vendredi 05 décembre 2003
Le travail d’équipe. Tout le monde est d’accord pour mettre en avant la nécessité de travailler en équipe. Il est de bon ton de parler au nom de, avec l’accord de, décider avec, construire avec, se battre avec, mais la réalité montre bien l’écart entre cette théorisation de l’équipe et sa réalité. Il y a bien un écart pour ne pas dire un fossé entre l’idéal et la réalité. L’équipe idéale n’existe pas mais on l’oublie vite. On devient vite intolérant envers cet autre qui n’avance pas groupé.
Pour Michel Lemay, pour qu’un groupe puisse fonctionner, il faut quatre conditions. Avoir un désir de participer à une vie collective, établir des relations d’échanges, se définir des buts communs et avoir un minimum de cohésion groupale. Même si certains points sont nécessaires à sa constitution, une équipe n’est pourtant pas un groupe. Un point me paraît essentiel : la cohésion d’équipe. Lemay rajoute qu’il y a un piège à éviter. Il est de vouloir qu’une cohésion soit fondée sur des amitiés réciproques. Il ajoute qu’une telle atmosphère est utopique puisque des intervenants d’orientation et de passé profondément différents ont à travailler ensemble sans que puisse surgir de façon prolongée, et surtout de manière globale des relations d’affection. Toute discordance à ce niveau risque d’être vécue comme une blessure déclenchant des tensions secondaires si cet objectif de « l’unité émotive » est recherché. Une équipe doit être centré sur une tâche à accomplir et c’est à partir d’elle que peut se définir une complémentarité d’actions ou chacun – connaissant ses buts, ses spécificités et ses zones de chevauchement – parvient à réaliser un « tout » fonctionnel qui n’a rien à voir avec un climat de convivialité. Pour terminer, Lemay dit que les brèches dans la cohérence ne sont pas à travailler sur le plan des problématiques personnelles car on risque de sombrer dans une sorte de thérapie sauvage exacerbant les résistances.
Pour faire un lien théorie-pratique, une psychologue d’une institution s’étonnait de voir les membres de l’équipe se faire la bise pour se dire bonjour. Elle pensait ce geste réservé à la sphère affective et plus particulièrement réservée à sa famille ou ses amis. Les exemples de gestes affectifs ne manquent pas. Ils ont forcément une signification autre que la mise en place d’un code social propre à l’institution. Il y a des équipes qui travaillent ensemble depuis des décennies. Cela crée forcément du lien au point d’en oublier que ce lien est avant tout professionnel. Chaque institution se retrouve avec sa propre histoire. Chacun a pris sa place dans l’échiquier affectif du temps. Pour résumer, il y a les usés et les usants. L’usé devient usant et vice-versa. Chacun en prend pour son grade. Il y a le laxiste, l’hyperactif, le bouc-émissaire, (ou émis-sert) l’animateur, le psychologue de Prisunic, le théoricien, le chef de service qui ne rend pas service, la secrétaire qui sécrète de la haine sans oublier le bon petit soldat toujours prêt au combat. Chacun a sa place et une place pour chacun. Il est difficile de sortir d’un fonctionnement qui dure et perdure depuis des années. Il y a des résistances. Il faut y aller à petits pas sous peine de s’exposer et de faire exploser l’institution. Ceux qui ont œuvré au changement brusque se sont vus éjectés de l’institution. Il faut du temps. Cela paraît long, trop long parfois au point de parler de son départ à longueur de journée ou d’année.
Il n’y en a un qui subit pendant ce temps encore et toujours ce monde de grandes personnes qui se regarde le nombril, se déchire pour ce pouvoir qui rend fou. Placé et déplacé, il rencontre à nouveau un monde d’adulte empêtré dans ses contradictions. Une adolescente qui dit : de toute façon, je sais que vous ne vous supportez pas entre vous et que vous êtes hypocrites. Elle retrouve par son constat ce qui l’a conduit à être placé : un dysfonctionnement familial. Elle a oublié (consciemment ou inconsciemment) que l’on est pas une famille même si certains se sont laissés prendre au jeu. Certaines institutions ressemblent à des monastères, la sérénité que l’on peut trouver dans ces lieux en moins. Le point commun est que plus rien ne sort : la parole reste coincée et même en analyse de la pratique cette parole reste vide de sens, elle ne s’accroche pas au réel. Elle tourne en rond. Elle n’est pas responsable cette parole de ce qu’elle ne produit pas mais de ce qu’on ne veut pas lui faire produire. Un éducateur dira dans ce lieu : la supervision ne sert à rien, on n’avance pas. Ca ne sert (est-ce que ça doit servir ?) peut être pas forcément à avancer mais à entendre et surtout à se dire ce qui va ou ne va pas.
Se dire les choses est peut être la solution à beaucoup de mots. (maux) Il faut pour cela arrêter de croire que sa personne (ou sa vie) est en jeu chaque fois que l’on émet un avis sur un sujet professionnel. On est au travail, pas à une soirée entre amis ou à un déjeuner de Noël en famille.
Le plus difficile est d’éviter un autre piège : se retrouver dans cet échiquier et être une pièce malgré soi de ce jeu pathologique qui traîne et entraîne une équipe à sombrer peu à peu.
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