jeudi 15 juillet 2004
Le livre de Jean - François GOMEZ « Un Educateur dans les murs » rappelle ces questions : « Qu‘est ce que je fous-là ?» « Qu’est ce que je cautionne ? ».
Il y est question de déterminisme social « ce gosse qu’on a voulu réparer d’une manière ou d’une autre, s’y trouve drôlement dans la « sous culture » »… « un éducateur c’est bien avant tout celui qui peut entendre toutes sortes de musiques et de langages différents ».
L’écriture poétique se fait jour dès les premières pages, laissant place à une blessure qui en sait plus que son auteur.
« Il m’arrive de penser à ce berger, beau comme seuls les bergers de Provence peuvent l’être, avec ce visage buriné par le temps, le soleil, la pluie et le mistral, et je pense que son désarroi est celui de tous les hommes ». L’auteur serait-il ce berger de l’aurore ?
Rimbaud, Char et Céline s’en sont mêlés, il s’en suit cette musique qui fait le sang mêlé…
Cet « horrible travailleur » nous fait entendre la rumeur même des origines, la rumeur du monde, cette mutation poétique est la désaliénation de l’homme, celle où l’auteur nous convie.
« Pour décrire ce que vivent les éducateurs, il n’y a, peut être, que la littérature et la poésie » suggère-t-il tout au long de son œuvre.
Parole de sagesse, face à la raison raisonnante que produit la dérision du monde actuel… Il existe un feu sacré qui brûle dans ce premier livre et qui va s’affiner au fil de la plume. On y trouve une poésie de l’exil, la vie et la mort qu’il porte en lui dans un lien d’intimité propre à l’écrivain. Il prendra bien des chemins, des fausses routes, des aller-retours, pour arriver à cette déconstruction si chère à Jacques Derrida et qui se résume en un ensemble de questions.
Tout jeune éducateur pourrait bien trouver au travers de ce livre ses propres raisons professionnelles d’exister, car le travail, le vrai, passe par ce chemin où l’éducateur fait l’apprentissage long et douloureux de la castration. Il est bien question d’un travail clinique dans ce livre, au sens le plus noble du terme, d’un travail sur soi. C’est un nomade en marche qui souffre dans son corps et dans ses mots pour arriver à « se mettre du côté de l’enfant », « du côté de l’humain ». Il rejoint le drame des enfants en arrivant à une reconnaissance et un renoncement narcissiques toujours à répéter.
Tous ces enfants inéducables, invivables, insoignables, qui nous mettent sur le qui vive, ces enfants qui ne peuvent articuler le ‘je’ et le ‘nous’, c’est bien d’eux que l’éducateur va apprendre le plus. Ce sont ceux-là qui vont l’aider à trouver sa propre langue qui chante et danse au fil des livres qui vont suivre…
Nous sommes en 1978, il vient de mettre un point final à « Un éducateur dans les murs », il signe, J.-F. Gomez, Profession : Educateur, puis il va méditant dans la nuit sur cette phrase de René Char : « La lucidité est la blessure la plus rapprochée du soleil ».
Cette nouvelle édition donne un coup de fraîcheur à ce poème pour le XXIème siècle.
« Ce bougre-là » dans le livre est suivi de « et l’on voit passer un vieux jardinier » qui continue à officier, qui entend l’enfant dans ce qui nous échappe dans ce qui est un appel d'être au milieu des arbres, de la terre, de l’eau et du feu. Ce vieux sage est en position d’idéal du moi. Pour l’auteur c’est Deligny.
Les éducateurs devraient lire les poètes, ils devraient lire Deligny.
Et Gomez me direz-vous ?
Je vous renverrais à Thierry Metz :
«Une voix heurtée, cassée, qui se risque à être mémoire dans ce qui n’est qu’urgence et besoin, et qui a lieu, là dans les écritures ».
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