lundi 12 juillet 2004
En premier lieu, l’objectivité , souvent présentée comme un « idéal » pour permettre un travail d’AEMO. La neutralité, l’indépendance, le contradictoire, le « non-jugement », la recherche d’un diagnostic social quasi-scientifique, etc. autant de notions qui se référent à notre objectivité de travailleur social. Mais comment se penser sans subjectivité ? Qu’elle soit explicite ou implicite !
Il nous apparaît que le choix d’une méthode qui tienne compte de cette subjectivité et d’intégrer cette méthode dans notre travail répondait à notre attente. Pour chacun cela paraît simple, se fier à l’effet sur nous de la situation pour en déduire une observation et une stratégie. L’analyse de la pratique est un travail groupal qui autorise cette approche. L’étude de ce qui se passe dans le groupe et de ce qui se dit, fait apparaître cette subjectivité et provoque le décalage indispensable au retour dans notre pratique : sans atteindre l’objectivité idéale, la conscience de notre subjectivité décale notre regard et par conséquent notre implication dans la situation.
Le deuxième point rejoint cette recherche de notre subjectivité, mais étudie la question du pourquoi : Pourquoi nos passages à l’acte, pourquoi nos réponses, pourquoi ces situations familiales nous font-elles réagir sans temps de pensées, et sur quoi se fonde notre pratique éducative dans ces réponses ? Voyage au cœur de l’intime éducatif … qui ne peut se faire que dans un lieu suffisamment accueillant et confidentiel.
Concrètement c’est quoi l’analyse de la pratique ?
Dans notre cas, c’est un petit groupe ou chacun a la même fonction ( travailleur social ), la même tache énoncée ( AEMO ), aidé par un intervenant (psychanalyste) lui-même en référence à sa propre analyse de la pratique. Dans ce groupe nous étudions ce qui est dit, ce qui se passe, et nous prenons le risque de l’interprétation, c’est à dire mettre des mots sur ce que nous appelons souvent des « ressentis ». Les travailleurs sociaux apportent ce qui les questionne dans un espace à l’écart des normes institutionnelles. Ceci à travers l’analyse de situations ou d’entretiens, des lectures, des réflexions : C’est le risque de dire, risque d’avoir une position et de la laisser repérer, mais aussi le risque de laisser apparaître son désir ? Les règles sont simples : confidentialité, périodicité, régularité, écoute, rien d’extraordinaire et pourtant …
Nous avons choisi un lieu hors du service et une périodicité hebdomadaire.
Ce travail d’analyse de la pratique nous a amenés à des réflexions, des mises en œuvre de méthodes, et à une lecture de nos actions éducatives dans ce que nous pourrions définir comme quatre directions :
Ce sont en fait quelques-uns des pistes de travail, des ramifications ou peut-être des effets de l’analyse de la pratique, mais pas seulement, il s’agit également d’une rencontre avec des références théoriques, diverses formations et congrès que nous avons les uns et les autres fréquentés, une confrontation permanente entre une pratique et une théorie pour affirmer une méthode sans cesse remise à la question dans cette espace du mardi matin.
La surface projective mérite peut-être un peu d’explication : L’AEMO est basée sur l’entretien, quelle que soit la forme de celui-ci et sur une action avec la famille. Nous pouvons dire que nous allons proposer une identification possible. Il y en a qui parle même de tuteur de résilience, vous dire ! Cette identification sur nous se fait sur ce que nous appelons une surface projective, c’est à dire une partie de nous, mais surtout une représentation, sociale, judiciaire, normative, avec un savoir etc.
Par exemple dans le travail à deux tel que nous l’avons pensé c’est la surface projective qui est différente, puisque c’est un couple imaginaire qui est exposé. La stratégie élaborée autour de ce travail à deux se pense ainsi non pas en fonction d’une classification de la famille mais en fonction d’un processus d’identification imposé.
Cette surface projective est pour ainsi dire d’autant parasitée que nos propres projections inévitables ne sont pas mises à jour et lorsque nos réactions ne sont pas différenciées de celle de la famille, nous travaillons en écho, voire en caisse de résonance et ce à dans toutes les sphères. C’est la pensée différenciée du travailleur social qui introduit la limite, la séparation, et qui « recadre ». Comme au cinéma, nous sommes alors dans un « comme si » où les mesures éducatives sont des scènes de jeu.
Pour l’instant, l’analyse de la pratique ne permet ces repérages qu’au niveau du groupe, il y a des niveaux manquants, les autres sphères : service et institutions.
L’analyse de la pratique nous a permis de travailler sur le dispositif, en précisant chacun des concepts : ainsi le cadre serait la tache explicite et implicite, les procédures, le dispositif, un moteur, une enveloppe, dans lequel se déroule un processus. Le cadre aurait plusieurs morceaux, concepts, qui s’emboîtent ou qui sont en couches successives. Ces différents concepts à toujours définir, seraient une recherche, ils permettent au cadre de s’installer et de favoriser le changement.
Le discours de chacun autour du dispositif (ou de la partie explicite de la mission) est réflexif, défensif comme celui tenu dans l’espace de l’AEMO (travailleur social / famille). Il est sans fin et permet de se protéger, ce qu’il faut sans doute faire parfois. C’est ce discours qui apparaît pour ce qu’il est, dans l’espace de l’analyse de la pratique. Alors le cadre est souvent attaqué et son maintient, n’est pas celui d’un dispositif jamais assez rigide, mais la référence à des règles indépendantes des personnes qui forment le groupe sert au repérage des effets du cadre.
Cette question du dispositif et comment s’y référer paraît essentielle, elle permet de ne pas se laisser guider par les événements (le trauma) et favorise l’émergence d’une pensée sur le fonctionnement de chacun et d’un groupe.
En fin est joint, un texte sur le cadre en AEMO … (1)
Ce groupal oblige à travailler sur ce qui se passe ici et maintenant, ne pas se cantonner dans un raisonnement sur l’histoire. Cette écoute groupale décale, elle aussi le travailleur social pendant les entretiens, puisqu’il est à l’écoute de ce qui se passe et moins de ce que dit une seule personne par exemple.
Du groupal, nous en trouvons chaque jour de la pratique éducative, en allant à Mac Do avec des jeunes, dans nos entretiens familiaux ou dans différents accompagnements éducatifs. Le groupe remet en jeu pour chacun des angoisses, des éprouvés, qui sont ceux de la socialisation (la première d’après certains, c’est à dire de la séparation d’avec la mère, avec ces angoisses de perte …), d’où l’importance de cette approche.
Une notion fondamentale est l’émergence, c’est elle qu’il s’agit d’écouter et pour cela il faut penser l’effet émotionnel du groupe sur nous. Ce qui peut se faire dans cette espace d’analyse de la pratique, et qui plus est dans celle spécifique aux groupes de paroles que nous avons mis en place.
En fin joint le texte sur les groupes de paroles (2)
Bien au contraire il s’agit pour nous de mettre des mots, de passer à l’acte, d’accompagner, et de ne pas dénier nos affects …
Alors et le travail sur la trop fameuse distance ? Et bien il faut aller au plus prés, la professionnalisation, les procédures ne sont pas des garanties de distance elles peuvent être une défiance des affects. Hors l’affect est déjà une pensée, construite à partir de l’éprouvé. Dans les situations familiales que nous rencontrons, l’éprouvé est parfois brut, même le passage à l’acte n’a pas de sens il est très prés de la pulsion et n’est pas organisé comme une pensée ou un affect. Nous parlons souvent de liens archaïques. Déjà le passage à l’affect est une étape et la parole sur l’affect peut être l’interprétation éducative. Mais un passage à l’acte ou toute expression peut l’être également. Ce qui fait interprétation c’est la parole sur notre affect !
Le passage à l’acte est même une base de notre travail social, il marque les limites et il réclame la parole, c’est à dire son interprétation.
Pour prendre un exemple dans le rapport classique mère-enfant : L’enfant a chaud, éprouvé, la mère est inquiète, affect, elle l’emmène chez le médecin, interprétation. Elle aurait pu aussi lui enlever son pull etc. c’est là que parfois le pictogramme n’est pas loin. Pictogramme : représentation d’une idée par une scène..
L’interprétation n’est pas un raisonnement logique du style : la mère a eu une relation incestueuse avec son Père, c’est pour ça qu’elle est dans une relation fusionnelle avec son fils qui exclu le père. Ni une classification de la situation ou un diagnostic sur la famille …
En bref, pour cette interprétation un questionnement sur nos réponses, nos actes nos pensées est nécessaire, ainsi qu’une confrontation à une théorie cela permet un espace au doute et ouvre le possible du changement …
Pour conclure , la question essentielle de l’analyse de la pratique semble quand même être celle de l’éthique : Pourquoi je veux le bien de l’autre ?
A force de laisser apparaître nos questions, l’imaginaire « au nom du bien de l’enfant » laisse place à une pratique moins parasitée de bonnes intentions, plus professionnelle (?).
C’est la question qui permet la différenciation ou plutôt la non-confusion, elle permet de parler de la place de chacun. Pose la question de l’implication personnelle, peut éviter de parler au nom de l’autre ou à sa place. Elle évite aussi de se leurrer sur une soit disant demande de la famille
Rappelons la phrase de Mauss : « Le don absolu méprise l’échange ».
Et puis cette question de l’éthique, c’est peut être aussi celle du plaisir ?
(1).
La question du cadre éducatif en AEMO judiciaire.
Il faut poser le cadre, le respecter, le tenir et s’y référer. Oui mais ce cadre dont il est question en permanence comment le définir ? Et comment permet-il un processus, un changement ?
Comment faire pour qu’à partir d’une AEMO judiciaire (autoritaire, par définition), d’une mission définie par un jugement et d’une rencontre avec une situation familiale et sociale s’instaure un cadre éducatif dans lequel soient pris en compte l’histoire, les affects et les relations sociales. Ceci devant autoriser un changement dans une situation.
Essai d’une définition et d’une recherche de cadre.
Pour définir ce cadre il faut peut être partir de trois fractions :
La mission : objectifs fixés de façon quasi-autoritaire par la Justice.
Le dispositif : Variable, sa forme est choisie.
Le moteur : partie constante et dynamique qui s’appuie sur la relation intervenant-famille.
La mission , c’est la tache du travailleur social, elle se divise en deux parties : la tache explicite et la tache implicite. Toutes les deux sont dans le respect des règles du droit qui sert de contenant.
La tache explicite est celle fixée par le jugement. Elle a des objectifs concrets qui fixent la limite de l’intervention dans la durée mais aussi dans son intrusion. Un des objectifs est le déclenchement d’un changement dans la situation et le respect des règles communes. Elle est discutée lors de l’audience et donc discutable. Mais même s’il y a accord, elle s’impose à tous de façon non contractuelle ensuite.
La tache implicite est en partie le rappel de valeurs et de normes sociales, qui non respectées autorisent l’intervention judiciaire. Elle aurait comme objectif l’intégration des règles communes. Par définition elle n’est pas ou peu parlée, elle présuppose un accord tacite sur des valeurs morales et des exigences sociales représentées par le travailleur social.
La mission se situe toujours en deçà (tache explicite) et au-delà (tache implicite) de la loi, article 375, sans oublier le but premier qui est de protéger un ou des enfants en danger qui est le principe fondateur de cette loi. La mission de l’AEMO judiciaire est strictement entourée par le droit, le code de procédure civil reprend d’ailleurs toute sa place. Le recours sans cesse possible au droit construit déjà une enveloppe protectrice pour la famille et le travailleur social.
Le dispositif , c’est la partie la plus variable du cadre éducatif il concerne l’espace de l’intervention sociale et dépend de la mission. La pensée ne peut naître et se développer si un certain espace n’est pas défini par conséquent aucun processus d’évolution ou de changement non plus. Il s’agit de définir où l’intervention peut agir : le scolaire, les soins, le logement, le budget familial, les loisirs, le travail par exemple. Mais de définir aussi la forme de cette intervention :
- Les entretiens avec qui, adultes, enfants ou ensemble, dans quel lieu (visite à domicile ou pas), leur fréquence, leur durée, les périodes d’interruption, la technique etc.
- L’accompagnement social : intervention dans l’environnement social et familial, l’aide à la socialisation, par le biais de la scolarisation ou de la formation par exemple.
- Toutes sortes de techniques éducatives font parties du dispositif, les périodes de camps, les groupes de paroles, les activités, l’accompagnement de loisirs, le soutien scolaire, des repas, dispositif plus axé sur l’enfant lui-même.
Le dispositif est un véritable contenant du cadre éducatif, l’effet le plus important est réflexif, ce qui apparaît rapidement dans le discours : il reçoit des blocs projectifs et parfois défensifs, ce qui a pour but de se protéger pour ne pas soit être blessé soit raviver des blessures. Les règles établies par le dispositif permettent ainsi un discours sur le contenant. Le dispositif est parfois confondu avec le cadre lui-même, on fait alors de ce dispositif l’objectif premier de la mesure. ( Les discours figés sur les lieus, les horaires, le rythme des entretiens par exemple). Il ne faut pas oublier qu’aucun respect aveugle des règles ne peut remplacer un défaut d’intégration de celles-ci. Le dispositif (contenant) favorise plutôt qu’il n’inhibe l’expression des affects. Dans ce contenant les affects vont pouvoir s’exprimer et un processus d’identification prendre forme : il est le terrain de jeu et les règles en référence à la mission qui vont autoriser ou pas le déclenchement d’un changement.
Le moteur , c’est le fonctionnement de la relation (travailleur social-membre de la famille) qui met en communication leur monde social, psychologique et psychique de chacun avec celui de l’autre (chacun est l’étranger, l’autre). On pourrait parler d’un processus d’identification, et de transformation par le biais de transferts et contre transferts éducatifs. Le lien entre le terrain de jeu (mission et dispositif) et le processus qui peut s’engager, se fait par les dispositions du travailleur social, par exemple : le maintien d’une attitude de renoncement (des possibilités défensives), l’accueil de ce qui va surgir de plus inattendu et l’intérêt accordé aux pensées engendrées par ces surgissements, une position d’écoute. C’est à la pensée du travailleur social de construire et de tenir à partir d’éléments tenus dans cette situation de face à face ou l’impossibilité de penser est souvent présente ( trace d’une situation insupportable ou d’un traumatisme ).
L’attitude du travailleur social face à l’attitude de la famille n’est pas que d’attente et d’écoute mais aussi de renoncement, d’intérêt, d’accompagnement et de compréhension. Le changement et le respect des règles énoncées dans la mission, la tache explicite, peuvent être une adaptation, le fonctionnement du couple va permettre le début d’un processus d’intégration. Quoiqu’il en soit le noyau fondamental et invariant du cadre éducatif est ce fonctionnement en « couple », les attitudes et les pensées des uns et des autres dans ce face à face. En final, et cela rejoindrait la tache implicite, le cadre interne doit pouvoir se substituer au cadre externe. On peut dire que la pensée et les attitudes du travailleur social sont l’ossature du cadre interne par le biais de l’écoute de l’écoute. C’est à dire par la possibilité qu’a le travailleur social de penser la relation, les affects et d’un retour de cette pensée qui s’appuie sur l’analyse de la pratique, la synthèse, l’étude de cas ou d’autres formes d’outils.
Peut-on définir exactement le cadre ?
Il y aurait ainsi plusieurs fractions ou couches du cadre s’étayant les unes sur les autres, il n’est pas réductible à l’une ou l’autre. Il a des parties variables et une partie constante. Ce sont des limites, des frontières, une enveloppe, un espace à l’intérieur desquels un processus peut être développer. De plus ne serait-il pas toujours en construction ? La fonction de l’AEMO judiciaire serait l’élaboration de ce cadre qui permettra le changement, parfois en ouvrant à d’autres mesures : le soin, le placement, le secteur social, la médiation etc. Alors comment joue cette élaboration d’un cadre éducatif en AEMO judiciaire ? Aborder la question de la durée peut permettre de voir jouer cette recherche de cadre justement et de voir comment dans le temps de l’AEMO cette référence devient sans cesse fondamentale et de plus en plus solide.
Recherche du cadre dans la durée de l’AEMO.
Si par exemple, de façon fictive nous divisons la durée de l’AEMO en trois temps :
1° Temps , l’observation, le diagnostic, la mise en place d’un dispositif.
2° Temps , le dispositif est en place et « tient » permettant le développement d’un processus.
3° Temps , le passage d’un cadre externe à un cadre interne est enclenché, c’est la séparation et la fin de l’AEMO.
Dans le premier temps,
La découverte de l’autre, l’aspect inconnu, ajoutés à l’autorité d’une intervention sociale, dans le sens que cette intervention est envoyée par la société via sa justice, déclenchent des angoisses primitives. L’angoisse de perte par exemple, toujours présente dans l’approche de l’autre est renforcée par cette intervention par la famille, elle se sent dépossédée de ses acquis, de ses savoirs, son schéma de référence ne lui sert plus. Cette angoisse favorise des sentiments d’attaque et de persécution, renforcé par le symbolique judiciaire. Les angoisses sont aussi du coté du travailleur social, l’angoisse de perte de son schéma de référence professionnel qui le fait s’accrocher par exemple a un dispositif pré-établi, et non construit avec la famille. L’AEMO judiciaire renforce un sentiment d’intrusion, mis en équilibre par une référence au droit qui peut et doit jouer comme une protection de chacun.
Il s’agit souvent dans ce premier temps de se défendre, et chacun se défend comme il peut. Parfois dans une adaptation rapide à la tache explicite de la mission par exemple, ce qui peut rassurer.
Durant ce temps là d’observation, le dispositif va se construire en négociation avec chacun et permettre la protection nécessaire pour le processus de changement. C’est une véritable enveloppe qui se construit, avec protection et autorité, dans laquelle chacun, famille et travailleur social, va pouvoir accepter le jeu d’identification et de modélisation du 2° temps.
Le dispositif en devenant peu à peu invariant va alors recevoir les attaques projectives dues aux résistances et même si le désir de changement existe, il provoque des angoisses et le besoin de repères tangibles.
Dans le deuxième temps,
Le processus de changement s’appuie sur ce moteur fait d’identification et de modélisation, ceci rendu possible par le dispositif servant alors de réel contenant. Par exemple, il peut paraître inutile ou factice d’entrer dans une famille pour montrer (ou démontrer ?) à la mère comment faire dans la relation avec son enfant s’il ne s’est pas d’abord créer une relation disons d’identification éducative avec le travailleur social. Un dispositif d’entretiens mère-enfants dans ce deuxième temps de l’AEMO, permet une modélisation : Le travailleur social jouant avec l’enfant, ne sera plus celui qui vient séduire et enlever l’enfant mais un modèle identificatoire, moteur du processus de changement. Ce modèle devient intégrable, il n’a pu l’être que par une prise en compte de la réalité, différencié de l’imaginaire, (les projections que les uns ont sur les autres par exemple).
Le dispositif est le véritable écrin durant ce deuxième temps, il sert en permanence de contenant, de référence au cadre en construction. Il va recevoir sans cesse les projections défensives chaque fois originales (cela peut être de prendre le dispositif pour le cadre comme dit dans la première partie), mais il va aussi rassurer, permettre la pensée et la parole, la disponibilité à l’inattendu. C’est dans ce dispositif que se travaille l’intégration des limites, la place de chacun, l’implication, les conflits, l’acceptation de soi et de l’autre, la relation à l’enfant et suivant les disponibilités de chacun, l’imaginaire et la réalité. L’élaboration du cadre va alors permettre une transmission, on pourrait dire que l’enveloppe qu’apporte l’AEMO judiciaire dans laquelle s’est engagé le processus en se substituant à une enveloppe familiale défaillante, laisse peu à peu la place et engage le troisième temps ou on peut se séparer.
Le troisième temps,
C’est celui de la séparation, le passage d’un cadre externe à un cadre interne, c’est à dire que la famille a un projet et le construit. A ce stade, les résistances sont plutôt celles de l’illusion groupale, et du bien être ensemble qui nous fait difficilement nous séparer ou celles de confondre l’échéance de la mesure judiciaire quasi annuelle avec l’arrêt. La question de l’échéance judiciaire peut nier le processus engagé en ne regardant que l’arrêt du symptôme décrit par la tache explicite de la mission ou par des passages en ruptures et non en continuité avec d’autres formes d’interventions.
La rupture du cadre, les passages à l’acte, le refus de tout changement peuvent amener l’arrêt de la mesure sans que pour cela soit atteint le troisième temps de l’AEMO.
Tout comme durant le premier temps, le dispositif s’adapte et varie. L’acceptation de la fin permettant une réelle transmission éducative, ne va pas sans penser l’effet émotionnel sur chacun. La transmission est le moment ou il faut croire que l’autre peut avoir un projet et que l’AEMO n’est pas destinée au changement, mais à permettre le changement. Il s’agit d’un vrai passage. (D’un cadre externe à un interne, d’une mesure à des projets ou à d’autres formes d’étayage social).
L’originalité de l’AEMO judiciaire est bien dans l’élaboration de ce cadre qui en s’adressant à des familles dont l’enveloppe protectrice est défaillante, permet un étayage et une transmission (via l’autorité, la loi et la protection de l’enfant) qui vont autoriser une réelle intégration de la Loi en s’appuyant sur cette relation particulière travailleur social-famille. La mesure éducative serait la recherche de ce cadre plus qu’une instauration, c’est ensuite un passage. Cette recherche et ce passage permettront le changement.
(2)
GROUPE de PAROLE et de SOCIALISATION
Pourquoi un groupe de parole et de socialisation ?
Dans les familles parfois peu structurées que nous rencontrons en AEMO, il nous semble que l’entretien face à face, travailleur social – enfant ou adolescent, soit parfois difficile voir impossible à maintenir. La nécessité d’un travail sur la relation aux autres et sur les règles minima de socialisation paraît cependant évidente. Il nous a semblé aussi nécessaire de s’interroger autour d’une prise en charge éducative centrée uniquement sur l’histoire familiale et les relations intra-familiales. D’où la proposition d’un groupe plus axé sur un travail concernant le contenant que sur le contenu. (Par exemple travailler sur ce qui se passe dans le groupe autant que sur ce qui se dit….)
Souvent les jeunes que nous suivons en AEMO ne se savent pas en difficulté de socialisation, pour eux c’est la société qui ne les comprend pas, qui ne les accepte pas. La prise de conscience d’une réelle souffrance du fait de leur non-intégration est déjà une démarche que peut permettre le travail en groupe. Ils ne pensent pas être « prisonniers » de leur comportement, le passage à l’acte tient lieu alors de projection : c’est l’autre qui est en question. Le travail de groupe a pour tache une prise de conscience et par la suite une démarche de socialisation plus positive.
Hypothèse de base.
Nous partons du postulat que l’individu aux prises avec la complexité de sa vie de groupe a recours à des mécanismes caractéristiques de sa vie mentale (cf. W.R. Bion) qui répètent en quelque sorte ceux opérant dans la structure familiale
Le repérage des interactions relationnelles et des mécanismes du groupe, les attitudes contre-attitudes, pourrait permettre un début d’analyse sur les comportements de chacun, sur son fonctionnement et par la suite sur sa propre histoire. Le travail de groupe n’aborde pas l’histoire de chacun, mais par le biais de l’analyse des attitudes en groupe, ouvre la porte à un travail personnel dans ce sens. L’exploration des rapports entretenus par chacun avec le groupe, et ce dernier par ses renvois et ses attitudes envers chacun peut permettre une approche d’interprétation et une aide pour une socialisation des participants.
Si possible, il s’agit de travailler avec une écoute moins axée sur ce qui est raconté que sur l’ensemble du groupe. Il ne s’agit pas de renvoyer au jeune quelque chose de son histoire mais sur ce qu’il met en jeu dans le groupe. D’avoir une écoute dite groupale des différentes attitudes.
Objectifs.
Le groupe ne se substitue pas au fondement du travail effectué dans le cadre de la mesure, ceci doit amener les intervenants à un certain décalage par rapport aux situations familiales des participants et des mesures qui en ont découlées.
Le premier objectif est explicite : On est là pour une socialisation …
Un autre des objectifs est de faire le lien entre des actes de la vie quotidienne et des références éducatives, de dire au sens propre la nécessité des limites dans la vie sociale. Pour cela il s’agit d’utiliser ce qui est dit et la vie du groupe. Il s’agit d’un travail d’explication et non d’interprétation.
Permettre aux participants par le dialogue et un travail de groupe de se situer par rapport à la loi et aux références éducatives.
Pour ces jeunes en partie peu structurés, le dialogue dans un groupe, avec ses règles ses renvois, ses attitudes induites, son élaboration sur un vécu quotidien pourrait être une aide à une meilleure socialisation. La discussion peut les enrichir mutuellement de leurs expériences, de leurs échecs, des réponses qu’ils ont trouvées pertinentes ou non. Les aider à comprendre ce qu’ils jouent dans le groupe afin de découvrir et développer leurs capacités relationnelles. Il s’agit de s’ouvrir à une réflexion sur soi et en suite en dehors du groupe accéder à un réel travail d’élaboration de son histoire ou à un début de changement.
Le dispositif de fonctionnement.
Le nombre de participants est de 5 ou 7. Cela paraît être un nombre qui permet une prise de parole de chacun, des phénomènes de groupe relativement possible à contenir et apporter un minimum de dynamismes.
Ces groupes s’adressent à des adolescents et à des jeunes enfants (5 à 7 ans), il reste ouvert : la présence y est nécessaire, mais de nouvelles candidatures peuvent être faites en cours d’année, le nombre de participants n’est pas fixe.
Le local est une salle conviviale toujours la même, permettant une discrétion avec le déroulement propre de la mesure éducative et le fonctionnement du service.
L’heure et le rythme des rencontres, nous proposons une fois tous les quinze jours. La régularité et la limite dans la durée sont nécessaires à l’émergence d’une réelle réflexion.
Pour les adolescents la parole s’organise autour de thèmes de discussion qui ne sont pas à priori donnés, il s’agit de laisser émerger spontanément la parole tout en centrant le débat sur des questions de la vie quotidienne.
Pour les enfants une médiatisation est utilisée : le dessin, une histoire, de la pâte à modeler etc. Pour le dessin par exemple, chacun fait un dessin pour le groupe parle de ce dernier au groupe en le présentant et s’exprime sur ceux des autres.
Le respect de la confidentialité est une règle primordiale : seuls les faits concernant la justice si les jeunes désirent en parler, seront dits en dehors du groupe. S’ils souhaitent aborder leur situation personnelle ou des faits concernant la mesure éducative en cours, les jeunes seront adressés au travailleur social référent de cette mesure.
Les groupes s’adressent à des jeunes suivis dans le cadre des mesures éducatives exercées par les travailleurs sociaux de l’antenne. Ils sont choisis par ces derniers en fonction d’une possibilité de parole et d’écoute, mais aussi d’une demande faite par eux ou par le jeune lui-même. La candidature est discutée par les intervenants et le travailleur social référant, le fonctionnement du groupe de parole est ensuite présenté au jeune et à sa famille. Un accord leur est demandé.
Chacun des groupes est encadré par deux travailleurs sociaux de l’équipe, en permanence les mêmes. Sur les quatre intervenants, un travailleur social a fait une formation de thérapie familiale analytique et un autre, une formation universitaire au travail de groupe et de médiation. Un temps indispensable d’analyse de cette pratique se fait avec un psychologue une fois par mois. Ceci permet de penser la part active des animateurs et leur place dans le groupe, afin de favoriser cette écoute groupale rechercher. Mais aussi de penser à ce qui se joue dans le groupe et favoriser un renvoi.
La participation active de l’équipe du secteur est importante, pour l’accompagnement des jeunes mais aussi pour les renvois, les questionnements ou l’appui nécessaires aux travailleurs sociaux intervenants.
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