lundi 28 juin 2010
Le statut de psychothérapeute : vers une psychothérapie d’Etat ?
Le décret n°2010-534 du 20 mai 2010 vient définir l’accès au titre de psychothérapeute. Il entend venir clore une longue et vieille histoire.
A son origine, elle s’est justifiée d’une protection de cette fonction et de ses clients contre l’emprise des sectes. A son point de départ, nous trouvons le Docteur Accoyer, actuel Président de l’Assemblée Nationale, simple député UMP alors. Cette question semblait particulièrement le préoccuper puisqu’il avait organisé dès 2000 un colloque sur La psychothérapie et la loi. Sa première proposition législative en 2001 ayant été écartée, il dépose le 16 octobre 2003 un nouveau texte d’amendement dans le souci de « réserver la psychothérapie aux médecins psychiatres, médecins et psychologues ». Le 9 août 2004, une première loi avait subordonné l’usage du titre de psychothérapeute à l’inscription dans une registre national. Le décret actuel vient en préciser les conditions d’accès.
Entre temps, le projet de loi avait connu de nombreux rebondissements et créé de multiples agitations dans les milieux des professionnels, des universitaires, des instituts de psychothérapie, des psychanalystes, Jacques Alain Miller s’érigeant comme porte-parole des défenseurs de la psychothérapie Le bilan : une agitation de façade qui n’a servi qu’à masquer la lente et sûre progression d’un projet dont les conclusions sont non seulement inacceptables mais dangereuses pour l’avenir de la psychothérapie et donc du soin de la souffrance psychique.
Pour beaucoup, l’attitude la meilleure aurait consisté à, d’emblée, refuser d’entrer dans un tel projet de définition d’un statut de psychothérapeute les garanties universitaires fournies par la formation en psychopathologie et en relation de soin par les facultés de médecine et de psychologie étant amplement suffisantes.
Mais le décret est désormais là : son texte s’inscrit tout à fait dans la logique de la loi HPST et des orientations politiques actuelles du soin psychique c'est-à-dire déqualification des professionnels (psychiatres et psychologues cliniciens) et ouverture des « psychothérapies » à des techniciens sous-formés. Au bout du compte, l’espoir d’économies sur le soin et un barrage fait aux sectes ? Difficile à en savoir l’exacte finalité pour le législateur.
Par contre ce qui est sûr c’est que le texte renforce l’encadrement de la psychothérapie par le champ des nouvelles approches cognitives, comportementales et neuroscientifiques : il prévoit des formations basées sur quatre champs pré-définis, les champs cliniques et psychanalytiques classiques n’en représentant qu’un quart, les trois autres étant réservées aux approches évoquées ci-dessus.
Le texte est par ailleurs, étrangement évasif sur les institutions pouvant donner ces formations : la psychothérapie rentre sur le marché de la formation et déjà des instituts privés peaufinent leurs plaquettes pour être habilités. L’enseignement universitaire, c’est sûr, y perd un peu plus sa crédibilité et sa place centrale au profit d’une privatisation déguisée (qui, entre parenthèses, n’offre aucune protection contre les emprises sectaires).
Pour justifier cette analyse, la simple lecture du tableau récapitulatif des formations et stages qui habiliteront désormais les futurs « psychothérapeutes » (décret du 20 mai 2010, consultable sur legifrance.gouv.fr) est suffisante :
L’accès est sans condition pour les psychiatres
Il exige 2x100 h de deux modules de formation pour les médecins : « théories se rapportant à la psychopathologie » et « approches utilisées en psychothérapie » + 2 mois de stage
Les psychologues cliniciens ne devront se soumettre qu’à 2 x 50 h pour ces deux modules, mais ils devront suivre 50 h d’un module supplémentaire : « les critères des grandes pathologies psychiatriques ». Ils devront également justifier de 2 mois de stage.
Les psychologues non cliniciens sont soumis aux mêmes contraintes mais doublées : les heures de formation sont portées à 3 x 100 h, et le stage à 5 mois
Les psychanalystes devront se soumettre à 100 h du module sur les critères puis 2 x 50 h pour les deux suivants ainsi que 2 mois de stage
Enfin, les autres ne devront s’acquitter que de la même chose ou presque (si l’on tient compte de la longueur et de la lourdeur des études universitaires et des processus de reconnaissance comme psychanalystes) : 3 x100 h de chaque module, 5 mois de stage Ils devront cependant se former en 100h à un nouveau module, « développement, fonction et processus psychiques ».
Comment les universitaires peuvent-ils accepter un tel désaveu de leur enseignement ?
Comment les psychiatres, si prompts à réagir sur la politique actuelle de la santé, peuvent-ils accepter qu’un médecin généraliste soit aussi naturellement qualifié pour exercer la psychothérapie qu’un psychologue alors que sa formation ne l’y qualifie en rien ?
Comment tous, psychiatres, psychologues et psychanalystes peuvent-ils accepter ces nouvelles contraintes d’une « psychothérapie d’Etat » (puisque c’est l’Etat désormais qui dicte ce que doit être « la » vraie psychothérapie) ouverte à des personnes sans formation sur un nouveau « marché » du diplôme ?
Comment, enfin, envisager les « stages » imposés dans un environnement où les institutions ne sont même pas capables de répondre aux stages imposés par les formations universitaires (sans parler de leur rémunération imposée qui pose d’énormes problèmes dans la champ de la santé) ?
De multiples réactions surgissent, des pétitions : il est urgent de savoir, enfin, se mobiliser.
Joseph Mornet
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mercredi 21 juillet 2010