mardi 16 août 2005
J’ai appris à nager en sortant de ma mère disait le poète occitan que l’on appelait Le Petit Taureau de Toulouse.
Naître à la vie n’est-il pas traumatisant en soi ? Et que dire de ce passage du milieu aqueux au milieu aérien pour peu que l’on y rajoute une seconde perte celle d’une mère par conséquent abandonnique ou maltraitante, voire morte.
Aux enfants de malchance en manque de parents, partant à la dérive sur une mer peu probable, l’espoir d’une barque de passage vers des lendemains meilleurs existe bel et bien pour peu qu’un contrat puisse être implicitement ou explicitement conclu.
Que nous faut-il de dévotion pour parer aux manques et panser les plaies de la vie, si ce n’est une prise de flagrante de conscience sonnant comme une évidence de notre propre parcours ?
Si le désir de s’occuper des autres paraît toujours un peu suspect, il ne semble aucunement être le fruit du hasard. Il se pourrait qu’il entre en résonance avec notre propre parcours.
Aussi, faut-il saisir un fil d’Ariane, un fil conducteur dans les méandres du parcours d’un travailleur social ; nous l’allons dérouler plus avant :
J’ai plongé dans la vie en sortant de ma mère, répétait le poète occitan. A la vie, à la mort inoculée par je ne sais quel microbe instillé par hasard au sein de mon être, je fut sauvé des flots de Thanatos par la neurochirurgie. Dès lors, j’ai appris à marcher, à parler et à me battre pour la vie, animé d’un désir farouche emprunt de quelque résilience.
Au décours d’une enfance choyée et faisant l’objet d’attentions les plus vives, je rencontrais mon oncle maternel qui un jour me dit cette phrase que je n’ai jamais oubliée : « il faut tirer le meilleur de soi-même.» Le pari était lancé : Faire et en faisant se faire, tel fut mon credo, lorsque adolescent, je découvrais l’Existentialisme de Sartre. Aussi l’idée selon laquelle l’Homme ne peut compter que sur lui-même pour tracer son chemin et gravir son Olympe s’enracina en mon esprit comme une évidence.
Fallait-il pour autant assortir cela d’un égocentrisme forcené ? Loin de moi cette idée. C’est la raison pour laquelle, je décidais dans l’idée toujours vivace de m’occuper des autres d’entreprendre des études de Psychologie à l’Université.
Au sortir d’une Maîtrise, n’ayant pas de réel diplôme, mais toujours animé par ce désir de venir en aide aux autres, je me renseignais sur la formation d’éducateur spécialisé. A cet effet, je rencontrais une conseillère qui m’enjoint à me documenter sur la question. Cette femme nocher était sur le point de me faire franchir la ligne de rive me séparant d’un monde inconnu, celui de l’Education spécialisée. Par l’entremise de celle-ci, je franchissais allègrement le pas pour m’aventurer dans le secteur sanitaire et social, non moins réassuré et renarcissisé par quelques contacts chaleureux et encourageants auprès d’elle. Mon schème directeur, mon chemin de pensée ne s’en trouvaient que renforcés et confortés : J’allais enfin pouvoir venir en aide aux autres.
Une échelle de soi(e) se profilait alors devant lorsque je recherchais plus ou moins par hasard mon premier emploi dans les revues spécialisées du sanitaire et social. Je décidais de la gravir et acceptait des premiers postes de remplacements en tant qu’aide médico-psychologique.
Rebondissant de C.D.D. en C.D.D., j’obtins pour finir un poste d’éducateur spécialisé en internat. Quoi de plus vivifiant et prometteur que de panser les plaies de la vie de jeunes à la dérive, reconduit à la frontière du socius par quelques désordres et même traumatismes familiaux.
Loin de se penser tout-puissant en regard des différentes problématiques, le rôle que l’on se doit de s’assigner en tant qu’éducateur n’est-il pas en revanche de guider l’autre dans la découverte de sa reconstruction et de cheminer à ses côtés dans ce processus ?
C’est bien cette dernière idée qui a d’emblée résonné comme une évidence en moi lorsque je me suis retrouvé plongé dans ma fonction d’éducateur.
A l’image d’un nocher permettant la traversée entre deux rives, il me semble que mon rôle en toute modestie est de soutenir et d’accompagner les usagers dans la réalisation d’eux-mêmes.
Aussi faut-il être convaincu qu’une autre rive peuplée d’un autre soi existe bel et bien pour chacun des usagers dont nous avons la charge. Dès lors, l’éducation au sens étymologique de guidance et de conduction nous est donnée en soi comme une certaine maïeutique socratique au cours de laquelle il s’agira d’accompagner le sujet dans l’accomplissement de lui-même.
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