jeudi 23 novembre 2017
Est-il pertinent d’opposer les termes bénévole et professionnel ?
Avant-propos
La problématique ayant amené mes questionnements.
En termes de réflexions entendues
De la part de professionnels, de manière formelle ou informelle, il n’est pas rare d’entendre de manière récurrente les remarques suivantes :
- les bénévoles ne sont pas des professionnels,
- quel intérêt d’être professionnel, puisque l’employeur peut utiliser des bénévoles ?
- les bénévoles vont prendre la place de professionnels
- on ne peut pas être aussi exigeant envers l’activité du bénévole sinon, il part.
ü En termes de postures rencontrées
- la condescendance du professionnel envers le bénévole,
- la crainte du professionnel du fait de l’exposition de ses manques,
- le doute quant à la motivation du bénévole,
- une défiance qui impacte le rapport au bénévole.
ü En termes de sémantique utilisée
Bénévole : du latin benevolus « bienveillant » ; de bene « bien » et volo « je veux ».
Le bénévolat procède d’une volonté , et le salariat procède d’une nécessité .
Utiliser le terme bénévole , individu « bienveillant », c’est indiquer de facto que les acteurs ainsi identifiés agissent de manière « gratuite », « désintéressée » et « sans obligation » vis-à-vis de l’organisation qui fait appel à lui. Ils font volontairement « quelque chose de bonne grâce ».
Le bénévolat étant d’« accomplir un travail gratuitement, et sans y être obligé ».
1- Définitions communément admises
Le bénévolat est une activité non rétribuée, qui s’exerce en général au sein d’une institution sans but lucratif : association, ONG, syndicat, structure publique. (Wikipedia)
Le bénévole rend un service sans demander de rémunération et sans en tirer de profit.
Le professionnalisme est la capacité à assurer un engagement envers la société et à répondre à ses attentes. Il caractérise la qualité du travail d’une personne ayant de l’expérience. (Wikipedia)
Le professionnel est une personne spécialisée dans un métier, une profession, un secteur d’activité donné, qui a les qualités et l’habileté requises pour les exercer.
Qu’il soit rémunéré ou non.
2- La mutualisation du bénévolat
Les évènements mondiaux sollicitent régulièrement, et de plus en plus souvent, les organisations et l’altruisme de leurs intervenants.
Dans ce contexte, le bénévole remplace t-il le professionnel ou, au contraire, lui apporte-t-il son concours ?
Faisant appel à des bénévoles, les professionnels sont-ils prêts à partager avec eux leurs champs d’action ?
Sont-ils prêts à analyser en commun leurs pratiques et, au-delà, enrichir mutuellement leurs connaissances respectives ?
N’oublions pas que la finalité première est l’aide apportée à l’usager quant à sa situation.
Pour se faire, ne doit-on pas s’appuyer :
- sur la conception dans la manière de s’engager et de s’impliquer ?
- sur la volonté dans la manière d’envisager une relation partenariale ?
- sur les intérêt(s) commun(s) ?
Sur le plan national, et sur la base d’une enquête parue dans la 13 e édition de La France bénévole du 16 juin 2016, le chiffre d’environ 26 millions de bénévoles fait ressortir que le poids économique du bénévolat est réel et en évolution.
Il suffirait que tous les bénévoles cessent leurs activités pendant une journée pour se rendre compte :
- de leur réalité,
- de leur importance,
- de leur impact,
- de leur nécessité.
Cette enquête fait état :
- de la nature et des raisons de l'engagement des bénévoles depuis 2010.
- des profils des bénévoles, avec les qualifications et les catégories professionnelles.
3- Le cadre d’intervention du bénévole
Nombre de bénévole rencontrés ont exprimés leurs difficultés face aux situations de personnes auprès desquelles ils intervenaient, ainsi que face au fonctionnement de l’organisation qui fait appel à eux.
Etant entendu que le bénévole est tributaire du fonctionnement de l’organisation dans laquelle il intervient, corrélée aux dirigeants et encadrants qui organisent et mobilisent les ressources.
Dans ce contexte, peut-on s’engager à aider et accompagner avec pertinence les personnes concernées ?
Pour ce faire, les bénévoles ont besoin de :
- comprendre le fonctionnement structurel et organisationnel de la structure dans laquelle ils interviennent,
- connaître exactement leurs missions dans le rapport aux salariés, aux usagers, à l’encadrement,
- avoir un soutien face aux aspects relatifs à toute situation relationnelle.
Ce qui dénote la volonté de s’engager dans un cadre explicite et contenant.
4- La représentation de la relation bénévole - professionnel
Considérons les domaines suivants, sélectionnés pour analyser cette relation opposable bénévole - professionnel .
DOMAINES |
ELEMENTS DE LECTURE DE L’OPPOSABILITÉ |
FINANCIER |
* le bénévole : - il ne demande pas de rémunération et il n’en profite pas. Éventuellement, il peut avoir des avantages. - son engagement et ses convictions n’ont pas de « prix ». * le professionnel : - perçoit une rémunération. |
TECHNIQUE |
* le bénévole : - peut-être expérimenté, spécialisé ou non dans le domaine sur lequel il intervient ou dans d’autres domaines. - il est porteur d’un ensemble d’outils et de moyens. * le professionnel : - il est expérimenté, qualifié, diplômé. |
TEMPOREL |
* le bénévole : - le bénévole n’est pas avare de son temps. - il ne restreint pas non plus l’énergie qu’il dépense. * le professionnel : - son temps d’activité est contractualisé et encadré par la législation et la règlementation. |
JURIDIQUE |
* le bénévole : - agit sous couvert d’un professionnel et non de son propre chef. * le professionnel : - par essence, est responsable de sa posture au regard du cadre législatif d’après lequel il opère. |
ÉTHIQUE |
* le bénévole : - sous l’égide de quelles valeurs morales se fait son engagement ? * le professionnel : - agit sous l’éthique de l’organisation à laquelle il appartient. |
CONTEXTUEL |
* le bénévole : - agit d’après un contexte évènementiel. * le professionnel : - agit dans un contexte permanent. |
EVALUATIF |
* le bénévole : - un retour de son action est nécessaire pour amélioration. - le processus étant facultatif. * le professionnel : - un retour de son action est nécessaire pour amélioration. - le processus est obligatoire au regard de la législation. |
Reprenons les remarques entendues et les postures exposées en avant-propos.
REMARQUES ENTENDUES |
REMARQUES EN RÉPONSE |
Les bénévoles ne sont pas des professionnels. |
- Le bénévole n’est pas qualifié de professionnel , cependant, ses habiletés sont réelles et mises à disposition. |
Quel intérêt d’être professionnel, puisque l’employeur peut utiliser des bénévoles ? |
- N’est-ce pas pour mutualiser des connaissances, des compétences et du temps ? |
Les bénévoles vont prendre la place de professionnels. |
- Mais le bénévole veut-il devenir professionnel ? |
On ne peut pas être aussi exigeant envers l’activité du bénévole sinon, il part. |
- L’engagement du bénévole ne repose-t-il pas sur une satisfaction de son action ? |
POSTURES RENCONTRÉES |
REMARQUES EN RÉPONSE |
La condescendance du professionnel envers le bénévole. |
- superfétatoire car le professionnel peut, par ailleurs, avoir des activités de bénévolat hors son cadre professionnel. |
La crainte du professionnel du fait de l’exposition de ses manques. |
- le bénévole n’a pas vocation à la remise en cause des qualifications du professionnel. |
Le doute quant à la motivation du bénévole. |
- Le bénévole ne choisit-il pas lui-même par plaisir, ou bien être, son domaine d’activité ? |
Une défiance qui impacte le rapport au bénévole. |
- En quoi la responsabilité d’engagement du bénévole peut être suspicieuse ? |
5- Réflexion conclusive
Les remarques entendues reposent plutôt sur des représentations, des clichés générateurs de postures comme celles évoquées. Il est communément admis que le bénévole soit altruiste, libre et disponible.
C’est donc dans les esprits qu’il convient de faire évoluer les stéréotypes dont cette relation est tributaire.
En pensant différemment la place et le rôle des acteurs bénévoles par rapport aux acteurs professionnels, il apparaît que les deux sont des accompagnateurs , des aidants , des passeurs œuvrant dans l’intérêt de l’usager.
Il s’agit plutôt de mutualiser les connaissances, les habiletés et les ressources, nécessaires à cet engagement dans la vie collective.
Rester sur des postures excluantes, cela sous-entend que l’usager, quant à lui, n’est pas reconnu mais plutôt otage . Alors qu’il est en mesure de participer pleinement et de manière responsable à son « accompagnement ».
Du fait de la tendance à professionnaliser le bénévolat, la frontière entre bénévole et professionnel semble s’effacer, du moins elle devient poreuse.
D’autant que la question pourrait être la suivante : la situation économique sera-t-elle garante du statut de bénévole, tel qu’il existe actuellement, dans les années à venir ?
En ce sens, pourra-t-on alors faire un distinguo aussi net entre bénévole d’une part et professionnel d’autre part ?
Références documentaires
France Bénévolat : www.francebenevolat.org
La France bénévole en 2016, 13 ème édition parue le 07 Juin 2016, sous la direction de Cécile BAZIN et Jacques MALET, préface de Roger SUE. www.associations.gouv.fr/publication-de-la-france-benevole-2016.html .
Passeport Bénévole : www.passeport-benevole.org
François SIMONET
Docteur en sciences humaines
Chargé de cours à l’Université de Pau et des Pays de l’Adour
Formateur dans le sanitaire et social
Novembre 2017
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