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PSYCHANALYSE DES MUTILATIONS SEXUELLES, MUTILATION SEXUELLE DE LA PSYCHANALYSE, (Freud entre Abraham et Alice Miller)

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Michel Hervé Navoiseau-Bertaux

samedi 09 mai 2009

PSYCHANALYSE DES MUTILATIONS SEXUELLES,

MUTILATION SEXUELLE DE LA PSYCHANALYSE,

(Freud entre Abraham et Alice Miller)

"… non seulement le corps de l'enfant en nous appartient pas,

"mais son sexe encore moins." Françoise Dolto 1

Introduction

Les deux grandes découvertes de Freud : le mécanisme de l’inconscient et la sexualité infantile sont corollaires l'une de l'autre puisque l'inconscient découle de la répression de la sexualité infantile. Or les mutilations sexuelles sont le comble de cette répression. En conséquence, la psychanalyse devrait apporter un savoir essentiel pour comprendre et condamner les mutilations sexuelles. Nous allons voir que ces dernières sont un véritable défi pour la psychanalyse. En effet, le traumatisme de sa propre circoncision a provoqué plusieurs erreurs cliniques et théoriques de Freud. Les mutilations sexuelles illustrent tout particulièrement la démonstration d'Alice Miller que le traumatisme est un facteur psychopathologique majeur.

I Le tableau clinique : psychanalyse des mutilations sexuelles

1) Introduction : la répression de l'autosexualité par les menaces de castration ou de mort

La répression de la sexualité infantile, l'autosexualité, est pratiquée à divers degrés dans toutes les sociétés humaines, sous une forme ou sous une autre, pour dominer la jeunesse et éviter l'inceste. Se produisant avant la jalousie envers le parent du même sexe, cette répression est la cause première du refoulement inconscient et en conséquence, d'un mauvais passage du complexe d'Œdipe. Freud lui-même l'appelle "le complexe nucléaire des névroses" (L'homme aux rats. 1909. Paris : PUF ; 1998. O.C., IX, 179, n., 2ème §). Elle favorise aussi la psychose, les perversions et les addictions. Le refoulement est d'autant plus intense que la répression parentale est accompagnée de violence ou de menaces de violences et la clinique psychanalytique constate régulièrement les dommages provoqués par la violence érigée en système d'éducation. Surtout si cette violence concerne le sexe et est exercée au nom du traditionnel mensonge : "C'est pour ton bien". La violence est et a été, pendant des générations, la base des systèmes éducatifs de l'humanité, si bien que les psychonévroses sont les maladies les plus courantes. Étant le comble de cette violence, les mutilations sexuelles doivent être condamnées par tous ceux qui veulent éviter de rendre l'enfant névrotique, pervers ou psychotique. Freud fut un des premiers dans l'histoire à condamner les mutilations sexuelles :

"... les petits garçons entendent dire que les Juifs ont quelque chose de coupé au pénis "– un morceau du pénis, pensent-ils – ce qui leur donne un droit de mépriser les "Juifs ." (Le petit Hans. 1909. Paris : PUF ; 1993. O.C., X, p. 31, n. 1.)

"... l'angoisse de castration est un des moteurs les plus fréquents et les plus forts du refoulement et par là même, de la formation des névroses. Des analyses de cas où ce ne fut pas la castration mais bien la circoncision qui fut pratiquée chez des garçons comme thérapie ou comme punition de l'onanisme (ce qui ne fut pas rare dans la société anglo-américaine) ont donné la dernière certitude à notre conviction." (Nouvelles conférences d'introduction à la psychanalyse. 1933. XIX. Paris : PUF ; 1995. O.C., XIX : 170.)

Bien qu'il semble se référer à la circoncision non juive, Freud affirme que la circoncision équivaut à une menace de castration. Il réaffirmera de façon plus générale la nécessité de combattre la circoncision au nom de la psychanalyse à la fin de sa vie, dans un texte posthume (Abrégé de psychanalyse. 1938. Paris : PUF ; 1978. 60-62), écrit en exil Londres après la montée du nazisme. Décrivant les effets cliniques ravageurs des menaces verbales de castration qui sévissent dans la société chrétienne européenne, il établit un parallèle entre elles iinet la circoncision. En effet, discrètement pour les Juifs, il écrit en note de bas de page :

"(1)… Une très ancienne coutume, la circoncision, autre substitut symbolique de la castration, ne peut être considérée que comme l'expression de la soumission à la vo-lonté paternelle... " (p. 61),

Puisque toute la famille et non l'enfant, se soumet non au père mais au groupe sociétal tyrannique, cette inexactitude atteste du profond traumatisme de Freud dû à sa circoncision. Alice Miller affirme que le traumatisme provoque la paralysie de la pensée, en effet ! Une menace de castration, qu'elle soit verbale ou physique, a un effet traumatisant et est un outil très efficace pour soumettre un enfant. Les mutilations sexuelles sont une castration pour les filles et une menace de castration pour les garçons mais même dans les cultures non exciseuses, la circoncision est indirectement une menace d'excision des filles et donc une grande cause de dommage psychologique pour elles aussi.

2) Témoignages psychanalytiques

Par manque de temps, nous ne pouvons pas citer les pensées sur la mutilation sexuelle de Groddeck, Leboyer, Kristeva, Lewinter, Miller, Nathan, Olievenstein, Tractenberg et autres. Avec celles de Freud, ce rassemblement constitue presque une théorie psychanalytique des mutilations sexuelles. Limitons-nous à deux perles :

Un des plus extraordinaires symptômes du traumatisme de la circoncision réside dans la remarque suivante de Freud :

"En effet, l'homme n'a qu'une seule zone sexuelle prédominante, un organe sexuel, "tandis que la femme en possède deux : le vagin – proprement féminin – et le clitoris, "analogue au membre masculin." (Sur la sexualité féminine. 1931. Paris : PUF ; 1995. O.C. XIX. 12, 2ème §)

Comme si le prépuce n'existait pas en symétrie fonctionnelle absolue avec le clitoris. Quelqu'un qui n'a pas de prépuce ne peut pas deviner sa valeur de deuxième organe sexuel de l'homme, organe féminin et très pratique vagin de poche.

Le psychiatre Claude Olievenstein nous fournit aussi un magnifique exemple, dans un chapitre autobiographique où il ne parle pas une seule fois de circoncision mais qui abonde en références inconscientes à celle-ci :

"La parano des adultes commence, me semble-t-il, très tôt dans leur enfance, tout près de la sortie de l'utérus maternel ." (L'homme parano. Paris : Odile Jacob ; 1992. 43.)

– Effectivement, huit jours plus tard !

II – Pratique et théorie : mutilation sexuelle de la psychanalyse

1) Pratique

Freud a commis une erreur grave dans l'analyse de l'Homme-Loup, son patient le plus fameux. En effet, le jour où le jeune garçon a joué avec son pénis devant sa nourrice bien-aimée, cette dernière l'a réprimandé: "Les enfants qui font cela, il leur vient une blessure à cet endroit." Freud interprète à tort cela comme une menace de castration. Ce fut une prédiction malveillante formulée sur un ton sévère et donc une menace de perte de l'amour et d'exclusion, non de castration. Cette interprétation par projection du propre traumatisme de la circoncision de Freud eut une incidence négative sur l'analyse du patient.

2) Théories ethnologiques

Dans ses deux théories anthropologiques complémentaires sur la circoncision, datant de 1916 et 1936, Freud se montre maladroit et timide.

Sa théorie de 1916, réaffirmée en 1933, est presque une apologie de la circoncision : il la présente comme un progrès par rapport à la castration, sans preuve que la castration existait auparavant :

"Nous supposons qu'aux temps originaires de la famille humaine, la castration était effectivement exécutée sur les garçons adolescents par le père jaloux et cruel, et que la circoncision, qui, chez les primitifs, fait si fréquemment partie intégrante du rituel de nubilité, est un reste bien reconnaissable de cette castration." (Nouvelles conférences d'introduction à la psychanalyse. 1933. XIX. Paris : PUF ; 1995.O.C., XIX : 170)

Mais le progrès est l'inverse de la régression et une moindre régression n'est pas un progrès ; c'est encore une régression et une régression plus insidieuse. Il est très probable que, dans l'antiquité, la circoncision, la castration et les sacrifices humains complets existaient, ensemble ou séparément, suivant les sociétés. Seule la disparition de l'un ou de l'ensemble de ces actes de barbarie constitue un progrès.

De même, la théorie sociologique de 1936 de Freud est une critique bien ambiguë de la circoncision :

"... quiconque adoptait ce symbole montrait qu'il était prêt à se soumettre à la volonté du père... " (L'homme Moïse et le monothéisme. Paris : Gallimard ; 1986. 223-24.)

Freud semble dissimuler l'atroce soumission forcée par une torture mutilatrice par le père derrière l'idée insensée d'une soumission volontairement acceptée qui ne peut concerner que la relation entre le père et le grand-père. La condamnation de Freud demeure donc faible.

Enfin, une théorie psycho-sociologique des mutilations sexuelles infantiles chez les primitifs des sociétés polygames que Freud aurait dû formuler, est celle de la prévention de l'inceste aux deux parents par la menace de castration (garçons) ou de mort (garçons et filles).

3) La dénaturation de l'Oedipe de Sophocle

Le principal biais culturel provoqué par la circoncision dans la théorie freudienne réside dans une théorie du complexe d'Oedipe qui méconnaît et déforme l'Oedipe de Sophocle. Geza Roheim fut le premier à souligner le fait que les rituels de séparation des primitifs sont une tentative d'éviter la confrontation de l'individu au complexe d'Oedipe :

"... la surabondance des rituels traitant de ce thème (l'oralité) est un camouflage du complexe d'Oedipe." (Psychanalyse et anthropologie. 1950. Paris : Gallimard ; 1967. 192-93.)

Or Freud interprète l'aveuglement d'Oedipe comme une castration :

"La castration, et l'aveuglement qui s'y substitue, sont la punition... " (Totem et tabou. 1912. Paris : PUF ; 1998. O.C., XI. 347).

C'est erroné. La punition d'Oedipe fut d'être exclu de la famille et promis à la mort par abandon dans la nature, exposé aux bêtes sauvages. L'aveuglement fut une auto-punition par Œdipe lui-même et non par son père. Il symbolise son ignorance lorsqu'il a tué son père et épousé sa mère, et non une autocastration. Le fait que Freud ait transformé cette métaphore en une affaire de castration est le comble de... son propre aveuglement, résultant de l'angoisse de castration d'un circoncis. Du fait de son traumatisme de la circoncision, Freud a dénaturé l'Œdipe de Sophocle.

La conséquence de ce biais culturel est une grave erreur théorique qui fausse la théorie et la pratique psychanalytique : Freud substitue le concept d'un "complexe de castration" inexistant, qu'il relie étroitement au complexe d'Oedipe, aux fantasmes courants de castration. La circoncision étant inconnue en Grèce, Sophocle, longtemps avant Freud, nous a parlé de l'inconscient en se référant à la menace de mort, ce qui est le fantasme inconscient courant, non à la castration. Freud a projeté sur le mythe hellénistique la très judaïque idée d'une punition par la castration.

Pour ceux qui n'ont pas été traumatisés par une mutilation sexuelle, à l'âge des impulsions sexuelles pour le parent du même sexe et de la jalousie envers l'autre, la menace imaginée par l'enfant, face au couple parental, n'est pas la castration mais la mort par exclusion de la famille. Freud a très justement formulé cela pour les filles mais pas pour les garçons.

Dans les cultures pratiquant la circoncision, le complexe d'Oedipe (moment de l'intégration dans la société) risque fortement d'être faussé. Une menace réelle de castration vient se substituer à la crainte imaginaire de la mort résultant du désir inconscient de tuer le parent du même sexe. Mais la bonne résolution de l'Oedipe ne peut résulter d'une atteinte (ou d'une menace d'atteinte) physique par autrui. Tout au contraire la mise en valeur, positive ou négative, d'une quelconque partie du corps, par une violence réelle ou verbale du groupe social, constitue une inacceptable ingérence dans le développement de l'individu et la vie familiale, source de psychopathologie de masse.

Les circoncis, ou ceux qui ont subi des menaces de castration, peuvent trouver une échappatoire, croire à une atténuation en leur faveur de la Loi universelle. Rien de tel qu'une circoncision ou une menace de castration pour pervertir un enfant. Douter des actes de ses géniteurs lui est difficile. Il est naturellement conduit à se targuer, avec une grande richesse d'arguments, de leurs bienfaits comme de leurs méfaits, y compris envers lui-même ("J'ai bien mérité cette gifle."). Devenu adulte, ce qui semble avoir toujours existé lui paraît naturel, il le reproduira.

De plus, le circoncis risque de faire de son infirmité un dérisoire alibi. Une castration partielle lui apporte le réconfort d'un signe d'identification le mettant non seulement au-dessus des femmes et des enfants mais encore au dessus du commun des mortels. Comme s'il suffisait d'une mutilation pour quitter (ou ne pas quitter) l'enfance ! Ce n'est pas tant que les autres hommes, les "étrangers", sont intimement considérés comme des exclus méprisables, sales, intouchables sous peine de contamination (il serait impensable de les marier à sa fille ou sa sœur), c'est surtout que la circoncision marque l'appartenance à une communauté violente – et donc supposée puissante. Ce signe est beaucoup plus rassurant que des documents d'identité. C'est un trait d'identification qui place définitivement ses détenteurs dans une caste qui peut croire que tout lui est permis (l'excision, le mariage forcé, la lapidation… etc.) ou que tout lui est dû (la Terre promise). C'est donc une technique perverse d'enrôlement de l'individu, par une action violente sur l'inconscient et les motivations puissantes du monde des affects. Elle renforce la division du monde en groupes rivaux se livrant à des guerres sans merci.

Conclusion

Le message de Freud ne sera pas entendu rapidement mais la psychanalyse apporte une étiologie, une prévention et un traitement des maladies mentales. Pour elle, les mutilations sexuelles sont l'expression de la pulsion de domination par des fantasmes de domination sadiques et pédophobes. Cette pulsion est fortement renforcée par le déni de la réalité de la perte et donc du crime. A condition que ses failles précisément dues à la mutilation sexuelle de son fondateur soient dominées, ce qui suppose une restauration en profondeur, la psychanalyse apporte à l'humanité beaucoup plus que les barrières de l'éthique ou de la loi pour combattre les mutilations sexuelles : d'abord une fantastique méthode de décodage de l'inconscient qui permet de retrouver, dans chaque cas individuel, l'enchaînement des circonstances du traumatisme, préalable à la guérison, deuxièmement, la dynamique d'une éthique concernant à la fois le développement de l'enfant et la socio-politique. La barbarie des excisions féminine et masculine émane d'un désordre moral contagieux qui pousse parfois les individus et même les peuples non circoncis vers l' "ordre moral". Elle doit être abolie dans les meilleurs délais.

Sigismond (Michel Hervé Navoiseau-Bertaux), HEC, Lic. Sc. Éco., DECS, ancien élève du Département psychanalyse de l'Université de Paris VIII, chercheur indépendant en psychanalyse, auteur de "Mutilations sexuelles, le point de vue des victimes", disponible gratuitement sur intactwiki.org et circabolition.multiply.com. oldsigismund@hotmail.com

1 Les jeux sexuels de vos enfants. Interview par Pierre Bénichou. Planning familial, octobre 1969 (3), 9.

Commentaires

Il faut sauver les prépuces

Pour info:
http://www.lemonde.fr/idees/article/2012/01/24/il-faut-sauver-les-prepuces_1632492_3232.html

mutilations

toute personne a droit au respect de l’intégrité de son corps dans son intégralité -de la tête au pied en passant par tous les organes du plaisir sexuel. le droit à l’intégrité corporelle est inhérent à la personne humaine. il doit être aujourd’hui protégé par une loi qui retire à quiconque toute possibilité d’altérer délibérément le corps d’autrui, quelles que soient les justifications vidéologiques de telles atteintes. reconnaître aux enfant-e-s le droit à l’intégrité corporelle, c’est nécessairement choquer et bouleverser les traditions qui le bafouent. certaines atteintes sont aujourd’hui considérées soit comme des agressions illicites, soit comme des rites licites, selon qu’elles sont commises sur des adultes non consentant»e-s ou sur des enfant-e-s ne pouvant ni vouloir ni refuser - circoncire un homme adulte sans son consentement est un crime, tandis que des parents peuvent en toute impunité faire exciser le prépuce de leur petit garçon, comme si sa chair était leur chose. faites sur des personnes sans défense, de telles violences aux conséquences définitives et irreparables, ne sont pas seulement une négation de la dignité des filles et des garçons en tant que tel-le-s, mais aussi une négation de la liberté des femmes et des hommes qui ne pourront jamais revenir sur ces coupures décidées à leur place quand elles et ils étaient au pouvoir excessif de leurs parents. reconnaître le droit à l’intégrité corporelle des enfant~e-s conduit à l’interdiction de la circoncision des garçons : c’est-à­dire d’abord à la reconnaissance de la prévalence des principes modernes de la civilisation libérale et démocratique sur les dogmes antiques. si l’excision du prépuce n’était le fait que de quelques ethnies du tiers-monde, on n’hésiterait guère à la dénoncer, mais elle est aussi une tradition des musulmanes, des juifve-s et d’une partie des protestantes anglosaxon-ne­s. la crainte d’être d’antisémitisme, la peur de l'islamisme et l’apréhension q’inspire la plus grande puissance économique et militaire de l’heure, contribuent à faire régner la loi du silence et accepter cette violence sur des enfant-e-s.

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