jeudi 25 octobre 2007
1. Tout d'abord, nous savons aujourd'hui que le développement d'un
jeune enfant passe par la motricité et la capacité d'interagir avec
les différents objets qu'il rencontre. Alors que l'interactivité est
intrapsychique chez l'adulte et l'enfant grand, elle a encore besoin
de s'appuyer sur le corps et la sensori-motricité chez l'enfant
jeune. L'intelligence, à cet âge, est en effet plus corporelle
(sensori-motrice) que imagée ou conceptuelle. Il est à craindre que
le temps passé par l'enfant devant les émissions d'une chaîne de
télévision - qui rassurera les parents parce qu'elle est présentée
comme fabriquée pour les tout-petits - ne l'éloigne des activités
motrices, exploratoires et interhumaines, fondamentales pour son
développement à cet âge.
2. Nous savons aussi que l'enfant ne se développe, et n'établit une
relation satisfaisante au monde qui l'entoure, que s'il peut se
percevoir comme un agent de transformation de celui-ci. C'est ce
qu'il fait quand il manipule de petits objets autour de lui. Il est à
craindre que l'installation d'un tout-petit devant un écran ne réduise
son sentiment de pouvoir agir sur le monde et ne l'enkyste dans un
statut de spectateur du monde.
3. Alors que les programmes proposés par cette chaîne existent déjà
sous la forme de DVD, qui ont l'avantage de proposer une durée
limitée, il est à craindre que la création d'une chaîne émettant en
continu 24 heures sur 24 n'incite les parents à l'utiliser comme un
moyen facile d'endormir leur enfant. Tous les parents savent comme le
coucher d'un tout-petit est difficile : il rappelle, les parents y
retournent, puis quittent sa chambre... pour revenir un peu plus
tard, attirés par de nouveaux cris. Beaucoup de parents risquent
d'être tentés par l'installation de la télévision dans la chambre de
leur tout-petit comme un moyen de faciliter l'endormissement de
celui-ci.
4. De nombreux travaux d'éthologie, y compris appliqués à la relation
mère enfant, ont montré combien l'être humain est capable de
s'accrocher aux éléments les plus présents de son environnement, dès
les débuts de la vie, et notamment à ceux dont il a l'impression
qu'ils le regardent. Il est à craindre que de jeunes enfants
confrontés sans cesse aux écrans ne développent une relation
d'attachement à eux qui les « scotchent » indépendamment de tout
contenu. Ces enfants ne pourraient se sentir « bien au monde » -
autrement dit sécurisés - que si l'un de ces fameux écrans est allumé
près d'eux. L'argument qui consiste à dire que cette chaîne ne
contient pas de publicité est particulièrement fallacieux de ce point
de vue: les publicistes se rattraperont après, quand l'enfant plus
grand ne pourra plus se passer d'une présence permanente d'un écran
allumé à côté de lui.
En conclusion : cette chaîne, évidemment lancée pour les
actionnaires, risque de séduire certains parents. Mais ce n'est
certainement pas pour le bénéfice des enfants qui seront installés
devant elle. A une époque où on parle beaucoup d'écologie, prenons
conscience que protéger nos enfants du risque de développer une forme
d'attachement à un écran lumineux est une forme d'écologie de
l'esprit. C'est pourquoi il est urgent de se mobiliser pour la
création d'un moratoire qui interdise à de telles chaînes de diffuser
des programmes pour tout petits en continu, 24H sur 24, avant que nous
en sachions un peu plus sur les relations du jeune enfant et des
écrans.
Cet appel est lancé à l'initiative de Pr Pierre Delion (Chef de
service de pédopsychiatrie au CHU de Lille), Philippe Duval
(Psychologue Clinicien, Directeur de Publication du Journal des
Professionnels de l'Enfance), Sylviane Giampino (Psychanalyste,
psychologue petite enfance, fondatrice d'A.NA.PSY.p.e.), Pr Bernard
Golse (Chef de service de pédopsychiatrie CHU Necker-enfants malades,
professeur Université Paris V), Vincent Magos (Psychanalyste,
responsable de la Coordination de l'aide aux victimes de
maltraitances - Belgique), Pr Marie-Rose Moro (Chef de service au
Centre Hospitalier Universitaire Avicenne), Serge Tisseron
(Psychiatre, psychanalyste et Directeur de recherches à l'Université
Paris X).
Merci de faire circuler ce texte et de signer l'appel à l'adresse :
Copyright © par PSYCHASOC
n° de déclaration : 91.34.04490.34
— site web réalisé par Easy Forma —