dimanche 25 août 2013
L'Art-Thérapie en France aujourd'hui,
commerce ou thérapie ?
Introduction : l'Art-Thérapie en 2013.
L'Art-Thérapie se dilue, elle se disperse en essayant de s'implanter dans tous les champs d'action possible, dans une course à la reconnaissance perdue d'avance par manque de crédibilité scientifique.
Je parle d'une crédibilité scientifique dans le domaine des sciences humaines.
L'Art-Thérapie est dans tout et tout est Art-Thérapie !
1.Etat des lieux :
Il est urgent de clarifier le positionnement de l'Art-Thérapie française !
Plus de 100 formations recensées en 2013, avec à la clé DU, Master, Certificat, Certification Professionnelle
(tous ces diplômes et certificats ne sont reconnus que par l'organisme qui les délivrent).
Comment s'y retrouver avec des terminologies différentes comme les psychothérapies médiatisées, les thérapies médiatisées, les ateliers d'expression créatrice, les médiateurs thérapeutiques, la psychopathologie de l'expression, les médiations créatrices et artistiques, l'art cru, etc...
Et l'Art-Thérapie, dans tout çà ?...
D'autre part, dans l'Art-Thérapie même, il y a plusieurs classifications. Jean-Pierre Klein parle d'Art-Thérapie expressive et d'Art-Thérapie créative, Jean-Pierre Royol parle d'Art-Thérapie curative, d'Art-Thérapie dynamique et même d'Art-Thérapie préventive !!!
Irons-nous jusqu'à inventer un vaccin arthérapeutique pour être d'avantage dans la Prévention ?
Tous les citoyens doivent -ils passer au crible de l'Art-Thérapie pour trouver le bonheur ?
Toutes ces directions que l'on fait prendre à l'Art-Thérapie posent question.
J'ai également trouvé l'Art-Thérapie transpersonnelle, l'Art-Thérapie neuro-cognitivo comportementale, l'Art-Thérapie évolutive, etc...
Difficile de s'y retrouver devant tant de directions et de formations différentes!
2.L'art-thérapeute n'est pas attendu à l'hôpital :
L'art-thérapeute en milieu hospitalier est en concurrence avec d'autres professionnels qui sont eux reconnus et inscrits au "Répertoire des Métiers de la Fonction Publique Hospitalière".
Les psychiatres et les chefs de service qui ont pouvoir à construire les équipes soignantes, ne choisissent pas forcément d'intégrer des art-thérapeutes dans leurs organisations.
L'Art-Thérapie en milieu hospitalier, est le fait d'une personne motivée et passionnée par l'Art-Thérapie, qui se bat pour la faire exister. Le plus souvent ce professionnel possède un premier métier paramédical ou médical qui lui permet d'exercer dans l'institution.
Mais le jour de son départ à la retraite, son atelier sera fermé, car art-thérapeute ce n'est pas un métier mais une spécialisation !
Voici une liste non exhaustive des intervenants en milieu hospitalier et institutionnel :
-psychiatre (plasticien, art-thérapeute)
-psychologue clinicien, spécialiste de la médiation thérapeutique
-psychanalyste, psychothérapie par l'Art
-infirmier, médiation thérapeutique
-aide-soignant,atelier occupationnel et sortie thérapeutique
-AMP
-ergothérapeute, ergothérapie médiatisée
-psychomotricien, médiation corporel, théâtre
-éducateur spécialisé, médiation thérapeutique et social
-moniteur éducateur, resocialisation
-animateur en arts plastiques (BAFA-CEMEA)
-plasticien intervenant (Centre de Formation des Plasticiens Intervenants-Strasbourg)
-artiste DRAC (Programme Culture à l'Hôpital)
-intervenant Art Brut (LAM-CHS ST-Alban)
-intervenant bénévole des Hôpitaux (Blouses roses)
-animatrice en M-R
-comédien intervenant
-etc...
3.L'art-thérapeute en libéral :
Nous venons de constater les difficultés d'insertion des art-thérapeutes en milieu hospitalier.
Voyons maintenant, l'insertion socio-professionnelle des art-thérapeutes en libéral. Ils ont pour la plupart une solide formation artistique, mais pêchent sur le plan de la formation clinique, car exercent très peu en institution à temps complet.
L'expérience clinique ne peut s'acquérir que sur le long terme en travaillant dans une institution en général et en psychiatrie en particulier.Le fait d'exercer en institution et en psychiatrie est formateur .
L'autre problème que je constate, se situe au niveau de la prescription médicale .
L'art-thérapeute en libéral n'exerce pas sous prescription médicale. Il auto-prescrit des séances d'art-thérapie et n'adresse pas de compte-rendu au médecin du patient.
Livré à lui-même, il aura tendance à se rapprocher du développement personnel, de la recherche spirituelle, du coaching et des salons du bien-être ! Toutes ces disciplines ne sont pas reconnues sur le plan scientifique et ne constituent pas en soi des psychothérapies.
Le danger est clair, c'est une dérive vers les médecines douces et les thérapies alternatives.
4.Perspectives et réflexions sur la construction du métier d'art-thérapeute :
Le métier d'art-thérapeute est double, d'un côté il y a l'Art et son Histoire, de l'autre le Soin et la Thérapie.
L'art-thérapeute fait le lien entre ces deux pôles, c'est ce qui fait la singularité de ce métier.
Constatant les dérives proche du domaine sectaire et du commerce du bien-être, que l'on fait subir à l'Art-Thérapie aujourd'hui en France, à titre personnel et cela n'engage que moi, je souhaite avoir une réflexion déontologique et éthique sur l'utilisation de l'Art-Thérapie.
L'Art-Thérapie doit s'extraire du domaine des médecines douces et des thérapies alternatives pour gagner en crédibilité face au corpus médical et psychologique.
Le commerce de l'Art-Thérapie est florissant, certains organismes de formation l'ont bien compris. Et la prolifération des codes de déontologie n'augure rien de bon, et ne fait qu'accentuer les divisions et les clivages entre les différentes formations. Diviser, pour mieux régner, alors qu'il faut fédérer !
Il est souhaitable de réfléchir à la mise en place d'un référentiel et d'une ingénierie des études et du métier d'art-thérapeute, avec la possibilité de parvenir à un Diplôme d'Etat d'Art-Thérapeute (DEA-T), ce qui mettra un terme aux polémiques et discussions sans fin sur l'Art-Thérapie !
Ce métier pourra alors être validé par le Ministère de la Santé, et l'inscription au Répertoire des Métiers de la Fonction Publique Hospitalière pourra avoir lieu, ce qui permet d'officialiser également la pratique de l'Art-Thérapie en libéral.
Il reste la question du positionnement, les art-thérapeutes souhaitent-ils être des paramédicaux qui exercent avec une prescription médicale, ce qui leur assure une sécurité et une supervision continue.
Ou souhaitent-ils être indépendants du corps médical, mais dans ce cas le positionnement statutaire me semble plus compliqué.
Conclusion :
Les art-thérapeutes doivent choisir entre commerce et thérapie !
L'art-thérapeute est un hybride, entre l'artiste et le psychologue. S'il penche trop du côté de l'Art, autant qu'il soit artiste à part entière. S'il penche trop du côté de la clinique, il existe le métier de psychologue clinicien.
L'art-thérapeute est un équilibriste qui avance sur la corde raide du jeu.
Cet équilibre entre l'Art et la Thérapie, c'est ce qui fait tout l'intérêt de ce métier, que je souhaite défendre et valoriser.
Jean-Louis Aguilar / Art-Thérapeute.
"Résister, c'est Créer. Créer, c'est Résister". Les indignés. Stéphane Hessel.
PS : vous pouvez envoyer vos réflexions sur l'Art-Thérapie française à
Réponse à l'article de Monsieur Aguilar,
Vous publiez sur le site du réseau un article virulent où vous dénoncez le mercantilisme et la prolifération des formations en art-thérapie. Etant formateur vous-même en cette matière en sus de votre emploi hospitalier vous devez admettre qu'il existe en effet de nombreuses formations, différents courants comme dans toutes les sciences humaines et que les stagiaires sont attentifs au référentiel et doivent être considérés dans le champ de la formation pour adultes comme capables d'être sujets de leur choix.
Par ailleurs, vous ironisez à propos du fait que j’ai tenté de définir trois types d’interventions art-thérapeutiques : dynamique, préventive, et curative. Je n’ai pourtant pas l’habitude de trouver sur ce réseau de qualité ce style " diviseur ".
Je vous cite :
« Jean-Pierre Royol parle d'Art-Thérapie curative, d'Art-Thérapie dynamique et même d'Art-Thérapie préventive !!! Irons-nous jusqu'à inventer un vaccin arthérapeutique pour être d'avantage dans la Prévention ? »
L’éthique de l’échange lorsqu’il est centré sur une véritable recherche clinique suppose que vous ayez le courage de dire clairement ce qui vous perturbe dans le fait de cerner ces trois champs d’intervention art-thérapeutique.
Le travail de recherche ne peut se limiter à des sous-entendus et il convient de faire preuve de travail en développant son argumentation pour qu’une réponse claire puisse être apportée dans l'intérêt des lecteurs.
Je maintiens que l’art-thérapie peut trouver sa place dans le champ de la prévention et cet aspect a été développé de manière précise dans l’un de mes ouvrages : « Art-thérapie. Quand l’inaccessible est toile. »
Je vous informe qu’aujourd’hui des art-thérapeutes travaillent avec beaucoup de sérieux dans le cadre de la prévention, cadre pour le moins délicat. Des travaux de recherche rigoureux sont conduits en lien avec des fédérations très importantes et très compétentes telles que la FNAREN (Fédération Nationale de Réeducateurs de l'Education Nationale) dont je suis membre du Comité scientifique.
Etant en contact avec nombre d’entre eux je salue ici leur implication et justement leur éthique.
Vous dîtes pour finir : « souhaiter avoir une réflexion déontologique et éthique sur l'utilisation de l'Art-Thérapie , » je vous y invite en effet car c'est un sujet qui est au travail depuis de nombreuses années chez les acteurs de l'art-thérapie.
Jean-Pierre Royol
Docteur en psychologie clinique.
Directeur de PROFACRecherche et formation en art-thérapieMembre du bureau de la SFPEAT
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