lundi 17 mai 2010
L’affaire Onfray.
Ce texte un peu décousu est extrait du Forum du site « Psychasoc.com ». Je ne donne que mes interventions, qui évidemment font relance…
Voilà ça recommence. Après le livre glauque, c'est Onfray qui s'y colle avec la hargne, sans un brin d'humour, de "déboulonner l'idole". On peut s'attaquer à Freud, d'autres l'ont fait et brillamment, mais encore faut-il lire ses textes. On ne peut se contenter de ragots et bruits de chiottes. Peut-être la seule réplique possible - car pour le moment c'est la grande muette - serait que chacun de ceux qui sont passés par la cure analytique disent ce qu'ils en ont tiré, sur le plan personnel, dans leur famille, dans leurs relations, dans leur boulot etc (écrit avant la parution de l’ouvrage)
Je viens de mettre en ligne une "replique" très clair de Guy-Arthur Rousseau aux attaques d'Onfray. Est aussi paru dans l'Express une réponse de Roland Gori. Tous le deux participeront au 3eme congrès Travail social et psychanalyse d'octobre. Donc débat à poursuivre...
En fait le maître mot d'Onfray, c'est la jouissance et il est bien embêté de ne pas y arriver. Quand on voit la rigidité du personnage, son manque d'humour, sa fureur. On comprend la contradiction dans laquelle il est pris. Son énonciation dit le contraire de ses énoncés, très brillants. Alors il s'en prend aux religions et aujourd'hui à Freud. Et il a raison: Freud propose un traitement de la jouissance et non de s'y laisser aller. Car Onfray montre en même temps que pour un parlêtre, justement la jouissance ça ne le fait pas. Alors d'où vient que sa parole porte? Mais parce qu'il est tout à fait en phase avec l'idéologie capitaliste actuelle: jouissez, c'est un ordre ! Il ne voit pas qu'il rejoint ainsi la pire des idéologies fascistes.
Sur le débat Onfray-Miller qui est paru dans Philomagazine, effectivement Miller ne fait pas honneur à la psychanalyse, pas plus que son frangin Gérard qui fait le clown à la télé, même s'il est plus rigolo. C'est une des raisons parmi d'autres qui m'a fait quitter l'association de la cause freudienne. Mais enfin la psychanalyse ne se réduit pas à ces tristes figures. Puisque c'est le moment où le texte de Freud tombe dans le domaine public, allons-y de nos nouvelles traductions interprétatives. Si des germanistes veulent s'y risquer sur ce site, nous sommes preneurs.
A mettre dans la série le dernier bouquin de J.J. Rassial: "Pour en finir avec la guerre des psys."
Ce que je pense, je le dis depuis des lustres, c'est que la psychanalyse est ailleurs, toujours ailleurs. C'est la raison qui m'a fait créer Psychanalyse sans frontière.
Définition de la psychanalyse "Ce n’est pas une science, car elle est irréfutable…C'est une pratique de bavardage... Aucun bavardage n’est sans risque etc » (Lacan, Le moment de conclure)
Pour le moment c'est Onfray qui rafle la mise. Pourquoi obtient-il un tel succès? Apparemment ma critique qui porte sur le fait de fondre ses principes philosophiques avec le discours capitaliste et ce qui le gouverne, à savoir, la jouissance, n'a pas été reprise. Onfray dit en philosophie ce que dit la publicité de façon beaucoup plus claire: jouissez, c'est un ordre ! Onfray c'est le discours philosophique dont le capitalisme à besoin. C'est en cela qu'il ne fait pas œuvre de philosophe en se refusant à interroger les présupposés d'où il produit - ou ce qui produit en lui - ce discours. Il rate la marche de l'épistémologie. On comprend peut-être mieux alors sa haine de l'inconscient.
Onfray nous promet la jouissance sans entrave, j'ai dit que c'est pour cela que Freud le dérange, au même titre que les religions. Que vous promet Freud? D'assumer notre "malheur banal", c'est à dire tout l'opposé.
Alors parlons-en. Onfray se fait justement, sans s'en rendre compte, le porte parole du discours capitaliste, dont le maître mot, je le rappelle est: jouissez, c'est un ordre ! En prônant cette morale de fer, cet ordre dur, il se fait le chantre de cette jouissance sans entrave. D'où ses attaques répétées contre la religion, la philosophie, la psychanalyse etc C'est à dire tout ce qui dans la culture oblige à en rabattre sur sa jouissance. En cela il met en œuvre de façon systématique le programme élaboré, il y a deux siècles par le marquis de Sade. (Confer le dernier bouquin de mon camarade Dany-Robert Dufour, La cité perverse ). C'est le discours qu'il faut au capitalisme, parce que... vous le valez bien. Il s'agit donc bien de considérations marchandes: comment laisser libre le marché mondialisé de la jouissance néolibérale sans s'embarrasser des empêcheurs de jouir en rond que sont les religieux, les philosophes, les psychanalystes et quelques autres sociologues, économistes, juristes etc Un philosophe comme Emmanuel Kant, lorsqu'il réfléchit sur le marché et les échanges commerciaux, précise un point capital: ce qui doit échapper au marché, c'est la dignité humaine. Tous ces penseurs entendent que ce qui doit faire obstacle à la libre circulation des marchandises, c'est la dignité humaine. On peut comprendre que cela dérange sérieusement le plan d'Onfray.
Pas besoin de grandes manœuvres. Lisez Onfray. Son discours est éminemment logique. Il se réclame de Bentham, Mandeville, Smith etc Autrement dit des pères spirituels du libéralisme qui ont produit la société capitaliste dans laquelle nous baignons. Mandeville par exemple dit " les vices privés produisent la vertu publique". Laissez libre cours à la circulation des biens, laissez libre cours à une jouissance financière, politique, psychique et sans entrave, et tout va s'autoréguler. On voit ce que ça donne. Les "subprimes", ça vous dit rien? D'où la logique de ma critique. Pour Onfray tout ce qui fait obstacle à cette volonté de jouissance débridée est à abattre: religion, philosophie, psychanalyse etc Et ça marche bien, puisque chacun est aujourd'hui possédé par cet esprit de jouissance dont la consommation à outrance, la transformation de tout ce qu'il y a sur la planète en marchandise, sont les fers de lance. D'où ma conclusion: Onfray est bien le porte-enseigne dont le capitalisme a besoin.
Onfray à raison: Freud n'était pas parfait, trop bourgeois, ni Lacan, qui versait parfois dans le cynisme, ni Mélanie Klein qui se crêpait le chignon avec Anna Freud, etc etc Donc pas besoin de déboulonner les idoles, il n'y en a pas. Juste des femmes et des hommes qui chacun à leur mesure, avec leur qualités et leurs défauts, ont participé à une invention géniale. Onfray propose de remplacer la psychanalyse par la méditation philosophique. C'est très bien la philo, mais que je sache ça n'a jamais permis à personne de se confronter in vivo au plus intime de l'intime, à l'étranger et l'étrangeté en soi, à l'inconscient, au refoulement, et disons-le tout de go, à l'inconvénient d'être... humain. Ceux qui en ont fait l'épreuve dans le dispositif inventé par Freud il y a un siècle, la cure analytique, en savent quelque chose. C'est tout ce qui compte.
Joseph ROUZEL, Directeur de l’Institut Européen Psychanalyse et Travail Social, membre de PSF (Psychanalyse sans frontière)
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Freud et Onfray
Bernard MONTACLAIR
dimanche 13 juin 2010