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L’Homme chercheur d’Homme

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Charles Ségalen

vendredi 13 avril 2007

Dans « L’Homme sans gravité. Jouir à tout prix », Charles Melman [1] décrit remarquablement la dérive sociétale observable à la montée en puissance de la violence, à sa banalisation, aux attitudes inédites face à la procréation et à la mort, au sexe ramené au rang de jouissance orificielle et instrumentale comme une autre, à cet homme sans boussole, affranchi du refoulement, moins citoyen que consommateur, sommé de jouir. Au-dessus de lui, le ciel est vide, aussi bien de Dieu que d’idéologies. Il n’y a plus ni autorité, ni référence. La vie politique est désertique, il n’y a plus la moindre conception idéologique ou même utopique. Ce qui fait support du moi n’est plus la référence idéale mais objectale. Aucune société n’a connu d’expression de son désir aussi libre pour chacun. Le sujet perd la place d’où il pouvait dire : « Non ! Je ne veux pas ». Reste-t-il une place pour l’inconscient dans un monde où la liberté totale d’expression dispense du refoulement ? Le sujet de l’inconscient, animé par son désir, a perdu son abri. Ce qui disparaît, c’est le lieu de ce qui échappe, le lieu du transfert, du sacré, du respect : l’instance phallique. Nous sommes passés de la représentation du rapport au sexe à sa présentation, à sa transparence.

Le moteur de cette « nouvelle économie psychique » n’est plus le désir mais la jouissance. Nous passons d’une culture fondée sur le refoulement des désirs, donc de la névrose, à ce qui recommande leur libre expression et promeut, de la sorte, la perversion. Notre désir est fondamentalement pervers, organisé par un état de dépendance à l’endroit d’un objet dont la saisie réelle ou imaginaire assure la jouissance. Pour le névrosé, tout objet se présente sur fond d’absence, de castration. La perversion est aujourd’hui au principe des relations sociales dans la façon de se servir du partenaire comme d’un objet que l’on prend puis que l’on jette. A défaut de ce qui fait tiers, les rapports ne peuvent plus être que duels. Dualité qui vient contractualiser les conflits, c’est-à-dire conduire à ce qu’ils soient inévitablement vécus comme un manque attribuable à l’autre.

Le mot d’ordre des situationnistes, « Jouissez sans entraves », prémonitoire, conforté par les moralistes (Foucault, Althusser, Barthes, Deleuze) venus proclamer le droit non au bonheur mais à la jouissance, entraîne une liquidation collective du transfert : les individus ont à se déterminer eux-mêmes, singulièrement et collectivement. Le processus ne dépend de personne, autrement dit, d’aucune idéologie. Il dépend uniquement de peuples dont l’expansion économique a besoin de voir se rompre les barrières morales, les interdits. Ceci afin de créer des populations en état d’addiction à l’endroit des objets.

La « nouvelle économie psychique » pratique la ‘‘ novlangue ’’ : une langue exacte, référée à l’objet précis : un mot / une chose Il s’agit d’une économie non plus du langage, du signifiant mais du signe. Alors que le signifiant renvoie à un autre signifiant, le signe renvoie à la chose. C’est ce qui fait, du point de vue psychique, la pauvreté du toxicomane : les métaphores et les métonymies ne fonctionnent plus. Tout fait signe, tout renvoie à cet objet sur lequel on pourrait mettre la main. De la même façon, il n’est plus d’homme politique qui ose se passer de conseiller en communication : celui qui rendra le signifiant maître.

Il n’est de choix qu’entre le semblant de la réalité et le réel de l’enfer. La barbarie consiste en une relation sociale organisée par un pouvoir non plus symbolique mais réel. La perversion, dans l’affaire, est l’arrimage contre la psychose. Le vrai libéralisme, c’est le libéralisme psychique. La question concernant l’homme libéral est celle-ci : est-il ou non lesté d’un inconscient ? Ce n’est pas obligatoire. C’est un sujet nouveau, « sans gravité »

.

Ce portait de « L’Homme sans gravité » est condensé, probablement réducteur. La description que fait Melman de la dérive libérale est fine, fouillée, convaincante. Ce que je partage moins, c’est son analyse des causes et des conséquences. Si les symptômes sont décrits avec pertinence, le diagnostic et le pronostic me semblent moins rigoureux. Donnant volontiers dans la caricature [2], y compris de ses patients, Melman explique le dévoiement consumériste observé par l’inclination à ce noble idéal d’égalité, conduisant à une « é-ga-li-ta-ri-sa-tion des jouissances », martèle-t-il. « Un retraité, par exemple, peut faire ces merveilleuses croisières réservées, hier, à l’aristocratie de sang ou d’argent. C’est une sorte de distribution égalitaire des jouissances ».

Cela tiendrait à la disparition du pouvoir théologico-politique qui a organisé notre vie sociale et psychique des siècles durant. La politique était théologique, le pouvoir venant, par délégation, de Dieu. La disparition du modèle religieux et patriarcal, frappe de discrédit la fonction du père et ouvre la porte à cette jouissance sans frein. « L’avènement de la psychanalyse, ajoute-t-il, s’est produit - et sans doute est devenu possible - au moment même où la figure paternelle se trouvait désavouée, en tout cas mise en cause et sur le déclin. Elle ne l’aurait pas été - et ne l’est toujours pas - dans des sociétés dominées par la religion. Dans les milieux religieux stricts, je pense en particulier à l’Islam, la puissance paternelle est restée intacte. Nous n’assistons aujourd’hui qu’à la fin d’un processus engagé depuis longtemps. C’est la queue de la comète ».

Succédant au matriarcat - la mère est la cause de l’enfant : tout est « naturel » et évident -, le patriarcat - tout est croyance et semblant - introduit la dimension du Réel avec « l’objet a », cause du désir, aspiration à l’endroit d’un objet d’autant plus insaisissable qu’il est perdu sans avoir même existé. Dans la « nouvelle économie psychique », avec l’objet à la portée de tous, le Réel s’efface.

Melman est maintes fois repris par JP Lebrun : « Vous ne laissez au psychiatre que peu de latitude » ; « La psychiatrie selon vous, ne peut-elle que suivre le mouvement, donc participer à la mise ne place de cette nouvelle économie psychique ? » ; « A vous entendre, sous le modèle religieux ou patriarcal, ça allait mieux » ; « On dit que, sous prétexte d’en appeler aux lois du langage ou à l’ordre symbolique, il s’agirait de prôner un retour au patriarcat », ce que Melman, à chaque fois, sincèrement, dénie. Sans toutefois dissiper l’ambivalence à cet endroit. « Vous nous emmenez sur un terrain très intéressant et très inquiétant, car cela enclenche un processus dont on ne voit pas très bien comment il pourrait se terminer autrement que mal… », prédit JP Lebrun. « Il n’est pas rare que ça se termine à coup de fusil », assure Melman. Soit. Mais après le coup de fusil, qu’advient-il ? Notre histoire en a connu d’autres… « Et vous ne pensez pas que d’énoncer quelque chose, de nous positionner d’une certaine manière, puisse être utile pour d’aucuns qui n’ont jamais eu l’occasion de s’entendre dire ce qu’un analyste peu dire. Parce que si les analystes, eux aussi, se tiennent à l’écart… », insiste JP Lebrun. « Vous pouvez essayer… Vous savez, il y a beaucoup de situations où il n’y a jamais personne qui dise quoi que ce soit ! Mais j’approuve tout à fait votre courage d’essayer de dire quelque chose… ».

Ajoutée au vide sociétal décrit avec justesse par Melman, l’absence de représentation d’alternative - hormis la perversion, la déréalisation ou, au mieux, l’apparition d’un sujet de l’inconscient asexué - participe plus, à mon sens, d’une faille conceptuelle que de friches ou d’hypothèses réflexives. En effet, le lien entre déficit d’autorité religieuse et publique que souligne Melman, le premier supposé entraîner le second, appelle deux remarques.

La première, c’est que le libéralisme économique est d’obédience religieuse. C’est la Réforme, en « subvertissant la conception communautaire de ‘‘l’assemblée des fidèles’’ dont la relation à Dieu est établie de façon égalitaire par la médiation cléricale dans l’Eglise catholique, qui introduit le concept d’ individualité dont procède la conquête objective de sa liberté : ‘‘ Dès lors qu’il a reçu l’illumination de la foi, le fidèle est devenu libre. Toute atteinte à cette glorieuse liberté des enfants de Dieu est un péché de l’Eglise contre la liberté ’’ (Luther). La dialectique protestante du Salut (la justification par la foi) inverse l’ordre causal établi par le catholicisme (qui conditionne le Salut au mérite) et rétablit l’arbitraire archaïque de la sélection divine ». Alors que L’Eglise de Rome condamne le profit commercial, selon la Réforme, « le métier, investi de fonctions sacrées, attribue une signification divine à la réussite et à la prospérité qui en découle. Ainsi le rapport de suprématie des ‘‘gagnants’’ sur les ‘‘perdants’’ est légitimé et fonctionne dans le champ symbolique protestant comme une référence normative, venant à l’appoint (…) des rapports ‘‘dominants/dominés’’. Et non plus contradictoirement selon l’éthique chrétienne d’origine. Cette redéfinition inégalitaire du rapport de l’Homme à Dieu a pour effet de convertir la dynamique collective chrétienne en impulsion productive individuelle par laquelle le sujet s’assure de la confirmation divine en donnant la preuve de sa qualification. Cette configuration du sacré, étroitement associée au commerce, engagea la formidable expansion économique des sociétés protestantes qui s’étend aujourd’hui sur l’ensemble du monde occidental. (…) C’est ce passage d’un système symbolique fondé sur l’ Interdit (de la jouissance) affirmé par la doctrine catholique, à un système symbolique fondé sur l’ Economie (de la jouissance) porté par le protestantisme, qui ouvre à une mutation symbolique d’envergure, très perceptible dans le monde contemporain, mais qui persiste à se dérober aux définitions ». Une morale du Progrès « substrat sécularisé de l’Interdit judéo-chrétien et garde-fou culpabilisateur, intervient comme agent modérateur qui conditionne en parallèle l’épanouissement du concept de liberté. (…) Concept qui prospère par la voie philosophique mais dont la société occidentale se prévaut électivement depuis que la Révolution française l’érigea comme étendard pour renverser la monarchie de droit divin » [3]. Dans « L’Esprit des lois », Montesquieu assure que les mœurs s’adoucissent là où gagne l’économique. La « main invisible » d’Adam Smith s’occupe du reste. Une autre messe est dite.

La seconde remarque, c’est que ce creux sociétal, aux effets dévastateurs, résulte du « triomphe » [4] du libéralisme sur son concurrent idéologique - le bloc socialiste - et, ceci expliquant cela, de l’absence de régulation sociale à la hauteur de l’espace gagné par le marché ; régulation assurée par l’Etat nation. Ce que pose Melman en termes de déficit d’autorité résultant du conflit d’intérêt patriarcat religieux / république laïque, entre Texte fondateur qui ne se discute pas, et égalitarisme parlementaire ‘‘ une voix égale une voix’’ , est réducteur. Face à l’alliance patriarcat/religieux, la démocratie souffrirait selon lui de l’absence d’intouchable - de sacré, de transcendance - dommageable à la structuration psychique. A le lire, le res publica et la souveraineté du peuple ne constitueraient aucun idéal, aucun pouvoir idéal ou idéalement inégalitaire, aucun arbitral, aucun garant de l’interdit à la mesure du patria potestas . Melman ne les nomme même pas.

Ce n’est pas la fonction paternelle qui est en cause dans l’histoire mais la fonctionnalité de sa représentation à un moment donné - son concept - dans un tournant sociétal improbable à l’heure de sa figuration antérieure. L’Etat nation s’est construit en se dotant de régulateurs sociaux à hauteur de la concurrence idéologique que représentait le « péril socialiste ». Celui-ci restera aussi menaçant que stimulant jusque dans les années 70 [5] : le camp qui ignore la « question sociale » fait le jeu de l’adversaire.

La fin de l’antagonisme Est-Ouest et du contrôle que chacun exerce, cm par cm d’influence, sur l’autre, fait que la nature prédatrice, libérale - la prédisposition de l’homme à disposer de l’homme - chassée pas à pas, revient au galop. Une page d’histoire tourne, passant, comme chaque fois, par un vide sociétal, lequel n’est jamais contenu que partiellement et provisoirement. L’autorité publique, sous sa forme religieuse / patriarcale, n’a pas connu moins de déconvenues, de réformes et de révolutions, de son vivant, que sous ses formes démocratiques. C’est une crise autrement profonde de l’autorité publique que connaît l’Eglise quand, après l’hérésie avortée des Cathares, elle se prend de plein fouet le Grand Schisme au XIe siècle, puis la Réforme au XVIe.

Le ‘‘triomphe’’ du libéralisme est contemporain non d’un déclin mais d’une montée en puissance du religieux : islam, judaïsme, christianisme - excepté catholique romain. S’il est un déclin, c’est peut-être de ce dernier tandis que le protestantisme, moteur spirituel du développement nord-américain et profitant de sa réussite, se targue de « lutte du Bien contre le Mal », en parfaite symétrie avec son adversaire.

Au niveau micro comme macro-social, l’autorité c’est ce qui, en contrepartie de faire frein à la jouissance, d’exiger, ‘‘autorise’’, projette dans du possible : dans une représentation du bien commun identifiable comme telle et accessible par chacun. Cela n’a rien avoir avec « une distribution égalitaire de la jouissance » mais suppose, au contraire, sa mise en perspective, sa représentation en terme, précisément, de désir. Etymologiquement, auctoritas se rapporte à auctor , ce dernier à augeo que l’on retrouve dans « augmenter », « augurer ». « Augeo , explique Raphaël Draï, n’indique pas le fait d’accroître ce qui existe mais l’acte de produire hors de sa propre aire. Toute parole prononcée avec l’ auctoritas détermine un changement dans le monde. L’autorité s’attache à la création » [6]. Aussi, quand les conditions de vie des gens viennent à dépendre davantage d’actionnaires que d’électeurs, le politique, à défaut ou en attendant de créer un modèle de régulation sociale à la mesure de l’espace gagné par le marché est, de fait, absenté, ‘‘des-au-to-ri-sé’’. Comme il le fut lors de la première tentative de mondialisation libérale du marché au XIXe siècle. Ce ne sont ni la religion ni le patriarcat qui permirent, principalement du moins, qu’advienne l’Etat social, régulateur de jouissance dans un contexte de décomposition sociopolitique du paupérisme de masse. L’Eglise et le pater familias furent plutôt du côté de ceux qui entendaient que cette jouissance, s’agissant de la leur, perdure. L’Etat social est promoteur d’un désir de société et passant de désir tout court, dont aucun accès égalitaire à l’instruction, à la santé, à la parole, aux devoirs comme aux droits, n’épuisera « l’objet a »…

L’imprimerie, la révolution copernicienne, le Renaissance (quand la sentimentalité, disposition jusque-là essentiellement religieuse, prend une valeur esthétique, donc profane), le cinéma (en 1914, le gouvernement allemand pense l’interdire, sa légèreté et sa pornographie pouvant provoquer des comportements amoraux et détourner du devoir [7]), sont autant de figures de « liberté totale d’expression », scandaleuses en leur temps. Le fait qu’il y ait tant de nouveaux objets consommables est observable à chaque époque, depuis l’âge de pierre.

Ce qui autorise le « lieu commun » [8] des lois Ferry, du droit d’association, de la protection sociale naissante, c’est la représentation d’une « dette » envers les plus démunis, dette sacrée, fondatrice du pacte social, apparue avec la représentation d’une société toujours déjà là et la conviction qu’il « n’est donné à personne de se sauver ni de se perdre seul » (Léon Bourgeois) [9]. C’est une mise en intelligibilité du réel, une nécessaire « actualisation du symbolique »(Lebrun) [10] ; la manifestation autrement dit de ce sujet increvable, le parlêtre , toujours à l’œuvre dans ce qu’il trouve à dire qui ne l’a encore été, et qui attend de l’être ; ce sujet, auteur de ce qui, rendu parlant pour lui, est appelé à le devenir pour autrui ; ce sujet, « agent de détraditionalisation » (Raphaël Draï), qui ressource l’archive, la masse du déjà dit.

C’est pour cela que l’argument, si ce n’est le procès, de Melman en déficit de religion et de patriarcat - de ce qui f(a)it autorité - me semble participer d’une peine à penser, et le politique comme construction, et la culture dans ce que, gardienne d’un certain ordre des choses, elle l’est encore du principe qu’il en advienne d’autres. Son discours souffre d’un « trou d’ère » (dans le gruyère…), d’un vide conceptuel, auquel correspond souvent un plein idéologique. Cette conception fétichiste de la culture qui vaut à Melman, dans ses interviews, bien des noms d’oiseaux. S’il ne les mérite pas toujours, il s’y prête un peu.

Son observation de la réalité pourtant lucide, fine et riche de développements psychanalytiques, a une allure de bulletin météorologique. C’est depuis cette place d’observateur, jaugeante et, ainsi réduite, jugeante, à renfort de clichés remarquablement tirés, qu’il peut, pour finir, justifier plus qu’expliquer l’événement. Dans un discours pour le coup psychologisant, voire, une jouissance ne va jamais seule, psy-catholo-gisant. Cet Homme sans ‘‘bravité’’[11] est… plombant, emprunt de « Cette douce certitude du pire » [12]. Si Melman pense qu’il n’y a rien à faire, ni même à dire, pourquoi ce livre ?

Je rends hommage à l’honnêteté intellectuelle, à l’opération de véridiction que tente Melman. Je préfère affirmer, avec Agamben [13], que l’Homme c’est, de toujours, ce qui reste de l’Homme. Depuis la nuit des temps, sitôt qu’il se lève le matin, au moment de prendre sa vie en main, l’Homme est un héros. Heureusement, préface JP Lebrun, il reste « en guise de viatique » la célèbre formule d’Höderlin : « Mais où croît le danger, là croît aussi ce qui sauve ». L’Homme est un chercheur d’Homme.

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[1] Charles Melman. Entretiens avec Jean-Pierre Lebrun, L’Homme sans gravité. Jouir à tout prix , Folio essais, 2005.

[2] « Quand vous voyez des jeunes gens se promener dans la rue avec leurs casques pour soi-disant écouter de la musique, vous avez vraiment le sentiment d’assister à une sorte de tentative mécanique de produire une bruit hallucinatoire permanent. Comme si, ne supportant plus le silence de l’Autre, nous devions entrer dans un monde où, sans cesse, il y aurait des voix, et des voix qui ne sont pas sans conséquences puisqu’elles vous submergent. On voit bien, en observant leurs mimiques, ou même le rythme qu’elles marquent, que ses personnes sont sous influence. On les voit prises dans une sorte de jouissance masturbatoire parfaitement autistique que suscite ce système hallucinatoire artificiellement créé »… Puisque le phénomène participerait, selon Charles Melman, du déficit de religion, que dire de ces bonnes gens qui récitent des chapelets par « dizaines » ou le Talmud en se balançant ?

[3] Véronique Hervouët, « Liberté, Libéralisme, Libertarisme. Les dessous d’un concept à géométrie variable », www.contrepointphilosophique.ch , Rubrique Philosophie, septembre 2005. (Son discours, intéressant du point de vue philosophique et psychanalytique, reste toutefois, par sa teneur apparemment apolitique, éminemment idéologique).

[4] Cette expression, « triomphe » du libéralisme, souvent employée, est inappropriée. Le communisme n’a pas été vaincu : il mort d’ennui, privant du même coup l’Ouest du garde-fou que constituait son alternative. « Triomphe » qui, au vu du climat délétère qui s’en suit, autant sur le plan national qu’international, et cette forme de libéralisme échevelée/écervelée, a plus l’allure d’un « bouquet final » ! Le terme « triomphe » et sa tonalité victorieuse sont non seulement trompeuses mais, en raison de l’écran de fumée, dangereuses. Melman ne s’y trompe pas. Il n’est pas non plus obligé de l’employer. Associé à libéralisme, il fait dans ces ‘‘maître-mots’’ qui ont plus de valeur que de sens, dans cet « inceste du mot et de la chose » (Lebrun) justement décrié dans l’ouvrage.

[5] Cuba passe dans le bloc socialiste en 1959 ; Sartre rend visite à Castro en 1962 ; Allende, qui laisse craindre que l’Amérique du Sud bascule de l’autre bord, est renversé en 1973.

[6] Raphaël Draï, « Anamnèse et horizon », in Quelle autorité ? Une figure à géométrie variable , dir. A. Garapon, Autrement , n° 198, octobre 2000.

[7] Serge Tisseron, Enfants sous influence. Les écrans rendent-ils les jeunes violents ? Armand Colin, 2000.

[8] « Le génie, c’est l’invention de lieux communs », (Baudelaire).

[9] Léon Bourgois, La politique de prévoyance sociale , t.1, Paris, 1914.

[10] Jean-Pierre Lebrun, Un monde sans limite. Essai pour une clinique psychanalytique du social , Erès, 1997.

[11] C’est mon lapsus quand j’ai entrepris de parler du bouquin sur le forum de Psychasoc.

[12] Miguel Benasayag, Edith Charlton, Cette douce certitude du pire , La Découverte, 1991.

[13] Giorgio Agamben, Ce qui reste d’Auschwitz , Payot & Rivages, 1999.

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