mardi 12 juillet 2005
Claude Ferré est paysan, un vrai paysan qui y croit à l'amour de la terre et à ce qu'elle produit, à condition qu'on y mette du sien, avec beaucoup de respect et beaucoup de patience. C'est un ami de longue date, comme je les aime, les pieds sur terre et la tête au ciel. Il élève en biologie dans le Morvan un troupeau de vaches d'Aubrac, ces vaches aux cornes somptueuses et au yeux fardés. Depuis quelques années il s'est pris de passion pour Tolstoï. L'an passé il est parti en Russie sur les traces du grand écrivain russe et cette année il recommence. Voici un texte dont il nous fait cadeau. A lire, sans modération... Joseph Rouzel
La passion du comte Tolstoï pour la terre, ainsi que sa décision de reprendre personnellement la gestion de ses domaines sont à replacer dans les périodes de sa vie où il s’intéressa plus particulièrement à ses champs, ses troupeaux et en général au bon déroulement de toutes les activités agricoles de ses propriétés. A partir de sa puissante énergie physique il sentait qu’il fallait déployer ses capacités de travail manuel : il est évident que Tolstoï ne fait pas de l’agriculture seulement pour l’agriculture.
Il travaille la terre avec ses moujiks dans un autre but aussi, celui de se rapprocher davantage d’eux, de mieux les connaître et d’apprendre à leur contact la Vie simple de la nature et ainsi pénétrer leur façon de vivre. N’a t-il pas souvent dit que de ces rapports étroits il a retiré en grande partie sa nourriture, son inspiration littéraire et spirituelle ? Il voyait dans ce travail physique un nouvel équilibre après sa vie de débauche de célibataire, et surtout justice rendue aux moujiks du fait de sa position privilégiée par rapport à la leur faite de servage, d’ignorance et de soumission. Il pensait également que les paysans sur les terres étaient incontournables et qu’il fallait dans le respect les diriger afin qu’ils travaillent mieux et du coup produisent davantage, d’abord pour son propre profit, mais aussi pour qu’ils accèdent à une dignité et à un intérêt dans leur travail, et de surcroît augmentent leurs revenus.
On peut dire que Tolstoï a retiré des travaux agricoles une très grande joie et un réel bonheur. Depuis son mariage en 1862 et jusque vers 1880 cette activité faisait partie de sa façon d’être, et du coup parfois l’été il entraînait sa famille dans les travaux des champs, plus particulièrement ses enfants, et de rares fois la comtesse, son épouse, pour ramasser les pommes de terre.
Ses détracteurs comme François Porché dans « Portrait psychologique de Tolstoï » jugent comme une lubie insignifiante et non productive sa participation aux travaux des champs parmi ses moujiks. Il n’est pas juste de dire seulement que Tolstoï entendant le train de Moscou arriver (la petite ligne était tout proche de son domaine), demandait à son moujik qui portait sa faux de vite la lui donner afin que les passagers du train le voient en train de faucher. Il faut aussi dire que Tolstoï passait des journées entières à labourer avec les chevaux ou faucher à la faux et qu’il tenait à avoir le même rythme, la même durée de travail que ses moujiks. Bien sûr il n’allait pas aux champs en permanence, comment aurait-il pu avoir le temps pour devenir ce génie de la littérature russe et mondiale ?
Mais il y allait avec un intérêt suffisant pour que je puisse affirmer, moi qui suis paysan, que Tolstoï a vraiment ressenti ce contact intime avec le labeur des champs. Les merveilleuses et profondes descriptions qu’il en fait témoignent de l’authenticité de ses actes et de la véracité de son vécu. Le vrai paysan sait qu’il n’y a ni tricherie ni duperie …plus encore, il est reconnu et élevé à travers lui au rang d’artiste et de créateur participant aux lois de la nature.
Les passions de Tolstoï ne sont pas des caprices d’enfant gâté par son rang de seigneur, elles sont bien au contraire une tentative de réaction à tous les vieux schémas existants au milieu du 19ème siècle, à l’ordre injuste des tsars et des boyards de l’époque. De plus elles lui apportent une riche expérience personnelle, dans le sens d’une véritable ouverture à la connaissance du monde qui l’entoure.
Atypique dans sa génération, il ressent son immense privilège et à partir de ses prises de conscience il agit à sa manière en fonction de son tempérament.
Durant tout ce dix-neuvième siècle, des révoltes sourdes grondent souvent et parfois éclatent dans le peuple des dominés. Elles prennent de l’ampleur dans la deuxième partie du siècle pour aboutir aux grandes émeutes de 1905 qui firent des milliers de morts et enfin à la révolution russe de 1917. Tolstoï, comme d’autres de sa trempe, avait bien senti, qu’il fallait agir devant tant d’injustice et que cet état de servage ne pouvait durer.
Son tempérament enflammé, bouillonnant, l’a conduit à stopper ses études à l’âge de 19 ans pour venir s’installer à Iasnaïa Poliana sur le domaine dont il venait d’hériter de ses parents. Durant cette époque 1847-49 (quand il est sur son domaine, car il voyage souvent à Moscou et à Saint Pétersbourg) il emploie surtout son énergie à entrer en contact, à connaître et découvrir « ses » 700 âmes, ceux dont il a maintenant la charge. Il passe beaucoup de temps à les rencontrer, à parler avec eux, mais les moujiks ne comprennent pas que leur jeune seigneur vienne à eux et veuille les aider. Il s’émeut de leur condition de vie et de travail. Il lui arrive de leur -donner de son argent, de leur prodiguer des conseils, et il tente de leur faire la morale. Il parle souvent avec son intendant de la meilleure façon de gérer son domaine et de le rentabiliser. Mais malgré tous ses efforts pour comprendre leur vie et leur mentalité, et sa volonté de changer la misère, les résultats ne sont pas du tout ce qu’il attendait, il désespère et se demande souvent « comment pouvoir aider des ignorants ».
Il prend conscience que le peuple doit être instruit, que c’est une nécessité absolue. Il dit que les moujiks ont davantage besoin d’instruction que de pain. Agé de 20 ans en 1848 il ouvre sa première école sur son domaine pour les enfants des paysans. L’expérience ne dure pas très longtemps, guère plus d’une année. La solitude, l’ennui de la campagne, l’inexpérience et la déception ont vite contraint notre jeune homme à abandonner l’école à Iasnaïa Poliana.
Il continue à faire des aller-retour entre Moscou, Saint Pétersbourg et son domaine. Il se cherche, fréquente la vie mondaine de son rang, les salons, les bals. Cette vie instable, parfois de débauche, qui durera deux ou trois années, le pousse à s’engager.
Avec son frère aîné, Nicolas, il part comme militaire au Caucase, où il restera 5 années en tout (avec la guerre de Crimée), laissant sa propriété aux soins de l’intendant et du regard vigilant de sa vieille tante qui reste sur place, attendant son retour de guerre comme une femme le ferait pour son mari. Durant ces cinq années, il ne perd jamais le contact avec la nature et les hommes. Il trouvera matière pour écrire les Cosaques (ce merveilleux roman-réalité) et fera du siège de Sébastopol son fameux roman-rapport de guerre qui ira jusqu’à séduire le Tsar : jamais on n’avait lu encore une telle précision, sans détour, dans la description de la guerre avec toutes ses horreurs.
A son retour de Crimée, encouragé par l’accueil réservé à ses premiers écrits, Tolstoï passe par la vie fastueuse de Saint Pétersbourg où il se fait héberger quelques mois par son grand ami Tourgueniev. Il renoue avec l’intelligentsia littéraire, participe aux idées nouvelles, joue aux cartes, fait la fête ; mais très vite il est las de toute cette « junte culturelle » comme il la nomme. Il décide de retourner vivre à Iasnaïa Poliana.
-Il ouvre une fois encore son école, s’occupe de son domaine par intermittence mais s’aperçoit qu’il n’est pas au point dans sa manière d’enseigner et de gérer ses terres et décide de partir pour son premier grand voyage en Europe. Nous sommes en 1857 : à cette époque toute personne russe cultivée doit avoir fait un voyage dans cette Europe des lumières afin de parfaire son éducation. Il a alors 29 ans. Pendant cinq ou six mois il s’informe surtout des méthodes nouvelles de travail de la terre dans l’Est de la France particulièrement. Il passe également à Dijon, et il trouvera la région charmante.
Après ce premier voyage il retourne à Iasnaïa Poliana.
Ses tentatives de créer des relations plus équitables avec ses moujiks connaissent des déboires qui le découragent encore. Il fait de nouveau l’école avec l’aide d’étudiants venus de Moscou mais se rend compte qu’il lui manque de solides bases.
Deuxième voyage à l’étranger 1859-60. Cette-fois pour prendre plus précisément contact avec les méthodes d’enseignement moderne en Allemagne, en Angleterre, en France, en Italie. Pendant ce temps, en 1861, le Tsar vient de signer la loi sur l’abolition du servage. Après avoir voyagé huit mois, Tolstoï retourne en Russie pour diriger dans son district à la demande des autorités, la nouvelle organisation de répartition des terres : certains paysans en prennent en fermage pendant que d’autres deviennent ouvriers avec un salaire (il accepte d’être médiateur entre les paysans et le gouvernement).
Bien que cette loi aille dans le sens de ses aspirations il n’en est pas pour autant satisfait. Il n’a pas un caractère à suivre les idées des autres ; il pense que cette loi n’est pas suffisamment favorable aux des paysans. Les grands propriétaires terriens, ses voisins, trouvent que Tolstoï va trop loin et que leur pouvoir et leurs intérêts vont être trop réduits. Au terme d’à peine une année il est exclu de cette commission par ses collaborateurs, la plupart propriétaires terriens.
A partir du retour de son deuxième voyage en Europe, Tolstoï ne bougera pratiquement plus de Iasnaïa Poliana. Il n’ira plus de sa vie à l’étranger, fera des voyages à Moscou, plus rarement à Saint Pétersbourg mais deux ou trois pour se faire en Crimée à Yalta soigner où il retrouve ses amis Tchekhov, Gorki entre autres.
A partir donc de 1861 (année de l’abolition du servage) et surtout dès son mariage à l’automne 1862 commence une longue période de stabilité qui durera environ dix sept ans : c’est à partir de ce moment qu’il commence à écrire son grand roman historique « La guerre et la Paix », ensuite « Anna Karénine » et qu’il se donne tout entier à la gestion de ses domaines ainsi qu’à la recherche d’un rapport plus juste avec ses moujiks.
Il est à la pointe du progrès : il expérimente les nouvelles méthodes culturales de labour, d’enfouissement du fumier, d’alternance des cultures. Tolstoï achète de nouvelles machines venant d’Europe, certaines à vapeur pour battre le grain (il essaiera de construire une machine à battre les céréales mais elle ne marchera pas !) d’autres pour faner le foin… au grand étonnement des moujiks qui ne veulent pas s’en servir car ils s’ennuient à travailler assis sur le siège de la faneuse pendant que des ailes en bois tournent autour de leurs têtes. Ils négligent le matériel et veulent travailler comme avant ; Tolstoï prend parfois de grosses colères. Il dépense beaucoup d’argent pour se moderniser et améliorer la productivité, car sa famille s’agrandit presque chaque année et il lui faut des revenus car Sophie sa femme entend bien maintenir son rang…et les importantes entrées d’argent liées au succès de « Guerre et Paix » ne sont pas encore là.
Il se passionne donc pour l’élevage des vaches (il aura jusqu’à 300 têtes de bovins), de moutons qu’il fait venir d’Angleterre, de porcs qu’il importe de Chine. Est-il nécessaire de parler de sa passion des chevaux, qu’il aimait je crois par-dessus tout ? On ne peut oublier son vif intérêt pour l’apiculture qu’il apprendra avec l’apiculteur du domaine et l’ardeur qu’il porte aux plantations de ses pommiers, même si certains donnaient des pommes presque immangeables ! .
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Pendant ce temps-là, en l’année 1863, à 3500 km sur les bords de l’Atlantique en France, en Vendée, naissent des fils de paysans pauvres : mes grands-parents. Ils se louent comme conducteur de bœufs, servant ou servante, puis deviennent des petits fermiers-exploitants agricoles qui ne connaissent que leurs bras et la charrue.
La passion de la terre je l’ai apprise avec mon père, il me l’a transmise aussi simplement que de respirer. En étant proche de lui aux champs depuis ma plus tendre enfance (à partir de l’âge de deux ans et ensuite travaillant à ses côtés jusqu'à mes 20 ans) j’ai reçu un message, un lien qui se passait de mots. Mon père suintait la passion de ce qu’il faisait, il me transmettait l’amour de son travail : portait à ma conscience la beauté du blé qui germe à l’automne, sort de terre, devient progressivement vert sur la terre marron fraîchement labourée, ensemencée de sa main avec soin. Rarement il s’énervait : peu sur son travail quand c’était dur, et contre moi pratiquement jamais.
Tolstoï m’a touché non pas par ce qu’il a dit et prêché, mais par ce qu’il a vécu : il a travaillé dans les champs, fait les foins, labouré, hersé avec les chevaux même devant le regard amusé de ses paysans, soigné ses abeilles, planté ses arbres. Il en retirait une réelle joie et un juste et honnête bonheur. L’enthousiasme avec lequel Tolstoï fauche ou laboure est bien évidemment contagieux, car les faucheurs acceptent avec joie parfois de travailler encore plus longtemps que prévu. Même, disons-le, s’il leur promettait un peu de kvass supplémentaire (boisson fermentée), ils étaient d’abord entraînés par cette passion débordante que Tolstoï partageait avec eux et le kvass rajoutait à cette joie.
Qu’il soit à la charrue, à la faux, à fendre le bois ou faisant une charretée de foin …ou devant son bureau, décrivant à merveille la vie, je l’ai reçu de plein fouet à travers ses écrits : Guerre et Paix, Anna Karénine, Résurrection. Il a écrit, décrit pour moi les scènes paysannes que j’ai vécues et avec ses mots géniaux qui deviennent les miens, il a su les faire revivre en mon cœur, les porter à ma conscience. Tolstoï m’émeut, car je peux le rencontrer là où les schémas culturels s’évanouissent. Que l’on soit serf ou maître, si l’un et l’autre vivent au même niveau la même passion, alors disparaissent les barrières.
Il vit passionnément ses rapports avec les moujiks, il se donne comme mission d’inventer des relations plus justes avec les paysans qui sont « l’âme du peuple russe ». En Russie à cette époque, quand un serf ou un paysan se courbait devant le seigneur Tolstoï, celui-ci lui disait, « Relève-toi, qu’est-ce que ça veut dire ? » Quand un autre l’appelait mon bon maître ou seigneur, il se fâchait presque et lui répondait « Appelle-moi Lev Nicoleïvitch et va ton chemin»
Mon père né en 1903 m’a souvent dit qu’il n’y avait pas grand chose de changé en France dans la vie rude et misérable des besogneux de la terre qu’ont été tous mes ancêtres, bien que la révolution de 1789 soit passée par-là. Ils étaient liés par un travail incessant pour survivre ; les grands propriétaires bourgeois et aristocrates n’avaient aucun scrupule à louer pour un prix élevé la terre aux fermiers ou alors la donnaient en métayage à des conditions pratiquement à mourir de faim sur leur propre ferme tellement les redevances en nature étaient élevées. Sans parler de ceux qui, encore plus pauvres, cherchaient un travail au jour le jour et s’ils ne le trouvaient pas, mendiaient leur pain chez l’habitant pour nourrir leurs enfants.
Vers les années 1930, quand mon père allait payer au bourg voisin les fermages à son propriétaire qui possédait des dizaines de fermes, il devait l’appeler « Mon bon maître ». Il me disait quand j’étais encore enfant qu’il ressentait comme une soumission humiliante de devoir le nommer ainsi. Mon père, vivant cette injustice de fermier exploité, m’a toujours dit : « La terre devrait appartenir à celui qui la travaille ». Il trouvait injuste aussi qu’il faille aller porter gratuitement au maître du bois de chauffage l’hiver alors qu’il avait tout le mal de le couper, et qu’à la maison, pour faire la cuisine et se chauffer, on l’économisait.
Les grands propriétaires terriens russe avaient tous les droits et pouvaient jouir du travail des serfs en les exploitant sans merci : «Le peuple se meurt, il est habitué à sa lente agonie ; les enfants dépérissent, le travail des femmes est exagéré, l’insuffisance de nourriture pour tous et surtout pour les vieillards se fait cruellement sentir. Le peuple insensiblement arrive à une situation dont il ne perçoit pas l’horreur et personne ne s’en émeut. Les enfants, les vieillards meurent parce qu’ils n’ont pas de lait, et ce lait manque parce qu’il n’y a pas de terre pour faire paître le bétail et récolter blé et fourrage. Il est évident que la cause de cette misère provient du fait que la terre ne lui appartient pas, mais se trouve entre les mains de gens qui jouissent de ce droit de propriété, qui vient du travail d’autrui….. la terre, si indispensable au peuple qui meurt faute d’en avoir, est toutefois cultivée par ces gens réduits à l’extrême besoin, pour que le blé qu’elle produit soit vendu à l’étranger et que les propriétaires fonciers puissent s’acheter des chapeaux, des cannes, des calèches, des bronzes. Dans les sociétés savantes, dans les administrations, dans les journaux, nous dissertons sur les causes du paupérisme et sur les moyens d’améliorer le sort du peuple, mais nous laissons de côté le seul moyen qui pourrait y remédier et qui consisterait à cesser de le priver de cette terre qui lui est indispensable ». (1)
-Il faut rappeler que les serfs appartenaient aux seigneurs et que la loi de 1861 abolit cet état de fait. Les paysans et les serfs domestiques libérés du servage reçoivent les droits civils attachés aux personnes et aux biens des sujets ruraux libres. Tout en gardant le droit de propriété sur l’ensemble de leurs terres, les propriétaires fonciers cèdent à leurs paysans en jouissance contre redevances : les maisons rurales avec leurs dépendances selon les règles locales. Pour le lot qui leur sera attribué, les paysans sont tenus d’acquitter au profit du propriétaire foncier les prestations en argent ou en travail déterminé par les règlements locaux. Les paysans affranchis sont groupés en communes rurales pour les questions économiques, en canton pour l’administration et la justice locale. Dans chaque commune et chaque canton, les affaires de la collectivité sont réglées par son assemblée et ses autorités élues. Enfin, les propriétaires fonciers conserve le droit de police seigneuriale et la tutelle des communautés rurales, tant que durent les liens de dépendance à l’égard du propriétaire- (2).
Tolstoï a eu un vrai souci d’équité. Les formes nouvelles de partage qu’il entrevoyait et essayait de mettre en pratique étaient inspirées de l’économiste et humaniste américain Henry George qu’il a beaucoup étudié et qui prêchait une forme de nationalisation de la terre, avec un impôt unique. Henry George au 19ème siècle dit « La terre ne saurait être l’objet d’une propriété privée, elle ne saurait être objet de vente et d’achat, pas plus que l’eau, l’air ou les rayons du soleil. Tous les hommes ont un droit égal sur la terre et sur tous les biens qu’elle produit.»
Tolstoï dit aussi à travers son personnage: « à mon avis on n’a pas le droit de vendre ni d’acheter de la terre car, tant que cela sera possible, ceux qui ont de l’argent achèteront toutes les terres et feront payer ceux qui s’en trouveront privés le droit de la cultiver. Ils feront payer le droit de se tenir debout sur la terre», ajouta t-il, se servant d’un argument de Spencer (philosophe et sociologue britannique du 19ème siècle des œuvres duquel Tolstoï tirait aussi ses réflexions sur la répartition des terres et des biens ).
L’abolition du servage n’améliore pas beaucoup la vie des paysans :
« Le livre des comptes lui révélant tous les avantages [pour les seigneurs] d’une propriété paysanne très morcelée et enclavée dans les terres seigneuriales, ne fait que le renforcer dans sa résolution de renoncer à une exploitation personnelle de ses terres et les distribuer aux paysans. L’examen des registres lui apprit que les deux tiers des ses meilleures terres étaient cultivées par les ouvriers agricoles à l’aide de machines perfectionnées tandis que le troisième tiers était cultivé par des paysans à raison de cinq roubles par arpent. En d’autres termes pour cinq roubles, le paysan s’engageait à labourer trois fois, à herser trois fois chaque arpent, et à
y semer, faucher, lier ou moissonner et transporter les bottes sur l’air de battage, c’est-à-dire accomplir une besogne pour laquelle un ouvrier libre travaillant à bas prix ne demandait pas moins de dix roubles. Ils travaillaient pour le droit de pâture, pour le bois, pour les fanes de pommes de terre et presque tous étaient en dette avec le bureau Ainsi des terres éloignées étaient louées aux paysans quatre fois plus cher que le prix que ces terres pouvaient rapporter, placé à cinq pour cent». (3)
1) dans Résurrection traduit par Edouard Beaux
2) tiré du site Internet : pédagogie.ac-montpellier.fr.
3) idm Résurrection
« A Kouzminskoïé, ferme aux terres très riches dont il tirait les plus gros revenus et où les paysans étaient très dépendants de la gérance, il avait abandonné de la terre venant de son père. Il considérait la propriété foncière comme un péché aussi grand que l’était celui de la possession de serfs quelques quarante ans auparavant. Même s’il avait besoin d’argent à cette époque, il ne pouvait laisser les choses en l’état ; il devait les changer même à son détriment. Plutôt que de payer des salariés qui seraient encore liés à leur propriétaire, il loue à bas prix les terres aux paysans, en leur donnant la possibilité de se rendre indépendants. Il ne considérait pas cette formule comme une solution définitive, mais comme un pas en avant et le passage d’une forme grossière d’oppression à une forme adoucie » (1)
Tolstoï veut aller plus loin, il explique aux paysans que la forme de location qu’il leur propose les libérera de la dépendance envers les seigneurs. Et qu’ainsi ils pourront travailler pour eux. Tous les paysans ne sont pas d’accord car ils pensent voir encore une ruse de la part du maître. Comment faire confiance à des maîtres qui les ont exploités depuis la nuit des temps ? S’ils sont libres de cultiver la terre comme ils l’entendent ça veut dire aussi qu’ils devront supporter l’achat des semences, payer des impôts, acheter du matériel, se débrouiller par eux-mêmes. Pour certains c’est une sorte d’abandon de la part du seigneur. Tolstoï est bien conscient que l’on ne passe pas d’un seul coup de l’état de serf à l’état d’exploitant agricole à son compte. Il est conscient aussi qu’il ne sert à rien de donner sa terre en fermage à des individus qui reproduiront les mêmes injustices que les seigneurs. C’est pour cela qu’il propose de donner en fermage à un prix très bas une partie de ses terres à un groupe de paysans. Le revenu de cette location ira dans un fonds commun géré par des personnes représentatives des paysans, afin qu’il serve au développement de tout le groupe de paysans. A certains endroits il alla jusqu’à louer la terre aux paysans en leur abandonnant le prix même de cette location. « En agissant ainsi il se démettait de son droit de propriétaire foncier.» (2)
« Dans ce cas seulement la terre ne restera pas en friche comme de nos jours, où les propriétaires, comme des chiens sur leur tas de foin, ne laissent pas approcher de la terre ceux qui peuvent l’exploiter, eux qui en sont incapables » - c’est ainsi que Tolstoï fait parler Néhklioudov dans son roman Résurrection. (3)
Plus tard en Russie, les communistes se baseront en partie sur cette mise en commun des terres que l’on nomme l’artel : forme de propriété collective (les Kolkhozes). Bien que Tolstoï ait essayé de mettre en commun les terres à travers des groupes de paysans, plus tard il
ne croyait plus possible que l’on puisse mettre tout en commun : labourer, partager les mêmes chevaux, les mêmes charrues, et que tout le cheptel vif(0) et mort(0) soit aussi mis en commun. Il émet l’idée que si un être humain n’a pas directement des intérêts personnels dans son travail, il ne peut travailler correctement, prendre à cœur sa tâche et la rendre productive et rentable.
Les idées de Tolstoï sont à replacer dans un courant de pensées qui avait cours durant tout ce 19 ème siècle : vouloir libérer et éduquer le peuple. Tchékhov avait lui aussi ses écoles pour les paysans et le penseur philosophique et spirituel allemand Rudolf Steiner (fin 19ème début 20ème), dans son cours aux agriculteurs dit que la terre ne devrait jamais être la propriété d’un
individu mais d’un groupe d’hommes qui la travaillent sous forme d’association. Il ajoute en ces termes « on libère la terre en faisant en sorte qu’elle ne revienne pas par héritage aux successeurs» .
1,2 et 3 dans Résurrection, id.
(°) cheptel vif : les animaux ; cheptel mort : le matériel
Est ce un rêve, une utopie ? regardez diront certains, en Russie le partage n’a pas bien fonctionné. Par la force, rien ne peut vraiment changer : tout le monde se soumet et traîne les
pieds. Tolstoï après les années 1880 a découvert et prêché que l’homme doit changer du dedans, à l’intérieur de lui-même...car sans cette prise de conscience rien de sérieux et de durable ne peut s’articuler .
Lorsque l’on dit que Tolstoï s’amuse avec ses lubies de paysan, d’éducateur, ce n’est pas très respectueux pour les besogneux de la planète. Même si Tolstoï n’a pas fait de miracle, n’a t-il pas ensemencé dans la conscience des hommes une autre façon de considérer l’homme asservi par son labeur et toutes ses dépendances ? N’a t-il pas semé, dans les consciences certes plus que dans ses champs, la graine de liberté qui donne les fruits de la justice ? Gandhi pendant 14 ans fut un fidèle adepte de Tolstoï (qu’il lisait dans ses prisons). Il a été formé par ses lectures au principe de la non-résistance au mal que Tolstoï enseignait et qu’il a voulu lui léguer personnellement par lettre juste avant de mourir pour bien signifier qu’elle avait valeur testamentaire. Gandhi n’a t-il pas participé à libérer l’Inde ? Au delà de ses imperfections d’homme, Tolstoï fut un précurseur et un visionnaire.
Avec les hommes qu’il entraîne dans son sillage il donne une direction vers laquelle tout homme sensé doit regarder …On lui reproche des faiblesses, (parfois faire le contraire de ce qu’il dit, vouloir libérer les serfs et les faire travailler pour son propre compte, chercher la non violence et se mettre en colère contre ses proches, prôner la chasteté et ne pouvoir résister aux tentations de la chair) mais c’est oublier qu’il donne aux hommes des raisons d’espérer autrement que par les guerres, les révolutions sanglantes et la violence barbare des gouvernements : des milliers de moujiks étaient à son enterrement pleurant celui qui avait été leur porte-parole.
Porché dit « Pendant que les fils Tolstoï fainéantaient sur leurs domaines, un tout autre jeune homme Vladimir Iliitch Oulianov non loin de chez eux étudiait bien plus sérieusement son droit avec une toute autre ardeur que les fils de cet apôtre de la non-résistance au mal ». Mais même si ce jeune studieux deviendra Lénine par la suite, qui des deux : le révolutionnaire sanglant ou le non-violent a apporté le plus à l’homme et à l’Humanité ? Lénine, bien que son projet d’équité soit ambitieux, a ordonné des assassinats en masse, pas Lev Nicoleïvitch Tolstoï, à ma connaissance. Au contraire il a tout fait pour discuter avec les révolutionnaires de tous poils afin que n’arrive pas toute cette violence qu’il pressentait.
L’économie rurale est elle autre chose que des rapports humains ? Tolstoï préconisait des rapports plus justes qu’il mettait en place dans ses propriétés. Lorsqu’on parle d’économie, il semble que ce soit une histoire très complexe d’initiés, réservée à ceux qui font de très hautes et compliquées études en la matière. Quand je fauche mon champ à la faux plutôt qu’avec des machines très sophistiquées et que je ne cherche pas à exploiter l’autre ni à être exploité, ne fais-je pas de l’économie rurale et mondiale ? Quand je fais mon jardin pour me nourrir plutôt que d’enrichir encore plus le PDG de Carrefour, ne fais-je pas aussi de l’économie rurale ? Quand je coupe mon bois moi-même pour me chauffer plutôt que de faire venir du pétrole à des milliers de kilomètres, enrichissant des oligarques qui se font des fortunes immenses sur le dos des travailleurs mal payés qu’ils volent, ne fais-je pas encore de l’économie mondiale?. Tolstoï avait bien compris cela vers les années 1880. Ne faisait-il pas lui même ses chaussures, coupait son bois ainsi que beaucoup d’autres activités domestiques ? Cette façon de faire était pour lui une manière d’être en accord avec ses idées de simplicité et de non participation à l’exploitation de l’homme par l’homme.
A partir de mai 1968, après cette mini-révolution Française venant de Californie et s’étendant en partie sur l’Europe de l’ouest, les idées de Tolstoï et de Gandhi, entre autres, circulaient sans que j’en sois conscient. Quand je pris le train des idées de mai 1968, je pensais à cette époque qu’elles étaient pratiquement miennes, mais depuis que je lis Tolstoï je suis frappé de voir que j’étais dans le message de Lev Nicoleïvitch . Etrange révélation ? je n’avais rien inventé …seulement participé à un mouvement en marche. Le retour à la terre des soixante-huitards n’était -pour moi qui ne l’avait jamais quittée- qu’un retour fondamental à une autre façon de considérer l’ensemble de l’existence : le refus de la servitude du travail de la ferme, le refus des lois d’un Etat qui asservit l’homme, le refus des vieilles idées et des vieux principes de vie qui entravent l’homme et le rendent esclave de lui-même.
Mes rapports avec la nature, la terre, n’ont jamais été pour moi un moyen de faire de l’argent. Maintenant encore, je n’ai pas le sentiment de « faire » ou « d’avoir » un métier mais tout simplement de vivre comme s’il était inconcevable de l’envisager autrement : mon mode de vie est lié à mes aspirations, mes états d’âmes. J’ai tout fait afin qu’il n’y ait aucune séparation entre gagner ma vie, vivre et être libre de mon temps. Dans mon travail, en cultivant mon jardin, en élevant mes animaux, en coupant mon bois ou en faisant mes meubles, par un tel mode de vie je vole au minimum les autres habitants de la planète et garde un contact plus harmonieux avec la nature que si j’étais lancé dans la course effrénée au progrès.
La course à la consommation, à la productivité, au toujours plus est un mirage, un nouvel esclavage pour ceux qui la subissent et du profit pour ceux qui l’encouragent. L’arrêt de l’inflation du progrès est une donnée même des idées que prêchait Tolstoï et que j’ai fait mienne sans le savoir.
Quand je parle de Tolstoï on me dit parfois :«Mais pourquoi donc n’existe-t-il plus aujourd’hui d’hommes comme lui? on aurait bien besoin d’eux, d’entendre leur voix» mais d’autres répondent, «ils seraient mis en prison, même dans nos démocraties modernes » !
Le message que Tolstoï donnait à la face de la Russie et plus tard à celle du monde n’était-il pas d’avant garde, de par ses idées révolutionnaires qu’il mettait en pratique : libérer les serfs, les instruire, partager ses terres, faire cesser les mauvais traitements corporels ? Il avait pressenti de par sa perception aiguisée de la vie qu’il fallait arrêter de profiter et de s’en mettre plein les poches en restant oisif. Et qu’il fallait surtout mettre en pratique ses idées d’équité et de justice autrement que par la violence, comme le préconisaient la plupart des mouvements révolutionnaires de cette époque : la fin ne justifie pas les moyens. Qui a voulu l’écouter ? non, on a préféré voir en lui un rêveur, un utopiste, un idéaliste et chercher ses contradictions plutôt que ce qu’il y a de fondamental dans sa vision de la société russe de l’époque, et de toujours….
La période de sa crise spirituelle aux alentours de 1879 est une prise de conscience totale ; elle a des conséquences directes sur sa vie de tous les jours et des répercussions sur sa vision de la ferme. Il est moins passionné par le déroulement du domaine, toutes ses énergies sont tournées vers une vie plus intérieure ; il se pose beaucoup de questions sur le sens de tout ce travail de la terre. Il gagne moins d’argent avec, il la délaisse même, les revenus des grands romans sont là aussi pour remplacer le manque à gagner du domaine. Il faut dire que Tolstoï avait instauré un autre rapport avec ses moujiks que celui de la brutale autorité sans faille, les coups de verges n’étaient pas connus chez lui : il travaillait avec eux, leur parlait d’égal à égal et du coup certains voyaient dans ce comportement de leur maître une certaine faiblesse …et parfois en profitaient pour ne pas donner le meilleur d’eux-mêmes. Tolstoï avait conscience de cela, mais ne voulait ni ne pouvait changer cette situation. Il était conscient que les problèmes qu’il rencontrait venaient en partie de son manque d’autorité, d’un certain laisser-aller .
Il veut vivre maintenant plus simplement, dépendre moins des autres, donner tous ses biens et faire tout ce qui lui est possible par lui-même. Il voit en cela un acte hautement politique, c’est le début de son renoncement, de sa non-participation à l’exploitation de l’homme par l’homme. Il ne croyait à aucune forme de gouvernement ou d’Etat quel qu’il soit, comme il ne croyait pas au régime socialiste ou communiste en chantier en Russie à la fin du 19éme siècle.
A partir de 1880 environ, toute la famille va aller habiter à Moscou. Tolstoï reviendra à Iasnaïa Poliana surtout l’été, et sur la fin de sa vie plus durablement.
Il avait bien perçu que la toute première démarche à faire pour aller vers ses buts était de faire prendre conscience au peuple que, dans son ignorance délibérément maintenue par les tsars, il restait à jamais asservi et incapable de s’ouvrir à toute gestion de lui-même. Il se donne tout entier à cette mission, et c’est dans cette période qu’il commence à « faire la morale » à la Russie et au monde entier.
Il a instruit les enfants des moujiks, créé des rapports plus justes avec les moujiks, écrit ses grands romans-réalités à travers lesquels il mettait toute sa sensibilité, sa passion, ses pensées et réflexions sur la vie, mais maintenant il sent bien qu’il faut enseigner sa nouvelle perception de l’être humain, ce qu’il nomme « sa nouvelle religion » qui l’éloigne vite de l’ordre existant et de la puissante église orthodoxe. Il ira jusqu’à composer un catéchisme révisé, sur les bases de l’enseignement véritable du Christ qui n’endoctrine pas le peuple mais au contraire peut le mettre en situation de se connaître lui-même et d’œuvrer à sa propre liberté. En 1901 il est excommunié.
Tolstoï ne nous invite t-il pas à un recentrage sur nous-mêmes, à réfléchir sur le sens réel et profond de toute notre existence? Tolstoï vibre à travers sa passion de la terre, de la nature, des paysans et des ouvriers qui sont, dit-il, le ferment de la vie. Il révèle que les élites, les dirigeants de toutes époques organisent, entretiennent et gèrent le peuple laborieux afin qu’il reste dans une dépendance et un asservissement aux seules fins de nourrir leurs fabuleux intérêts. Tolstoï vient dévoiler à l’homme ses chaînes, aux tsars, princes, comtes et boyards leur pouvoir illégal absolu entretenu et justifié par la toute puissante Eglise- aujourd’hui on dirait par la sacro-sainte société de consommation servie par un capitalisme débridé qui produit les exclus à grande échelle en Europe et aux Etats- Unis.
La technologie super sophistiquée rend la masse laborieuse inutile, les gouvernements soucieux de se maintenir au pouvoir colmatent les brèches, font semblant de gérer les problèmes, car ils savent bien qu’ils sont devenus insolubles ; leur seule préoccupation est que le peuple ne se révolte pas.
En Russie et ailleurs les projets communistes ont échoué, aujourd’hui dans les campagnes en Russie ne risque-t-on pas de revenir un siècle en arrière , en Europe prenons-nous ce chemin ? Est-ce une fatalité ? non bien sûr. L’économie néo-libérale n’est pas une grippe contagieuse, mais bien la conséquence d’un projet tout entier tourné vers le profit à tout prix en développant et encourageant par tous les moyens la consommation d’objets absolument inutiles.
Quand je lis de Tolstoï « L’esclavage moderne » écrit en 1901, j’ai la sensation d’être dans l’actualité d’aujourd’hui. Les idées de Tolstoï ne sont pas d’un siècle révolu, mais encore d’actualité dans nos sociétés contemporaines et mondialisées. Tolstoï prône la prise de conscience de chaque individu, qui seule peut apporter un remède aux problèmes intérieurs et extérieurs de l’être humain. L’homme libre est un homme dangereux pour toute société et Tolstoï comme d’autres ont été et sont des dangers à écarter. Dans la Russie des soviets on étudiait le côté littéraire de ces grands penseurs, mais pas la face philosophique, qui, elle peut conduire les hommes à penser par eux-mêmes, réfléchir et ne pas accepter leur condition.
Est-ce que aujourd’hui encore, les élites politiques, religieuses ou alors qu’elles soient de la presse écrite et parlée ne font qu’entretenir l’homme, le peuple dans un semi-mensonge, un semi-sommeil ? La propagande de tous les marchands est assénée et répétée pour que l’homme accepte la fatalité de son existence, alors que tout à côté de lui, au quotidien d’autres s’enrichissent et vivent grassement sans se tuer à la tâche quand il trime au boulot pour seulement se nourrir, se soigner et élever ses enfants. Mais lorsqu’on parle du peuple, déçu de ses élites qui ne pensent qu’à leur pouvoir, le populisme des politiciens charognards est toujours là pour l’emmener encore davantage vers des gouffres plus profonds.
Tolstoï, parmi bien d’autres fait partie des êtres qui mettent le doigt sur ce qui ne va pas en nous, il nous fait prendre conscience de la révolte saine qui gronde sous notre peau. Si on ne sait pas l’utiliser pour grandir, se connaître intérieurement alors elle peut nous détruire ou nous rendre fou, ou bien elle est faussement adressée aux autres et peut provoquer les guerres civiles et la guerre tout court. Il nous invite à regarder, à prendre à notre compte cette révolte-énergie qui nous habite afin qu’elle nous transforme plutôt de l’intérieur, nous construise en tant qu’individu relié au monde réel et non aux idéaux de tous les marchands du temple et des vendeurs de mirages de tous poils.
De la manière dont nos sociétés fonctionnent, elles encouragent l’hypnose, et chacun de nous y participe s’il n’en prend pas conscience. Des hommes viennent pour nous réveiller, nous dévoiler à nous-même et nous appeler à vivre libre et responsable.
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