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L’ESPRIT DE LA CLINIQUE

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Marc THIBERGE

lundi 24 janvier 2011

L’ESPRIT  DE  LA  CLINIQUE

L’esprit de la clinique se soutient d‘une intention, d‘un objectif et d‘une posture de recherche ouverte.

S’agissant de médecine, de psychiatrie, de psychologie clinique ou de psychanalyse,  ces disciplines exigent chacune que la recherche qu’elles impliquent soit faite dans les termes du débat et de l’esprit scientifique; sinon on ne ferait que pérenniser les croyances en cours. Le faire sous forme dogmatique n’apporte rien, sauf si on se veut producteur de mythes, par exemple postuler un inconscient intentionnel ou totalement déterministe.

S’agissant de clinique, celle-ci ne peut relever d’une simple observation « naturelle » des phénomènes  mais suppose des postulats, un point de vue, en amont de l’observation, qui objective les phénomènes constatés au regard des pré supposés affirmés comme le socle du ou des modèles que chacune de ces discipline propose  par-delà la diversité culturelle.

Cet esprit a orienté la fondation d’ALTERS qui s’est donné pour objet de promouvoir dans le champ social des pratiques qui tiennent compte d’une articulation distinctive entre psychisme individuel et les lois de fonctionnement de la réalité sociale dans un esprit de recherche anthropologique.

De tels fondamentaux et les concepts qui les soutiennent constituent la base d’un langage commun, à partir duquel nous avions cru, à ALTERS, qu’il serait possible d’aborder collectivement les difficultés existentielles et les souffrances des personnes troublées, une compréhension transdisciplinaire étant rendue possible par une approche commune de la nature humaine, à partir des sciences sociales structurales, seules disponibles aujourd’hui pour permettre une modélisation de la clinique: anthropologie, linguistique, neurobiologie, hypothèse de l’inconscient freudienne. Approches non séparables et fondant leur unité dans une anthropologie générale.

Bref, actualisation du défi lancé par Lacan: « permanente donc  restait la question qui fait notre projet radical, celle qui va de: -la psychanalyse est-elle une science à qu’Est-ce qu’une science qui inclut  la psychanalyse? »

La condition pour qu’un tel projet soit envisageable est évidemment qu’on accepte qu’aucune de ces disciplines ne relève d’un statut spécial. Malheureusement, en ce qui concerne les psychanalystes, ce n’est pas le cas. La plupart d’entre eux continue à considérer  que l’hypothèse de l’inconscient fait office de vérité révélée et d’évidence, pouvant faire l’objet de l’enseignement d’un savoir transférable, en lieu et place d’une interrogation à penser et à activer  les conditions d’une singularité d’expérience, non transférable.

Un tel savoir en place de vérité jouit pour eux d’un statut extra territorial au regard des sciences sociales.

Ayant ainsi légitimé, malgré la situation actuelle de la psychanalyse, notre intérêt pour l’esprit de la clinique, dans les termes du débat « scientifique »  et/ou humaniste, qu’est-ce qui différencie l’esprit de la clinique, en médecine, en psychiatrie, en psychologie, en ostéopathie et en psychanalyse et qu’est-ce qui relie ces différentes disciplines obligeant à une articulation?

J’aborderai les évolutions contemporaines en termes de transformation, non en termes d’affaiblissement concernant le lien social ou le déclin des règles sociales.

La médecine générale d’abord: cette médecine hippocratique peut se définir comme une médecine du corps qui ordonne comment se tenir avec son corps. En « naturalisant » la cause, Hippocrate conjoint observation et raisonnement; il fonde véritablement la science médicale. Cette médecine accompagne l’homme au quotidien dans la gestion de ses symptômes, dans l’espace qui va du corps au social.

Sous sa forme humaniste, c’est un discours qui met en relation trois choses: le médecin, la maladie et l’homme, défini comme rationnellement sain de corps et d’esprit et dont la liberté se manifeste par son adhésion aux idéaux de la civilisation. Cet humanisme médical qui s’adresse à l’homme en bonne santé, est un  véritable ordre juridique du « devoir être ». En ce sens, la santé est un devoir qui s’impose à tout citoyen et le malade n’intéresse le médecin que comme informateur sur l’état d’un corps défaillant, à l’exclusion de tout le reste. Les plaintes, la subjectivité, n’intéressent pas cette médecine. Cette médecine humaniste est largement antagoniste de la médecine actuelle sous sa forme technicienne de médecine de l’organisme, produit pur du discours de la science. Cette médecine de l’organisme s’intéresse à l’homme, animal qui naît, vit, meurt et s’institue socialement, mais pas à l’humain. Ca ne fait pas pour autant du médecin un personnage inhumain.

L’autre aspect de cette clinique naissante hippocratique est laissé à la philosophie qui, utilisant la méthode rationnelle et de réflexion personnelle inaugurée par la fiction socratique du « connais-toi toi -même », interroge et souvent stigmatise les passions humaines, assimilées à des maladies. Cicéron rappelant la thèse de ses maîtres stoïciens le dit: «  entre l’émotion, la passion, le vice et la folie, il n’est pas de différence de nature, mais de degré, si bien que l’on peut dire que l’on est responsable de sa folie, du moins à la naissance de celle-ci. La folie n’est que l’absence, à l’origine, de la surveillance de soi-même ». On trouve déjà là le lit dans lequel la psychiatrie s’est développée.

Si avec le christianisme et le Moyen Age, l’âme tend à s’universaliser rationnellement, (cf St Thomas) le corps, lieu des « désirs de la chair », mais aussi lieu d’une souffrance sublime, tend à se singulariser.

Au XVIIIe, notamment avec l’approche de Port-Royal, apparaît la nécessité d’isoler une pathologie spécifiquement humaine, liée à une existence essentiellement culturelle et un rapport constitutif au langage.

Alors que la société dictait jusque là le comportement vis-à-vis des fous et la place qui leur était faite, on peut dire que Pinel a été le fondateur de la psychiatrie moderne. Fondant sa méthode sur la clinique, il considère l’aliénation comme une maladie au sens des maladies organiques. En préconisant l’isolement de l’aliéné comme principe thérapeutique, Pinel adopte une position scientifique et matérialiste: à l’observation clinique, au tableau sémiologique descriptif, au substratum anatomique  toujours recherché, à une étiologie, postulée à partir de la « lésion » éventuelle ou déduite des symptômes eux-mêmes, la psychiatrie s’ancre au carrefour de la médecine et de la philosophie sur deux postulats qui me paraissent complémentaires et logiques:

- «  le fou n’est jamais absolument fou », ce qui rend souhaitable l’observation et l’intervention clinique.

- le corps n’est pas l’organisme, le corps humain n’est pas le corps machine.

Fondamentalement déterministe, la psychiatrie évoluera entre deux dimensions causales possibles organique et anatomique, et dimension psychologique.

Dans tous les cas, une conception unitaire de l’homme en découle:

1) perspective organiciste, qui de l’examen neurologique à l’évaluation cognitiviste épuise la conception fonctionnaliste d’un sujet, défini essentiellement comme sujet de la connaissance.

2) perspective psycho génétique de Bleuler, inventeur du concept de schizophrénie, importante car elle promeut l’existence d’une causalité psychique parallèle à la causalité organique, frayant ainsi la voie à la psychanalyse.

3) perspective existentialo-phénoménologique, proposée par un Jaspers ou par un Biswanger d’une prise en compte d’une subjectivité compréhensive.

4) perspective psycho sociologique.
Dans ces différentes perspectives que la psychiatrie partage avec la psychologie cognitive, on postule qu’il n’y a pas d’intermédiaire entre le système nerveux central et les comportements humains.

Partant de là, comment le cerveau ou l’appareil neuro-cérébral fonctionne relève du débat scientifique, pas de l’esprit du temps.

Il faut pourtant noter le déclin apparemment irréversible de la clinique psychiatrique,du moins dans sa perspective thérapeutique,qui justifiait jusqu’alors sa pratique, sous les coups de butoir de la pensée technique dont la nouvelle bible des psychiatres américains, l’incroyable « manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux », DSM4, considère l’actuel traitement indifférencié de toute pathologie au moyen des neuroleptiques, comme relevant de la neurologie ou de la biologie des molécules, beaucoup plus que de la psychiatrie elle-même.

La cruelle absence de perspective structurale subjective aboutit à la négation de toute science.

L’inflation folle des appellations fait de chacun d’entre nous un individu nombré. La maladie détermine plus que jamais le malade.

Le parti pris du DSM4 ne préjuge pas de présupposés sociaux, mais qu’il soit un produit du temple du capitalisme n’est  pas le fruit du hasard.

C’est une modélisation statistique, non adaptée à l’approche de la maladie mentale mais qui n’en suppose pas moins de manière implicite une mythologie singulière, rationnelle de la maladie mentale, assez semblable à l’esprit du chamanisme; celui-ci classe avec la Pensée sauvage les éléments d’un corpus, permet d’agir et de prescrire mais n’en suppose pas moins un système implicite de croyances puisqu’il s’agit bien de réintégrer le sujet au système de croyances  d’un groupe d’appartenance.(cf Jeanne Favret- Saada « le désorseleur »).

Dans l’approche du DSM4, la prescription des drogues est basée sur le résultat d’observations de la neuro chimie cérébrale.

Dans le chamanisme, on fait appel à des causes surnaturelles et à des substances employées à des fins de dépossession, mais ces deux approches sont semblables. Cette approche organo mécanique qui ne fait pas de différence entre une approche psychiatrique et une pathologie organique, annonce la disparition de la psychiatrie inventée au XVIII éme. La personnalité en tant que telle est exclue de la maladie mentale.

Toute autre est l’approche organo dynamique proposée à la suite d’Henri Ey: la clinique y est pensée à partir de postulats dont l’aspect structural comportementaliste est hérité de Palo Alto et qui permettent d’organiser l’observation des phénomènes en apparence hétérogènes, en une classification rationnelle.

Comme avec Lacan pour la psychanalyse, qui se réfère à la linguistique saussurienne et à l’anthropologie structurale,  les études psychiatriques d’H.Ey se réfèrent à une position structurale phénoménologique qui autorise à cerner le champ de la psychiatrie en lui donnant une consistance à partir de plusieurs postulats objectivables et ne se référant pas à des causes surnaturelles:

- lésions neuro cérébrales dont les manifestations entraînent des maladies du cerveau à l’origine des  troubles du comportement et d’adaptation.

- cet appareil neuro cérébral est perturbé par des interactions relationnelles ou sociales non intégrables.

- puisque les êtres humains sont une émanation du social, l’explication freudienne est, pour H.Ey, très réductrice puisqu’elle ne constitue qu’une fonction neuro cérébrale particulière.

- enfin la maturation neuro cérébrale étant génétiquement déterminée, la maladie mentale est une conséquence de la détérioration du fonctionnement neuro cérébral et constitue une régression sur un mode jackonnien de structuration à un mode inférieur et de réorganisation à ce niveau inférieur.

Cette position d’objectivité n’a pas à s’interroger sur l’étiologie de la maladie mentale. La réalité organique, la réalité psychique et la réalité sociale sont trois éléments, causes possibles de disfonctionnements mentaux et aussi psychiques.

Cette approche rappelle la théorie neurologique des localisations cérébrales qui se heurte aux recherches actuelles sur la plasticité neuronale, sans pour autant être invalidée. Outre qu’elle postule une réversibilité possible, elle a le grand mérite de préférer l’observation au classement hiérarchique.

Ce modèle est cohérent et consistant si on souscrit à ses présupposés.

Le paramètre de flexibilité est conservé de façon systémique: si un élément change, l’ensemble se trouve modifié.

C’est le moment d’évoquer une autre clinique, souvent parallèle, souvent imbriquée à la psychiatrie qui n’oublie pas de nommer le sujet mais qui ne le laisse pas toujours, loin s’en faut, parler: la psychologie clinique.

Si celle-ci fait comme si elle étudiait l’improbable « psyché humaine », rejeton de l’âme, elle observe et teste maintenant les conduites, les comportements, les évolutions d’un sujet considéré comme une entité psycho sociale, aux prises avec des situations dont on peut étudier les conduites et évaluer leurs degrés de pathologie, mais toujours en observant l’individu dans « son ensemble ». Bref, elle revendique son appartenance à la science.

Pour P.Janet, au début du siècle dernier, il s’agissait d’étendre la compétence de la

« science psychologique » à la clinique, jusque là chasse gardée du corps médical. Mais aujourd’hui les psychiatres ne se contentent pas de prescrire, ils recourent souvent aux entretiens et ménagent les personnes au moment même où il arrive aux psychologues cliniciens d’être pris souvent dans des missions incompatibles de contrôle social et d’accompagnement individuel. Ce faisant, ils instrumentalisent indûment la référence à la psychanalyse.

Pour situer rapidement la « psychologie clinique », un nom la désigne, celui de D. Lagache, une ambition la résume : l’unité de la psychologie (1947). M.J Sauret me paraît avoir bien résumé la perspective d’ensemble de D. Lagache: «  dans la logique de ce dispositif, Lagache désigne comme objectifs pratiques de la méthode clinique: conseiller, guérir, éduquer. Il n’ignorait pas que Freud avait stigmatisé ces trois tâches comme impossibles… » Bref, l’incompatibilité de la psychanalyse et de la psychologie doit être considérée  comme totale.

Ce point de vue me paraît pourtant à interroger si on prend en compte l’effet Lacan depuis les années 1980 qui a érigé la psychanalyse à la française en fleuron philosophico politique de la culture française. Ce « succès » du moins médiatique signe l’érection du psychothérapeute dynamique freudien, lacanien ou humaniste en figure centrale de la société. Revanche donc de Lagache qui considérait dans sa fameuse conférence sur l’unité de la psychologie la psychanalyse comme « une forme de psychologie clinique et de psychothérapie que spécifie notamment l’étude du transfert ». Mais il faut ajouter alors une nuance de taille qu’évoque Ehrenberg dans son livre «  La société du malaise »: « le personnage du psychanalyste se distingue sur un point du psychothérapeute (ou du psychanalyste à l’américaine): il possède un savoir total lui permettant de dire la vérité de l’être humain en tant qu’être social ».

Posons-nous maintenant la question suivante: une clinique psychanalytique peut-elle être la même qu’une clinique psychiatrique ou qu’un positionnement culturel?

A première vue, puisqu il n’existe pas à l’heure actuelle de clinique psychanalytique modélisée, disponible comme telle, on pourrait être tenté de répondre de fait par l’affirmative.

Je voudrais ici soutenir un autre point de vue.

Postuler, comme le fait Freud, dans une intuition géniale, qu’il y a un esprit humain produit par l’appareil psychique qui fait fonctionner l’humain dans l’existence, relève d’une méta psychologie qui s’oppose à toute métaphysique, même si dans le cas de Freud, cette intuition n’a pas empêché une dérive vitaliste et mythologique: intentionnalité conférée à la pulsion de vie de défendre la vie contre la mort, pulsion sexuelle devenue de l’aveu même de Freud en 1933, un mythème.

Postuler, comme le fait le modèle Lacanien, que c’est l’appareil psychique qui gère les effets du langage, scientifise l’invention freudienne. Cet appareil psychique s’intercale entre la biologie et le sujet produit dans son rapport au monde et non aux autres. Si l’appareil psychique est déterminé par l’appareil à langage, alors il y a un fonctionnement signifiant humain, indépendant de la neuro biologie, qui relève d’un fonctionnement linguistique. Comme il le précise lui-même: «  que le substrat biologique du sujet soit intéressé jusqu’en son fond n’implique nullement que la causalité qu’il découvre soit réductible au biologique » ( La psychanalyse vraie et la fausse)

Pourtant la force de ce modèle n’est pas sans contradiction: le décalque du modèle de fonctionnement que Lévi-Strauss postule pour expliquer les comportements sociaux de l’espèce humaine a comme conséquence d’attribuer aux interrelations avec le milieu la mise en place de l’appareil psychique au prix de placer à la suite de Freud la relation triangulaire familiale oedipienne père-mère-enfant, au cœur d’un ordre symbolique psychique, créateur alors de sens pour chacun, en lieu et place du collectif.

Que le collectif soit porteur de l’ordre du symbolique et de ses règles, pas l’inconscient, est pourtant un apport majeur de l ‘anthropologie structurelle. Le modèle auto organisé de l’appareil psychique  était pourtant déjà disponible.

Mettre l’inconscient sous l’égide d’un ordre symbolique organisé par un signifiant maître, réintroduit une dimension métaphysique qui donne à l’humain un destin donné par l’inconscient.

Du coup les inconscients de Freud et de Lacan ont à voir avec l’imaginaire du préconscient langagier: intentionnalité et quête de sens, en lieu et place de la réalité sociale, dérive de la psychanalyse vers une mythologie très normative: complexe d’Œdipe, mythologie du père, conception familialiste du social, signifiant de l’inconscient peu distingué du signifiant linguistique en situation d’insu, réalité psychique confondue avec la réalité sociale, indistinction mythes et fantasmes.

L’invention freudienne, l’approche lacanienne, via M. Klein, n’en demeure pas moins féconde à condition d’assumer notre responsabilité de praticiens chercheurs et de continuateurs d’une œuvre dans des termes objectivables, modélisables et cohérents.

Tout débat qui se réclame de l’esprit de la science, y compris des sciences sociales conjecturales, est de cette nature et  n’a rien à voir avec une disputatio qui n’exprime que les différentes versions de la même élaboration ou de la même croyance.

Ou bien l’esprit de recherche avec le désir de refonder la psychanalyse  freudienne en mouvement, en tout cas d’en remanier collectivement le socle matérialiste, ce qui relève du débat et de l’esprit scientifique, ou bien la tentation de l’humaniste, du mage, du prêtre ou du sage, et du faiseur de miracles.

L’observation clinique ex nihilo des symptômes sans cadre préalable d’observation ne peut en tout cas pas aboutir à mettre en place un corps organisé de connaissance objective, ce qui supposerait une connaissance exhaustive de l’organisation neuro biologique. D’ailleurs sur ce point, l’espoir de Freud que la biologie et la clinique détermineraient l’appareil psychique, s’est avéré peu fondé. Et si un psychanalyste réduit l’approche psychanalytique à l’investigation de l’inconscient comme structure inconsciente, il a de fait sans doute une position neuro biologique, étrangère au projet freudien. Il réduit sa préoccupation, comme en psychiatrie, au cerveau. Au lieu d’être concerné strictement et seulement par la question de l’existence, il traite les symptômes à la manière psychiatrique, c’est-à-dire non spécifique. Une molécule est efficace qu’elle qu’en soit la cause symptomatique: organique, conflit psycho social, relationnel, environnement social et culturel.

Or, les conflits font dysfonctionner l’appareil psychique, pas directement l’organe neuro cérébral.

Les troubles culturels, sociaux, affectifs venant de l’environnement, peuvent affecter le fonctionnement psychique préconscient-conscient, l’organisation du moi dans sa fonction de médiateur entre réalité psychique et réalité sociale. Les dysfonctionnements sont alors temporaires dès lors que le système moïque se régule.

De la même manière, des effets de blocage de la structuration de l’appareil psychique déclenchent des manifestations neuro cérébrales qui ressemblent à des troubles mentaux mais qui n’en sont pas et sont une indication pour une intervention de psychothérapeute ou de psychologue clinicien: c’est l’exemple d’enfants qui sont scolarisés et qui ont des manifestations de troubles du sommeil, d’excitation, de dépression, de fuite dans la rêverie, une hyperactivité  voire des manifestations du comportement agressives, des problèmes alimentaires, de régression, d’énurésie, de refus de séparation, des problèmes d’adaptation scolaire ou sociale… Il ne faut surtout pas recevoir ces manifestations comme si elles étaient chroniques, d’où l’erreur des consultations en CMPP quand on a comme unité de mesure et de prise en charge l’année scolaire de septembre à juin, alors que le plus souvent un, deux ou trois entretiens sont régulateurs et relancent le processus de structuration visant à l’autonomie. Le risque est alors de fixer en maladie chronique un épisode paroxystique en rapport avec la maturation de l’appareil psychique dont l’accompagnement est d’abord la responsabilité des parents ou à défaut:

- des éducateurs pour la socialisation, à visée d’éducation culturelle: comment relier une tradition personnelle familiale aux us et coutumes culturels et sociaux?

- des pédagogues, pour conjuguer un enjeu de transmission avec une position d’apprentissage, à visée d’intégration comme être social, dont tout transfert est exclu. Si les enfants ou adolescents sont mis en position du sujet responsable, ils sont par hypothèse mis en capacité d’être désirant ou en appétit.

- voire des psychologues et psychothérapeutes en position de passeurs d’épreuve de structuration de l’appareil psychique mais pas en position de soignants qui se donneraient comme objectif de guérir une névrose, une perversion, une psychose ou un état autistique.

- les orthophonistes interviennent soit comme techniciens d’une réparation du langage en tant que vecteur de communication, soit avec pour objet l’origine des troubles du langage, autistiques par exemple.

- les psychomotriciens  qui participent à une mise en place d’un dedans et d’un dehors dans la structuration d’un espace corporel éprouvé et ressenti comme le sien, peuvent être appelés à dynamiser la forteresse vide où se trouvent  enfermés nombre d’autistes qui vivent un monde à la J. Bosch.

En effet, les dérèglements psychiques peuvent déterminer aussi des perturbations de l’appareil neuro biologique, comme si l’appareil neuro cérébral, pour des raisons inconnues, devenait addictif non à des substances chimiques ou à des drogues, mais à un système de significations organisé comme un mythe personnel et ayant un effet excitatif et répétitif addictif. En quelque sorte, on peut postuler qu’on s’intoxique à un système de significations à l’origine d’une jouissance comme s’il s’agissait de substance neuro cérébrale addictive et qui s’organise selon un agencement névrotique, pervers ou psychotique, agencement fixé et à l’origine des répétitions. Mais ces différents agencements sont autant de manières d’être vivant. Ca peut poser des problèmes socialement, mais ce ne sont pas des maladies. Reconnaître cette manière d’humanisation chez l’autre, dès lors qu’il y a du signifiant, c’est la position du psychanalyste.
Ce mécanisme pourrait expliquer certaines guérisons à la suite de la déconstruction de significations pathogènes en cours de psychanalyse impliquant par exemple la sphère thyroïdienne, génitale, cardio-vasculaire, respiratoire, neurologique, dermatologique, douleurs chroniques, spasmophilie, fatigue chronique, phénomènes infectieux, dépressifs, digestifs, rhino pharyngites otites, bronchites à répétition etc.

Mais en tout état de cause, la participation de l’appareil psychique aux disfonctionnements existentiels n’est recevable qu’après avoir éliminé méthodiquement les causes sociales ou psycho sociales et les causes organiques que celles-ci soient neurologiques, lésionnelles, infectieuses, hormonales, dégénératives, immunologiques ou autres.

Autant dire que les approches médicales, psychiatriques, psychanalytiques ne sont nullement en chevauchement ou en rivalité.

L’appareil neuro cérébral, comme l’appareil psychique se réorganise perpétuellement Il s’en suit que dans l’approche de ces différents discours, médical, psychiatrique, psychologique, et psychanalytique, il n’y a pas de discontinuité névrose/psychose. Rien n’est jamais acquis, mais rien n’est jamais fixé. Une vie psychique en parallèle de la structuration neuro cérébrale s’auto organise, faisant de la plasticité un concept qui intéresse non seulement l’organisme, mais le mental et l’appareil psychique.

Ces quatre discours sont différents. Chacun doit construire sa clinique spécifique qui permette une articulation de nature à mieux accompagner les personnes accueillies  avec les autres discours.

Pour pouvoir travailler auprès de personnes troublées, il me paraît essentiel de distinguer le champ  propre à chaque discipline, l’esprit de sa clinique.
En effet, une clinique doit se soutenir d’une intention. A chacun son esprit:

-à la psychiatrie, l’opposition normal et pathologique, son humanisme médical, et sa clinique qui relie un socle bio physiologique et l’apparition de désordres mentaux à remettre en ordre.

- à la psychanalyse de vouer sa pratique à son objet: l’appareil psychique, lequel détermine la manière d’être au monde. Autant dire que de la part d’un psychanalyste, jamais un sujet ne doit devenir un objet, fut-il de savoir et même pour l’édification des étudiants. Autant une présentation de malades se fait à bon droit dans l’esprit de la clinique médicale et psychiatrique, visant à universaliser un cas clinique comme savoir, comme système de connaissances à partir duquel on traite, on soigne, on accompagne, dans une posture de recherche.

Autant l’esprit de la clinique psychanalytique « interdit la réification des données d’existence d’un sujet » comme le note M. Lebailly.

Dans un tel cadre, l’utilisation de ce savoir dans le colloque singulier ou l’existence quotidienne, ne peut que conduire à un esprit de domination et de manipulation. Façon de traiter chez l’autre ce qu’on ne veut pas traiter chez soi. Mode défensif mais aussi offensif pour assurer une position de supposé savoir, mégalomaniaque et persécutoire, vis-à-vis de tout autre.

On peut devenir psychiatre ou psychologue par défense symptomatique, on ne peut engager une psychanalyse  pour devenir psychanalyste.

La perdurance de ce mode archaïque imaginaire quand il n’a pas été pacifié par la perlaboration symbolique empêche au sein d’un collectif le lien social et la mise en place d’un travail collectif.

Le savoir clinique se meut alors en technique de meurtre de l’autre en le jugeant.

Il y a divorce complet entre un savoir clinique qui dit ce qu’il en est de la nature de l’homme et de l’humain et un « savoir » sur la genèse et le fonctionnement de l’appareil psychique qui ne dit rien sur ce que devrait être un humain.

La psychanalyse ne juge pas de la bonne ou mauvaise manière d’être un humain.

La structuration de l’appareil psychique est singulière dès qu’il y a de l’humain. Et pour chacun cette maturation et structuration de l’appareil psychique n’est jamais totalement aboutie et toujours précaire.

Les humains se débrouillent comme ils peuvent avec ce qui leur échoie d’auto organisation dans leur existence d’homme et de femme.

Simplement, toute structuration psychique qui empêche la plasticité, empêche l’adaptation sociale et professionnelle mais pas pour des raisons psychiatriques, car  ce n’est pas la compétence adaptative qui fait l’humain. C’est la compétence signifiante qui dénature l’homme et l’oblige à une certaine autonomie. Le désir du psychanalyste est là.

Par ce passage, l’homme transforme plus qu’il ne s’adapte, le signifiant inconscient symbolique, par hypothèse bombarde en permanence le préconscient-conscient imaginaire, et l’oblige à se connecter au monde en assumant de devenir une personne.

Dans ce passage au langage articulé, l’humain renonce à sa niche écologique et biologique qui maintenait l’homme en relation au corps de la mère. Le langage sépare de l’autre, faisant disparaître l’objet qu’il nomme,  permettant  alors la mise en place de l’objet virtuel qu’est l’appareil psychique.

Alors commencent les avatars de l’existence subjective. Le sujet en est le résultat.

Voici une articulation possible qui essaie de prendre en compte les exigences du conscient imaginaire, (registre du citoyen) les exigences de l’insu (registre de l’individu pris dans la culture et la langue) les exigences de l’inconscient, par hypothèse, le sujet.

Si les autres espèces vivent en société, l’homme fait société.

En tant qu’humain, qu’il demande  de l’aide ou qu’il s’adresse en psychanalyse découle l’indication; réponse ou non réponse, savoir non seulement supposé ou activation de la singularité contingente d’une existence, apprentissage ou expérience.

Eh, oui, le champ de la clinique ne sera jamais enseignable. Il nous faut donc en permanence se donner les moyens et les procédures d’en rendre compte.

                                  Marc Thiberge

                           Journées d’ALTERS 18.12.2010

ALTERS organise du 12 au 14 mai une rencontre à Toulouse sur "L'esprit de la clinique". Pour tous renseignemenrts voir la page d'acceil du site.

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