naissance de son enfant délivrée par la PMI.
Ce dispositif a, selon les dires de Mme D., été mis en place avec son accord. Elle se sentait incapable de s’occuper seule de son enfant ainsi que de préparer sa naissance.
M. D. quant à lui accepte très mal l’intervention de « ces gens » chez eux. Il s’est montré très peu coopératif durant cette période, selon les dires des travailleurs sociaux.
Ici je me permets d’ouvrir une parenthèse afin de montrer que la notion de risque est d’ores et déjà présente, avant même la naissance d’Agathe.
Cette famille renvoie un tel sentiment d’insécurité, que les travailleurs sociaux ont mis un quadrillage social en place afin de parer au risque, de le prévenir.
On se rend compte qu’ici les représentations des travailleurs sociaux à l’égard des familles vulnérables jouent déjà un rôle important. En effet, personne ne prend le risque de laisser naître cet enfant afin d’évaluer à ce moment là les réelles capacités de ces parents. Il semble convenu que M. et Mme D. ne peuvent pas être de « bons » parents et qu’une aide est indispensable.
On peut en quelque sorte dire que les travailleurs sociaux ont prévenu tout danger et ont mis en place un dispositif qui les a protégés de toute prise de risque.
Mais reprenons le cours de notre récit.
Lorsque qu’Agathe est née, le dispositif social s’amplifie. En effet, les travailleuses familiales interviennent cinq fois par semaine, une puéricultrice et une assistante sociale interviennent également auprès de cette famille.
Aujourd’hui encore les travailleurs sociaux parlent de l’effervescence qui a régné après la naissance d’Agathe.
Il fallait être présent à tout moment de la journée afin de protéger cet enfant du danger que représente sa mère.
Puis Mme D. a repris son travail au CAT, quatre matinées par semaine. Durant ces temps de travail Agathe est confiée à une Assistante maternelle, les travailleuses familiales interviennent désormais trois après-midi par semaine et le reste du temps, Agathe va à la garderie afin de participer à des séances d’éveils.
Cette organisation de la semaine a été mise en place par les travailleurs sociaux toujours avec l’accord de Mme D.
Je ne parle pas de M. D. car celui-ci n’accepte toujours pas ce dispositif et il fuit les intervenants. Tout se met donc en place sans son accord.
Là encore on peut observer que rien n’est laissé au hasard, la semaine est quadrillée afin d’éviter toute prise de risque.
On peut tout de même se demander jusqu’où M. et Mme D. sont consentants avec ce fonctionnement.
En effet, lorsque les travailleurs sociaux nous disent aujourd’hui que rien ne s’est fait sans l’accord de ces derniers, on peut tout de même soulever un doute lié justement à la vulnérabilité de cette famille.
A-t-on conscience que pour se protéger de tout risque les travailleurs sociaux ont bénéficié du terrain favorable que constitue l’absence de libre choix des familles vulnérables ?
On observe dans cette situation que cette famille a induit un comportement préventif de la part des travailleurs sociaux dès avant la naissance d‘Agathe. La parentalité de ces deux personnes semblait inconcevable aux yeux des intervenants et il a donc fallu faire en sorte qu’elle ne puisse pas s’exprimer sans contrôle de la part des travailleurs sociaux.
Alors qu’Agathe a un peu moins de trois mois, on observe un retard psychomoteur chez elle. Des visites chez une psychomotricienne de la PMI sont donc programmées.
Agathe est également suivie par le médecin de la PMI.
Mme D. se rend à la PMI environ trois fois par semaine ceci pour les visites chez la psychomoticienne et chez la puéricultrice. Lorsque Agathe est malade ces visites sont plus nombreuses.
C’est au mois de mars qu’une « crise » secoue le couple. Crise dont l’importance inquiète les travailleurs sociaux ( la tutrice de l’UDAF et l’assistante sociale étaient présentes) qui envisagent de demander le placement d’Agathe afin de la soustraire au climat de violence qui règne dans le couple à ce moment.
Sur les conseils du médecin psychiatre qui suit Mme D., c’est finalement une mesure d’AEMO qui a été demandée et ordonnée par le juge des enfants.
Celui-ci motive cette mesure à partir des craintes des travailleurs sociaux et à partir de ce qu’il a pu comprendre de la situation familiale lors de l’audience.
De ce fait les motivations inscrites sur l’ordonnance qui parvient au service de la Sauvegarde sont les suivantes :
- les crises conjugales qui peuvent être parfois très violentes.
- La grande fragilité psychologique de Mme D.
- Le comportement de M. D. qui est parfois incohérent et inaccessible à la raison.
- Le climat d’insécurité qui résulte de ces éléments et dans lequel grandit Agathe.
Une expertise psychiatrique des deux parents a également été demandée par le juge des enfants.
Les motivations sur lesquelles s’appuie la mesure d’AEMO vient confirmer le risque existant dans cette famille.
Les représentations qu’induit cette famille trouvent ici une assise juridique.
Le risque est donc bien réel et le danger est maintenant signifié. L’article 375 et suivants sur lequel s’appuie le juge des enfants parle en effet d’enfance en danger.
Agathe fait maintenant partie de ces enfants qui se trouvent en danger dans leur milieu familial.
La mesure d’AEMO a démarré alors qu’Agathe a 6 mois.
Notre intervention représente un soulagement pour M. et Mme D. En effet, selon leurs dires, ils ont eu très peur qu’Agathe leur soit retirée et de ce fait cette mesure représente pour eux leur dernière chance. Ils se disent d’emblée prêt à collaborer.
L’accueil est donc chaleureux.
Mme D. met, dès la première visite, ses difficultés en avant ainsi que son incapacité à s’occuper de sa fille.
Son enfance difficile est très rapidement dévoilée.
Elle se présente telle qu’on l’a toujours vu, c’est-à-dire incapable.
M. D. quant à lui reconnaît les difficultés de son épouse et accepte de ce fait très bien cette mesure. Il dit n’avoir besoin d’aucune aide pour s’occuper de sa fille, c’est uniquement son épouse qui a besoin qu’on l’aide.
Agathe, est une petite fille souriante, sociable et qui se développe bien. Le retard constaté lorsqu’elle avait 3 mois n’est aujourd’hui plus observable.
Elle répond activement aux sollicitations et ne craint pas les personnes qu’elle ne connaît pas.
Malgré le grand nombre de personnes qui interviennent auprès d’elle (2 travailleuses familiales, la psychomotricienne, la puéricultrice, le médecin de la PMI, le personnel de la halte garderie, l’assistante maternelle), celle-ci semble s’en accommoder et se développe bien.
Mme D. s’est toujours positionnée en disant qu’elle avait besoin qu’on l’aide, qu’elle ne pourrait élever sa fille toute seule.
Son discours est empreint de termes psychologiques et relate sans arrêt les multiples difficultés qu’elle a rencontrées dans son enfance. Cela suffit selon elle à justifier ses angoisses et son besoin d’être entourée.
Mme D. semble avoir intégré le regard négatif qu’elle rencontre depuis son enfance.
On lui a toujours signifié qu’elle était incapable et de ce fait, avant même d’essayer quoique ce soit, elle se dit être incapable de le faire.
Elle tente de la même manière d’en convaincre son entourage.
Ceci peut expliquer les raisons pour lesquelles les différents services sociaux ont été conduits à intervenir massivement auprès de cette famille.
Le sentiment d’insécurité que renvoie le discours négatif de Mme D. et les actes qui viennent corroborer ce discours, ont soumis les travailleurs sociaux au risque.
Mais de quel risque s’agit-il au juste ?
Le risque concerne Agathe. En effet, il est stipulé dans la mise en place de la mesure d’AEMO qu’Agathe est en danger dans son milieu familial.
Mais avant la mesure d’AEMO, quel était le risque ?
Il me semble que le risque était de laisser grandir cet enfant avec des parents à qui on ne reconnaît pas le droit d’être des parents « imparfaits ».
En tant que travailleurs sociaux nous avons tous une représentation propre de la parentalité idéale.
De ce fait, lorsque nous nous retrouvons face à des parents qui ne correspondent en rien à nos représentations, nous avons du mal à leur reconnaître ce droit à la parentalité.
De ce fait, le désir est grand de prendre l’éducation de l’enfant en main, en imposant plus ou moins des lignes de conduite. Mais pour y parvenir les parents ne doivent pas être trop présents ou du moins pas trop en mesure de s’opposer à cette prise en charge de leur enfant.
La meilleure façon d’y parvenir pour les travailleurs sociaux est de mettre les parents sur le même plan que l’enfant, c’est-à-dire en les infantilisant.
Ceci explique peut-être la raison pour laquelle il arrivait que plus de 10 personnes se croisent chez M. et Mme D. en une journée.
Tenter de minimiser la prise de risque qui est pourtant inévitable parce qu’au cœur de l’exercice de la mission d’AEMO chez les travailleurs sociaux, peut parfois entraîner un excès de précautions qui ne servent plus les intérêts de l’enfant ni des parents.
Au cours de cette mesure, M. et Mme D. ont à plusieurs reprises signifié leur « ras le bol » concernant le dispositif social mis en place autour d’eux.
Pourtant cette aide ils l’avaient demandé, mais voilà, comme le dit Mme D. « pas à ce point ».
M. et Mme D. en sont arrivés à rejeter plusieurs points de ce dispositif.
Ainsi, ils ont cessé de mettre Agathe à la halte garderie le mardi et le jeudi après-midi. De ce fait, Mme D. peut passer ces deux après-midi par semaine avec sa fille sans qu’aucune autre personne ne soit présente.
Ils ont également cessé d’emmener Agathe chez le médecin de la PMI lorsqu’elle est malade. Ils ont désormais un médecin de famille qui possède son cabinet à quelques mètres de leur logement.
Ils ont décidé de prendre du large tout en ayant conscience qu’ils ne pourront tout arrêter. De ce fait, ils continuent d’emmener leur fille chez la psychomotricienne car ils sont conscients des bienfaits de ces séances.
Ces ruptures dans un dispositif bien rodé ne se sont pas faites sans heurts, sans douleurs.
Les travailleurs sociaux qui avaient « quadrillé » le suivi d’Agathe et de ses parents de cette manière, ont eu du mal à laisser cette famille prendre un peu de recul par rapport à certaines interventions.
Il y a eu des conflits qui se sont soldés par un sentiment d’ingratitude de la part des travailleurs sociaux et un sentiment d’incompréhension de la part des parents.
L’impression d’être infantilisés à été très forte à ce moment chez les parents. M. D. en l’occurrence a beaucoup déploré le fait qu’on ne lui fasse pas confiance en ce qui concerne la prise en charge de sa fille, notamment alors qu’il a été en vacances durant deux semaines.
A cette occasion, M. et Mme D. ont demandé à ce que les travailleuses familiales n’interviennent pas durant ces deux semaines afin qu’ils puissent les passer en famille sans intervention extérieure.
Mais cela leur a été refusé et les travailleuses familiales sont tout de même intervenues.
M. D. a très mal accepté cela.
Mme D. quant à elle, dit que tout est de sa faute, c’est parce qu’elle est incapable de s’occuper de leur fille que toutes ces personnes sont intervenues et qu’il est maintenant difficile de revenir en arrière.
M et Mme D. reconnaissent qu’ils avaient besoin qu’on les soutienne lors de la naissance d’Agathe. Mais ils estiment maintenant qu’ils se sont familiarisés avec la présence de leur fille et qu’ils se sentent moins angoissés. De ce fait ils réclament maintenant un peu plus de liberté en ce qui concerne son éducation. Même s’il n’a jamais été question pour eux que le dispositif social disparaisse totalement, simplement qu’il s’organise de manière différente.
En effet, si ce dispositif associe les parents plutôt que de les déposséder de l’exercice de leur forme de parentalité, il agira différemment et évitera de ce fait, la mise en place de défenses à son égard de la part des parents.
En s’organisant avec les parents, il agira plus efficacement et, de la même manière, paraîtra plus « léger » aux yeux de ces derniers.
Mme D. a beaucoup attendu de la maternité en terme de normalisation. Cela s’est soldé par une stigmatisation supplémentaire par le fait que l’aide attendue est omniprésente, génératrice de conseils parfois contradictoires et bien entendu culpabilisante pour Mme D. qui se sent d’autant plus incapable de s’occuper de sa fille lorsqu’on l’observe.
· ANALYSE DE L’INTERVENTION DES DIFFERENTS TRAVAILLEURS SOCIAUX
Il sera question ici des travailleurs sociaux qui ne font pas partie du service d’AEMO et qui interviennent auprès de la famille D. depuis la naissance d’Agathe, voire avant pour certains.
Il s’agit donc de l’assistante sociale, des travailleuses familiales, des tutrices de l’UDAF.
J’inclurai aussi dans ce groupe de personnes la puéricultrice qui occupe une place importante dans le dispositif de prise en charge de cette famille.
J’ai eu l’occasion de montrer à quel point les travailleurs sociaux ont investi leur mission concernant cette famille.
Essayons de voir par rapport à quoi on considère que cette famille est vulnérable. Et de même, quels sont les risques auxquels elle peut être confrontée.
En tant que travailleurs sociaux nous sommes constitués de diverses représentations, de valeurs, de normes qui nous appartiennent et qui sont également celles de la société.
De ce fait, et à juste titre, cette famille est désignée comme étant une famille vulnérable qui s’expose à divers risques à partir de ces représentations, valeurs et normes.
La vulnérabilité se désigne par comparaison à ce qui ne l’est pas. Cette famille présente donc des caractères qui permettent de dire qu’elle est vulnérable par rapport aux familles qui elles ne le sont pas.
Il y a vulnérabilité lorsque le risque se profile à l’horizon. Quels sont les risques dans cette situation ?
Tout d’abord les risques concernant Agathe :
- Le danger est réel pour cette petite fille. Sa protection est un devoir pour les travailleurs sociaux.
- En deuxième plan apparaît le risque qu’Agathe ne puisse pas bénéficier d’une éducation saine et épanouissante.
Puis les risques concernant les parents d’Agathe :
- Ils sont confrontés au risque de ne pas parvenir à se défendre face à ce dispositif qui est mis en place autour d’eux, de ne pas parvenir à faire part de leur désaccord et de s’imposer en tant que parents.
- Puis, il y a le risque de ne pas être entendus dans leurs souffrances, leurs demandes, leurs besoins.
Tout cela constitue des prises de risque auquel cette famille vulnérable est confrontée.
Les travailleurs sociaux se sont « engouffrés » dans la faille que présente cette famille. Ils ont investi les lieux, ils ont décidé pour ces parents, ils ont pris à leur compte l’éducation d’Agathe, étant entendu que ces parents n’en étaient pas capables.
Afin d’éloigner le risque de voir cet enfant se faire maltraiter, les travailleurs sociaux n’ont-ils pas placé cette famille face à un autre risque qui est celui de se faire déposséder de leur fille.
En voulant échapper à toute prise de risque dans le travail social, on en arrive à être dans l’agir afin de ne pas être confronté à notre propre vulnérabilité qui surgit régulièrement lorsque l’on travaille auprès de familles en difficultés.
La réaction des travailleurs sociaux lorsque cette famille a tenté quelque peu de passer à travers les mailles du filet est éloquente.
En effet, le sentiment de ne plus maîtriser chaque moment de la journée de cet enfant les a placés en position de vulnérabilité : tout pouvait arriver.
Les précautions dont s’entourent les travailleurs sociaux dans des situations difficiles sont indispensables mais ne doivent pas empêcher de penser les actions menées.
Lorsque l’AEMO débute dans la famille D., Agathe a 6 mois, son retard psychomoteur n’est plus observable et c’est une petite fille souriante et sociable qui se développe bien.
M. et Mme D. sont soulagé du fait qu’Agathe n’ai pas été placée suite à l’incident qui a amené les travailleurs sociaux à signaler cette famille au procureur de la République (voir p. 30).
Les travailleuses familiales interviennent à raison de trois demi-journées par semaine, Mme D. travaille tous les matins au CAT sauf le vendredi, Agathe va à la halte garderie deux après-midi par semaines, et durant les temps de travail de Mme D. elle va chez une assistante maternelle.
Les visites de l’assistante sociale se font régulièrement et Mme D. emmène sa fille chez la psychomotricienne de la PMI une fois par semaine.
Voilà où en est la situation lorsque débute cette mesure d’AEMO.
En tant que stagiaire dans le cadre d’un stage à responsabilité, le service dans lequel j’ai effectué ce stage m’a proposé de débuter et de mener toute seule une mesure.
C’est pour cette raison que je suis intervenue seule auprès de la famille D.
Cette mesure je l’ai menée en référence au service bien entendu, mais également à une équipe et surtout à l’éducateur référent de mon stage qui allait poursuivre cette mesure après mon départ.
J’ai également participé aux différentes instances de réflexions proposées par le service, tels que les réunions de synthèse et les séances d’analyse de la pratique.
Je suis intervenue de façon régulière auprès de la famille D. durant 6 mois et chaque visite s’est effectuée à leur domicile.
Lors des deux premières visites, Mme D. me parle surtout d’elle, de ses difficultés, de ses incapacités. Elle me vante les mérites des travailleurs sociaux qui interviennent auprès d’eux en disant que sans eux Agathe serait déjà placée.
M. D. quant à lui, s’efforce de me démontrer qu’il n’a pas besoin d’aide, que c’est surtout son épouse qu’il faut aider.
Ces premières visites se sont faites en présence des travailleuses familiales et en parlant avec elles et Mme D. j’ai appris à connaître l’existence du dispositif social mis autour de cette famille, sa composition et son fonctionnement.
De ce fait, sachant que la famille D. était déjà activement entourée et que la protection d’Agathe était organisée, j’ai pu me permettre de prendre du temps et d’effectuer mes visites à raison d’une fois toutes les deux semaines.
Très rapidement, je prends l’habitude d’organiser mes visites de telle sorte que je puisse voir M. et Mme D. ensemble mais également Mme D. toute seule.
J’ai en effet très vite remarqué le grand besoin de Mme D. de se confier, d’être écoutée.
Mon intervention sera de ce fait basée sur l’écoute prioritairement.
Je le redis, je peux me permettre de privilégier cette approche parce qu’un dispositif est déjà organisé autour de cette famille et que la protection d’Agathe est en quelque sorte assurée.
Lorsque M. et Mme D. me font part de leurs difficultés à supporter ce dispositif, qu’ils avaient pourtant demandé mais qui se fait à leurs yeux trop lourd, je leur fais part de mon intention de rencontrer tous les intervenants afin de les connaître dans un premier temps mais également de voir avec eux le fonctionnement de ce dispositif.
Cette synthèse sera organisée et je vais voir Mme D. le lendemain afin de lui faire part de ce qui s’est dit lors de cette réunion.
Elle est capable d’entendre nos inquiétudes à l’égard d’Agathe, le fait qu’il soit actuellement impossible de supprimer ce dispositif mais qu’il pourra éventuellement être réorganisé.
M. et Mme D. accordent beaucoup d’importance à ce que les travailleurs sociaux peuvent raconter sur eux lors de réunions comme les synthèses.
Je me suis donc très rapidement attachée à leur faire part de ce qui se dit dans ces moments et ceci dans les jours qui suivent la réunion.
Petit à petit, j’ai su gagner la confiance de M. et Mme D. et il me semble que le fait d’avoir été considérés avant tout comme des parents, en difficultés certes, mais des parents tout de même, leur a permis de se sentir plus en confiance.
Mon intervention ne s’est donc pas orientée vers l’agir, mais plutôt vers l’écoute, l’accompagnement dans la fonction parentale à travers la reconnaissance des capacités parentales de ces parents, la mise en lien de leurs histoires personnelles avec leurs difficultés actuelles.
Ces notions d’écoute et de reconnaissance des capacités, auxquelles je crois beaucoup, seront développées dans la troisième partie.
Le travail de partenariat que j’ai engagé avec les travailleurs sociaux a également porté ses fruits puisque cela aura permis de remettre l’organisation du dispositif en question et de ce fait de le repenser différemment.
Cette place particulière qui fut celle de l’AEMO, et la mienne en l’occurrence, m’a permis de mettre à jour les dysfonctionnements dont je fais part lorsque je relate cette situation.
Une mesure d’AEMO s’adresse à la famille. En effet, la mission concerne la protection de l’enfant mais également le maintien des liens dans la famille 21 .
De ce fait, ce qui s’est joué dans cette situation, aura permis de séparer ces deux notions. D’un côté la protection de l’enfant est assurée par tout un dispositif qui n’est pas parfait mais qui néanmoins permet à Agathe de rester auprès de ses parents, et de l’autre côté le maintien des liens familiaux est pris en charge par l’AEMO.
Peut-être qu’il est difficile d’intervenir sur les deux fronts en même temps, peut-être faut-il dans des situations telles que celle-ci intervenir à deux afin de pouvoir entendre tout le monde, de pouvoir prendre en compte toutes les souffrances et toutes les demandes.
Cela pourrait expliquer pourquoi les travailleurs sociaux qui ont connu cette famille avant même la naissance d’Agathe ont opté pour la protection de l’enfant. Cela devait leur sembler primordial et cela l’est effectivement.
Mais la souffrance des parents et leurs demandes doivent également pouvoir être entendues.
C’est pourquoi il me semble que dans cette situation précise, et malgré les désaccords qui ont existé, l’intervention des travailleurs sociaux extérieurs au service d’AEMO et celle de l’AEMO elle-même se sont finalement parfaitement complétées.
J’ai effectué mon deuxième stage de trois mois au Centre de Rééducation Fonctionnelle (CRF) de Romans-Ferrari dans l’Ain.
J’ai été intégrée dans l’équipe du groupe des 3-6 ans brûlés.
Les enfants accueillis dans le service de « brûlologie » le sont en règle générale pour une durée ne dépassant pas 6 mois.
J’ai choisi de relater cette situation car elle nous montre en quoi les travailleurs sociaux mais également des équipes soignantes, peuvent être en prise avec le désir de « rapt » d’enfant tel que l’entend P. Fustier.
Cette situation n’a pas été vécue de la même manière que la première puisque je n’étais jamais seule et de plus la durée du stage a fait que je n’ai pas vécu l’arrivée de ce petit garçon au centre ni son départ.
Il s’agit donc ici d’une situation uniquement tirée de l’observation et non d’une situation vécue comme la première.
2
JOËL
Lorsque je suis arrivée à Romans-Ferrari, Joël est là depuis 9 mois déjà. Il est en effet entré au centre en janvier 2000, il a alors 4 ans ½.
Il est séparé de ses parents qui vivent à 1 h 30 de voiture du centre. Il ne les voit de ce fait que le week-end lorsqu’il rentre chez lui.
Historique de la famille
Joël est un enfant Manouche qui vit dans une caravane avec ses parents et ses frères et sœurs et à l’intérieur d’une communauté avec d’autres familles Manouches.
Ses parents parlent mal le français et c’est le plus souvent la grand-mère paternelle, plus à l’aise avec la langue française, qui s’occupe des démarches administratives. Elle est sédentarisée et habite une petite maison non loin du campement.
Les parents de Joël partent souvent pendant plusieurs mois aux quatre coins de France en fonction des travaux saisonniers.
Les enfants suivent leurs parents dans ces déplacements.
Historique de la prise en charge de Joël au centre
L’accident dont a été victime Joël est arrivé alors qu’il jouait avec un de ses frères, un peu plus âgé que lui. Ils jouaient tous les deux dans une cabane en bois qui abritait un compresseur en marche. Le compresseur a explosé, Joël a été très grièvement brûlé et son frère est décédé.
Joël est sévèrement brûlé de la taille jusqu’aux orteils et au niveau du dos.
Il a longtemps séjourné à l’hôpital et il va à peine mieux lorsqu’il arrive à Romans-Ferrari.
Joël fait partie de ces cas difficiles qui arrivent régulièrement sur les différents groupes d’enfants brûlés.
La prise en charge à Romans-Ferrari se fait sur plusieurs plans.
Tout d’abord le plan médical.
Lorsque les enfants arrivent de l’hôpital ils sont en général greffés et leurs brûlures sont recouvertes de pansements. Ils ne peuvent donc pas immédiatement bénéficier d’une rééducation. De ce fait, ils sont toilettés et soignés par les infirmières du centre. Les médecins quant à eux suivent l’évolution des prises de greffes.
Lorsque les brûlures sont cicatrisées, que les greffes ont bien prises, l’enfant est à ce moment là appareillé. C’est-à-dire qu’il va devoir porter des attelles d’extension afin de tendre la peau brûlée pour éviter qu’elle ne rétrécisse.
Sous ses attelles il portera des vêtements de compression afin que la peau brûlée « s’aplatisse ». S’il est brûlé au visage, il devra également porter un masque pour la même raison.
Ces attelles, masques et vêtements de compression sont fabriqués sur place.
Puis un programme de rééducation va être mis au point à travers des séances quotidiennes de kinésithérapie et de douches filiformes.
Les médecins suivent alors durant le temps du séjour l’évolution de la brûlure. Lorsqu’ils estiment que l’enfant peut bénéficier des soins de kinésithérapie à l’extérieur du centre celui-ci peut rentrer chez lui. Il sera convoqué au centre deux à trois fois dans l’année pour une durée d’une semaine à chaque fois afin de bénéficier des douches filiformes.
Puis sur le plan scolaire
L’enfant est scolarisé dès que son état de santé le permet. L’école se situe à l’intérieur du centre et les enfants sont répartis dans les classes qui correspondent à leur niveau.
Les enfants du groupe des 3-6 ans font la sieste sur leur groupe l’après-midi et vont à l’école quand ils se réveillent.
Puis sur le plan éducatif
Lorsque les enfants ne sont pas en soin, ni à l’école, ils se trouvent sur leur groupe avec deux éducateurs.
Il s’agit donc surtout des soirées, des repas, des mercredis après-midi et des vacances scolaires.
Au centre de rééducation, la prise en charge médicale est prioritaire et essentielle. C’est pour être soigné que ces enfants arrivent à Romans-Ferrari. La scolarité et l’éducatif n’arrivent qu’en second lieu.
Dans les faits, une décision médicale l’emportera sur toute autre décision.
Les éléments tirés de mon observation
Joël suit son programme de rééducation depuis 9 mois lorsque j’arrive à Romans-Ferrari. Il ne souffre plus du tout et possède toute l’énergie d’un petit garçon de 5 ans.
Joël est très investi dans l’établissement, il est en effet, connu de tous, ce qui est loin d’être le cas pour les autres enfants du centre.
Cela se ressent également dans son comportement. Joël est un petit « tyran » avec tout le personnel et les autres enfants. On peut dire qu’il mène tout le monde un peu à sa guise.
Les éducateurs du groupe aiment à en rire et ils racontent souvent ce qu’ils ont vécu lorsque Joël est arrivé sur le groupe : la souffrance, celle de Joël et la leur, l’impuissance, surtout la leur, et l’attachement qu’ils ont ressenti envers ce petit garçon souffrant.
La vulnérabilité de Joël est ici induite par plusieurs facteurs. En effet, c’est un enfant de 4 ans et il est sévèrement brûlé.
Ceci le place dans une dépendance à l’égard des adultes qui vont lui délivrer les soins dont il a besoin.
De plus il est séparé de sa famille et amené à vivre dans un milieu qu’il ne connaît pas avec des codes et des modes de fonctionnement qui lui sont pour la plupart inconnus.
Comment en tant qu’adulte réagit-on face à cette vulnérabilité ? D’autant plus que la souffrance d’un enfant est toujours difficile à relativiser.
Dans ce cas précis, Joël a énormément souffert, les éducateurs en parlent encore souvent.
Les soins qui ont été entrepris, la mise des attelles, l’enfilage des vêtements compressifs, sont autant de gestes qui font souffrir l’enfant dans les premiers temps de son arrivée.
Il me semble donc que toute ces notions induisent la vulnérabilité des travailleurs sociaux qui vont de ce fait être amenés à réparer cette blessure.
L’attachement des éducateurs à cet enfant est réciproque. Joël réclame une relation exclusive qui est mise en péril lorsque j’arrive en stage. Il me le fait très rapidement comprendre.
Je comprends très vite que Joël n’est pas uniquement de passage ici, il y est fortement investi et le fait qu’il soit encore dans ce centre au bout de neuf mois en est une preuve.
Habituellement, l’équipe soignante « autorise » un enfant à rentrer chez lui lorsque son état de santé le permet, mais aussi lorsque les médecins ont la certitude que les soins vont être poursuivis à l’extérieur et que les mesures d’hygiène seront respectées.
En fait, ils ne demandent jamais aux parents s’ils vont doucher leur enfant tous les jours, s’ils vont lui mettre ses attelles et s’ils vont lui faire suivre assidûment les séances de kinésithérapie. Cela semble aller de soit lorsqu’il s’agit de familles qui correspondent aux représentations que nous avons tous de la famille idéale.
En ce qui concerne Joël, le problème se trouve à ce niveau : sa famille d’origine Manouche, vit en caravane, et se trouve la plupart de l’année aux « quatre coins de la France ».
On suppose donc une hygiène rudimentaire puisqu’il n’y a ni douche ni sanitaire dans la caravane.
D’autre part il a été supposé que les parents laissent leurs enfants courir et jouer où bon leur semble, les exposant de ce fait à de nombreux risques. Cela ne correspond en rien à la famille telle qu’on la préconise dans notre société.
Toutes ces raisons sont avancées par l’équipe soignante et les éducateurs pour justifier le fait que Joël soit encore ici au bout de 9 mois.
Avec à l’appui, les constatations faites lors des retours de week-end. En effet, il est vrai qu’une fois sur deux, Joël revient le dimanche soir sans ses attelles et dans un état de saleté qui laisse entrevoir qu’il a du passer un excellent week-end à jouer dehors avec ses frères et sœurs. D’ailleurs quand on lui pose la question, il n’hésite pas à nous raconter tout ce qu’il a fait, sans ses attelles bien sûr !
Lors de mon arrivée en stage, la question du retour éventuelle de Joël chez lui n’était pas à l’ordre du jour.
Jusqu’à ce que les parents se manifestent.
Les négociations
Deux mois avant Noël, les parents de Joël ont pris rendez-vous chez le médecin.
Après cet entretien, ils sont venus sur le groupe pour parler avec les éducateurs.
Les parents de Joël souhaitent récupérer leur fils avant Noël. Ils ne comprennent pas pourquoi il est toujours ici et disent que les séparations du dimanche soir sont très difficiles pour tout le monde, y compris pour Joël.
A partir de là, un véritable « bras de fer » va s’engager entre les médecins et cette famille.
Très rapidement la grand-mère paternelle intervient auprès des parents afin de les aider dans la compréhension de ce qui se décidera pour leur fils.
La situation est la suivante : les médecins refusent de laisser Joël rentrer chez lui car ce retour ne se fera pas dans de bonnes conditions selon eux :
- Les séances de kinésithérapie ne pourront pas être suivies régulièrement,
- l’hygiène dont a besoin une peau brûlée ne pourra être assurée
- le port des attelles ne sera certainement pas respecté et garanti.
Joël ne pouvait pourtant pas rester éternellement dans ce centre.
Certaines conditions ont été imposées aux parents par l’équipe soignante avant qu’on leur « rende » leur enfant.
- Un accord a été passé avec l’école du village afin que Joël puisse bénéficier des séances de kinésithérapie durant les temps scolaires.
- La grand-mère a fait construire une salle de bain chez elle afin que Joël puisse prendre une douche quotidienne.
- Les parents se sont engagés à laisser Joël chez sa grand-mère lorsqu’ils seront en déplacement.
De ce fait, Joël a pu rentrer chez ses parents au mois de janvier, juste après Noël.
Il aurait pu rentrer définitivement chez lui avant les vacances scolaires de Noël, mais les éducateurs ont préféré qu’il soit encore présent au moment de la fête de Noël organisée à Romans-Ferrari.
Comme aucune sortie définitive ne se fait durant les vacances, par manque de personnel, Joël est bien rentré chez lui pour Noël, mais il a du revenir une semaine après les vacances afin d’être examiné par les différents médecins et de ce fait obtenir l’autorisation de sortie définitive.
Ces deux aller-retour supplémentaires montrent à quel point il a été difficile pour cette équipe pluridisciplinaire de voir Joël quitter le centre.
Quel est le vécu de la famille ?
- Tout d’abord, ces parents sont confrontés à la mort accidentelle d’un de leur enfant. Cette mort est survenue à l’hôpital. Quel a été le regard porté sur eux ? A travers nos représentations de la famille idéale, comment a-t-on considéré cet accident ? A-t-on pu prendre en compte la douleur de ces parents ou au contraire a-t-on estimé qu’un décès dans une famille Manouche qui compte beaucoup d’enfants ne représente pas la même chose que dans nos familles à nous ? Quelle a été la part de culpabilité que leur a renvoyée l’équipe médicale ?
Je pose toutes ces questions, auxquelles je n’ai pas de réponses, car elles ont traversé mes pensées durant ces trois mois de stage.
- Ensuite, cette famille se trouve littéralement projetée dans un fonctionnement, celui du corps médical, qui leur était jusqu’à présent inconnu.
Cette confrontation avec des normes, des valeurs et des représentations qui ne sont pas les leurs a certainement du avoir un effet sidérant sur ces parents.
Ce qui les a certainement empêchés de s’imposer en tant que parents lors de la prise en charge de Joël à Romans-Ferrari. Ce n’est que vers la fin qu’ils se sont manifestés afin que leur fils rentre chez eux.
- Il leur a finalement fallu se plier aux exigences de l’équipe pluridisciplinaire de Romans-Ferrari pour pouvoir récupérer leur fils.
Ont-ils compris que leurs valeurs, leurs normes, ne seront pas reconnues comme acceptables et qu’il valait mieux céder pour ensuite pouvoir à nouveau vivre à leur manière ?
J’ai eu l’occasion de parler avec les parents de Joël lors d’une de leurs visites chez le médecin.
J’ai rencontré des difficultés à les comprendre, mais ce que je n’ai eu aucun mal à entendre, c’était leur souffrance, leurs incompréhensions quant à ce qui leur arrivait.
L’accident, la mort d’un des enfants, Joël qui est loin d’eux, tout cela était présent dans leur discours.
Après ce petit entretien je me suis fortement demandée ce que ces parents pouvaient vivre.
En effet, il est ici question de la souffrance de tout parent face à la mort d’un enfant. Souffrance accentuée dans ce cas précis car accompagnée du handicap de Joël et de la séparation.
Mais en plus, dans cette situation là, que comprennent-ils du regard qui est posé sur leur culture, leur mode de vie, leur façon d’éduquer les enfants, leur conception de la vie de famille, etc.
Il est vrai qu’à aucun moment la mort de cet enfant qui jouait avec Joël n’a été évoquée. Tout le monde était au courant et les éducateurs ont essayé à plusieurs reprises d’en parler avec Joël, mais personne n’a évoqué ce décès avec les parents.
Pourtant l’impact de la mort d’un enfant dans une famille ne peut être négligé.
Ces parents ont perdu un enfant dans cet accident et un deuxième est grièvement blessé et tarde à rentrer chez eux.
On peut imaginer que cet accident a brutalement amené cette famille à se confronter à une culture très différente de la leur. Le choc des cultures a été dans ce cas violent pour plusieurs raisons.
L’équipe pluridisciplinaire n’a pas ménagé cette famille. La vulnérabilité qui lui a été attribuée tient ici au fait que le risque encouru par Joël est réel et va perdurer en ce qui concerne l’évolution de ses brûlures.
Mais un autre facteur vient s’ajouter pour renforcer cette vulnérabilité : il s’agit du système de normes et de valeurs des familles Manouche qui est différent du nôtre.
De ce fait, cette famille se confronte directement à l’incompréhension et au jugement de valeur.
Etant minoritaire face à toute une équipe pluridisciplinaire, cette famille n’a eu comme seule alternative que de céder aux exigences normatives de cette équipe.
l’accompagnement de l’équipe pluridisciplinaire
· L’EQUIPE MEDICALE
L’équipe médicale à Romans Ferrari ne s’attache pas à résoudre les problèmes éventuels liés à la séparation de l’enfant d’avec sa famille, ce n’est pas son rôle.
On pourrait de ce fait imaginer que ces médecins sont à l’abri du risque de vulnérabilité. Après tout leur travail est de soigner les enfants, ce qu’ils font d’ailleurs très bien à Romans Ferrari.
Pourtant dans cette situation, on peut se rendre compte qu’il n’en est rien.
En effet, cette difficulté à vouloir laisser Joël rentrer chez lui, prouve que cette équipe médicale s’est elle aussi trouvée en situation de vulnérabilité.
Vulnérabilité induite par le fait que la guérison de ce petit garçon pouvait être compromise s’il rentre chez lui dans de mauvaises conditions. De ce fait, tout un dispositif a été mis en place afin de garantir cette guérison.
Pourtant, aucune garanti n’est possible dans cette situation, puisque personne ne sera là pour vérifier que toutes les mesures prévues seront appliquées à la lettre pour Joël.
Les médecins n’ont-ils pas eux aussi été confrontés à la vulnérabilité induite par la gravité des brûlures de Joël ? Face à cette vulnérabilité n’ont-ils pas tenté de mettre des actes de réparations en place afin d’éloigner cette vulnérabilité ?
L’équipe médicale n’est pas vulnérabilisée par la souffrance d’un enfant. Tous les jours ces médecins soignent des enfants en grande souffrance et ils parviennent à mettre de la distance entre cette souffrance et leurs propres émotions justement afin de pouvoir les soigner du mieux possible.
Mais là où ils se trouvent en situation de vulnérabilité c’est lorsque leur mission risque d’être compromise pour diverses raisons.
C’est ce qui s’est passé pour Joël. Ses origines culturelles avec son système de valeurs et de normes ont inquiété les médecins qui ne pouvaient envisager que Joël puisse rentrer chez lui dans des conditions de vie qui sont pourtant les siennes depuis sa naissance.
Voilà pourquoi Joël a fait l’objet de telles tractations.
· L’EQUIPE EDUCATIVE
En ce qui concerne l’équipe éducative, la situation est différente. En effet, les travailleurs sociaux s’attachent surtout à ce que l’enfant vive au mieux sa situation d’enfant blessé et de plus séparé de sa famille.
De ce fait, comme nous l’avons déjà vu, ils ont été confrontés à leur propre vulnérabilité face à ce petit garçon souffrant, et « transplanté » dans un milieu qui lui est totalement inconnu.
Les travailleurs sociaux ont compris que Joël ne rentrerait chez lui qu’à la condition qu’un dispositif soit mis en place afin de garantir la poursuite de la guérison. De ce fait, ils ont effectué les différentes démarches afin de permettre la mise en place de ce dispositif.
La place de l’équipe éducative dans ce centre est particulière car elle est soumise aux décisions médicales. De ce fait, les travailleurs sociaux ont dû se plier aux exigences des médecins afin de pouvoir organiser le retour de Joël.
Pourtant une fois que ce retour a été programmé, ils ont décidé de maintenir Joël une semaine de plus au centre afin qu’il puisse participer à la fête de Noël. Ce qui a occasionné deux aller-retour supplémentaires pour Joël.
Cette décision était la leur, et de ce fait totalement indépendante d’une décision médicale.
Cela n’est-il pas le signe de la propre difficulté de l’équipe éducative de laisser partir Joël ?
Finalement, Joël aura sensibilisé toute l’équipe pluridisciplinaire et de ce fait cela aura induit de la part des différents protagonistes la mise en place d’actes divers signifiant leurs difficultés à faire face à leur vulnérabilité.
En l’absence de lieu de parole où de tels actes auraient pu être soumis à la réflexion, cette vulnérabilité n’a pas pu être parlée et de ce fait elle a été agit.
LE « RAPT » D’ENFANT SELON PAUL FUSTIER
En écrivant cette situation, je n’ai pu m’empêcher de penser au fantasme du « rapt » d’enfant de P. FUSTIER 22 .
En y repensant aujourd’hui, je mesure toute la violence qui a traversé cette situation. Violence ressentie autant du côté de la famille que du côté de l’équipe.
Cet enfant qui a été sauvé de justesse de la mort, qui a été amené à Romans-Ferrari dans une grande souffrance, a été quasiment « rapté » par tout le personnel de cet établissement.
La non-reconnaissance du droit à être parents dans les conditions qui sont celles de cette famille a amené l’équipe à s’approprier l’enfant afin de le soustraire au risque que représente aux yeux de l’équipe pluridisciplinaire la « différence » du système de valeurs et de normes.
Mais ce risque est défini selon nos représentations, nos valeurs, nos normes, et non selon la réalité.
Alors bien sûr, l’accident est venu conforter ces représentations, car on peut toujours imaginer que si les enfants avaient été surveillés cela ne serait pas arrivé.
L’équipe a donc plus ou moins écarté les parents afin de pouvoir s’approprier l’enfant. Cela n’a pas été trop difficile au vu du choc des cultures auquel ont été confrontés ces parents, de surcroît endeuillés.
Mais les parents ont fini par se manifester et l’équipe a dû se résoudre à rendre l’enfant mais non sans avoir imposé une partie de leurs normes et valeurs.
Ce « rapt » d’enfant s’est fait en toute absence de culpabilité de la part de l’équipe. P. FUSTIER nous dit que l’institution a un rôle déculpabilisant pour les équipes dans ce genre de situation. En effet, l’institution accueille les enfants dans le but de les soigner.
Les raisons médicales avancées pour justifier le long séjour de Joël à Romans-Ferrari sont de cet ordre, elles mettent toute culpabilité à l’écart et légitime cette façon de procéder.
C’est, il me semble, ce qui s’est passé en ce qui concerne Joël.
1
LA PRISE DE RISQUE
« Choisir d’éduquer, c’est prendre le risque qu’une vie humaine s’accomplisse ou se défasse devant nous selon l’usage que cet être aura pu et voulu faire de l’existence personnelle dont il est responsable »
INTRODUCTION
« Consubstantiel de la vie le risque est, dès l’origine, lié à notre existence à laquelle selon son expérience, il donne pour partie le sens et l’économie ». 24
J. PLANTET nous dit que c’est l’éducation qui va déterminer notre rapport au monde selon la manière dont on aura été initié au risque.
De ce fait, tout éducateur est confronté à ses propres appréhensions qu’il fait ou non partager.
« …les enfants n’ont pas peur de vivre quand les parents n’ont pas peur de mourir » 25
Pour prendre des risques, l’éducateur doit avoir fait lui-même l’expérience du risque, et se sentir soutenu.
Mais, il ne saurait être question ici de témérité. La prudence doit rester la règle. Il ne faut pas prendre tous les risques.
Le risque est un mot clé à la mode dans la société. Celle-ci s’est durcie et le risque dans le travail social est présent beaucoup plus qu’avant.
« Le risque est une donnée consubstantielle de l’éducation et, plus encore, de l’éducation spécialisée » 26
LA PRISE DE RISQUE DANS L’INTERVENTION AUPRES DES FAMILLES
L’AEMO, par définition, est confrontée au registre de la prise de risque, voire du danger avéré 27 .
Mais lorsque nous intervenons auprès des familles que nous qualifions de « familles à risque », quelle est la prise de risque et qui concerne-t-elle ?
Quel est le risque pour le travailleur social ?
- Le risque de faire une erreur qui va mener à la faute professionnelle.
Il est vrai que les affaires de professionnels impliqués dans des procès suite au décès d’un enfant maltraité dans sa famille, se multiplient. De ce fait, les travailleurs sociaux prennent des précautions afin de limiter la prise de risque. C’est ce que j’ai pu observer dans la situation de M. et Mme D. où les travailleurs sociaux ont multiplié les étayages afin de parer à toute prise de risque.
- Le risque de se tromper, de voir le danger se concrétiser et de ce fait d’être déstabilisé dans ses certitudes.
Oser prendre le temps lorsque l’on intervient auprès des familles est angoissant pour les travailleurs sociaux. Il est en effet, plus rassurant d’être dans l’agir que d’être dans l’attente.
Se laisser le temps, tout en ayant pris les précautions nécessaires afin d’évaluer les dangers réels dans la famille, est une pratique plus complexe pour le travailleur social, mais beaucoup plus respectueuse de la famille.
Voyons maintenant quel est le risque pour les familles.
- le risque concerne bien sûr l’enfant qui bénéficie d’une mesure d’AEMO car le juge des enfants a estimé qu’il était en situation de danger dans sa famille.
L’enfant peut donc se trouver en situation de danger réel, et l’expérience du travailleur social sera à ce moment déterminante.
Si le travailleur social ne voit pas le danger dans lequel se trouve l’enfant, il s’agit alors d’une prise de risque qui va mener à la révélation d’un danger réel qui peut être fatal pour l’enfant.
C’est pourquoi, s’il est important de prendre le risque d’attendre, d’écouter, de comprendre avant d’agir, il ne s’agit pas d’un risque aveugle, mais d’un risque mesuré par une réflexion en équipe, en analyse de la pratique, et par l’institution auquel appartient le service.
COMMENT SE PROTEGER FACE AU RISQUE ?
Lorsque les travailleurs sociaux se sentent soutenus dans leur intervention auprès des familles, il leur est plus facile de « se risquer sans risquer » et cela sans trop d’angoisse.
Les différents outils mis à leur disposition, notamment en AEMO, vont créer une sorte de couverture qui va leur permettre d’oser prendre des risques.
Voyons quels sont ces outils :
- Tout d’abord, la mesure éducative
En effet, ordonnée par le magistrat, cette mesure éducative fait fonction de tiers.
En rendant compte régulièrement au juge des enfants de l’avancée de la situation, celle-ci est de ce fait co-évaluée par un tiers.
- Ensuite, l’institution auquel appartient le travailleur social.
En effet, en offrant la sécurité aux travailleurs sociaux, elle va leur permettre d’intervenir au sein des familles sans développer des mesures de précaution à outrance.
Pour cela, différents outils peuvent être mis à la disposition des travailleurs sociaux :
Les réunions de service sont un moment privilégié pour associer le travailleur social à la vie du service et par là à la vie de l’institution.
Les réunions de synthèse devant l’équipe et le chef de service avec un pédopsychiatre extérieur au service, constituent une manière de parler des situations au cours de la mesure afin de voir quelle peut être l’évolution de l’intervention dans les familles.
L’analyse de la pratique constitue également un outil non négligeable. En effet, parler de notre position dans la mesure éducative devant l’équipe, dans un lieu neutre et avec un psychanalyste extérieur au service, permet de remettre en question cette position et de ce fait nous situer face à notre pratique.
C’est différentes réunions ont toutes un rôle de tiers et de contenant.
Ce sont des espaces qui permettent de soumettre à la réflexion les différents problèmes que l’on peut rencontrer au cours de l’exercice de notre travail.
- L’équipe quant à elle, est une source indispensable et omniprésente pour le travailleur social.
En effet, il peut à tout moment faire part de ses inquiétudes ou incertitudes quant à une situation à ces collègues.
Il revient ici au service de privilégier les moments informels durant lesquels les travailleurs sociaux pourront se parler.
LE TRAVAILLEUR SOCIAL FACE A LA PRISE DE RISQUE
Qu’implique pour les travailleurs sociaux le fait de prendre des risques ?
Tout d’abord, lorsque l’on prend des risques face à une famille, on prend également le risque d’affronter sa propre peur, son impuissance.
En effet, en prenant le temps, par exemple dans la situation de la famille D., le travailleur social se trouve face à ses propres angoisses et également face à son impuissance d’amener cette famille à changer selon des critères de normalité.
Le fait d’être dans l’agir met nos angoisses et notre impuissance à l’écart car en agissant on se sent rassuré et si le danger se révèle tout de même cela sera indéniablement de la faute de la famille qui n’aura pas suivi nos instructions à la lettre.
Nous voilà de ce fait rassurés.
Le risque est souvent inhérent à l’acte de choisir.
Lorsque l’on fait un choix on n’est pas garantit du résultat.
« Le risque porte autant sur l’acte de poser un choix que sur les conséquences de ce choix » 31 .
Face au risque nous essayons toujours d’éliminer l’aléatoire, ce qui n’est pas possible en totalité. C’est ce que nous avons pu observer dans la situation de Joël où l’équipe pluridisciplinaire de l’établissement a tenté d’éliminer toute notion d’aléatoire en imposant à cette famille des actions normatives afin de parer à toute dérive.
Nous savons que cela est impossible puisqu’une fois Joël rentré chez ses parents, il allait être totalement impossible de vérifier le bon fonctionnement du dispositif mis en place.
Le caractère rassurant de ce genre d’action est ici évident. On essaie de limiter la prise de risque.
Car comme le dit P. DURRANDE : « Le risque est l’opposé du confort. Il est l’acceptation quoi qu’il nous en coûte du chemin inconnu à parcourir pour correspondre à ce que nous attendons mais que nous ne connaissons pas encore ». 32
« LADYBIRD »
J. PLANTET 33 s’appuie sur ce film 34 pour illustrer la question « …de ces cycles rompus ou à rompre, de ces services éducatifs ou sociaux qui traversent des générations dans la vie des familles, bref, de la répétition des stigmates et des symptômes, des réponses aussi qui parfois oblitèrent une simple possibilité de changement ».
Dans ce film nous observons ce que la subjectivité des travailleurs sociaux peut entraîner. En effet, suite à un « incident de parcours » de cette mère qui se débrouille comme elle peut pour élever ses quatre enfants, les services sociaux s’emparent de cette affaire et placent les enfants.
Lorsque cette mère rencontre un homme avec qui elle refait sa vie, elle a d’autres enfants qui lui sont alors retirés dès la naissance sans motifs si ce n’est son histoire.
Les représentations des travailleurs sociaux sont magnifiquement mises à l’œuvre dans ce qu’elles induisent dans les pratiques. Ce film qui nous montre également à quel point les travailleurs sociaux se défendent contre toute prise de risque qui consisterait ici à donner une nouvelle chance à cette mère en ne lui retirant pas systématiquement les enfants qu’elle met au monde sous prétexte que son histoire n’est pas conforme à ce qui devrait être l’histoire d’une « bonne mère ».
Cette histoire s’applique parfaitement aux nombreuses situations que nous rencontrons dans notre profession.
Nous sommes en effet, souvent tentés d’agir par rapport à une norme contenante qui nous rassure et nous donne le sentiment du travail bien accompli. Mais qu’en est-il des personnes concernées ?
Quelle garantie a-t-on que leur souffrance est reconnue, prise en compte ?
Ont-elles l’impression d’être reconnues, comprises, écoutées ?
Ou ont-elles plutôt la désagréable impression de n’être vues que sous leur mauvais profil et d’être réduites à leurs faiblesses, incapacités, incompétences… ?
Tous ces termes qui désignent ce qui les différencient des personnes « normales » ou du moins non « suivies » par les services sociaux.
Ce qui nous amène tout naturellement à la notion d’écoute.
2
LA NOTION D’ECOUTE
« J’ai beaucoup appris en écoutant attentivement. La plupart des gens ne sont jamais à l’écoute »
(E. HEMINGWAY)
INTRODUCTION
Prenons la définition de J. LAVOUE 35 :
« S’adresser à un autre suppose d’être en mesure de l’écouter, c’est-à-dire non pas de le conseiller avant tout, de lui dire ce qu’il conviendrait de penser ou de faire, pas davantage de pourvoir à ses manques, à ses besoins, de le saturer de présence et de soutien, mais de le reconnaître justement pour ce qu’il est : un être marqué par le manque et appelé à assumer ce dernier ».
Cette définition regroupe tout ce que j’ai pu observer lors de mon intervention auprès de la famille D.
La non acceptation du droit à la parentalité des parents d’Agathe, du moins, telle qu’elle s’exerçait, a entraîné une non reconnaissance de leur souffrance qui n’a de ce fait pas pu être entendue.
A t’on voulu étouffer cette souffrance en étant dans l’agir ?
QU’EST-CE QU’ECOUTER ?
Nous pouvons tous écouter l’autre lorsque celui-ci nous parle. Alors, pourquoi poser cette notion comme un des éléments fondateurs du travail social si cela va de soi ?
Parce que cela ne va pas de soi justement.
En effet, écouter l’autre c’est l’écouter même lorsqu’il ne dit rien, lorsqu’il est en colère, lorsqu’il est triste, lorsqu’il dit ne plus pouvoir continuer à vivre, lorsqu’il dit ne plus vouloir s’occuper de ses enfants,… bref, même lorsque ce que nous dit l’autre est difficile à entendre, voire « insupportable ».
Cette écoute ne va pas de soi. On a en effet, tôt fait d’interpréter les paroles de l’autre afin de leur donner un sens alors que celui-ci se trouve dans ce qu’il nous amène.
La qualité de l’écoute que nous offrons aux personnes en face de nous fera ou non émerger une parole qui sera constructive, qui permettra aux personnes de trouver elles-mêmes la provenance de leurs difficultés et à partir de là s’amorcera une esquisse de changement.
« Plus on est soi-même un sujet, plus on se révèle apte à écouter l’autre, lui permettant de s’aider lui-même à changer » 37
QUEL EST LE RISQUE DE L’ECOUTE ?
Le risque est présent pour le travailleur social. En effet, écouter réellement, suppose d’être en capacité d’entendre ce que nous n’avons pas toujours envie d’entendre.
Lorsque l’autre nous déverse tout ce qu’il a vécu jusque là, sa souffrance, son désespoir, ses résignations, tout ce que nous ressentons comme des « horreurs » et qui peuvent jalonner le parcours d’une personne, nous nous sentons envahis, assommés et souvent dans l’incapacité de penser la suite de notre intervention.
De ce fait, le risque de se sentir submergé par les paroles de l’autre est présent. De plus, il s’agit pour le travailleur social de poursuivre son intervention auprès de cette personne.
Que fera-t-il de ce qu’on lui a dit ? Peut-il en parler dans le cadre de son travail ?
Il s’agit là d’une question d’éthique. Peut-on révéler ce que nous a livré une personne dans un moment de désespoir plus important que d’autres ?
De ce fait, écouter la parole de l’autre met souvent le travailleur social face à des questions qui n’ont pas forcément de réponses et qui impliquent de sa part une pratique éducative fortement ancrée et une capacité à entendre ce qu’on lui dit sans que cela ne parasite la relation avec l’autre.
Cela suppose que le travailleur social ait la capacité à ne pas rester seul au sein même de l’institution. Qu’il soit en mesure d’y trouver le soutien dont il aura besoin dans ces moments précis.
Cela suppose également que le travailleur social ait un espace de parole intra ou extra institutionnel qui lui permette de « déposer » et soumettre à la réflexion ce qui est difficile à garder en soi.
En écoutant l’autre on se retrouve également confronté à nous-mêmes, à ce que nous sommes.
La violence des propos de l’autre nous confronte à notre propre violence, et nous ne sommes pas toujours prêts à reconnaître cette dernière.
3
LA NOTION DE VIOLENCE
« Aide et violence forment un tout et c’est le tout qui doit être changé »
(B. BRECHT, Le vol des Lindberghs )
INTRODUCTION
Je souhaite parler ici de la violence qui est sous-jacente à l’intervention auprès des familles.
Cette violence je l’ai observée dans les deux situations que j’ai relatées dans la deuxième partie. En effet, nous sommes souvent amenés à décrier la violence des personnes qui sont concernées par notre intervention, mais, très rarement nous interrogeons notre pratique éducative afin de prendre en considération notre propre violence.
Il en est de même de la violence inhérente à l’intervention dans l’intimité des familles.
L’INTERVENTION AUPRES DES FAMILLES
La multitude de problèmes rencontrés dans les familles et leur augmentation, justifie l’intervention publique dans le domaine, pourtant privé par excellence, que reste la famille.
L’éducateur d’AEMO se doit de limiter l’ingérence puisque les parents sont les premiers compétents en ce qui concerne l’éducation de leurs enfants. Mais à l’inverse il a un devoir d’ingérence afin de sauvegarder les plus faibles que sont les enfants.
Selon J. LAVOUE 39 , l’éducateur travaille dans le respect de l’autorité parentale et dans la vigilance constante au droit, à la parole et à la protection de l’enfant.
Le travail des acteurs sociaux au service de l’enfant et de sa famille, « […] est un relais provisoire qui doit savoir s’effacer lorsque les parents parviennent à assumer plus pleinement leur part » 40
Soutenir les parents dans leur fonction éducative, revient en quelque sorte à les aider, les conseiller en ayant à l’esprit qu’eux seuls détiennent les clés pour accéder à ce qui est bon pour eux.
Il y a violence faite aux familles lorsque le travailleur social prend trop de place, va trop loin, ne reconnaît pas les compétences des familles mais uniquement leurs incapacités.
J. LAVOUE nous dit que dans la violence la parole n’est plus de mise, la souffrance ne peut plus être entendue, et seule continue à s’afficher une prétention à réparer, à placer, à loger quand dans le même temps travaille en profondeur un mépris total de l’humain.
« La famille est en difficulté, en souffrance : elle a envie de crier sa souffrance. Or trop souvent les travailleurs sociaux paraissent très compliqués face à cette souffrance ; ils viennent armés de tout un arsenal de conseils, de techniques, de contraintes » 41
LA VIOLENCE AU NOM DU BIEN DE L’ENFANT
Il s’agit d’une violence de la part des travailleurs sociaux et des services sociaux qui est la plupart du temps inconsciente.
En effet, au nom du bien de l’enfant, en référence à leurs missions, aux attendus de l’ordonnance, les travailleurs sociaux se sentent souvent tenus d’agir avant d’écouter afin de se protéger, comme nous l’avons déjà vu, et de répondre aux attentes du service, des magistrats, de la société…
X. BOUCHEREAU 42 se pose les questions suivantes : « Jusqu’où, sommes-nous prêts à aller pour aider les familles ? Quelles sont les limites du droit d’ingérence ? Le bien justifie-t-il toujours les moyens ? »
Il est vrai que les travailleurs sociaux peuvent être tentés d’aller toujours plus loin dans l’exercice de leur mission. La tentation est en effet grande d’occuper une place de plus en plus importante dans les familles, d’aller toujours plus loin dans leur intimité.
En parlant des réunions de synthèse qui se font la plupart du temps sans les parents, J. ROBION 43 dit ceci : « Il n’y a plus guère que l’usager, à l’issue d’une réunion de synthèse, à tout ignorer de son inconscient ! »
Ceci, je l’ai vérifié lors de mon intervention auprès de la famille D.. En effet, la manière dont se sont déroulées les synthèses, sans les parents, m’a fortement questionnée. Et l’inquiétude des parents vis-à-vis de ce qui a pu se dire m’a démontré la violence de telles pratiques qui sont pourtant instituées et de ce fait non questionnées.
C’est « Comme si il y avait quelque chose d’insupportable dans l’idée que le remède, c’est-à-dire l’intervention éducative, puisse amplifier les états de souffrance qu’il est sensé combattre » 44
Accepter que nous puissions nous-mêmes être violents dans les actes que nous considérons pourtant comme aidant, va nous aider à comprendre la violence qui traverse souvent les familles auprès desquelles nous intervenons.
J’aimerais finir ce paragraphe par une citation assez longue de P. PELEGE qui me semble-t-il définit bien la manière dont l’intervention éducative peut être violente.
« Les parents, dont les enfants ont des mesures d’AEMO, ont à vivre forcément et sont dans des représentations du monde où ils sont désignés du côté de la disqualification, dans le cas où l’assimilation sémantique les confond à la place de leurs enfants. Il devient courant de parler de famille AEMO ou de mesure sur les familles dans les pratiques. Ce qui peut faire injure, pour eux, est la présence même de la mesure ; comment s’étonner, dès lors, du nombre de visites loupées ou de portes closes pour les entretiens avec les travailleurs sociaux chargés de la mesure, pour s’entretenir de quoi ? De l’injure socialement organisée » 45 .
4
LE TRAVAIL DE PARTENARIAT
« On doit agir ensemble parce que la situation est telle et qu’on regarde l’autre comme capable d’agir, c’est la condition première du partenariat » 46
INTRODUCTION
Travailler en partenariat me semble être une des solutions pour éviter de tomber dans des dérives telles que la toute puissance, la trop grande intrusion dans la famille, la non-reconnaissance des compétences des familles, bref, tout ce qui fait que notre action est plus destructrice que réparatrice.
Pour cela il faut travailler ensemble avec les différents partenaires qui peuvent parfois être nombreux en AEMO. Cela n’est pas toujours facile car chaque intervenant est différent des autres et de ce fait, les représentations se bousculent ainsi que les différences dans les pratiques professionnelles.
Pourtant ces différences ne devraient idéalement constituer aucun problème puisque le partenariat employé comme principe d’une démarche d’ouverture s’inscrit dans une logique de rencontre d’acteurs différents autour d’enjeux communs.
Ce qui nous réunit lors d’un travail en partenariat, c’est une famille auprès de laquelle les différents acteurs sont amenés à intervenir. Il s’agit d’agir ensemble plutôt que chacun individuellement.
C’est ce qui faisait défaut dans la situation de la famille D. où le travail de partenariat a eu du mal à se mettre en place et où les interventions des différents travailleurs sociaux se faisaient de manière individuelle et sans coordination.
De même, on ne peut qu’encourager le travail avec les familles et non contre elles. De ce fait, il me semble important que les parents aient connaissance de l’action éducative qui est mise en place et de ce qui peut se dire lors des réunions de synthèse afin qu’elles ne se sentent pas dépossédées de leur responsabilité parentale.
LA SOLITUDE EN AEMO
Le travailleur social en AEMO a vite fait de se transformer en « loup solitaire » s’il n’y prend pas garde.
Pourtant lorsqu’une AEMO judiciaire est ordonnée, il arrive dans la plupart des cas que l’éducateur ne soit pas la seule personne à intervenir auprès de cette famille.
De ce fait, l’éducateur sera amené à rencontrer les différents partenaires extérieurs au service. Mais rencontrer ne veut pas dire travailler ensemble. En effet, c’est une véritable coordination qu’il faut mettre en place afin de produire une action éducative efficace.
Lorsque des travailleuses familiales, une puéricultrice, une assistante sociale, une tutrice aux prestations sociales…interviennent auprès d’une famille, se sont autant d’interventions spécialisées avec pour seul et unique but : la protection de l’enfant.
S’il n’existe pas un véritable échange autour de ces diverses interventions, cela va produire de la violence et l’activation des mécanismes de défense sociaux de la part des parents.
Il est donc important, dans certaines situations complexes, d’engager un véritable travail en collaboration avec les partenaires extérieurs au service auquel appartient le travailleur social.
D’autant plus que la mesure d’AEMO est empreinte de cette dualité qui implique de la part du travailleur social de garantir la protection de l’enfant tout en maintenant les liens de l’enfant au sein même de sa famille. 47
Le travail de partenariat peut de ce fait être précieux comme nous avons pu l’observer dans la situation de la famille D.
Une autre solution pourrait être celle proposée par ce père dont les enfants bénéficient d’une mesure d’AEMO :
« Le rôle de l’éducateur, c’est pas facile non plus, ils sont toujours un peu en porte à faux, ils essayent d’arranger les choses des deux côtés, à la fois du côté des parents et du côté des enfants et ça c’est difficile. […], pour que chacun puisse être écouté, il faut peut-être que l’éducateur ou l’assistante sociale soit pas seul, que la mesure éducative soit faite par deux personnes » 48
LE TRAVAIL AVEC LA FAMILLE
Ne pas exclure la famille de ce travail de partenariat me semble important.
« Collaborer mutuellement, c’est apporter quelque chose à l’autre, non pas à sens unique, mais dans les deux sens » 49
Car il ne faut pas oublier que c’est la famille qui détient les clés de ce qui est bon pour elle. De ce fait, faire sans elle ne sera pas efficace, alors que faire avec elle le sera.
Pour cela il faut reconnaître des possibilités d’évolution aux familles et
s‘appuyer sur leurs compétences.
Mais il faut également reconnaître ses propres limites, sa propre impuissance.
« Il est important de savoir reconnaître ensemble nos propres limites, nos situations d’échecs. savoir nous reconnaître ensemble « paumés » à certains moments, n’est-ce pas déjà le constat d’un besoin d’aide mutuelle ? » 50
Dans ce cas, est-il possible de pouvoir comprendre une situation familiale entre professionnels sans que les parents soient conviés à certaines réunions ?
Il me semble important d’inclure les parents dans la mise en place de la démarche éducative, c’est toute la différence entre « faire » et « faire avec ».
LE PARTENARIAT CONTRE LA VIOLENCE DE L’INTERVENTION EDUCATIVE
Lorsque de nombreux intervenants « gravitent » autour de la famille, il est important de mettre un réel travail de partenariat en place afin de rendre ces interventions moins violentes.
La violence sous-jacente que j’ai décrite dans la situation de la famille D. aurait pu être évitée si une réelle concertation entre les différents partenaires avait eu lieu.
Il faut dire que lorsque chaque parcelle de la vie d’une famille est sous contrôle social, la violence de la situation est présente, à nous de faire en sorte de l’atténuer en coordonnant nos interventions.
Lorsque je parle de partenariat, il peut tout aussi bien s’agir de partenariat au sein d’une équipe. En effet, les collègues de travail représentent une aide précieuse lorsqu’on est confronté à une situation qui nous questionne.
L’équipe de travail est d’autant plus importante en AEMO, afin de ne pas se sentir trop seul dans notre travail.
Il est également important de préciser que le métier d’éducateur est d’emblée « […] le prolongement d’autres institutions qui l’instituent, le mandatent et déterminent son cadre d’existence » 51 .
J. LAVOUE poursuit ainsi : « Il y a de l’autre, juridique, social à la base de la structure éducative » 52
La toute puissance est donc exclue puisque l’éducateur réfère, rend compte à une hiérarchie, à une équipe.
5
L’ASSISTANCE EDUCATIVE COMME RECONNAISSANCE DES COMPETENCES PARENTALES
« Le sentiment d’existence dépend, d’une bonne part, du regard que les autres portent sur nous »
( Primo Levi, Si c’est un homme ) 53
ASSISTER ET NON REMPLACER
En intervenant auprès des familles en difficultés, il est important d’avoir en tête que les principaux éducateurs restent les parents.
La mission des professionnels consiste à assister, « nous sommes à côté d’eux (les parents), et non pas à leur place, pour les aider, les conseiller et leur permettre surtout d’exercer le plus pleinement possible leurs responsabilités de parents ». 54
Il est vrai que dans les familles en difficultés, nous sommes souvent confrontés à la confusion des places et il est important d’amener chaque membre de la famille à occuper la place qui est la sienne, mais sans chercher à se substituer aux parents.
Nous devons soutenir la fonction parentale avant tout.
La tentation est grande pour les professionnels de se substituer aux parents, le plus souvent inconsciemment.
Lorsque les parents se sentent dépossédés de leur fonction parentale, cela va entraîner des confusions et générer de la violence.
Il ne faut pas oublier que les professionnels sont responsables de la mission qui leur a été confiée, une mission d’aide et de conseil, et non pas des conditions d’éducation des enfants.
C’est pourquoi il est important que les éducateurs « […] renoncent à promouvoir un idéal éducatif pour faire la place à un espace psychique dans lequel l’enfant puisse se construire avec ce à quoi il a nécessairement affaire : l’imperfection parentale ». 55
Cela signifie que les professionnels se dégagent de leurs représentations concernant le bien de l’enfant et qu’ils acceptent le fait qu’ils ne savent pas, qu’ils doutent et que c’est finalement au sein même de la famille qu’ils vont pouvoir comprendre ce dont les personnes ont besoin.
ASSISTER ET NON STIGMATISER
« Avec les familles cibles habituelles de l’intervention sociale, les signes et les valeurs affectés normalement aux conduites parentales semblent s’inverser, en raison de l’inquiétude qu’elles mobilisent » 56
« Tout peut faire signe de danger lorsqu’on est une famille stigmatisée » 57
Les familles qui sont concernées par l’assistance éducative, ont vite fait de se retrouver au cœur d’un réseau d’observation et tous leurs faits et gestes sont évalués au regard de leurs carences.
De ce fait, tout est sujet à risque : leur culture, leurs fréquentations, leur mode de vie…
L’assistance éducative s’appuie alors sur les manques de ces parents pour mettre un dispositif d’aide en place.
Peut-être serait-il intéressant de s’appuyer sur les capacités des parents afin de les restituer dans leur fonction parentale.
Le dispositif d’étayage qui est mis en place afin de venir en aide aux familles en difficultés peut avoir un effet stigmatisant et entraîner de ce fait, des réactions négatives de la part des parents.
Le sentiment de ne jamais correspondre à ce que l’on attend d’eux envahit alors les parents qui ne se sentent pas reconnus dans leur fonction parentale.
On pourrait dire avec Freud : « Quoi que vous fassiez, parents, vous aurez toujours tort »
Freud appliquait cette phrase aux parents en général et pas uniquement aux parents en difficultés.
Sommes-nous alors bien placés pour mesurer l’incompétence parentale ?
« Comme s’il était possible […] d’identifier le niveau d’aptitude de chaque parent dans sa mission socialisatrice et, en conséquence, de diagnostiquer l’incompétence parentale, la défaillance, voire l’irresponsabilité ». 58
ASSISTER ET NON JUGER
« Il s’agit pour les professionnels de dépasser les jugements de valeurs, voire les sentiments de rivalité ou de défiance, pour réfléchir aux attitudes et aux dispositifs les plus propices à de réelles et nécessaires relations de collaboration ». 59
J. J. SCHALLER 60 nous dit qu’il ne faut pas identifier la personne à ses conduites, mais s’intéresser à elle pour ce qu’elle est, au-delà de son symptôme.
De ce fait il est important de ne pas juger les familles en les définissant selon un manque.
Il me semble que pour ne pas juger les familles, nous nous devons de reconnaître nos propres difficultés, de tenir compte de notre propre histoire qui nous constitue, de nos appartenances culturelles, de nos émotions. Alors seulement nous serons en mesure de respecter les différences des personnes que nous avons en face de nous.
Au-delà de la mission qui nous est confiée, il importe, à mon sens, de reconnaître le droit aux familles d’être différentes des représentations que nous pouvons avoir de la famille.
ASSISTER ET NON ECARTER
« Les discours sur la citoyenneté sont vains quand, dans les pratiques institutionnelles, les moyens mis en œuvre sont réalisés « pour » les usagers et non pas « avec » eux » 61
Les professionnels n’ont-ils pas parfois la tentation de mettre les parents à l’écart afin d’avoir une liberté d’action plus grande ?
Cela peut s’observer à travers plusieurs attitudes pourtant courantes.
Les réunions de synthèse se font couramment sans les parents, comme nous l’avons déjà vu.
J. ROBION 62 dénonce cette pratique en disant que d’un point de vue éthique, tout savoir élaborer sur l’usager sans l’usager à quelque chose de gênant, d’anti-analytique.
Ne serait-ce pas reconnaître aux parents leur fonction parentale en les invitant à participer à ces réunions où il est finalement question d’eux et des relations avec leurs enfants ?
Le fait d’organiser systématiquement les vacances scolaires des enfants, en faisant toutes les démarches alors que les parents pourraient en prendre certaines en charge, peut également être assimilé à de la non-reconnaissance de la compétence des familles.
Il me semble important d’accepter le fait que les enfants auprès desquels nous sommes amenés à intervenir font partie de familles qui sont certes en difficultés, mais qui constituent leur milieu de vie depuis leur naissance.
Vouloir les en écarter est une utopie. Les enfants ont les parents qu’ils ont, même si ceux ci ne correspondent pas aux critères et aux normes en cours dans la société.
Il me semble donc que la protection de l’enfant ne justifie pas toujours les moyens employés dans le cadre de l’assistance éducative.
Celle-ci doit se faire avec les parents et non contre eux ou sans eux.
Au cours de la rédaction de ce mémoire, je me suis aperçue du caractère aléatoire du terme de vulnérabilité. En effet, je me suis trouvée en difficulté pour définir cette notion et pour ensuite me tenir à cette définition tout au long de cet écrit.
Peut-être cela vient-il du fait que la vulnérabilité ne se mesure que par rapport à la « non-vulnérabilité ».
J. DELOR 64 estime que le terme de vulnérabilité, du fait de son utilisation de plus en plus diversifiée dans le monde du social, peut désormais difficilement s’appliquer à des situations concrètes.
Il est pourtant important de savoir de quoi l’on parle lorsque l’on désigne une famille comme étant vulnérable.
Il est indispensable de pouvoir définir la vulnérabilité de certaines familles par rapport à des risques précis.
De ce fait, afin de pouvoir désigner une famille comme étant vulnérable, nous devons être en mesure d’établir la vulnérabilité par rapport à des critères précis et non selon nos propres représentations et valeurs.
Nous avons vu au cours de ce travail que l’on désigne la vulnérabilité par rapport à un ou plusieurs risques.
Il paraît donc important de savoir de quel risque il est question.
En ce qui concerne le monde du travail social, le risque concerne l’enfant avant tout. En effet, dans ce cadre précis, les familles sont désignées comme vulnérables par rapport au risque encouru par leur(s) enfant(s).
Les risques de maltraitance, de négligence, de carences éducatives, sont les premiers risques invoqués.
De ce fait, nous désignons comme vulnérables les familles qui nous semblent être en risque de mettre leur(s) enfant(s) en danger.
Nous avons vu que les représentations de la famille « non vulnérable » sont on ne peut plus aléatoires, puisque nous les fondons sur des valeurs, des idéaux qui sont eux aussi très variables selon l’époque et la société.
De ce fait, n’est ce pas un risque de plus auquel nous confrontons ces familles en les désignant comme vulnérables ?
Une famille pourra-t-elle se débarrasser de cette image une fois qu’elle lui aura été attribuée ?
Le déploiement social qui se fait autour de ces familles vulnérables, s’il est certes justifié, me semble parfois prendre un peu trop de place.
La difficulté à restituer la place aux parents lorsque ceux-ci se manifestent dans ce sens, est de ce fait d’autant plus difficile pour les professionnels qui ont sur- investi leur mission.
Je ne prétends pas détenir le secret pour éviter de tomber dans ce genre de fonctionnement.
Lors de mon stage de neuf mois, je me suis moi-même surprise à penser que certains parents ne pouvaient correctement éduquer leur enfant. Ce constat je l’avais établi à partir de mes propres représentations de la famille idéale.
Je me souviens également de mon malaise face à ces enfants placés lors de mon premier stage. En effet, la vie de ces enfants en institution avec tout ce que cela entraîne, comme la promiscuité, une intimité réduite, la violence de la vie de groupe, ne correspondait pas à la représentation que j’avais de l’enfance. De ce fait, j’ai effectué les débuts de ce stage dans cet état d’esprit, en ne voyant que les mauvais côtés de cette vie en institution.
Ce n’est qu’au bout de quelques semaines que j’ai pu voir que la vie de groupe réserve également des bons moments, que mon idéal d’enfance n’est pas forcément la seule manière pour un enfant d’être heureux.
Il nous faut donc sans cesse remettre nos représentations en question lorsque nous nous trouvons face à une situation qui génère en nous un profond malaise. S’interroger sur la provenance de ce malaise me semble pertinent.
L’analyse de la pratique est un outil précieux pour nous aider dans cette démarche.
De ce fait, pour éviter d’être dans l’agir face à ces familles vulnérables, il est important de se donner du temps, tout en évaluant le danger réel pour l’enfant.
Il me semble de toute manière qu’un excès d’activisme cache en règle générale un aspect de nous auquel nous ne souhaitons pas être confrontés. Agir est de ce fait un excellent moyen pour mettre nos émotions à l’écart.
L’acceptation de notre propre vulnérabilité me semble être le meilleur atout pour les travailleurs sociaux qui sont amenés quotidiennement à travailler avec les familles vulnérables
La vulnérabilité fait partie de ces maux de la société que nous côtoyons quotidiennement mais qui paradoxalement semblent tellement lointains pour nous qui nous considérons à l’abri puisque parfaitement intégrés dans la société.
Pourtant, à l’instar de R. CASTEL, on pourrait dire que la frontière entre le fait d’être intégré dans la société et celle de la vulnérabilité est bien mince, puisque selon lui il suffit d’avoir un emploi précaire pour faire partie de la population vulnérable.
La vulnérabilité est de ce fait beaucoup plus proche de nous que nous ne voulons bien l’admettre.
OUVRAGES DE REFERENCE
LAVOUE J., « Eduquer avec les parents. L’action éducative en milieu ouvert : une pédagogie pour la parentalité ? », L’Harmattan, 2000.
BOURSIER F. , CADIERE J., FUSTIER P. , HUGUET-MANOUKIAN J. , PELEGE P. , ROBIN J., « Des représentations dans les institutions sociales et médico-sociales », Recherches en pratiques sociales , 2000.
ROBION J., « Le syndrome de Judas », Cassiopée, 1998.
GAVARINI L. et PETITOT F., « La fabrique de l’enfant maltraité. Un nouveau regard sur l’enfant et la famille », Edition Erès, Toulouse, 1998.
PLANTET J. , « Risque et pratiques éducatives. Enjeux et réponses », Dunod, Paris, 2001.
OUVRAGES CONSULTES
SCHALLER J-J. (sous la direction de), « Accompagner la personne en difficulté. Politiques sociales et stratégie de direction », Dunod, Paris, 1999.
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BAEDLE P. , COPPIN B. , LE CERF J-F. , MOUREAU B. (sous la direction de), « Comprendre et accompagner. Les parents avec une déficience intellectuelle », Interventions psycho-sociales, Les personnes, Gaëtan Morin éditeur, Europe, 1999.
FUSTIER P., « Le travail d’équipe en institution. Clinique de l’institution médico-sociale et psychiatrique », Dunod, Paris, 1999.
OUVRAGES ET AUTEURS CITES MAIS NON LUS
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BEC C., « Assistance et République », Les éditions de l’atelier, Paris, 1994.
STRAUSS P., Fondateur de l’Association d’information et de recherche sur l’enfance maltraitée.
CANGUILHEM G., « Le normal et le pathologique », PUF, Paris, 1975.
FOUCAULT M., Entretien donné à un journal espagnol en 1977, qui s’intitule en français : « Le pouvoir, un bébé magnifique ».
LEVI P., « Si c’est un homme », Presse Pocket, Paris, 1990.
VERDIER P., Lors d’une journée d’étude à l’usage des professionnels de la protection de l’enfance, en novembre 2000.
REVUES, RAPPORTS, ARTICLES, ACTES DE COLLOQUE
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LEOMANT C., SOTTEAU-LEOMANT N., « Aide contrainte et citoyenneté. Justice des mineurs et intervention éducative en milieu ouvert », GERS (ex GEDISST)-CNRS, 2001.
DICTIONNAIRES
Petit Robert, édition 2000.
LAPLANCHE J., PONTALIS J.B., « Vocabulaire de la psychanalyse », PUF, Paris, 1998.
FILMOGRAPHIE
« Ladybird » (1994, Grande-Bretagne, Ken LOACH, 1h42), avec Crissy Rock (Maggie), Vladimir Vega (Jorge).
Ladybird
Fiction 1994
35 mm couleur, 102 minutes
Angleterre
GENERIQUE
Réalisation Ken Loach
Scénario Rona Munro
Image Barry Akroyd
Son Ray Beckett
Montage Jonathan Morris
Production Parallax Pictures et Chanel Four Films
Interprétation Crissy Rock, Vladimir Vega, Sandie Lavelle
Maggie, une chanteuse de karaoké, a eu quatre enfants de quatre pères différents. Elle rompt avec son dernier amant, un homme violent. Alors qu’elle est sur les lieux de son travail, un incendie se déclare à son domicile alors que ses quatre enfants sont seuls. Les services sociaux lui en retire la garde. Elle rencontre Jorge, un immigré sud-africain qui par sa gentillesse et son attention lui redonne foi en l’amour. Mais le passé la poursuit et, successivement, les deux enfants qu’elle a avec Jorge lui sont retirés. Entre l’administration, les services sociaux et la police, il lui est difficile de reprendre sa liberté.
Ken Loach s’inspire ici d’un fait divers réel pour réaliser un film dérangeant sur la résistance d’une femme accablée par un destin qui prend le visage de simples fonctionnaires.
« Ca ne m’intéresse pas de montrer des bons et des méchants. Je veux que chaque personnage soit vu dans sa vérité.[…]. Je tenais à ce qu’on comprenne pourquoi les travailleurs sociaux pensent que Maggie ne peut être une bonne mère. C’est une battante, une mère très protectrice. Mais ils continuent de la voir sous l’emprise de ses amants précédents, de leur violence. Parce que Maggie a eu une enfance violente, personne n’imagine qu’elle aie pu sortir de ce cycle. Pourtant, on peut changer, ça arrive. »
Ken Loach
Annexe n°2
(Article 375 et suivants du code civil)
L’ordonnance du 23 décembre 1958 relative à l’assistance éducative est venue étendre les compétences des juridictions spécialisées pour mineurs.
L’assistance éducative est une procédure de protection appliquée à un mineur en situation de danger. Le danger peut menacer sa santé, sa sécurité ou sa moralité. Il peut aussi résulter du fait que « les conditions de son éducation sont gravement compromises ».
Le juge des enfants dispose d’une série de mesures éducatives en milieu ouvert et en hébergement.
La loi du 4 juin 1970 (intégrée dans les articles 375 et suivants du code civil), reprenant les dispositions de l’ordonnance de 1958, a insisté en outre sur la nécessité de maintenir le mineur, chaque fois que cela est possible, dans son milieu naturel de vie et de s’efforcer de recueillir l’adhésion de la famille aux mesures envisagées.
- Si la santé, la sécurité ou la moralité d’un mineur non émancipé sont en danger, ou si les conditions de son éducation sont gravement compromises, des mesures d’assistance éducative peuvent être ordonnées par justice à la requête des père et mère conjointement, ou de l’un d’eux, de la personne ou du service à qui l’enfant a été confié ou du tuteur, du mineur lui-même ou du ministère public. Le juge peut se saisir d’office à titre exceptionnel.
- Elles peuvent être ordonnées en même temps pour plusieurs enfants relevant de la même autorité parentale.
- La décision fixe la durée de la mesure sans que celle-ci puisse, lorsqu’il s’agit d’une mesure éducative exercée par un service ou une institution, excéder deux ans. La mesure peut être renouvelée par décision motivée.
- Le juge des enfants est compétent, à charge d’appel, pour tout ce qui concerne l’assistance éducative.
- Il doit toujours s’efforcer de recueillir l’adhésion de la famille à la mesure envisagée.
- Chaque fois qu’il est possible, le mineur doit être maintenu dans son milieu actuel. Dans ce cas, le juge désigne, soit une personne qualifiée, soit un service d’observation ou de rééducation en milieu ouvert, en lui donnant mission d’apporter aide et conseil à la famille, afin de surmonter les difficultés matérielles ou morales qu’elle rencontre. Cette personne ou ce service est chargé de suivre le développement de l’enfant et d’en faire rapport au juge périodiquement.
- Le juge peut aussi subordonner le maintien dans son milieu à des obligations, telles que celle de fréquenter régulièrement un établissement sanitaire ou d’éducation, ordinaire ou spécialisé, ou d’exercer une activité professionnelle.
- S’il est nécessaire de retirer l’enfant de son milieu actuel, le juge peut décider de le confier :
1° A celui des père et mère qui n’avait pas l’exercice de l’autorité parentale ou chez lequel l’enfant n’avait pas sa résidence habituelle ;
2° A un autre membre de la famille ou à un tiers digne de confiance ;
3° A un service ou à un établissement sanitaire ou d’éducation, ordinaire ou spécialisé ;
4° A un service départemental de l’aide sociale à l’enfance.
- Toutefois, lorsqu’une requête en divorce a été présentée ou un jugement de divorce rendu entre les père et mère, ces mesures ne peuvent être prises que si un fait nouveau de nature à entraîner un danger pour le mineur s’est révélé postérieurement à la décision statuant sur les modalités de l’exercice de l’autorité parentale ou confiant l’enfant à un tiers. Elles ne peuvent faire obstacle à la faculté qu’aura le juge aux affaires familiales de décider, par application des articles 287 et 287-1, à qui l’enfant devra être confié. Les mêmes règles sont applicables à la séparation de corps.
- Dans les cas spécifiés aux 1°, 2°, et 3° de l’article précédent, le juge peut charger, soit un personne qualifiée, soit un service d’observation, d’éducation ou de rééducation en milieu ouvert d’apporter aide et conseil à la personne ou au service à qui l’enfant a été confié ainsi qu’à la famille et de suivre le développement de l’enfant.
- Dans tous les cas, le juge peut assortir la remise de l’enfant des mêmes modalités que sous l’article 375-2, deuxième alinéa. Il peut aussi décider qu’il lui sera rendu compte périodiquement de la situation de l’enfant.
- A titre provisoire mais à charge d’appel, le juge peut, pendant l’instance, soit ordonner la remise provisoire du mineur à un centre d’accueil ou d’observation, soit prendre l’une des mesures prévues aux articles 375-3 et 375-4.
- En cas d’urgence, le procureur de la République du lieu où le mineur a été trouvé a le même pouvoir, à charge de saisir dans les huit jours compétent, qui maintiendra, modifiera ou rapportera la mesure.
- Les décisions prises en matière d’assistance éducative peuvent être, à tout moment, modifiées ou rapportées par le juge qui les a rendues soit d’office, soit à la requête des père et mère conjointement, ou de l’un d’eux, de la personne ou du service à qui l’enfant a été confié ou du tuteur, du mineur lui-même ou du ministère public.
- Les père et mère dont l’enfant a donné lieu à un mesure d’assistance éducative, conservent sur lui leur autorité parentale et en exercent tous les attributs qui ne sont pas inconciliables avec l’application de la mesure. Ils ne peuvent émanciper l’enfant sans autorisation du juge des enfants, tant que la mesure d’assistance éducative reçoit application.
- S’il a été nécessaire de placer l’enfant hors de chez ses parents, ceux-ci conservent un droit de correspondance et un droit de visite. Le juge en fixe les modalités et peut même, si l’intérêt de l’enfant l’exige, décider que l’exercice de ces droit, ou de l’un d’eux, sera provisoirement suspendu. Le juge peut indiquer que le lieu de placement de l’enfant doit être recherché afin de faciliter, autant que possible, l’exercice du droit de visite par l’un ou les parents.
- Les frais d’entretien et d’éducation de l’enfant qui a fait l’objet d’une mesure d’assistance éducative continuent d’incomber à ses père et mère ainsi qu’aux ascendants auxquels des aliments peuvent être réclamés, sauf la faculté pour le juge de les en décharger en tout ou partie.
En décembre 1987, une éducatrice du service social de l’enfance catalane avait été inculpée d’homicide involontaire à l’occasion du décès d’une petite fille qu’elle « suivait » dans le cadre d’une mesure judiciaire ; cité par la défense comme témoin, Joël Henry, alors président du CNAEMO, avait développé devant le tribunal la notion de risque :
« Pour remplir leur délicate mission, très souvent aux limites du possible et faute d’autre alternative pour le magistrat pour enfants (en cas d’échec ou d’impossibilités de placement par exemple…), les services d’AEMO et leurs agents doivent sans cesse évoluer sur le fil du rasoir, entre deux nécessités aussi impérieuses l’une que l’autre :
- D’une part [le fait que] le médecin ne sauve qu’en prenant des risques et [que] cette règle médicale se doit d’être étendue à la rééducation ;
- D’autre part, la conscience aiguë de la souffrance, du prix de la vie, de la protection de l’enfant, de la complexité de la tâche exceptionnelle. »
Estimant que les risques sont « fondateurs et contingents » de la mesure d’action éducative mais aussi « fluctuants, difficiles à apprécier (car souvent cachés ou niés) et devant être assumés (pour être traités en profondeur) », le témoin tentait alors de les repérer :
« - risques inhérents – par essence – à la situation même de danger d’enfants maintenus par les magistrats pour enfants dans les familles à hauts risques.
- risques inhérents aux méthodes éducatives et psycho-sociales qui, à situations exceptionnelles, ne peuvent être qu’exceptionnelles puisque – à l’évidence – l’AEMO n’est mise en œuvre qu’à la suite de l’échec des formules normales. (…)
- risques inhérents aux conditions du travail (partage des tâches eu sein d’une équipe, respect des droits des parents, liaisons avec les magistrats mandants, etc.), mais aussi risques inhérents aux conditions de travail (surcharge des cas à suivre, moyens insuffisants et néanmoins contestés, etc.).
En résumé, il n’y a pas d’autre alternative que de prendre des risques, certes calculés mais indissolublement liés au pari, à la confiance nécessaire qui sont au cœur de tout acte éducatif ».
Concluait logiquement le président du Carrefour.
J. PLANTET, « Risque et pratiques éducatives. Enjeux et réponses », Dunod, Paris, 2001. (p.73-74).
1 Henri Jacques STIKER, « Corps infirmes et société », Dunod, Paris, 1997.
[Source = « Des représentations dans les institutions sociales et médico-sociales » F. BOURSIER, J. CADIERE, P. FUSTIER, J. HUGUET-MANOUKIAN, P. PELEGE, J. ROBIN, Recherches en pratiques sociales, 2000. (p. 31)]
2 Colette BEC, « Assistance et République », Les éditions de l’atelier, Paris, 1994.
[Source = « Des représentations dans les institutions sociales et médico-sociales » F. BOURSIER, J. CADIERE, P. FUSTIER, J. HUGUET-MANOUKIAN, P. PELEGE, J. ROBIN, Recherches en pratiques sociales, 2000 (p. 34)].
3 Idem (p.36)
4 P. STRAUSS, fondateur de l’Association d’information et de recherche sur l’Enfance maltraitée. (source = Internet)
5 Petit Robert, édition 2000.
6 F. BOURSIER, J. CADIERE, P. FUSTIER, J. HUGUET-MANOUKIAN, P. PELEGE et J. ROBIN, « Des représentations dans les institutions sociales et médico-sociales », Recherches en pratiques sociales, 2000.(p. 13 à 29).
7 G. CANGUILHEM, « Le normal et le pathologique », PUF, Paris, 1975.
8 G. CANGUILHEM, « Le normal et le pathologique », PUF, Paris, 1975.
9 Idem
10 M. FOUCAULT. Entretien donné à un journal espagnol en 1977, qui s’intitule en français : « Le pouvoir, un bébé magnifique ».
11 C.CARRA, D. FAGGIANNELLI, L’action éducative en milieu ouvert, in Informations sociales N° 73-74/ 1999. « La responsabilité des familles ».(p.105-106).
12 J. DONZELOT, La police des familles, suite, in Informations sociales N° 73-74, 1999, « La responsabilité des familles » (p. 136 à 143).
13 Idem
14 J. LAPLANCHE, J.B. PONTALIS, « Vocabulaire de la psychanalyse », PUF, Paris, 1998.
15 P. FUSTIER, La minorisation des parents dans l’institution (p. 116 à 139) , in « Le travail d’équipe en institution. Clinique de l’institution médico-sociale et psychiatrique » Dunod, Paris, 1999.(p. 117).
16 Idem.
17 Idem.(p. 124).
18 Idem. (p. 124).
19 P. FUSTIER, La minorisation des parents dans l’institution (p. 116 à 139), in « Le travail d’équipe en institution. Clinique de l’institution médico-sociale et psychanalytique » Dunod, Paris, 1999, (p. 131).
20 P. DELOR in « Comprendre et accompagner les parents avec une déficience intellectuelle », sous la direction de P. BAEDLE, B. COPPIN, J.F. LE CERF, B. MOUREAU, Interventions psycho-sociales, Gaëtan Morin éditeur, Europe, 1999. (p. 58).
21 Voir annexe n°2 p.V
22 P. FUSTIER, La minorisation des parents dans l’institution, (p. 116 à 139), in « Le travail d’équipe en institution. Clinique de l’institution médico-sociale et psychiatrique », Dunod, Paris 1999.
23 P. DURRANDE, formateur en école d’éducateurs, dans Risque et éducation, Espace social n°12, juin 2000, Les risques d’un métier, (p. 86).
24 J. PLANTET, « Risque et pratiques éducatives. Enjeux et réponses » , Dunod, Paris, 2001. (p. IX).
25 Idem. (p. IX).
26 Idem (p. 7).
27 Voir annexe n°3 page VIII
28 Pierre VERDIER, lors d’une journée d’étude à l’usage des professionnels de la protection de l’enfance, en novembre 2000).
[Source = J. PLANTET, « Risque et pratiques éducatives. Enjeux et réponses », Dunod, Paris, 2001, (p. 9)]
29 J. LAVOUE, « Eduquer avec les parents. L’action éducative en milieu ouvert : une pédagogie pour la parentalité ? », l’Harmattan, 2000, (p. 113).
30 P. DURRANDE, coordinateur pédagogique des centres de préformation de l’œuvre d’Auteuil, formateur à l’EFPP, Paris, in Risque et éducation, Espace social N° 12, juin 2000, « Les risques d’un métier au risques d’un métier », (p. 84).
31 Idem, (p. 85).
32 P. DURRANDE, coordinateur des centres de préformation de l’œuvre d’Auteuil, formateur à l’EFPP, Paris, in Risque et éducation, Espace sociale N°12, juin 2000, « Les risques d’un métier au risques d’un métier », (p. 84).
33 J. PLANTET, « Risque et pratiques éducatives. Enjeux et réponses », Dunod, Paris, 2001, (p. 99).
34 « Ladybird » de Ken LOACH, film anglais, 1994. (Voir annexe n° 1).
35 J. LAVOUE, « Eduquer avec les parents. L’action éducative en milieu ouvert : une pédagogie pour la parentalité ? » l’Harmattan, 2000. (p. 65).
36 J. LAVOUE, « Eduquer avec les parents. L’action éducative en milieu ouvert : une pédagogie pour la parentalité ? », L’Harmattan, 2000, (. 249).
37 Idem, (p. 65).
38 P. DELORS in « Comprendre et accompagner les parents avec une déficience intellectuelle », sous la direction de P. BAEDLE, B. COPPIN, J. F. LE CERF, B. MOUREAU, Gaëtan Morin Editeur, Europe, 1999. (P. 58).
39 J. LAVOUE, « Eduquer avec les parents. L’action éducative en milieu ouvert : une pédagogie pour la parentalité ? » , L’Harmattan, 2000.
40 Idem. (p. 38)
41 Idem (p. 166-167).
42 X. BOUCHEREAU, « Que reste-t-il de leur intimité » , JDJ N° 213, mars 2002. (p. 45)
43 J. ROBION, « Le syndrome de Judas » , Cassiopée, 1998. (p. 39).
44 X. BOUCHEREAU, « Que reste-t-il de leur intimité ? », JDJ N° 213, mars 2002. (p. 44).
45 P. PELEGE, in « Des représentations dans les institutions sociales et médico-sociales » , F. BOURSIER, J. CADIERE, P. FUSTIER, J. HUGUET-MANOUKIAN, P. PELEGE, J. ROBIN, Recherches en pratiques sociales, 2000. (p. 133).
46 Docteur E. ZUCMAN, in « Parents et professionnels. 1 . Une rencontre nécessaire, difficile et souhaitée » , DRASS Rhône-Alpes, CREAI Rhône-Alpes, 1994. Séminaire régional des 31 janvier et 1er février 1992 . (p. 52).
47 Voir annexe n°2 p. V
48 C. LEOMANT, N. SOTTEAU-LEOMANT, « Aide contrainte et citoyenneté. Justice des mineurs et intervention éducative en milieu ouvert », GERS (ex GEDISST)-CNRS, 2001, (p. 88).
49 B. BRUNOT, in « Parents et professionnels. 1 . Une rencontre nécessaire, difficile et souhaitée », DRASS Rhône-Alpes, CREAI Rhône-Alpes, 1994. Séminaire régional des 31 janvier et 1er février 1992, (p.63).
50 Idem, (p.63).
51 J. LAVOUE, « Eduquer avec les parents. L’action éducative en milieu ouvert : une pédagogie pour la parentalité ? », L’Harmattan, 2000, (p.49).
52 Idem, (p.49).
53 Primo Levi, « Si c’est un homme » , Presse Pocket, Paris, 1990.
54 J. LAVOUE, « Eduquer avec les parents. L’action éducative en milieu ouvert : une pédagogie pour la parentalité ? », l’Harmattan, 2000. (p. 57).
55 L.GAVARINI, F. PETITOT, « La fabrique de l’enfant maltraité. Un nouveau regard sur l’enfant et sa famille » , Edition Erès, Toulouse, 1998, (p. 113).
56 L. GAVARINI, F. PETITOT, « La fabrique de l’enfant maltraité. Un nouveau regard sur l’enfant et sa famille », Edition Erès, Toulouse, 1998, (p. 60).
57 Idem. (p. 63).
58 C. MARTIN, A. DEBROISE, Le sentiment de responsabilité parentale, in Informations sociales N° 73-74/ 1999, « La responsabilité des familles ». (p. 115).
59 J-R. LOUBAT, in « Parents et professionnels. 1 . Une rencontre nécessaire, difficile et souhaitée »,1994, DRASS Rhône-Alpes, CREAI Rhône-Alpes, séminaire régional des 31 janvier et 1er février 1992. (p. 23).
60 J. J. SCHALLER (sous la direction de), « Accompagner la personne en difficulté. Politiques sociales et stratégie de direction » , Dunod, Paris, 1999.
61 P. PELEGE, in « Des représentations dans les institutions sociales et médico-sociales » , F. BOURSIER, J. CADIERE, P. FUSTIER, J. HUGUET-MANOUKIAN, P. PELEGE, J. ROBIN, Recherches en pratiques sociales, 2000. (p. 135).
62 Jacques ROBION, « Le syndrome de Judas » , Cassiopée, 1998.
63 L. GAVARINI, F. PETITOT, « La fabrique de l’enfant maltraité. Un nouveau regard sur l’enfant et sa famille », Edition Erès, Toulouse, 1998, (p. 93-94).
64 J. DELOR, Facultés Universitaire Saint-Louis, Bruxelles, Trajectoires singulières et expositions aux risques : le point de vue clinique. La vulnérabilité sociale comme concept central, in Actes de la journée régionale « Sida et vulnérabilité », Janvier 2002, CRAES-CRIPS, (p. 41 à 52)
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