lundi 19 janvier 2009
Congrès International
« Hommes : état des lieux »,
Bruxelles le 17 octobre 2008
Mâle dominant !
Père contesté !
N’y aurait-il pas d’autres voies ? …
Jean GABARD
Les hommes de la société patriarcale traditionnelle ont montré leurs limites. En s’assimilant à leur fonction de père, ils faisaient davantage preuve d’autoritarisme que d’autorité. Pour se maintenir au pouvoir, ils cautionnaient une société antidémocratique, sexiste, qui n’est plus acceptable aujourd’hui.
Dès le XVIème siècle, en remettant en cause l’origine divine de toute autorité sur terre, les humanistes ont ouvert la voie à la contestation qui allait entraîner la libéralisation et la démocratisation de la société. Cette révolution a abouti, depuis une trentaine d’années, a un total désaveu de « l’ancien régime » …
Ainsi, les hommes des pays occidentaux développés, dans leur grande majorité, affirment-ils leur soutien à la lutte pour l’égalité hommes-femmes et adoptent des rôles totalement opposés à ceux de leurs prédécesseurs.
La vie de ces « hommes nouveaux » n’est pourtant pas toujours « un long fleuve tranquille », si l’on se réfère aux nombreux débats, colloques, congrès, qui s’interrogent sur l’identité masculine quand ce n’est pas sur la crise du masculin ou sur la faillite des pères.
Alors, s’il y a crise, quelle est-elle ? Comment l’expliquer ? Et quelles voies adopter pour sortir de l’ornière ?
Nous intéressant aux hommes dits « nouveaux », nous n’aborderons pas les problèmes des hommes qui refusent la démocratie, ni le malaise de ceux qui voudraient l’accepter mais qui sont encore trop englués dans des mentalités rétrogrades.
Nous traiterons par contre un sujet qui pourrait être à l’origine des difficultés que peuvent rencontrer de nombreux hommes et donc aussi de nombreuses femmes, de nombreux pères et de nombreuses mères, de nombreux garçons et de nombreuses filles : il s’agit de la dénégation de la différence des sexes.
Pourquoi la dénégation de la différence des sexes ?
Personne ne nie les inégalités physiologiques, biologiques. Nous vivons cependant dans une société, qui parce qu’il y a eu et qu’il y a encore une construction sociale sexiste, réagit à juste titre contre celle-ci, mais réagit tellement qu’elle en vient à attribuer toutes les différences à ce modelage et donc à les trouver toutes injustes. Sont totalement oubliées les différences de structuration du psychisme indépendantes de l’éducation. Certes, de très nombreux chercheurs refusent de considérer cette « psychogenèse », parce qu’elle ne peut pas être prouvée. Effectivement l’évolution de notre inconscient ne peut être vérifiée, mais comme le dirait Karl Popper, ce n'est pas la vérification empirique mais la réfutation empirique qui constitue le critère distinctif d'une science. Et il n’y a toujours pas de réfutation empirique de cette genèse du psychisme ! Alors, avant de lui substituer la seule construction sociale, sans davantage de preuves, pour expliquer toutes les différences, ne pourrions-nous pas, dans ce domaine aussi, appliquer le principe de précaution ?
La subite rigueur scientifique des détracteurs de cette psychogénèse est d’autant plus étonnante qu’ils sont souvent les premiers à railler le rationalisme attribué aux mâles dominants et qu’ils n’hésitent pas à privilégier l’intuition, à suivre des courants new-âge, mystiques ou ésotériques, à s’adonner à l’astrologie, à la psycho-généalogie et même à la « karmathérapie » qui ne sont pourtant pas des sciences exactes. Etonnant enfin de les voir rejeter avec autant de conviction les théories certes imparfaites de Freud et d’un autre côté accorder autant d’intérêt aux travaux plus qu’approximatifs d’un Jung ou d’un Reich.
La dénégation de la différence des sexes et la culpabilisation de l’homme
Elisabeth Badinter reconnaît elle-même qu’il y aurait « un privilège à naître d’un ventre du même sexe » (1). Nous ne jugerons pas, comme Elisabeth Badinter ose le faire, s’il s’agit de privilège ou de handicap, mais le fait de naître d’une femme entraînerait bien des différences chez les petits garçons et chez les petites filles ! En effet, tout enfant semble s’identifier d’abord à sa maman, à celle avec qui il a cru ne faire qu’un et qu’il a perçue comme une divinité toute-puissante. Comment nier alors, pour le petit garçon qui réalise qu’il n’est pas du même sexe que sa maman et donc qu’il ne pourra plus devenir comme elle, que ce soit une castration terrible ? Comment ne pas trouver logique que celui-ci ait besoin de refouler sa souffrance et pour cela d’inférioriser ce qu’il ne pourra plus jamais devenir. Comment nier que ce petit garçon, devant renoncer à la toute-puissance, ait besoin de trouver une compensation dans la quête d’action et de pouvoir, pour à la fois se différencier et plaire à celle qui continue à le sidérer ? Comment nier que les humains restent fascinés toute leur vie par « La femme », par cette femme fantasmée qui comme le dit Lacan, certes « n’existe pas » dans la réalité mais qui est bien prégnante dans l’inconscient de tout humain, homme ou femme ? C’est pourtant ce qui est fait avec l’égalitarisme utopique qui caractérise notre société adolescente. Une société qui pour mieux réagir contre la domination masculine et assouvir des rêves d’égalité (et non plus d’égalité en droits), a tendance à attribuer aux hommes la responsabilité de toutes les injustices de la terre et à lui imposer le lourd héritage de devoir réparer. C’est ainsi que pour certains, ces hommes auraient l’obligation de déconstruire leur masculinité qui serait totalement pervertie. Il est intéressant de noter quand même que la féminité résultat de cette même construction sexiste destinée à renforcer la phallocratie, s’en sort plutôt bien. Alors que, aujourd’hui, les défauts à corriger sont ceux qui étaient traditionnellement liés à la masculinité (la distance, la force, la froideur, la rigueur, le contrôle de soi, la raison), les caractères qui apparaissent aujourd’hui comme de grandes qualités et que, hommes et femmes doivent cultiver sont, comme par hasard, ceux qui ont été liés au féminin : la proximité, la douceur, la sensibilité, la spontanéité, le lâcher prise, la passion etc… Et les femmes auraient plus de facilités à les développer que les hommes ! Elisabeth Badinter n’en fait pas mystère : « il sera toujours un peu plus long et un peu plus difficile de faire un homme qu’une femme » (2). L’homme serait un peu lent. Ayant perdu du temps à cultiver son mauvais côté : la masculinité, et ayant négligé le bon : la féminité, il serait toujours en retard, ne serait pas vraiment « fini ». Mais tout ne serait pas perdu pour les hommes : ils pourraient encore se soigner et guérir. Elisabeth Badinter le prévoit d’ailleurs et intitule l’introduction de la deuxième partie de son livre « XY De l’identité masculine » : « Vers la guérison de l’homme malade » (3) !
Alors qu’il est de plus en plus demandé aux hommes, et à juste titre, de tenir compte des spécificités des femmes sans les inférioriser, la différence de l’homme n’est plus respectée. Pouvant être soignée, elle devient la responsabilité du malade et n’est plus prise en compte. De même que le macho se donne tous les droits face à la femme qu’il culpabilise pour sa fragilité, c’est aujourd’hui la femme « libérée » qui peut tout se permettre en renvoyant l’homme, non pas à son infériorité, il faut rester politiquement correct, mais à sa « mauvaise éducation » ou à sa « maladie ».
Il n’est pourtant pas question de se laisser aller à ce qu’Anne Zelenski appelle une « complainte de mâle barré » (4). La dénégation de la différence des sexes ne serait d’ailleurs pas si grave si elle n’entraînait qu’une culpabilisation de l’homme, mais les conséquences sont beaucoup plus dramatiques quand il s’agit de l’éducation des enfants.
La dénégation de la différence des sexes et l’éducation des enfants
L’éducation des enfants a en effet subi un énorme bouleversement ces cinquante dernières années. Les fonctions éducatives ayant souvent été mal jouées, deviennent, comme les tâches ménagères, des tâches interchangeables. La complémentarité dans le couple parental n’apparaît plus aussi évidente : une personne peut alors avoir l’impression de se suffire à elle-même. L’autre, risque de s’effacer ou d’être évincée.
Un ménage sur deux se sépare laissant des enfants sans maman ou le plus souvent sans papa. Et même s’il n’éclate pas, il n’y a souvent plus de place dans le nouveau couple parental pour les fonctions symboliques de père et de mère.
Si l’homme et la femme ne semblent pas toujours réaliser ce qu’ils perdent, persuadés de s’être libérés de trop vieux carcans, les conséquences sont par contre plus visibles pour des enfants que l’on dit de plus en plus « rois », « sans père et sans repères ». En effet, le petit enfant a naturellement envie de sa maman, de n’écouter qu’elle, pour lui plaire et continuer de fusionner avec elle. S’il ne perçoit pas dans l’attitude, dans les paroles de sa maman qu’elle écoute un homme, et donc qu’elle est manquante, l’enfant continuera de la rêver toute-puissante et de la considérer comme son unique référence. L’homme peut alors tenir le rôle de papa donnant de l’affection, mais sa parole ne sera pas écoutée et il n’aura pas d’autorité. Ceci ne gênerait pas l’enfant, si la maman pouvait, seule, lui faire intégrer les limites. Mais ceci risque d’être difficile ! Et ceci n’est pas dû à une quelconque infériorité de la femme, comme voudraient nous le faire croire les machos.
S’il doit y avoir égalité en droits entre les hommes et les femmes, il n’y a pas égalité. En effet, comment voulez-vous qu’un enfant puisse intégrer des limites si celles-ci viennent d’une personne censée ne pas en avoir, puisque perçue toute-puissante ? L’enfant peut, certes, obéir à sa maman, mais ce sera pour lui faire plaisir et ne pas la perdre. A aucun moment il n’est question pour lui de règle à intégrer. Il n’obéit pas à la loi mais cède à ce qui est pour lui un chantage affectif. Au contraire il va chercher à imiter sa maman, à être comme il la voit : dans la toute-puissance, en dehors des limites. C’est ainsi que l’autorité paternelle n’est pas devenue, comme on le croît, une autorité parentale, ni même une autorité maternelle, mais « une autorité pas rentable » !
Cette « évaporation de l’homme » (5) et de l’autorité engendre des enfants incapables d’assumer la frustration, incapables de se structurer, incapables de suivre la moindre règle et donc d’apprendre à l’école et de bien vivre en société. Elle donne aussi des garçons sans véritable modèle masculin. En mal d’identité et pour se prouver qu’ils sont des hommes, nombreux sont ceux qui adoptent des conduites à risques ou s’inventent des rôles d’hommes totalement caricaturaux. Ainsi, alors qu’il était escompté « un homme réconcilié » d’une éducation moderne débarrassée de la violence des mâles et de la rigueur des pères, notre société post soixante-huitarde accouche de nouveaux machos totalement « hors la loi » , encore plus déroutants que pouvaient l’être les anciens qui étaient malgré tout cadrés.
Culpabilisation de l’homme, pour ne pas dire diabolisation ! Fabrication d’enfants-rois, sans pères, sans repères, hors la loi ! En voulant créer cet « homme nouveau » et en quelque sorte s’approcher de l’unité de sexe, n e risquons-nous pas, comme ceux qui recherchaient l’unité de race ou l’unité de classe, de verser dans l’utopie totalitaire et la confusion ? Ne sommes-nous pas déjà un peu dans l’indifférence … ? Alors, n’y aurait-il pas d’autres voies ?
Une différence des sexes à assumer et gérer
S ommes-nous obligés, parce que la société patriarcale traditionnelle a été sexiste, de verser aujourd’hui dans un égalitarisme utopique aux conséquences inquiétantes ? Sommes- nous obligés, parce que la différence des sexes a été utilisée et accentuée pour bâillonner les femmes, de ne plus la prendre en compte aujourd’hui ? Sommes-nous obligés, parce que les mâles se sont identifiés à leurs tendances masculines et les ont surévaluées, d’idéaliser aujourd’hui les tendances inverses ?
Nos tendances qui dépendent d’une structuration inconsciente, ne peuvent être « bonnes » ou « mauvaises ». C’est ce que nous en faisons dans la relation qui pourra éventuellement être jugé positif ou négatif. Il ne s’agit donc en aucune façon de s’identifier à nos tendances, qu’elles soient masculines ou féminines, mais il ne s’agit pas non plus de chercher désespérément à les modifier. Si les résultats peuvent être différents suivant que le masculin et le féminin sont, à tort, portés aux nues ou dévalorisés, Il n’y a pas eu pour autant de métamorphose du féminin et il ne faut pas davantage attendre une métamorphose du masculin. Nous ne pouvons que chercher à les connaître et à les assumer pour pouvoir les gérer le mieux possible.
La différence des sexes représente la loi, le manque, la limite, la castration, notre non toute-puissance. Pour devenir adulte, il nous faut l’intégrer, pour vivre avec, retrouver des règles et les adapter à notre temps. Il nous faut surtout, parce que nos enfants nous le demandent, essayer de jouer sérieusement et sans se prendre au sérieux, les partitions différentes que sont les fonctions symboliques de mère et de père. Il en naîtra peut-être des enfants plus solides et des couples plus heureux.
(1) Elisabeth Badinter, XY De l’identité masculine , Odile Jacob, 1992.
(2) Elisabeth Badinter, op. cit .
(3) Elisabeth Badinter, op. cit.
(4) Anne Zelensky, La complainte du mâle barré , Risposte Laïque, 24 janvier 2008.
(5) Jean Gabard, L’évaporation de l’homme , Risposte Laïque, 24 janvier 2008.
Jean GABARD conférencier et auteur :
« Le Féminisme et ses dérives – Du mâle dominant au père contesté » ,
Les Editions de Paris, 2006.
http://www.jeangabard.com http://blogdejeangabard.hautetfort.com/
Congrès International « Hommes : état des lieux », Bruxelles le 17 octobre 2008
Organisé par Relais Hommes Belgique www.relais-hommes.org
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Mâle dominant ! Père contesté ! N’y aurait-il pas d’autres voies ? …
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mercredi 21 janvier 2009