mardi 23 juin 2009
4ème promotion de la formation à la supervision d’équipes de travailleurs sociaux 2007/2008
La Bande à Moebius
Institut Européen Psychanalyse et Travail Social, Montpellier
L’HOMME QUI TRAINAIT UNE LAISSE ET LE CHIEN QUI MARCHAIT DEVANT.
Si je retourne en arrière et m’interroge sur mon désir de formation à la supervision, me vient l’image de la retraite. Ma question : Comment occuper ce temps ? Est-ce pour moi un temps de vacances, possibilité de faire des choses plaisantes, comme pouvoir enfin mettre en place mon atelier de perles, par exemple, ou bien cette image de la retraite me renvoie-t-elle à une image d’une vacance, d’un temps où le temps ne sera plus défini par un travail régulier inscrit dans l’ordre du monde ou encore image du vide, approche jour après jour de cette nuit où le néant nous attend ? Remplir ce temps « manquant » ?
Les deux images s’interpénètrent. L’idée de faire fructifier toutes mes acquisitions théoriques par le biais d’une formation me tente : Superviseur : Un nouveau métier, peut-être ?
Et me voilà à Montpellier………..
Et me voilà, aujourd’hui devant vous !
Derrière ce questionnement une énigme qui a traversé toute ma vie personnelle autant que professionnelle : « Que dire, comment dire, comment ne pas en dire trop ou trop peu, ou qui m’autorise à dire ce que j’entends ? »
Pour moi, trois représentations, trois signifiants s’imbriquent, et s’appellent durant cette année de formation. Mais vous l’avez compris, deux déjà sont sous-entendus dans l’énoncé de mes motivations : « Le Réel, la Mort » font irruption dans ces instants de réflexion. Reste un troisième signifiant : « Un chien ! » Allez retours incessants entre ces trois signifiants : Je vais tenter d’en trouver la signification dans mon parcours, et d’en montrer les scansions.
Une précaution : Les mots sont indispensables pour pouvoir communiquer avec les autres, la question reste tout de même de savoir que toute communication est toujours imparfaite, elle n’est qu’un essai, renouvelée chaque fois que l’on parle, elle est signe d’un acte de donner et en même temps d’un acte d’acceptation d’une perte.
Je ne sais pas si je vais pouvoir vous traduire les mouvements, la révolution que l’association de ces trois signifiants a produits en moi.
Souvent, pour ne pas blesser, pour ne pas s’exposer, pour se défendre, il est si facile ne pas dire, ou de dire des mots qui n’ont pas véritablement de portée. Et à force de ne pas dire, sortaient souvent des sons de moi, sons empreints d’affects violents qui cachaient de la souffrance, et très souvent les gens me disaient : « Arrête d’aboyer ! »
LA OU IL EST QUESTION DU SIGNIFIANT « CHIEN »…..
La première chose qui m’a interpellé dans ma formation, est cette redondance de l’apparition d’un signifiant : « Le chien ! » Petit animal à poil doux, sous forme de peluche ou à l’état de bébé chiot, il ne me fait guère peur, mais dès qu’il grandit, ses instincts féroces pouvant réapparaître, il devient pour moi un monstre inquiétant. Et de plus, même si le chien est un compagnon de l’homme, je ne comprends guère les humains qui s’attachent à un animal de compagnie tout en délaissant leur voisin de pallier.
« Le mot n'est pas la chose, le concept de chien n'aboie pas… dit Spinoza … Le chien Médor a perdu la voix » : « Comprendre "la réalité complexe" aujourd'hui, c'est sortir du paradigme de la connaissance fondé sur une évacuation de l'imaginaire et sa force exubérante au profit de la rigueur froide et économique du concept, sur la séparation entre les disciplines, sur la coupure entre l'esprit et le corps, le rationnel et l’irrationnel, le naturel et le culturel … » 1 Écrit le philosophe Didier Martz.
« Que signifie que je parle ? » demande le philosophe italien Agamben Giorgo 2 . Car pour lui, dans la tradition philosophique occidentale, l'homme apparaît comme le mortel et, en même temps, comme le parlant. Il est l'animal qui a la « faculté » du langage et l'animal qui a la « faculté » de la mort. La psychanalyse répond que parler implique de consentir au vide et à la perte. Parler exige donc « un décollement du réel, met un acte en détour » Ajoute Jean-Pierre Lebrun. Car parler implique de passer par un système langagier, composé de mots – les signifiants – « Le sujet, du fait de parler, d’être – selon la formule de Lacan – un parlêtre – n’est jamais un sujet plein…. Mais un sujet toujours troué….c’est ce qui le marquera d’un inconscient » 3
Mais n’oublions pas, grâce à Saussure, que si le signifiant est la partie visible, perceptible, d'un signe , le signifié est un élément non perçu. Le signifié est en fait la signification du signe , ce que le signe veut dire, et de fait chaque signifiant peut induire plusieurs sens : « L’écoute dans la supervision prendra en compte ces différents éléments : L’équivoque qui fait qu’un sujet dit plus qu’il ne croit » Ajoute Joseph Rouzel. 4
Alors, quelle signification prend cette apparition du signifiant « chien » dans ma formation : Qu’en dire ?
Première énigme pour moi : Que représente ce chien avec un collier qui dort sous la peau de la mer (mère) ? Que garde t-il ? Quand va t-il se réveiller ? Il pourrait mordre ! Qui pourrait-il mordre ?
La première apparition du chien chez Dali apparaît dans une toile appelée : « Désirs inassouvis » C’est en 1928 et Dali a 24 ans. Dans ce tableau, devant le chien, un visage d’homme découpé qui s’entrecroise avec une forme plus féminine. Au milieu un oiseau. Difficile pour lui d’affirmer son identité sexuelle.
En 1928, S. Dali et Buñuel écrivent conjointement un scénario surréaliste pour un film que tournera Buñuel l'année suivante intitulé : Un chien Andalou , film surréaliste par excellence, dont le scénario a été inspiré par un rêve de Dali. Bien que le résultat ait été explosif médiatiquement « comme un poignard en plein coeur du Paris spirituel, élégant et cultivé » Dali reste déçu du résultat. Il est intéressant de noter que "Le chien andalou" était le surnom moqueur qu'avaient trouvé Buñuel et Dali pour désigner leur ami et poète Frederico García Lorca au temps de leurs études dans la célèbre Residencia de Estudiantes de Madrid.
Il a perdu sa mère alors qu’il avait 17 ans. Il rencontre Freud dix ans plus tard, mais il a 46 ans lorsque « le chien » réapparaît dans sa peinture qui parle de ses impressions d’enfant alors qu’il avait six ans. Il dira de lui : « A six ans, je voulais être cuisinière, à sept ans Napoléon, depuis mon ambition n’a cessé de croître comme ma folie des grandeurs… ! » Confusion des sexes, certes, mais il ne faut pas oublier que Dali porte en lui le poids du décès de son frère, mort à 21 mois, neuf mois avant sa naissance. Il n’est guère étonnant que Dali ait cherché tout au long de sa vie son identité : Il porte le même prénom que son frère mort précocement avant lui, et le même nom et prénom que son père. Sa mère, également laisse son patronyme « Domenech » inscrit dans son nom. Est-il un garçon, une fille, l’autre ou lui-même ?
La mort, déjà, s’annonce comme signifiant incontournable !
En 1954 : « Dali nu en contemplation devant 5 corps réguliers métamorphosés en corpuscules dans lesquels apparaît soudain la Leda de Leonard chrosomomatisée par le visage de Gala » : Troisième apparition du chien qui ressemble curieusement à celui de la toile précédente. Le chien dort, toujours sous la mer. Dali a 50 ans : Dans ce tableau où il s’expose nu sa virilité s’affirme. Nous avons l’impression que ce tableau répond au tableau de « moi à six ans…. » Dali s’affirme comme « homme » car il a rencontré sa muse, Gala.
J’aime beaucoup les peintures de Dali. Elles sont empreintes d’énigmes non résolues, de passion et – paradoxalement - de délires sublimés. Elles me séduisent ou me repoussent, mais jamais ne me laissent indifférente ! Elles retracent certains évènements de sa vie, son inconscient se cache sous les métaphores exprimées dans ses toiles. « La méthode paranoïaque critique revendiquée par Dali – Cette simulation artistique de la psychose paranoïaque dans laquelle réalité et imaginaire se confondent – Nous rend compte des processus de l’imaginaire et du fantasme archétypal des corps séparés : Faire un en s’absorbant mutuellement. Cependant Dali n’est pas fou, il a tout à fait conscience de la coupure entre les êtres » écrit Lydie Pearl. 6
Nous pouvons alors poser comme hypothèse, que ce chien, pour Dali devient la représentation d’un passage d’un état confusionnel (où l’on est pas véritablement différencié – pas vraiment vivant !) où il cherche son identité sexuelle à celui où il arrive à se déterminer comme homme, au prix d’une relation amoureuse mais sur un mode fusionnel avec Gala ?
Première apparition « du chien dans ma formation. »
Puis avant de partir, scène insolite alors que je rentre à l’hôtel avec une collègue de formation pour prendre le train et enfin, rentrer chez moi : Les gens se retournaient sur le passage d’un homme : Un SDF, dit-on, homme sans domicile fixe, marchait courbé, lentement, lourdement en traînant une très longue laisse et les gens s’écartaient, de peur de buter sur la laisse et de déraper, ou de faire tomber l’homme…………… Et son chien marchait devant, attentif pourtant à ne pas trop s’éloigner de l’homme. Un peu plus tard, je retrouve cet homme à la boulangerie de la gare, où un « Monsieur » lui offre une pizza………… Le chien se tenait devant la devanture du magasin, bien sage !
Interrogation : Ce chien sauveur, qui protège son maître de toute tentative agressive, marche devant, tire l’homme qu’il accompagne. Inversion des rôles ! Mais que tire donc l’homme, courbé sous le poids d’une laisse pourtant apparemment légère et vide….. ? On a comme l’impression que toute son histoire, invisible aux yeux des autres, mais lourdes de déchirures, de souffrances, est accrochée à cette laisse et fait plier l’homme sous son poids.
Deuxième apparition « du chien » dans ma formation.
Qu’à donc avoir « le chien » avec cette formation de superviseur ?
Alors vite………… Une petite recherche épistémologique, où il apparaît que le mot chien est associé « au bien, au mal, à la vie, à la mort »
Le mot « chen » apparaît dans la langue française, pour la première fois en 1080, et le mot se transforme en « chien » vers 1195-1200 7 . Le syntagme de chien (1552) comprend toujours une idée de difficulté (mener une vie de chien) par allusion aux mauvais traitements supportés par l’animal et à son infériorisation par rapport à l’homme.
Dès le début, le mot chien prend un sens fortement péjoratif où il apparaît comme synonyme (en tant qu’adjectif) d’avare pour un homme, et pour une femme, signe de réprobation sexuelle. Plus tard, la locution « avoir du chien » apposée à une femme lui donnera une certaine classe.
Dérivé du latin « canis » ce mot nous donne une première acception du terme, qui semble de prime abord très éloignée de notre fidèle compagnon : « Canaille. » Il y a très longtemps, le terme de canaille désignait une bande de chiens (L’on disait aussi chenaille.) Puis canis a donné « canari » nom d’oiseau, puis nom des Iles Canaries où vivaient de bien grands chiens. Troisième utilisation du mot canis : La canicule, car lorsqu’elle apparaît l’on peut voir la Constellation du Chien dans les étoiles.
Selon de fortes probabilités le chien descendrait du loup. Son origine remonte à plus de 20 000 ans. Souvent utilisés pour attaquer dans les actes guerriers, ou porter les armes, il devient peu à peu un animal de compagnie.
Le chien n’est donc plus un loup, il a perdu sa liberté, mais a gagné un compagnon. Jean de la Fontaine en décrit « le prix à payer…. » :
Le Loup et le Chien
Un Loup n'avait que les os et la peau,
Tant les chiens faisaient bonne garde.
Ce Loup rencontre un Dogue aussi puissant que beau,
Gras, poli, qui s'était fourvoyé par mégarde.
L'attaquer, le mettre en quartiers,
Sire Loup l'eût fait volontiers ;
Mais il fallait livrer bataille,
Et le Mâtin était de taille
À se défendre hardiment.
Le Loup donc l'aborde humblement,
Entre en propos, et lui fait compliment
Sur son embonpoint, qu'il admire.
"Il ne tiendra qu'à vous beau sire,
D'être aussi gras que moi, lui repartit le Chien.
Quittez les bois, vous ferez bien :
Vos pareils y sont misérables,
Cancres, haires, et pauvres diables,
Dont la condition est de mourir de faim.
Car quoi ? Rien d'assuré : point de franche lippée :
Tout à la pointe de l'épée.
Suivez-moi : vous aurez un bien meilleur destin. "
Le Loup reprit : "Que me faudra-t-il faire ?
- Presque rien, dit le Chien, donner la chasse aux gens
Portants bâtons, et mendiants ;
Flatter ceux du logis, à son Maître complaire :
Moyennant quoi votre salaire
Sera force reliefs de toutes les façons :
Os de poulets, os de pigeons,
Sans parler de mainte caresse. "
Le Loup déjà se forge une félicité
Qui le fait pleurer de tendresse.
Chemin faisant, il vit le col du Chien pelé.
"Qu'est-ce là ? Lui dit-il. - Rien. - Quoi ? Rien ? - Peu de chose.
- Mais encor ? - Le collier dont je suis attaché
De ce que vous voyez est peut-être la cause.
- Attaché ? dit le Loup : vous ne courez donc pas
Où vous voulez ? - Pas toujours ; mais qu'importe ?
- Il importe si bien, que de tous vos repas
Je ne veux en aucune sorte,
Et ne voudrais pas même à ce prix un trésor. "
Cela dit, maître Loup s'enfuit, et court encor.
Contrairement aux définitions étymologiques, la mythologie valorise l’animal.
En Egypte ancienne, le chien est une divinité et il est le gardien des morts.
Anubis, dieu égyptien, et qui a un corps d’homme surmonté d’une tête de chien (ou de chacal) devient le représentant symbolique du passage de la vie à la mort : Dieu des morts et conducteurs des âmes, il évalue le poids des péchés de chacun, veille à l’embaumement et conduit le défunt vers le royaume éternel.
Dans la mythologie hindoue, les dieux purs et les dieux impurs se disputent les âmes des défunts sur le pont imaginaire de Tschinavat. Là, les chiens veillent pour guider les justes vers le paradis.
En Sibérie, certains peuples enterrent le chien au côté de son maître.
En Grèce, un chien tricéphale nommé Cerbère permettait aux âmes de pénétrer aux Enfers, mais leur en interdisait la sortie. Hercule combattit contre lui, gagna et dut le ramener sur terre, mais Cerbère terrorisait les gens, et Hercule le ramena aux Enfers. Une autre fois, Cerbère séduit par le chant d’Orphée s’endormit, ce qui permit à Orphée de ramener son aimée Eurydice au monde des vivants.
Chez les Romains, le chien est associé à la guérison. Il est l’un des aides d’Esculape ; Dieu de la Médecine.
Chez les Mexicains, la dernière constellation est celle du Chien et signe la fin et le renouvellement de la vie.
Chez les Mayas, le chien est censé guider le soleil dans sa courses : Il est le soleil noir.
Dans la mythologie celtique le chien est lié à la guerre, et pour un guerrier, être comparé à un chien est un très grand honneur.
En Gaule, il est quelquefois sacrifié pour obtenir la bienveillance des dieux.
Nous voyons bien que le chien a quelque chose à voir avec le « daïmon » chez les Grecs, il est un passeur entre les hommes et les dieux.
Il a quelque chose à voir avec la mort…. Dans la mythologie, il en est un peu le gardien !
Ne dit-on pas, dans le langage courant : « Le chien hurle à la mort…? »
ET LE CHIEN HURLAIT A LA MORT………….ET ANNONÇAIT LE REEL :
Mais dans cette première semaine de formation, un autre signifiant, un concept fait brutalement irruption pour moi dans cette instance de formation, c’est le concept de Réel : Paradoxe, car dans mon désir, illusoire, certes, cette formation devait « parachever » toutes mes acquisitions théoriques, acquises, peu ou prou à travers mon expérience personnelle pédagogique et analytique, puis de participante à une supervision d’équipe, ma formation d’éducateur, puis durant mes années universitaires teintées de sociologie et de psychologie. Donc dans mon petit fantasme de toute puissance démesurée, je rêvais d’obtenir un diplôme qui me permettrais de dire : « Oui ! Je sais ! ………. »
Première semaine de formation, première déconvenue : Dès les premières minutes, Joseph Rouzel nous somme de ne pas nous imaginer obtenir un label de reconnaissance par l’obtention du certificat de fin de stage. Première colère ! Pourquoi suis-je donc venue de si loin ?
Première irruption du Réel, car après quelques recherches, il apparaît « que le Réel se définit à partir d’une limite du savoir, limite à partir de laquelle il ne peut être appréhendé mais plutôt cerné et déduit ; le réel dans sa globalité et sa complexité c’est l’impossible à décrire donc l’impossible à dire. 8 » Ecrit Jean-Pierre Bègue.
Ce concept de Réel apparaît chez Lacan, en 1953, et n’est pas encore complètement conceptualisé. « De sorte qu’en somme, j’y ferai peut-être incidemment une brève allusion, mais j’essaierai surtout, tout simplement, de dire quelques mots sur ce que veut dire la position d’un tel problème ; sur ce que veut dire la confrontation de ces trois registres qui sont bien les registres essentiels de la réalité humaine, registres très distincts et qui s’appellent : le Symbolique, l’Imaginaire et le Réel. 9 ………. Une chose d’abord qui est évidemment frappante et ne saurait nous échapper ; à savoir qu’il y a, dans l’analyse, toute une part de Réel chez nos sujets, précisément qui nous échappe ; qui n’échappait pas pour autant à Freud quand il avait à faire à chacun de ses patients… »
En effet, selon Jacques Lacan « Le Réel ne se définit que par rapport au Symbolique et à l’Imaginaire. Le Symbolique l’a expulsé de la réalité. Il n’est pas cette réalité ordonnée par le Symbolique ………… Mais il revient dans la réalité à une place où le sujet ne le rencontre pas, sinon sous la forme d’une rencontre qui réveille le sujet de son état ordinaire. Défini comme l’impossible, il est ce qui ne peut être complètement symbolisé dans la parole ou l’écriture, et par conséquent, ne cesse pas de ne pas s’écrire . » 10
Le réel c’est aussi l’unité avec la mère, l’endroit où tous les besoins sont satisfaits, l’endroit où il n’y a pas d’absence ni de manque. C’est aussi le règne de l’enfant Roi. Il s’articule avec l’Imaginaire, toujours dans la théorie lacanienne, qui lui représente tous les faits qu’on peut rassembler comme effet de l’image, c’est à dire le caractère formateur de l’image. Par exemple, à travers l’expérience du miroir, l’enfant va prendre conscience de sa forme corporelle, dans un premier temps il confond son reflet avec la réalité ; il veut saisir cette image, en vain, puis il réalise que cette image c’est la sienne. Le Réel s’articule aussi avec le Symbolique, qui lui est l’accès aux mots, au langage.
Il n’y a pas de hasard……….
Je cherche vainement, depuis toujours : « Que dire, comment dire, comment ne pas en dire trop ou qui m’autorise à dire ce que j’entends ? » Je vais à une formation où s’élaborent les concepts, le cadre nécessaires à tout acte de supervision et un peu plus tard, la réponse que j’attendais peut se résumer à la compréhension d’une phrase de Joseph Rouzel : Une patiente m’a dit un jour « Etre superviseur, c’est la place du mort ! »
Et moi, pauvre de moi, qui voulais obtenir un diplôme pour ne pas me sentir inutile « à la retraite » et vaincre cette appréhension du sentiment de la perte irrémédiable de nous-mêmes où nous conduit la vieillesse. La Mort, cet impossible représentable, et que je voulais éviter !
Il va falloir en plus élaborer ce sentiment vertigineux d’une perte dans le positionnement du superviseur !
De nouveau une articulation entre le signifiant chien et cette idée de la perte : « Le concept est un joli mot issu du latin, « concaptare » est le verbe qui désigne le mouvement de la traque dans une partie de chasse » (Rouzel) Donc élaborer, penser, est un combat. Et quel est donc l’objet que les concepts tentent de capturer ? Ils permettent de donner une forme à ce qui nous échappe, le réel. »
Deuxième semaine de formation, grand traumatisme : Dès le premier jour, mon mari qui m’accompagne pour passer quelques jours de vacances fait un accident cardio-vasculaire. Angoisse ! Peur irreprésentable. Un grand merci au groupe et à M. Rouzel et à son entourage qui tous deux m’ont soutenue durant cette semaine si difficile. Ce choc violent d’un arrêt possible du cœur, provoque une angoisse traumatique chez l’objet de mon cœur, et par contrecoup fait irruption dans ma tête, mon cœur et ma formation.
Question du trauma (et de …….. Loups) : En 1953, dans le livre 1, Lacan reprend la question du « trauma chez l’homme aux loups » 11 et met l’accent sur l’effraction imaginaire en se référant à la notion éthologique d’empreinte responsable de l’après-coup. Il s’agit ici de représentations non assimilables par l’ordre du symbolique. « Dans l'analyse de l'Homme aux loups, Freud n'a jamais pu obtenir la réminiscence à proprement parler de la réalité dans le passé de la scène autour de laquelle tourne pourtant toute l'analyse du sujet. La réalité de l'événement est une chose, mais il y a quelque chose d'autre : c'est l'historicité de l'événement, c'est à dire quelque chose de souple et de décisif qui fut une impression chez le sujet et qui domine et qui est nécessaire à expliquer la suite de son comportement. C'est cela qui reste l'importance essentielle de la discussion de Freud autour de l'événement traumatique initial. Celui-ci fut reconstitué très indirectement grâce au rêve des loups. C'est Freud qui apprend au sujet à lire son rêve. Ce rêve se traduit comme un délire. Il n'y qu'à l'inverser pour le traduire : les loups me regardent immobiles, très calmes : je regarde une scène particulièrement agitée. On peut y ajouter : "ces loups ont de belles queues, gare à la mienne!". C'est ce rêve qui amène à la scène reconstruite et qui est ensuite assumée par le sujet..... Dans l'analyse de l'Homme aux loups, l'accent reste très longtemps sur le Moi et sur un Moi irréfutable. C'est alors que Freud fait intervenir un élément de pression temporelle. Et à partir de ce moment-là, l'analyse se déclenche : l'homme aux loups prend son analyse en première personne : c'est "je" qui parle et non plus "moi". » 12
Que comprendre du rapport du traumatisme et du Réel ? L’effet ravageur du traumatisme devient effectif par le fait d’une effraction dans la chaîne symbolique du sujet. Nous pouvons encore le dire autrement : Le changement opéré dans le champ du réel par le traumatisme va modifier la place symbolique du sujet. En fait, un signifiant nouveau, soit la nouvelle représentation du sujet post-traumatique s’intègre dans le fantasme pour engendrer un refoulement. La position du sujet se retrouve ainsi barrée face à l’objet du désir qui l’agite.
Troisième semaine de formation, répétition du traumatisme : Mon mari m’accompagne pour passer quelques jours de convalescence. L’enjeu restant, pour nous deux « de survivre à Montpellier, chacun séparément, et nous ensemble » à cet évènement traumatique vécu précédemment. Crise et dépassement. Nous repartons, apaisés. La sublimation induite par tout le travail psychique provoqué par la formation a fait son œuvre.
Il n’y a pas de hasard….. Avions nous dit précédemment !
Lacan reprend ces deux concepts aristotéliciens dans Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse. Il dit que l’automaton est proche de l’arbitraire, Willkür, tandis que la tuchê est proche du hasard, Zufall.» 13 L’automaton devient pour Lacan le réseau des signifiants. Et la tuché, qui exprime une rencontre hasardeuse pouvant prendre deux visages : Celle de la chance, celle de la mal-chance, vient alors à désigner une version de la répétition, comme réel. « La tuchê est à rapprocher de l’inquiétante étrangeté, elle contredit le déterminisme et introduit la dimension de l’aléatoire dans la causalité du sujet. La tuchê est le hasard pur, ce qui ne peut être deviné à l’avance, ni prédit, encore moins calculé.
De plus, la tuchê a aussi un lien avec la répétition, comme nous le dit Lacan (p. 65) : « Ce qui se répète est toujours quelque chose qui se produit - l’expression nous dit assez son rapport à la tuchê - comme au hasard » 14
Le chien devient-il pour moi le signifiant annonciateur d’une répétition d’un traumatisme, que je n’aperçois qu’après coup, dans un retour du refoulé ?
OU LA COMPREHENSION DE LA NOTION DE REEL EXPLIQUE CERTAINES INCONNUES………… DANS MA CARRIERE DE CHEF DE SERVICE.
Lors de la présentation de chacun des participants, nous devons répondre à la question de notre intérêt pour la supervision : Ma réponse : « Je n’ai jamais été superviseur, mais pendant quelques années (4 ou 5 ans) j’ai été supervisée. Je travaille dans un foyer, il y en avait 3, un a été fermé, l’autre a brûlé »
……. Rires dans le groupe…… !
« Les trois foyers étaient supervisés par le même analyste, et seul l’établissement où je travaille a accepté de vivre cette supervision, et il est encore debout. Je crois qu’il y a un lien avec la supervision ! »
Joseph Rouzel : « C’est vous qui faites un lien ! »
Pendant toute la semaine, à la demande de Joseph Rouzel qui insistait pour que l’on retrouve un souvenir de notre pratique professionnelle, mon cerveau fait « blanc » : Impossible de retrouver quoi que ce soit.
Pourquoi ? Il apparaît rapidement que ce lien que je faisais entre « être supervisé » et « foyer survivant » et que je n’ai pas réussi à transmettre, tant au groupe qu’au formateur, ainsi que la réponse donnée par Joseph Rouzel provoque chez moi un « Non farouche, non je ne parlerai plus…. ! » Qui se traduit par un vide sidéral dans mon cerveau.
Et après cette scène de l’homme, de la laisse et du chien, dans le train qui me conduisait à la capitale, chez moi, enfin surgit dans mon esprit une scène « traumatisante et humiliante pour moi » et mettant en scène les cadres hiérarchiques de l’institution qui m’emploie.
Retour du refoulé……….. Quand tu nous tiens !
« Quelles sont les valeurs auxquelles vous tenez, et qui traversent les champs pédagogiques et cliniques où s’inscrit votre pratique ? » Telle était la question posée par le Directeur Général aux cadre de l’Institution où « j’officie » depuis plus de deux décennies.
A cette époque, je répondis, par écrit, ceci : « Parler de pédagogie, sous-entend trois dimensions qui s’interpénètrent : Celle qui fait appel à la théorie / Celle qui implique une méthodologie / Et enfin, celle qui traduit une idéologie, donc un ensemble d’idées, corpus traversé par un ensemble de valeurs…..
Un raisonnement analogue s’applique à la clinique, c’est- à- dire, à la psychologie en acte.
Donc, il me semble prioritaire de rassembler les valeurs qui traversent les différents champs concernés, à savoir celui dit philosophique, celui nommé pédagogie et enfin celui de la clinique dans une cohérence qui rassemble les champs concernés sous un principe organisateur de la psychopédagogie mise en action au Foyer ………… C’est dans cette optique, et pour elle, que la pédagogie pratiquée dans cette institution, reste référée à la psychanalyse, car il me semble, que c’est cette discipline qui nous donne le plus de possibilité de « mettre en valeur » ce qui fonde l’ Humain.
La psychanalyse, simultanément clinique (thérapeutique), approche philosophique de l’homme, et ascèse morale, permet, par son éthique à chacun et chacune de trouver son désir, de l’assumer, donc de l’exprimer »
Les autres cadres de l’Institution n’écrivent rien, et lors de la réunion où nous devons défendre nos valeurs, le Directeur Général reprend cet écrit pour en faire « des confettis ! » qu’il lance à travers la pièce pour se moquer des valeurs (sous-tendues par ma croyance en la psychanalyse ») : Je me sens agressée, me retrouvant sans défense devant un tel comportement, après avoir voulu exprimer ce qu’il y avait en moi de plus intime du fait de mon engagement dans ma pratique professionnelle.
« Sans mots »……. Il ne me reste plus que des pleurs, je sors plusieurs fois du bureau directorial, en pleurs, me calme, revient, et « ça » recommence……… !
Cette scène, que j’avais oubliée mais qui me revient « comme un boomerang » dans le train qui me ramène chez moi après la première semaine de formation, révèle une problématique insoluble que je rencontre depuis toujours dans ma pratique professionnelle : « Comment allier psychanalyse et pédagogie ? Comment faire comprendre aux professionnels qui m’entourent que la demande des jeunes (et des adultes) n’est pas seulement celle qui est nommée par leurs « mots » ? Et que leurs maux peuvent s’inscrire sous des demandes non dites mais visibles de par leurs comportements, ou leurs silences ? »
Petit rappel de l’institution qui utilise mes services depuis plus de vingt ans.
Un projet pour l’ouverture de quatre établissements émerge en 1979 au sein d’une Association hégémonique, dans le Val D’Oise : Mais seulement trois foyers voient le jour de 1980 à 1982. La non création du dernier établissement reste une des conséquences d’un conflit entre la Direction Générale et les autorités de Tutelle. Ce projet ne voit pas le jour……….
Le premier Foyer s’occupe d’adolescentes de 13 à 21 ans, dites en difficultés sociales. Le troisième Foyer reçoit la même population, alors que le second s’occupe de jeunes garçons du même âge et qui présentent les mêmes difficultés.
Je travaille donc dans le troisième foyer en qualité de chef de service depuis plus de vingt … Longues années.
Le premier Directeur Général a crée l’Association. Le second se targue de mettre en place un système managérial participatif et étend les activités de l’Association jusqu’à la mettre en péril financièrement.
Le Directeur Général en place depuis quatre ans a eu pour mission de redresser les finances de ladite Association.
A l’époque, l’écrivais ceci, pour un écrit universitaire :
« Mais peu à peu la Direction Générale se rend compte, que les dysfonctionnements institutionnels entrevus dans les foyers, n’ont guère été résorbés par le nouveau dispositif. Les jeunes ne peuvent se stabiliser, les éducateurs démissionnent, les équipes n’arrivent guère à se stabiliser. Seuls les cadres restent en place, mais ils ont perdu ce désir de diriger. L’image des foyers, qui montraient quelques personnages fort dissidents, met alors en scène les mêmes personnes fort déprimées. Tout désir de construire a disparu. Mais il est interdit de se révolter. Le management a fait son oeuvre.
Il faut être identifié à une organisation qui fonctionne, qui désire aller de l’avant. Tel n’est pas le cas des Foyers Educatifs, qui peu à peu sombre dans une apathie insurmontable. Alors, puisque le management n’a réussi qu’un seul tour de force, à savoir museler la parole, et éviter les conflits ouverts, peut-être que la psychanalyse arrivera à redonner à tout ce personnel « en vacance de désir », celui de construire à nouveau. Ainsi, est-il décidé par la Direction Générale, de soumettre ces équipes à un nouveau travail de réflexion, qui les fera renaître à la vie, à savoir des « séances d’analyse des pratiques, de la supervision », où chacun pourra comprendre la force de son désir, et les motivations qui le façonnent…………
La Direction Générale embauche alors un psychanalyste, connu et reconnu sur la place de Paris. La supervision devient « médicament ! »
………… Cette nouvelle aventure institutionnelle va à nouveau avoir des résultats qui surprendront la Direction Générale. Les éducateurs, et en particulier ceux qui avaient adhéré aux propositions managériales, auront d’immenses difficultés à se pencher sur l’analyse de leur pratique éducative, reflet de leur vie intérieure. Certains donneront le change encore une année ou deux, puis finalement démissionneront, ou seront licenciés. D’autres quitteront l’Institution dès l’ouverture de ces séances. D’autres encore trouveront quelques prétextes fallacieux (séances trop chères, trop de déplacement pour si peu de temps de travail), pour ne pas y participer. Quelques uns, plus « malins » y participeront, sans pour autant s’impliquer. Mais à la longue, leur place dans l’institution sera remise en cause, et ils partiront. Finalement, après-coup, l’on se rend compte que les seuls éducateurs en poste encore aujourd’hui (et qui ont participé – Mais non adhéré - à l’aventure managériale) sont ceux qui défendaient le droit à la « parole » et au fait de pouvoir « dire ». Ils « disent » aujourd’hui. Ils dénoncent cette tentative manipulatrice qui avait pris forme sous l’immense manteau du management. Ils dénoncent les enjeux sous-jacents à cette entreprise. Ils réinventent le désir de faire, de dire, d’aider, ces jeunes en souffrance qui leurs sont confiés. Les autres éducateurs en poste aujourd’hui, sont de nouvelles recrues qui ont certes, plus ou moins adhéré à cette éthique professionnelle, que nous appelons « analytique ……. »
Alors que les Trois Foyers vivent cette expérience de supervision, tout en y adhérant plus au moins………. Au bout de deux ans, le Premier Foyer est fermé par les Autorités de Tutelle…….. Au bout de quatre ans, le second brûle. Au bout de six ans, le troisième Foyer reste en place, mais c’est le superviseur qui s’en va suite à une décision conjointe entre la psychologue du Troisième Foyer, la Direction Générale, et le Nouveau Directeur. Le Directeur des Trois Foyers, comme on les appelle, a été licencié.
Arrive alors ce Nouveau Directeur, qui a pour mission - (Mais c’était aussi son projet – son désir) - De rassembler tous les établissements susceptibles de se ranger sous la bannière Hébergement : Le Foyer d’Accueil d’Urgence - dont il était le responsable - Un nouveau Foyer Mixte, érigé sur les ruines fumantes du Deuxième Foyer – Et le troisième Foyer, qui vit cette nouvelle tutelle comme une OPA…… !
Finalement les jeunes en commanditant l’incendie qui a ravagé le Second Foyer n’ont fait que comprendre au sens littéral la signification implicite du « signifiant foyer » ……… Donner un peu de chaleur à cet établissement qui en manquait tant au niveau des relations interpersonnelles, entre adultes, que celles qu’ils entretenaient avec eux ! Ou alors ont-ils fait un acting out alors que tout le monde disait des évènements survenus dans ce foyer : « Ça chauffe ! »
La question qui me taraude depuis l’aube du troisième millénaire : « Pourquoi le nouveau Directeur refuse de répondre à la demande réitérée de l’équipe « survivante » des Trois Foyers de vivre une supervision ? »
Cette question a également été moteur dans ma demande de stage pour suivre une formation de superviseur, avec peut-être le fantasme d’assumer cette place, puisque aucun superviseur n’arrive ……….. Sur son cheval blanc ! ! Illusion, quand tu nous tiens !
La réponse du Directeur du Dispositif Hébergement à cette question réitérée de nombreuses fois : « Vous n’en avez pas besoin, l’équipe fonctionne ! »
Ne craint-il pas la mort de l’Equipe, ou la disparition de l’institution ? Faute d’avoir été analysé, décortiqué, ce vécu institutionnel reste un fantasme mortifère pour nombre d’anciens dans l’institution………. !
En effet, La parole a été muselée : Les psy se taisent…….. Le premier boit au lieu de parler, le second tente de parler des enjeux institutionnels mais ne finit pas sa période d’essai, il en est de même pour la quatrième qui écrit une lettre sur les incompétences du directeur, lettre adressée au Directeur Général, qui ne la garde pas, de peur qu’elle fasse une analyse similaire avec lui. La précédente est restée quelques six années, et ne parlait qu’au directeur à qui elle rapportait consciencieusement les propos des équipes. La suivante qui restera huit années fait « le mort » et est de plus en plus absente. La seule parole qu’elle dira fera disparaître le superviseur. Voulait-elle ainsi pouvoir prendre sa place ?
Les Trois Foyers : Institution mortifère, tel est mon sentiment aujourd’hui : Un directeur et une chef sont licenciés – L’autre démissionne – Je reste : Pourquoi ? Pour être plus forte que cette injonction de disparaître ?
Depuis, décès des deux premiers « psy » qui ont « encadré » l’institution pendant de nombreuses années……. Ainsi que décès de deux éducateurs, représentatifs d’une opposition, qu’elle soit d’ordre idéologique ou induite par une certaine problématique psychologique.
Bien sûr, c’est moi qui fais les liens…… !
Je comprends mieux aujourd’hui pourquoi ma 5ème année de psychologie (DESS) je refuse de la faire ! Mieux vaut rester vivant et parler sans diplôme, qu’être reconnu sur papier et ne plus pouvoir rien en dire !
Un foyer a fermé…….. L’autre a brûlé. Un nouveau établissement est recrée (avec quelques variantes) à partir des bâtiments existants : Six ans après, tout le monde s’interroge sur les difficultés que l’Equipe en place vit journellement. Dernière analyse : L’équipe déprime……..
La parole qui tue : Dénoncer l’alcoolisme du psychiatre……..Il s’en va….. Certaines incompétences du Directeur …. Il est licencié. Décrire les comportements pathologiques de certaines jeunes. Et que l’Equipe n’arrivent pas à assumer………. Et elles sont orientées vers d’autres structures.
Puis un jour, la psychologue de l’équipe expliquera en toute bonne fois : « que cette équipe est en lien trop fusionnel avec le superviseur ! »….. Et la supervision s’arrête.
« Pour moi, la psychanalyse est une expérience humaine de création d’un lien fort, affectif, plus émotionnel qu’intellectuel, destiné à réduire la souffrance de celui qui s’analyse » écrit J. D. Nasio. 15
Expérience traumatique dans le bureau du Directeur Général : Donner ses mots, ses valeurs (fondées sur la psychanalyse) et se faire incendier (tiens un Foyer a brûlé) et ne pouvoir que sortir des larmes (tout le monde sait que l‘on étend des incendies avec de l’eau)… Mais se sentir humiliée de n’avoir plus de mots pour dire ce que l’on ressent.
Oui, je me suis mé-dis, je me suis dit à moitié, peut-être en ai-je trop dis car j’ai aussi désigné mon désir qui était de vouloir être « reconnue » professionnellement par lui.
Cela me laisse sans mots.
Sans mots, sans aucune pensée, encore durant cette semaine de formation où j’aurais tant voulu qu’un formateur reconnu, enfin me reconnaisse ! »…….
Cette scène, que j’avais oubliée mais qui me revient « comme un boomerang » dans le train qui me ramène chez moi après la première semaine de formation, révèle une problématique insoluble que je rencontre depuis toujours dans ma pratique professionnelle : « Comment allier psychanalyse et pédagogie ? Comment faire comprendre aux professionnels qui m’entourent que la demande des jeunes (et des adultes) n’est pas seulement celle qui est nommée par leurs « mots » ? Et que leurs maux peuvent s’inscrire sous des demandes non dites mais visibles de par leurs comportements, ou leurs silences ? »
Finalement, ce qui a permis au 3ème Foyer de rester debout, d’être survivant – Finalement de rester vivant – est d’avoir pu dire (en s’appuyant sur certains principes inspirés de la psychanalyse) – d’avoir continuer à dire, malgré les moult censures - Ce qu’ils vivaient – Là où ils souffraient - Même si les membres de cette équipe ne comprenaient pas tous les liens entre les mots qu’ils disaient – Et même si l’Institution ne les entendaient guère - Et même si le chef restait dans sa solitude, et portait la culpabilité de certaines phrases dites.
« Du Réel jaillira, qu’il va falloir accueillir et apprivoiser, au rythme des scansions. Cette émergence, dans la mesure où nous ne sommes pas dans le dispositif de l’analyse, imposera d’encadrer les participants afin « ne pas les laisser seuls aux confins de la vacuité. »
Retour du refoulé : Alors que nous nous préparions, en petit groupe à « raconter » notre parcours en vue du lendemain, jour mémorable où un public « validera » cette démarche, je m’effondre en larme dès que le mot « survivant » apparaît dans mon récit.
POUR CONCLURE………… LA OU POUVOIR DIRE IMPLIQUE D’ASSUMER SA SOLITUDE ET D’APPRENDRE A APPRIVOISER LE REEL………
La parole peut devenir menaçante, mais elle peut maintenir en vie.
En venant faire cette formation, je cherchais la reconnaissance de quelqu’un qui sait – Qui sait dire ce qu’il voit, ressent, arrive à dire – En fait la re-connaissance – Deuxième connaissance de ce que moi, je comprends – ressens – Où je fais des liens….. Une sorte de miroir, où enfin, un jour, quelqu’un me dirait : « Oui, ce que tu comprends – en situation clinique – n’est pas tout à fait délirant, ou absurde. » Une nouvelle construction dans l’ordre de l’Imaginaire, peut-être ?
La réponse : « C’est vous qui faites le lien » ne me satisfait pas, cela, je le savais déjà ! Solitude éternelle….
« J’insiste là-dessus , car c’est tellement dérangeant d’écouter l’autre parler, que très rapidement on se laisse embarquer dans des processus d’analyse, de structuration, de compréhension, on essaye d’araser le relief de subjectivité que produit justement la parole, alors que la parole emporte dans son cheminement l’objet manquant ; c’est-à-dire que lorsque quelqu’un se met à parler, pas à papoter – il y a des façons de parler qui visent à ne rien dire – on est très dérouté car on voit se profiler quelque chose qui est inconsistant, qui n’est pas tenable, qui n’est pas soutenable des fois, quelque chose qui est sans mot, innommable. La parole emporte avec elle ce qui ne peut pas se dire ; elle l’enrobe, l’enchâsse………… »
L’en chasser….. Pourrait-on dire……………
……….. Les objets @ dont j’ai parlé ne sont que les paravents de cet innommable…….. »
Et dire que le web utilise ce signifiant @ pour être identifier…….. Et permettre à chacun de communiquer avec un autre !
Encore un paradoxe : Par le vécu où il a fait irruption dans ma formation, c’est par la compréhension de ce concept du Réel -
la préhension, au sens de prendre avec - pourrait-on dire ––
et l’appréhension, – au sens de la peur
Que je ressens avoir pu surmonter mes petits traumatismes où je me retrouvais sans mots, sans pensée, et que j’ai pu à nouveau mentaliser ce qui m’agitait, donc de nouveau faire agir l’espace du Symbolique.
Car contrairement à ce que la célèbre psychanalyste Françoise Dolto laissait supposer dans le titre de l’un de ses ouvrages, tout n’est pas langage. Il y a au cœur de l’être dit humain « un fracassant noyau de nuit (André Breton), un réel (Jacques Lacan) et c’est bien ce réel qu’il s’agit d’accueillir et d’apprivoiser dans ce qui vient se transférer dans l’espace de supervision. Ce réel, il s’agit d’apprendre à l’aimer » 16
Dali, peu à peu, a apprivoisé – le Réel – figurant (c’est mon hypothèse) sous l’image d’un chien qui dort – mais qui peut se réveiller à tout moment en se montrant agressif. De sa petite enfance, où il ne connaît guère ses préférences identitaires, il se construit comme un homme.
A la fin de cette réflexion – Mais est-ce que la réflexion (se tourner vers soi-même) a une fin ? – Il me semble que ce signifiant « chien » dans mon parcours de compréhension de la supervision vient symboliser ce lien entre la vie et la mort, entre dire et se taire, afin d’appréhender le Réel qui surgit sous forme d’obscur « trauma » et provoque l’inhibition de tout désir. Et comme le chien du SDF, cette image apprivoisée du Réel (au moins au niveau de la compréhension de son existence) peut maintenant m’accompagner pour pouvoir « appréhender » toute souffrance future.
Car finalement, c’est un autre groupe, un autre formateur qui tous deux m’ont permis d’appréhender « ce concept » qui vient « éclairer » mon parcours professionnel… Supervision… Voir un peu mieux !
Je ne sais pas quand quelqu’un peut dire qu’il a acquis les compétences pour assumer une place de « superviseur » Mais cette formation, qui m’a si souvent laissé muette, ou révoltée tout en me défendant par la dérision, m’a tout de même permis de dire, par cet écrit : « Je doutes.. Mais je le dis quand même ! »
Je veux bien mourir un jour, si un seul jour de mon existence, je me suis sentie vivante.
« Les yeux et les oreilles sont pour les hommes de piètres témoins s’ils ont des âmes qui n’en comprennent pas le langage ». Maxime d’Héraclite. 17
Un grand merci à
Mon mari,
Joseph Rouzel
Et à tous les membres de la Bande à Moebius
Qui, tous, m’ont permis de comprendre que la maxime d’Héraclite pouvait encore être d’actualité aujourd’hui.
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1 Didier Martz : Le concept de chien n’aboie pas. Article sur le web.
2 Jean-Pierre Lebrun. La perversion ordinaire. Ed. Denoël. 2007. P. 53
3 Ibid. P. 54
4 Joseph Rouzel. La supervision d’équipe en travail social. Ed. Dunod. 2007. P. 113
5 Joseph Rouzel : « Les enjeux de la supervision dans le travail social » Conférence du 20 février 2004. A Bruxelles.
6 Lydie Pearl : L’imaginaire de la séparation de la mère chez Dali.
7 Dictionnaire historique de la langue française. Sous la Direction de A. Rey. Le Robert. P. 735
8 Jean Pierre Bègue : Réel, imaginaire et symbolique. « Le réel... n’est pas la réalité ». Monpsychanalyste.com
9 Jacques Lacan : Le Symbolique, l’Imaginaire et le Réel. Conférence du 8 juillet 1953.
10 Définition du réel. Dictionnaire de psychanalyse. P. 237.
11 Jacques Lacan : Séminaire livre 1 « Les écrits techniques de Freud » Paris, le Champ Freudien, Seuil.
12 Jacques Lacan : Séminaire sur l’Homme aux loups. 1952-1953.
13 Agnès Sofiyana : Texte de l’intervention au Séminaire Interne de l’Ecole Psychanalytique de la Salpêtrière. « Tuchê et Automaton ». monpsychanalyste.com.
14 Agnès Sofiyana : Suite.
15 Alain Delourme, Edouard Marc et al. La supervision en psychanalyse et en psychothérapie. Ed. Dunod. 2007. P. XVI
16 Joseph Rouzel. La supervision d’équipe en travail social. Ed. Dunod. 2007. P. XXXI.
17 Cit. Par G. Devereux, De l’Angoisse à la Méthode. Ed. Aubier. 1980. P. 447.
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