Il est des pavés dans la mare qui risquent de faire des vagues durant longtemps. Ce livre : « l’échec de la protection de l’enfance » est de ceux ci.
L’auteur, Maurice BERGER, n’est pas un inconnu, engagé depuis de longues années auprès d’enfants au service de psychopédiatrie de l’hôpital Belvue à Saint Etienne, psychanalyste il a déjà publié plusieurs ouvrages ayant pour sujet les modalités de prise en charge d’enfants en soufrance psychique et l’articulation du trérapeuthique et du judiciaire cf les séparations à but thérapeuthique
Dans ce nouvel ouvrage, Maurice Berger vise droit et juste. Point de « il faudrait remédier à ceci » ou de « il n’y a qu’a » ! C’est une démolition, une déconstruction en règle du système de protection de l’enfance à la française dont il s’agit. L’auteur avait peaufiné son propos sous forme d’articles, notamment dans le journal du droit des jeunes et son argumentaire est clair : « La protection de l’enfance en France est inefficace et même très nuisible ».
Au fil de situations cliniques puisées dans sa très vaste expérience, Maurice Berger détaille les incohérences, les ruptures incompréhensibles que vivent les enfants lorsqu’ils sont confrontés au juge des enfants et aux travailleurs sociaux. Puis il analyse ce que vivre avec des parents très inadéquats implique comme carences et souffrances. Il expose ensuite avec de nombreuses vignettes cliniques les différents dispositifs de prise en charge et d’écoute, pour enfin donner les raisons d’un désastre. Maurice Berger propose enfin des voies juridique et déontologique pour améliorer ce dispositif.
Ce n’est pas facile de « se prendre une telle baffe » Nous travaillons tous, plus ou moins, dans l’espoir de contribuer à du mieux être pour les enfants que nous avons en charge. Maurice Berger dénonce l’idéologie du lien qui nous conduit à ne prendre en compte que la partie la plus visible de problématiques complexes, il évoque une « méconnaissance active » de la part des professionnels. En clair, nous entendons plus facilement le point de vue de parents, même lorsqu’ils sont notoirement pervers, que la parole des enfants, et surtout, il y a ce sentiment confus que la place naturelle d’un enfant est de vivre auprès de sa mère. Cette idéologie, car c’est est une, obscurcit le jugement et dénature les dispositifs de prise en charge.
Maurice Berger reprend les différents cadre juridiques, réglementaires qui soutiennent cette idéologie néfaste, mais c’est à une véritable remise en cause des pratiques qu’il appelle. Quel éducateur n’a pas connu la situation d’un enfant qui a dû vivre les errements, les incohérences que le système de protection de l’enfance lui a fait vivre ? Chacun, de sa place, participe, plus ou moins activement à ce chaos. Il conclue d’ailleurs, de manière pessimiste, sur l’attitude des professionnels, démotivés, m’en foutistes ou honteux.
C’est là que le bât blesse car cette démonstration pour juste et rigoureuse qu’elle soit, nous entraîne à prendre la place d’enfants ; quitte à inventer ! (situation n°9 p 12). L’idéologie du lien repose sur une identification aux souffrances supposées des parents. Est il opportun de substituer cette projection par une autre ? L’idéologie, quelle qu’elle soit, dénature toujours une vision et une action. C’est plus le manque de liaison entre ceux qui ont eu le temps d’élaborer une dispositif adapté à tel ou tel enfant et ceux qui le mettent en œuvre qu’il faut dénoncer. Maurice Berger prend alors le risque de passer pour un nouvel expert, dont la parole peut être mis en concurrence avec celle d’autres savant, symétriquement antagonistes, et perdre ainsi de sa valeur.
Le manque de débats où le point de vue, et l’intérêt de l’enfant peuvent être exprimés à égalité avec les autres est criant. Cet ouvrage est donc nécessaire ! Il nous appelle, à prendre position et à nous demander, au plus intime de nous même, où nous en sommes de notre propre perception de l’intérêt d’un enfant. Or, notre action est souvent déterminante, alors ....
Après plusieurs réactions au livre de Berger, notamment dans la Revue Juridique d’Action Sociale, il est intéressant de reprendre cette présentation pour la compléter car ce livre pose une véritable question. Seulement, il faut dépasser l’outrance et la provocation permanente qui émaille son texte. Bien entendu, il ne devrait pas jeter ainsi la faute sur les professionnels, évidemment, c’est une erreur de généraliser et étendre ce qui n’est que sa propre expérience à ce qui ressemble fort à une panacée inaccessible. C’est ce que j’ai voulu dire lorsque j’ai écrit : Maurice Berger prend alors le risque de passer pour un nouvel expert, dont la parole peut être mis en concurrence avec celle d’autres savant, symétriquement antagonistes, et perdre ainsi de sa valeur.
Toutefois, je pense vraiment que cet ouvrage pose crûment la question de la place véritable de l’enfant dans les procédures judiciaires qui le concernent. La parole d’un enfant n’est pas immédiatement accessible, ces propos doivent être décodés et ne reflètent pas toujours son propre intérêt. Or, depuis plusieurs années, la justice des mineurs en France s’est lancée dans une démarche de revalorisation des droits des parents. Cet effort, très louable, n’est pourtant pas accompagné d’une réflexion quant aux familles véritablement toxiques, perverses, dont les propos entraînent leurs propres enfants dans une pathologie destructrice. La justice, en voulant restituer aux parents une autorité qu’ils perdaient parfois lors des procédures, a ouvert ses portes à des discours plus ou moins déstructurants dont les magistrats ne perçoivent pas toujours la mesure.
Pour travailler depuis plusieurs années dans le champ de la protection de l’enfance, j’ai, moi aussi mon lot de décisions aberrantes, où des droits de visites incohérents sont ordonnés de manière totalement déstructurante pour l’enfant. Mais je sais également que le magistrat ne prend sa décision qu’en référence aux éléments qui lui parviennent, et notamment aux écrits des professionnels. Le travail en réseau, la collaboration entre institutions, l’élaboration de projets qui tiennent compte du maximum d’éléments, quitte à faire ressortir les contradictions et les oppositions permet de lier à ce que vit un enfant. Seulement, cette collaboration coûte cher, et pas seulement en argent. Il faut sortir de son pré carré et engager un dialogue. Pas toujours facile ! ! !
- Jean-Marie Vauchez, éducateur.
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