mardi 08 mars 2005
ELEMENTS AUTOBIOGRAPHIQUES
Je suis né le 11 décembre 1966 à la maternité de Lens, ville moyenne située dans le Nord de la France.
Ma mère était institutrice et mon père exerçait la profession d’ingénieur au sein des H.B.N.P.C. (Houillères du Bassin Nord Pas de Calais), j’ai un frère de trois et demi mon aîné. Nous habitions un logement de fonction attribué par l’entreprise de mon père dans une petite commune près de Lens.
J’ai suivi un parcours scolaire sans difficulté notoire jusqu’en classe de quatrième au collège, là je commence à ressentir le mode d’enseignement classique comme contraignant et dénué d’intérêt, sans doute car à cette période j’entame une phase d’adolescence mouvementée pendant laquelle je tâche de concilier tant bien que mal d’une part, les exigences de mon père pour qui la réussite scolaire puis professionnelle passe avant le bien être personnel, et d’autre part mes propres aspirations qui ne trouvent dans le système scolaire traditionnel aucune possibilité de réalisation puisqu’à l’époque mon vœu est de devenir dessinateur de bandes dessinées (plutôt inspiré par Jean Marc Reiser qu’Hergé).
Immanquablement, mes relations avec mon père et mon parcours scolaire devenu enjeu se ressentent du conflit qui nous oppose. Pour ne rien arranger, mon frère de son côté sent naître en lui la vocation d’un guitariste de « Hard rock » et se laisse pousser les cheveux jusqu’en bas du dos. Mais à l’inverse de moi il réussit ses examens scolaires ce qui lui permet de bénéficier un temps d’une sorte d’état de grâce aux yeux de mes parents.
Nous avons tous deux l’impression qu’aux yeux de mon père, seuls les résultats scolaires ont de l’importance, c’est un sentiment que je n’ai plus aujourd’hui mais lorsque l’on est adolescent on ne possède pas forcément l’autonomie affective nécessaire pour s’en défendre.
Après avoir tenté de me faire étudier toutes les matières possibles et imaginables à l’époque (de la chimie à la gestion) je suis finalement exclu du lycée au terme de trois redoublements (3ème, seconde, première) par un proviseur autoritaire qui ne partage pas mes goûts en terme de tenue vestimentaire. Je reconnais bien volontiers qu’arborer selon l’humeur une tignasse rouge ou blonde n’était pas de nature à faciliter une intégration à l’école, mais pour autant il ne faut pas retenir de ce comportement que le caractère provocateur : Ma façon de m’habiller de me coiffer était le symptôme visible d’un malaise intime causé par la profonde difficulté que j’éprouvais à trouver une place dans un système que je considérais comme aliénant et définitivement hermétique à mes désirs.
Ecarté du circuit scolaire, je ne me complais pourtant pas dans l’inaction : Je passe et obtiens mon B.A.F.A. en 1989 (Brevet d’Aptitude aux Fonctions d’Animateur) puis la même année je suis confronté à la déficience mentale d’un jeune garçon, au sein d’un centre de vacances dans lequel je travaille durant l’été en tant que moniteur.
Cette expérience revêt une importance singulière dans mon parcours personnel et professionnel puisque je suis mis en situation de responsabilité vis à vis d’un groupe d’enfants et suis reconnu dans une fonction pour la première fois de ma vie.
Ma rencontre avec le jeune déficient va de plus éveiller en moi un certain nombre d’interrogations quant à l’approche relationnelle du handicap mental.
Le mois de Septembre suivant, étant à la recherche d’un emploi ou d’un stage (sans la moindre qualification) j’accepte d’effectuer un T.U.C. (Travail d’Utilité Collective) dans un Institut Médico-Educatif .
Je découvre ainsi l’accompagnement éducatif en structure spécialisée, mais aussi une rigueur, une forme de discipline (contraintes horaires, tenue vestimentaire) inhérentes au monde du travail qui m’étaient étrangères et cela suppose de ma part des efforts au niveau d’un rapport à l’autorité que j’ai toujours eu du mal à gérer.
Pour autant, l’intérêt croissant que j’éprouve à l’égard de la profession d’éducateur vient à point nommé réguler la difficile métamorphose que je vis sur le plan personnel.
Les années suivantes sont donc consacrées aux études en vue de l’obtention d’un diplôme de travailleur social en l’occurrence le C.A.F.M.E. (Certificat d’Aptitude aux Fonctions de Moniteur Educateur) que je décroche en 1991.
Parallèlement, ayant refusé d’exécuter mon service militaire j’exerce en tant qu’objecteur de conscience un emploi bâtard mi technicien/mi éducateur, dans une compagnie de théâtre régionale dont la particularité est de faire monter sur scène des personnes présentant des troubles de la personnalité ou une déficience mentale.
Si cette expérience me permettra de voyager aux quatre coins de la France pour accompagner les troupes en représentation, elle m’ouvrira également le champ sur un mode d’accompagnement innovant de la difficulté mentale.
La même année je rencontre celle qui va devenir mon épouse et je quitte pour la première fois le domicile de mes parents à 24 ans pour m’installer avec elle.
Cette relation me procure une stabilité affective qui va modifier mon rapport à l’avenir et m’encourager dans mes projets personnels et professionnels.
Rapidement le besoin de parfaire ma formation se fait ressentir : Un certain nombre de questions posées lors de ma première formation sont restées en suspend et la pratique quotidienne auprès des adultes du Centre d’hébergement dans lequel j’ai été embauché m’ouvre de nouveaux horizons.
En outre, j’ai ressenti le précédent cycle d’études au centre de formation comme une étape supplémentaire dans le bouleversement professionnel et personnel de ma vie
car j’ai découvert enfin un mode d’enseignement correspondant à mes attentes : Je suis pour la première fois placé directement au centre de mon devenir en tant qu’acteur et non plus considéré comme un sujet à qui on demande d’apprendre sans comprendre, cette nuance me paraît primordiale.
En 1992 j’intègre donc de nouveau l’école afin d’obtenir le diplôme d’éducateur spécialisé.
L’année 1993 est marquée par deux événements majeurs : Mon mariage qui m’ancre définitivement dans une réalité que j’ai contestée durant toute mon adolescence, et une période de stage prolongée dans un Institut de Réadaptation Psychothérapeutique (dans le cadre de la formation).
C’est une expérience que j’ai vécue à l’époque comme une « profonde immersion dans le monde de la folie » (je mets délibérément des guillemets) tant elle m’a mis face à des personnes (des enfants qui plus est) dont les troubles étaient démonstratifs.
A l’issue de ce stage, de nouveaux axes de réflexion quant à l’accompagnement des personnes que l’on qualifie de « psychotiques » se sont fait jour, en particulier la nécessité de proposer des pratiques variées et innovantes afin d’éviter la chronicisation de certains comportements (passage à l’acte, repli sur soi).
J’obtiens le diplôme d’éducateur spécialisé en 1994 et retrouve un emploi dans le centre d’hébergement que j’avais quitté pour suivre mes études.
En 1997 alors que j’exerce depuis maintenant 3 ans au sein du centre d’hébergement pour déficients mentaux adultes, un changement de direction puis d’orientations associatives se répercute rapidement sur les pratiques quotidiennes de l’équipe : Le remaniement des projets est en totale contradiction avec mes propres valeurs, et la conception que j’ai de la profession d’éducateur.
Je donne donc ma démission après m’être heurté à plusieurs reprises à la rigidité de l’équipe de direction.
En quête d’un nouvel emploi et séduit par le profil de poste et le projet défendu par le Foyer Spécialisé de Vie et d’Activités (F.S.V.A.) d’Auby (59), je me porte candidat et suis embauché en contrat à durée indéterminée en Février 1998.
(Je n’avancerai pas plus avant ans le récit de mon expérience au Foyer de vie de peur d’empiéter sur le sujet central de mon travail).
A l’issue de la rédaction de mon autobiographie raisonnée, je me suis rendu compte qu’un certain nombre d’éléments de ma vie avait été très peu évoqués ou tout simplement occultés :
Je fais ici référence par exemple, à mon engagement dans le mouvement musical « Punk rock » au travers d’un groupe dans lequel je suis guitariste depuis 1986. Durant 15 ans nous avons écumé les scènes régionales, nationales puis européennes, nous avons également produit 4 45 tours et un album sorti en 1994 sur un label indépendant.
De cette expérience je retire beaucoup de bons souvenirs mais aussi une grosse amertume d’avoir perçu un mouvement s’autoproclamant indépendant, révolutionnaire, comme ayant été dépossédé de son âme rebelle au profit d’une exploitation mercantile sinistre (par les majors).
Pour moi le groupe ne se limitait pas à une expérience musicale, je voyais dans le mouvement Punk l’occasion d’exprimer des idées, voir de fédérer des gens autour de projets novateurs alternatifs (squats autogérés tel que le C.A.E.S. à Ris-Orangis dans la banlieue Parisienne) en fait, j’ai rapidement ressenti l’impression de « prêcher dans ma paroisse » faute d’un esprit d’ouverture, le mouvement s’est tari alors qu’il aurait eu tout intérêt à s’ouvrir sur les nouveaux courants idéologiques et musicaux contestataires.
Je me suis refusé à modifier le contenu de mon autobiographie de peur de trahir l’esprit de spontanéité dans lequel il a été produit, c’est pourquoi cette partie qui en est inspirée s’intitule « éléments autobiographiques » et non autobiographie raisonnée.
L’éclairage particulier que fournit rétrospectivement la partie autobiographique met évidemment en exergue un certain nombre d’éléments personnels qui ouvrent le champ à une analyse réflexive de mon trajet de vie et de mes choix tant personnels que professionnels.
En premier lieu je perçois l’impression de la quête d’une maturité que je n’ai jamais vraiment acquise : c’est manifeste dans les rapports que j’entretiens aujourd’hui encore avec la responsabilité, les contraintes, l’autorité.
Deuxièmement, ce sentiment d’un combat permanent que je livre contre un ennemi hypothétique (quoique) et qui se traduit par des engagements au sein d’associations (ATTAC, Association locale pour la défense de l’environnement), une activité syndicale qui dépasse le cadre professionnel et justement, le terrain professionnel sur lequel je m’implique plus que largement.
Au cours de mon enfance puis de mon adolescence, j’ai personnellement souffert du pénible sentiment que la valeur d’un individu se mesure sur son visage, sa façon de s’habiller, de s’exprimer, en fait de se présenter à l’autre ; Comme s’il était toujours nécessaire d’être conforme à l’attente de celui qui se trouve en face de soi, alors que lui même n’est jamais que le fruit d’une éducation, d’un « formatage social » qui tend uniquement à rendre possible cette incontournable condition de la pérennité de l’espèce « vivre ensemble ».
Je délire ?… D’accord !
Pourtant il me semble, m’appuyant entre autres sur les différentes expériences vécues dans le champ de l’éducation spécialisée, que pour être capable de vivre avec l’autre à plus forte raison lorsqu’il est en difficulté il faut pouvoir lui accorder d’une façon ou d’une autre une certaine forme de reconnaissance.
En ce qui me concerne c’est bien ce qui m’a fait défaut, de la part de mon père qui ne voyait en moi qu’un individu potentiellement capable d’une réussite sociale considérée, au détriment de tout ce dont j’étais capable par delà (dessin, musique), puis d’un certain nombre d’institutions dont les règlements, les fonctionnements ne laissaient aucune place à une sorte de déviance qui ne menaçaient pourtant pas leurs fondements (je fais ici référence à la notion de déviance telle que définie par Howard Becker dans son ouvrage « Outsiders » (1) particulièrement lorsqu’il évoque le milieu des musiciens de Jazz) :
(1) H.S.BECKER “Outsiders”. 1963, trad. Fr Métaillié 1985.
« Les groupes sociaux créent la déviance en instituant des normes dont la transgression constitue la déviance, en appliquant ces normes à certains individus et en les étiquetant comme des déviants » (1)
A l’évidence si j’ai pu m’aménager une place via une forme de reconnaissance, c’est bien parce qu’il existe des lieux, des organisations, des individus, des projets qui défendent et valorisent un rapport à l’autre considéré dans son intégrité humaine et ce en dépit de la nature des difficultés qu’il rencontre. Par chance, j’ai pu bénéficier de cet esprit à des moments de mon existence où l’avenir était bien compromis.
Le foyer de vie d’Auby était l’un de ces lieux.
Pour autant et l’histoire l’a démontré de la plus cruelle façon qui soit, de tels projets ne peuvent se matérialiser et perdurer qu’au prix d’une remise en cause perpétuelle de la part de celles et ceux qui les font vivre, car ne considérer que leur aspect expérimental ou avant-gardiste peut conduire à négliger totalement l’essence même de ce qui les anime : « Le souci de l’autre »…
Aujourd’hui il m’appartient de faire le deuil de cette expérience mais faire le deuil ce n’est pas uniquement « inhumer le corps », c’est aussi s’assurer que l’essentiel peut subsister et revivre autrement.
(1) In « Hors série sciences humaines » La bibliothèque idéale des sciences humaines
Novembre 2003, page 54.
PREMIERE PARTIE : « Présentation du lieu, contexte environnemental »
A) LA VILLE D’AUBY
Auby, Ville de 8020 habitants située dans la périphérie de Douai dans le Nord de la France.
Economiquement marquée par l’industrie de la métallurgie, elle accuse depuis des années le lent déclin de ce secteur d’activités, l’exemple le plus récent étant la fermeture de l’usine « Métaleurop » qui a mis à la rue plusieurs centaines de salariés pour un grand nombre résidants à Auby.
Géographiquement, la ville d’Auby est assez étendue cela s’expliquant en partie par la proximité de plusieurs grosses entreprises dont l’ouverture a motivé la construction de logements attenants.
Le début du XXième siècle voit l’implantation d’un site industriel de traitement de minerai de fer à Auby, mais à l’écart de la ville, sur l’initiative d’une compagnie possédant déjà des exploitations dans la région des Asturies en Espagne.
Rapidement, aux environs de l’usine, se bâtissent de nouveaux logements d’un type similaire aux « corons » construits par les charbonnages de France au début du siècle.
Bientôt de nouveaux quartiers prennent forme et leur ensemble se voit dénommé « quartier des Asturies ».
Ainsi, il est devenu peu à peu d’usage de dénommer les habitant « Asturiens » et « Aubygeois » selon l’endroit de la ville dans lequel ils résident.
Concernée par les vagues d’immigration successives qu’a connue notre région, la ville s’enrichie dans les années trente d’une population ouvrière d’origine Polonaise essentiellement constituée d’hommes dont le désir est de repartir chez eux une fois un pécule consistant amassé, malheureusement la plupart seront obligés de s’installer en France leurs économies n’étant pas suffisantes pour vivre de façon durable au pays, de fait progressivement les familles de ces ouvriers les rejoignent.
Peu après la deuxième guerre mondiale, ce sont des familles d’origine Maghrébine qui s’installent en masse dans l’espoir de trouver un emploi stable et bien rémunéré.
Aujourd’hui avec la fragilisation que connaît le monde du travail, l’identité même de ce quartier a perdu sa valeur symbolique et la dynamique socioculturelle qui s’y était développée s’essouffle ne pouvant plus compter sur le concours de l’union minière comme du temps où celle ci prospérait (moyens financiers, actions du comité d’entreprise).
Enfin, cette partie de la ville éloignée du centre se trouve encore plus isolée par la présence d’une voie de chemin de fer qui scinde littéralement Auby en deux parties.
B)LE FOYER DE VIE ET D’ACTIVITE « Histoire et projet »
C’est donc dans la partie « Asturienne » d’Auby qu’ouvre le 11 Mai 1992, sur l’initiative du « S.I.C.A.E.I. »,(Syndicat InterCommunal d’Aide à l’Enfance Inadaptée) dont la vocation est de permettre le développement d’initiatives à l’intention de personnes en difficulté (construction de bâtiments, aide logistique entre autres) le Foyer Spécialisé de Vie et d’Activité, il est géré par l’A.M.E.S.D. (Association Médico Educative et Sociale du Douaisis) association de type « loi 1901 » créée le 12 Juin 1989.
L’établissement est administrativement un foyer occupationnel comme le précise son agrément, fonctionnant avec un financement garanti par le conseil général du Nord au moyen de prix de journée.
Précisons qu’il nous a été récemment révélé que l’établissement avait ouvert ses portes en dépit d’un avis défavorable prononcé par la Commission Régionale d’Organisation Sanitaire et Sociale, mais nous ne connaissons pas à ce jour la nature des réserves émises par cet organisme.
Le Foyer Spécialisé de Vie et d’Activités accueille initialement 42 personnes adultes déficientes mentales ou présentant des troubles du comportement ceci en internat, et 5 personnes en semi internat. Il dispose en outre de deux places « d’urgence » destinées à recevoir, par exemple, des individus désireux de rompre avec leur accueil habituel un temps ou encore de permettre à des gens en attente d’une solution d’hébergement urgente de bénéficier d’une place provisoire.
La population accueillie a entre 18 et 55 ans.
La volonté affichée de l’association est d’offrir à des adultes n’ayant pas ou plus de famille d’accéder à un logement et à un suivi de qualité, en effet et c’est un constat alarmant, pour cette catégorie de personnes il est souvent beaucoup plus difficile de trouver un lieu de vie que pour celles pouvant avoir recours à l’aide de la famille.
Il existe deux sites d’hébergement, il s’agit respectivement de deux anciennes « maisons de maître » qui appartenaient à l’union minière et dont la vocation était d’accueillir des représentants Espagnols de la « Compagnie des Asturies » au temps où celle-ci était en plein essor.
On se figure aisément le luxe des décorations et des aménagements intérieurs des bâtiments : Cheminées en marbre, matériaux de qualité. Celles ci ont été acquises par la S.E.M.DO (Société d’Economie Mixte du Douaisis) pour une somme que l’on peut imaginer symbolique dans ce genre de transaction.
En revanche ce que l’on se figure plus difficilement c’est la qualité discutable des travaux de réaménagement nécessités par l’abandon des locaux durant quelques années.
L’A.M.E.S.D. s’est doté d’une charte dont les postulats s’appuient sur les articles principaux de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen : « Ne pas refuser le sujet si l’on veut que les mots citoyenneté, domiciliation, ouverture, épanouissement, et évolution soient les attributs d’un être et pas de simples concepts idéaux couchés sur le papier » (G.Godard, directeur adjoint pédagogique du F.S.V.A).
Elle se réfère également aux valeurs défendues par le mouvement institutionnel prenant exemple sur le travail effectué par des hommes tels que F.Tosquelles ou J.Oury.
Le vœu de l’association est que l’institution soit : « un lieu de citoyenneté, un lieu domiciliaire » (1), pour ce faire elle s’assure des moyens conséquents au niveau du personnel : deux médecins psychiatres, plusieurs psychothérapeutes extérieurs intervenant dans des groupes de régulation destinés à permettre aux salariés d’exprimer leurs difficultés en dehors de toute influence de la direction.
Les équipes éducatives sont renforcées et les ratios d’encadrement sont bien supérieurs à la moyenne pratiquée dans ce type d’établissement.
Les moyens financiers mis en oeuvre ne sont pas en reste : Les salariés disposent de budgets conséquents en terme de sorties culturelles, voyages, matériel d’animation mais aussi en ce qui concerne les formations internes et externes : Nous sommes l’un des seuls établissements à l’époque à proposer encore des formations en « cours d’emploi » : Celles ci étant coûteuses pour l’organisme financeur on leur préférera rapidement des contrats dits de « qualification » dont la rémunération est bien moins importante.
Il faut préciser qu’une des prétentions de l’association est de permettre à des personnes pour certaines relevant d’une hospitalisation en Centre médical Spécialisé,
de bénéficier un temps d’un accueil dans une structure plus ouverte.
Pour ce faire, le projet de vie s’appuie sur l’ouverture sur l’extérieur, la vie en collectivité constituée par le biais entre autres d’activités de jour, de séjours extérieurs mais aussi de tout un dispositif institutionnel dans lequel la parole et le trajet de chacun revêt une importance singulière, j’y reviendrai plus en détail.
(1) Projet institutionnel du Foyer Spécialisé de Vie et d’Activité
Cette éthique, ces valeurs, sont garanties et incarnées principalement par un homme : Le directeur pédagogique de l’établissement.
Il a formé ses équipes en se donnant les moyens de garantir leur adhésion au projet :
A leur arrivée la plupart des salariés sont jeunes célibataires, peu ou pas formés avec un minimum d’expérience, il leur est demandé une disponibilité conséquente, un investissement personnel important (horaires, nuits, déplacements) en contre partie l’association peut financer leurs études et leur donne les moyens de mettre en œuvre des pratiques éducatives variées et innovantes.
Le marché semble équitable à la plupart d’entre eux (plus particulièrement au sein des équipes éducatives) puisque bon nombre du personnel est là depuis l’ouverture du Foyer et a progressé en terme de qualification.
Les autres cadres de la structure, les chefs de service ou les médecins psychiatres
ont peu d’ascendant sur la menée du projet, les rares désaccords les opposant au directeur se soldant pratiquement toujours par des joutes verbales impressionnantes au cours des réunions institutionnelles.
Quant à la directrice qui occupe officiellement le poste le plus élevé hiérarchiquement à l’échelle de l’établissement, elle ne se risque que très rarement à contredire le directeur pédagogique, n’ayant aucune formation quelconque dans l’éducation spécialisée.
Son rôle se limitant plus volontiers à la gestion financière de l’établissement et aux relations avec les partenaires sociaux.
Les valeurs énoncées par le projet pédagogique se traduisent au quotidien par un fonctionnement assurant en principe à chacun, salariés comme résidants le droit à la parole, à l’écoute notamment par l’instauration de nombreux temps de régulation, réunions d’expression, assemblées générales.
Les deux sites d’hébergement reçoivent l’un 19 résidants (bâtiment Hauzeur) et l’autre 23 (bâtiment Fellini).
Chaque groupe de référence possède sa propre équipe composée de trois éducateurs, ces groupes de référence incarnent, en respect avec le projet, des instances repères fixes et permanentes auxquelles le résidant peut s’adresser à tout moment.
Ils ont en charge le fonctionnement de la vie quotidienne, mais aussi dans un registre tout autre, sont responsables de la rédaction des projets individuels avec le concours de la personne concernée. Plus largement ils contribuent à garantir une écoute singulière et des actions individuelles en fonction des désirs et besoins de chacun.
Au sein de la résidence, on possède en principe la clé d’une chambre individuelle mais certaines problèmatiques invitent à la prudence quant au danger que représente cette opportunité (automutilation, repli sur soi), quoi qu’il en soit la décision ou non d’attribuer une clé n’est jamais prise de façon arbitraire et fait toujours l’objet d’une discussion voire d’un contrat écrit.
De plus, le déroulement de la vie quotidienne au sein de l’établissement est acté et orchestré par un document nommé « règles de socialité » qui définit les droits et devoirs de chacun (y compris les salariés) à l’intérieur de l’établissement.
Ces règles sont discutées et entérinées avec le concours des résidants au cours d’assemblées générales réunissant la majorité du personnel et des personnes accueillies, celles ci sont dénonçables et révisables selon une procédure institutionnelle précise.
L’importance de cet outil réside en partie dans ce qu’il permet de médiatiser «des lois », des règles de vie tout en échappant au danger que peut représenter la toute puissance de celui qui les édicte.
On mesure aisément le souci de répondre le mieux possible aux exigences d’un travail avec des personnes présentant pour certaines de graves troubles de la personnalité, au travers des différents outils mis en place dans la structure.
C’est également ce que révèle la rigueur avec laquelle le projet pédagogique a été produit et appliqué.
CONCLUSION
Néanmoins, le souvenir des événements liés à la fermeture de l’établissement combiné au recul qu’impose une tentative d’analyse objective du fonctionnement après coup, invite à réaliser pourtant que malgré la bonne volonté et le professionnalisme évident dont nous avons fait preuve pour la plupart, une quantité d’obstacles et de disfonctionnements, une fois conjugués ne pouvaient qu’entraîner un naufrage du projet.
La lecture de l’organigramme en fournit un exemple patent.
Pour exemple le partage maladroit des pouvoirs entre une directrice effacée car incompétente dans le domaine de l’éducation spécialisée et un responsable pédagogique charismatique mandaté tous pouvoirs par le conseil d’administration, ayant une influence énorme auprès de ses équipes, ne supportant pas de déléguer (pour preuve le rôle quasi inexistant des chefs de service éducatifs).
On peut en outre s’interroger sur la compétence de l’organisme (le SICAEI) ayant favorisé l’ouverture d’un établissement pour personnes déficientes sur un site réputé dangereux (proximité d’une voie ferrée, sol plombé) qui plus est, dont la rénovation s’avèrera rapidement hasardeuse et peu conforme aux normes de sécurité en vigueur.
Ajoutons à cela pour finir, la composition du conseil d’administration de l’association « mère », dont le tiers des représentants étaient désignés par les communes, ceux ci s’accommodant difficilement aux exigences du projet défendues de façon magistrale par le directeur pédagogique.
Autant d’éléments dont la combinaison ne pouvait que contribuer à la déliquescence d’un projet ambitieux qui nécessitait une considération à la hauteur de ses prétentions.
A) CONDITIONS DE MON ARRIVEE
J’intègre l’un des groupes de références du site Hauzeur en 1998, je suis diplômé depuis 1994, marié et père d’une petite fille de trois ans, je viens de donner ma démission d’un foyer d’hébergement géré par une importante association familiale pour divergences de point de vue avec la direction, concernant l’accompagnement éducatif. (cf éléments autobiographiques).
Le projet du FSVA, les valeurs qu’il défend ne peuvent que me séduire et j’y adhère sans réserve.
Je réalise assez vite que l’investissement exigé au quotidien se justifie par la difficulté d’accompagnement de certains résidants, en contre partie le rapport de confiance, l’autonomie dans la pratique dont je dispose contribue à affirmer ma détermination à m’investir personnellement.
Rapidement un principe simple et logique se fait jour : « On ne peut viser l’autonomie de quelqu’un si on ne l’est pas soi même ».
Cette réalité professionnelle vient faire écho aux aspirations et convictions personnelle héritées de mon adolescence, ce sont des valeurs que j’aimerais ici réaffirmer car elles sont à mon sens la source dans laquelle doit puiser, toute action visant à distinguer l’autre, à lui assurer une reconnaissance humaine et sociale susceptible de lui permettre de s’épanouir dans un système constitué.
Il s’agit d’appréhender l’individu au delà de toute considération morale, raciale, sociale, idéologique, politique ou médicale dans son intégrité humaine fondamentale et de lui assurer les moyens de se situer dans sa propre histoire, dans ses capacités, dans sa potentialité à vivre avec les autres.
Ce que j’exprime ici confusément voire gauchement, M.Séguier, que je me permets de citer, l’affirme très précisément dans l’ouvrage qu’il a co-écrit avec Bernard Dumas : « Construire des actions collectives :
« Les hommes, sujets collectifs, sont acteurs de l’histoire. Chacun est potentiellement maître de son existence. C’est en tant qu’être conscient et collectif qu’il peut se réaliser et donc s’affranchir de ce qui entrave sa vie (…) ». (1)
« La conscientisation est donc le processus par lequel des hommes et des femmes(…) s’éveillent à leur réalité socio-culturelle, repèrent pour les dépasser les aliénations et les contraintes auxquelles ils sont soumis, s’affirment en tant que sujets, acteurs de leur devenir et conscients de leur histoire ». (op. cité)
(1)Construire des actions collectives », B.Dumas/M.Séguier. Ed. Chroniques sociales 1999, pages 75 et 76.
Bien que ces exemples ne se situent pas dans le même registre de références que le mien, je pense en toute humilité qu’on peut leur prêter une valeur universelle.
Il est évident que dans le cas de personnes présentant des retards mentaux ou des troubles de la personnalité, les préceptes exposés sont mis en oeuvre de façon différente.
En ce qui nous concerne, ils ont pris forme au travers de diverses actions concertées et mises en pratique au sein de l’établissement :
- Une ouverture sur l’extérieur concrétisée par l’intégration à plusieurs activités proposées par les partenaires sociaux locaux (groupe Alphabétisation, ateliers créatifs dans les M.J.C. de proximité, stage à la S.P.A.).
- La possibilité de bénéficier d’une écoute personnalisée de la part de psychothérapeutes qu’ils soient internes ou externes à l’établissement, le choix étant libre.
- L’opportunité de rompre avec le fonctionnement quotidien de l’institution en allant se ressourcer dans d’autres établissement partenaires.
- La possibilité de construire un projet de vie en couple avec le concours des professionnels.
- La mise en place de rencontres régulières avec les délégués à la tutelle afin de personnaliser la gestion des revenus.
Pour ne citer que celles là.
B)PARCOURS INTERNE
Je m’approprie assez rapidement ces espaces de travail en suivant par exemple, particulièrement un adulte féru de Bandes dessinées, ensemble nous élaborons un projet avec le concours de la M.J.C. de Douai qui propose un atelier spécifique de dessin.
La même année avec l’aide d’amis entomologistes, nous réalisons dans le cadre d’une journée « portes ouvertes » une exposition d’insectes vivants, avec projection de films et expo de panneaux prêtés par une association locale de défense de l’environnement.
Cette animation remportera un franc succès auprès des résidants mais ouvrira aussi les portes de l’établissement au public extérieur venu nombreux.
Je considère que c’est par le biais de telles actions qu’une intégration est réalisable au sein d’une commune, d’un quartier, elles contribuent à dédiaboliser l’image du handicap et à créer des liens durables entre différentes personnes cohabitant dans une proximité.
Si certaines actions ont perduré jusqu’à la fermeture du foyer (Atelier Alphabétisation, échanges de savoirs), d’autres projets imaginés avec le concours des animateurs du centre social voisin ne verront pas leur réalisation. A partir de 2000, le directeur pédagogique prend du recul avec son engagement puis démissionne.
De fait, il est plus difficile de faire accepter que des actions un peu expérimentales se mettent en place : La directrice qui gère à présent l’ensemble des activités refuse ainsi le projet d’un atelier cuisine à l’intérieur de l’établissement parce que nous projetons de l’ouvrir aux usagers du centre social conjointement aux résidants.
S’appuyant sur des réserves liées à la sécurité, elle fait avorter le projet.
Cela permet de se rendre compte à quel point l’influence de notre ex- directeur pédagogique a pesé sur les orientations éducatives du foyer de vie, il a favorisé l’élaboration de projets audacieux et novateurs tels que la mise en place d’un Service d’Initiation à l’Habitat rattaché à notre structure, cela ne s’était jamais fait auparavant dans un établissement de notre type.
En septembre 2000, suite à la démission d’une collègue je postule donc sur le S.I.H.L. (Service d’Initiation à l’Habitat et aux Loisirs) qui a rouvert ses portes après que son projet ait été revu après l’échec de trois résidants quelques mois avant.
Ayant tiré les leçons de l’expérience précédente, le service réaccueille à partir de 1999, 4 personnes avec lesquelles nous avons travaillé préalablement l’accès à une vie en autonomie, conjointement avec les équipes des bâtiments dont elles sont issues (Hauzeur et Fellini).
Les résidants sont hébergés dans deux petites maisons situées dans une courée privée en plein centre ville de Douai, (je précise à toute fin utile que les maisons appartiennent à la personne qui prendra la présidence de l’association au départ de l’ex-directeur).
Le fonctionnement du service permet une souplesse au niveau du travail d’accompagnement.
Dans son principe, il articule des temps de présence restreints chez les résidants avec des permanences téléphoniques qui garantissent à ceux-ci une intervention éducative rapide en cas de problème majeur.
Dans la réalité, il offre une autonomie conséquente à l’équipe dans l’organisation et la gestion des ses actions.
Les deux axes principaux du projet sont définis dans les initiales du service : L’Habitat et les Loisirs.
L’accès au S.I.H.L. suppose au départ un certain niveau d’autonomie et la capacité d’assumer globalement les charges inhérentes à la vie quotidienne dans un logement propre (entretien des locaux, cuisine, déplacements etc…). Cependant l’équipe assure un soutien et un apprentissage dans certains domaines, et les engagements respectifs du résidant et des éducateurs sont actés dans un projet d’accueil qui contractualise le parcours interne de la personne accueillie.
La réalité de la vie au sein du service implique aussi que le résidant soit capable de gérer des moments de solitude et d’organiser ses loisirs lors des temps de repos ou vacances.
Bien entendu, l’équipe doit être vigilante à ce que le résidant n’ait pas à faire face à des difficultés qu’il ne serait pas capable de surmonter.
Le deuxième domaine d’action du service sont les activités extérieures, le projet est favorable à ce que chacun(e) puisse lui-même composer son emploi du temps hebdomadaire.
En effet, les résidants du S.I.HL. sont inscrits dans les ateliers proposés par l’équipe d’externat du foyer, mais peuvent également gérer leur semaine en s’inscrivant selon leur désir dans des activités extérieures s’y substituant.
Je tire un bilan positif de mes quatre années d’exercice au sein du Service, même si nous avons eu à répondre à des difficultés auxquelles nous nous étions mal préparé : Plusieurs échecs dus à une mauvaise appréciation de la fragilité psychologique de résidants dont la vie en autonomie relative venait réactiver les angoisses.
Pour autant, le contrat d’accueil avait anticipé cette éventualité et assurait à chacun d’entre eux d’être hébergé sur l’un des sites d’Auby en cas d’urgence.
Au niveau de l’équipe, composée d’une Aide Médico-Psychologique, d’un demi temps de Moniteur-éducateur et d’un temps plein d’éducateur spécialisé, une liberté quasi-totale nous était laissée, cela nous autorisait à cibler et développer nos projets avec beaucoup de précision, ceux-ci s’actaient autour de la construction du projet de vie au sein du service, projet d’avenir en vue d’une sortie éventuelle pour une forme d’habitat plus autonome, et d’accompagnements dans la recherche d’activités, dans la gestion des loisirs.
Le volet Habitat n’était pas celui qui nous demandait le plus de travail, en effet, les résidants avaient rapidement investi leur lieu de vie respectif .
De l’aveu même de deux d’entre eux (approchant chacun la cinquantaine), la maison qu’ils partageaient représentait une alternative idéale à la vie mouvementée d’un lieu collectif telle qu’ils l’avaient vécue des années durant.
Ainsi notre travail consistait plutôt à les inciter à quitter le fauteuil dans lequel ils passaient la plupart de leur temps libre (sans pour autant sombrer dans un repli), il faut préciser que toute la semaine ils se levaient à 6h30 pour prendre le bus qui les conduisaient à Auby pour fréquenter les activités et effectuaient quotidiennement les 4 Kms de marche qui les séparaient de l’arrêt le plus proche.
Ce dont je peux témoigner c’est que l’ouverture de ce service a permis à 6 personnes d’expérimenter une forme de vie différente de celle traditionnellement proposée dans les établissements de notre catégorie, et même si pour deux d’entre elles l’expérience ne s’est pas révélée entièrement concluante elle pourra à un moment ou un autre de leur parcours influencer l’accès à une forme d’hébergement plutôt qu’à une autre.
Pour terminer, j’aimerais citer l’exemple de Daniel, que j’ai accompagné depuis son arrivée sur Auby jusqu’à son départ lorsque le S.IH.L. a fermé ses portes : Quasi mutique à son arrivée en 1998, fuyant presque systématiquement l’autre, à force de patience, de travail (notamment avec le concours du groupe Alpha du centre social), il a rejoint le Service en 2000 et s’y épanoui au de là de toute espérance. Le jour où le service a fermé ses portes, au moment de monter dans le bus il m’a confié : « Elle va me manquer ma maison » cela a suffit à me faire comprendre que nous avions réussi.
Parallèlement à mon travail d’éducateur, je prends, en 1999 des responsabilités syndicales au sein de l’établissement en tant que délégué désigné par une organisation de Douai.
Je précise qu’alors aucun syndicat n’est représenté au niveau de l’association et ce n’est, selon moi pas un hasard puisque cela contribue à asseoir un peu plus l’autorité du directeur pédagogique sur ses salariés.
Pour autant, la constitution d’un noyau syndical suivie de l’élection des représentants du personnel ne pose pas de problème relationnel majeur entre les salariés et la direction, notre rôle est même d’une utilité reconnue lors de la mise en place de l’accord sur la réduction du temps de travail : Nous parvenons à dépasser de 1% le quota d’embauche prévu par la loi.
Je pense que déjà à cette époque, le directeur pressent les signes avant coureurs d’une possible remise en cause des activités de l’association par le département et les services de tutelle.
Les relations entre le conseil d’administration et les partenaires sociaux et politiques se dégradent de façon significative : Un certain nombre d’administrateurs profitent des absences répétées des représentants des communes aux réunions pour les évincer du conseil peu à peu (via des modifications des statuts).
En outre, l’état des bâtiments s’avère des plus inquiétants : Des fissures apparaissent dans les plafonds, des fuites de plomberie surviennent auprès de conduits électriques.
Pour ne rien arranger la société qui nous loue les locaux (Société d’Economie Mixte) est en dépôt de bilan, de fait personne ne veut prendre la responsabilité d’exécuter des travaux coûteux.
Etrangement le conseil général accorde tout de même sur le budget du foyer une augmentation conséquente des loyers, mais le conseil d’administration refusera de le reverser au bailleur tant que des réparations n’auront pas été faites sur les locaux.
Ce bras de fer entre les administrateurs de l’association et les pouvoirs publics ne laisse pas les salariés indifférents, en Novembre 2002 nous décidons de mettre en place un groupe de travail composé de professionnels tous secteurs confondus. Notre mission est de concevoir et de réaliser un rapport faisant acte du travail engagé depuis des années auprès de personnes en souffrance mentale, cet écrit (joint en annexe) réalisé dans l’urgence aura valeur « d’appel au secours », il sera adressé indistinctement aux représentants politiques locaux, mais aussi à la presse (Canard enchaîné, Charlie Hebdo) à la radio, à Canal+ (Le vrai journal), nous ne recevrons jamais aucune réponse de la part des interlocuteurs contactés.
En 2000, le directeur pédagogique démissionne et assume provisoirement la présidence de l’association qui est vacante et pour cause.
Quelques mois après c’est un administrateur (ancien éducateur du Foyer d’Hébergement Eclaté) qui lui succède.
Ce dont je peux témoigner à présent, c’est que si les raisons qui ont conduit à la fermeture des structures s’originent dans un profond désaccord entre le conseil d’administration et les organismes de tutelle (Conseil Général, DRASS), les conditions de vie quotidienne dans les structures étaient devenues intolérables.
Comme je le décrivais ci-dessus, le délabrement progressif des locaux faisait courir aux résidants de graves dangers, nous autres salariés nous acharnions à défendre un projet de qualité, sans percevoir réellement l’inacceptable situation dans laquelle vivait des êtres humains dont les graves difficultés étaient encore accentuées par le climat d’insécurité qui régnait alors.
Au préalable, afin d’assurer une bonne compréhension, je dois préciser que nous avons appris quelques mois après ce sombre jour du 27 Janvier, que la directrice avait fait un signalement aux autorités compétentes, dans le but de dégager sa responsabilité dans le cas où un accident se produirait, ce à cause de la dangerosité des installations.
C’est ce courrier qui a déclenché la procédure de fermeture des locaux.
Le 27 Janvier 2003, je suis en repos chez moi.
Quelques semaines auparavant, au cours d’une conversation avec des collègues, j’avais émis l’hypothèse que si quelque chose arrivait, cela se produirait sans doute après la période des fêtes de fin d’année « trêve des confiseurs » oblige.
Force est de constater que le temps m’a malheureusement donné raison.
Je suis averti par téléphone en plein après midi qu’un médecin délégué par la D.R.A.S.S. (Direction Régionale des Affaires Sanitaires et Sociales), et une fonctionnaire du Conseil Général du Nord viennent, arrêté préfectoral en main, signifier et procéder à la fermeture du foyer de vie.
Nous constatons avec stupeur, mes collègues et moi que le déménagement des résidants a été orchestré impeccablement, administrativement s’entend : Ces derniers sont priés de rassembler quelques effets personnels, faute de bagages suffisants c’est dans des sacs poubelle que seront emballés les derniers vêtements.
Commence alors le « balai » des véhicules venus de plusieurs établissements de la région dont des places ont été réquisitionnées quelques jours auparavant.
Liste en main les représentantes des organismes de tutelle dispatchent avec zèle, les résidants dans leur nouveaux lieux d’accueil respectifs.
Ayant besoin d’éléments médicaux celles ci iront même jusqu’à inciter l’agent d’entretien à fracturer les armoires des médecins psychiatres de l’établissement absents ce jour.
C’est sans doute l’incrédulité et la stupeur qui ont ralenti notre capacité de réaction, toujours est-il que ce n’est que deux heures plus tard que je contacte le secrétaire général de l’union syndicale pour l’informer des événements. Celui ci me conseille de freiner le processus de fermeture en invoquant le caractère inhumain et irrégulier de la procédure.
Hélas il est trop tard car le site « Hauzeur » est déjà complètement vide.
Nous avons assisté sur deux heures de temps à ce que je qualifie de l’expulsion de 19 personnes du lieu de vie qu’elles occupaient, depuis 10 ans pour certaines.
Je m’abstiendrai de décrire les scènes auxquelles nous avons assistées au risque de voir mes propos qualifiés de « mélodramatiques », je préfère laisser au lecteur le soin d’exercer son imagination sur le sujet, en se reportant notamment aux articles de presse joints en annexes.
Le soir même, fort de l’appui du sous-préfet de Douai à qui nous avons décrit la situation, j’avertis les deux dames qui exécutent l’arrêté, que je leur interdirais personnellement l’accès au deuxième site, qui doit subir un sort similaire le lendemain.
Et c’est exactement ce qui se produira, soutenu par la plupart des mes collègues et en dépit des menaces de représailles proférées, je les mets courtoisement à la porte le matin suivant.
Pour conclure cette partie et sans démagogie aucune, il faut que je salue le courage et le dévouement de certains salariés (tous services confondus), qui au delà de toute considération personnelle, se sont dévoués sans compter dans ce moment critique, pour accompagner dans la plus grande dignité possible le départ des résidants.
On imagine aisément dans quel état d’esprit ils se trouvaient alors, assistant au saccage pur et simple de plusieurs années de travail.
TROISIEME PARTIE : « Agonie et mort d’une association » ou le soin palliatif appliqué au champ social.
A) CHRONOLOGIE D’UN NAUFRAGE
Dans les jours qui suivirent la fermeture du site « Hauzeur », une tempête de neige nous a assuré un répit salutaire que nous avons employé à démarcher auprès des différentes instances concernées, mais aussi celles susceptibles de nous apporter de l’aide.
Il faut dire qu’immédiatement après le 27 Janvier, avec l’appui de mon organisation syndicale, nous avons mobilisé les médias locaux et déclenché une magistrale campagne de presse, dénonçant les conditions dans lesquelles s’était appliqué l’arrêté de fermeture ce à l’encontre des responsables et des élus du Conseil Général. Celle ci a sans doute contribué à freiner l’empressement de ces derniers à régler notre sort.
Rapidement une réunion a rassemblé les différents protagonistes : Mr le sous préfet de Douai, qui nous a apporté une aide et un soutien remarquables en s’improvisant médiateur entre l’association et les organismes de tutelle, l’inspecteur du travail de la circonscription de Douai venu insister sur les conséquences désastreuses de la fermeture de l’établissement en terme d’emploi, les responsables du secteur « adultes handicapés » du Conseil Général du Nord, une inspectrice de la D.R.A.S.S., plusieurs élus locaux, plusieurs membres du conseil d’administration (qui avaient brillé par leur absence le fameux 27 Janvier), et enfin les élus représentants des salariés.
Ce jour là, nous étions tombés d’accord sur la nécessité de trouver rapidement des locaux d’accueil pour que l’ensemble des résidants et le personnel puissent renouer au plus vite au travers d’une démarche d’accompagnement.
A cette condition, l’arrêté préfectoral n’aurait plus lieu d’être et l’association pourrait poursuivre ses activités tout en se consacrant à un projet de construction de nouveaux bâtiments.
Les instances concernées nous avaient d’ailleurs assurées de leur concours sans réserve pour la recherche de lieux d’accueil dans le Douaisis.
Il est vite apparu qu’hormis quelques élus locaux, nous nous trouvions seuls à exécuter cette recherche.
Par le biais du réseau des structures d’hébergement de la région, nous avons réussi à négocier un hébergement provisoire pour les résidants du site
« Fellini » toujours menacés d’expulsion, dans un gîte situé à 100 Kms de Douai.
Malheureusement, entre temps, le conseil d’administration s’était prononcé pour le maintien des mêmes personnes à Auby, en argumentant que des travaux de remise en conformité étaient réalisables dans des délais raisonnables, alors que la D.R.A.S.S. avait refusé cette option.
De fait, un désaccord a rapidement divisé les salariés : D’un côté ceux qui se prononçaient pour l’emménagement dans le gîte, de l’autre ceux qui soutenaient le président et les administrateurs dans leur détermination à tenir tête aux autorités.
Pour ma part, et sur les recommandations des responsables syndicaux (eux-mêmes conseillés par le sous-préfet), j’ai refusé de prendre le risque de voir les résidants du site « Fellini » expulsés par les C.R.S., car c’est bien ce que nous risquions si nous nous entêtions à rester (l’application de l’arrêté préfectoral devant s’exercer quoiqu’il en soit).
C’est donc avec l’appui du délégué syndical cadre et de la majorité des salariés, que nous avons fortement incité la directrice à prendre la décision de quitter les lieux.
Les mois suivants furent consacrés à la recherche de locaux répondant aux exigences en matière de sécurité et de confort, dans la région.
De multiples propositions dûment argumentées ont été soumises aux services compétents du Conseil Général, toutes refusées les unes après les autres souvent pour des raisons qui nous paraissaient bien discutables, au regard des conditions dans lesquelles nous vivions et travaillions à Auby il y a peu encore.
Quoiqu’il en soit, les équipes continuèrent à assurer leur mission quotidiennement, effectuant sans rechigner 200 Kms aller-retour par jour pour se rendre au gîte.
Nous n’avons pas réussi à trouver un lieu d’accueil qui satisfasse aux exigences du Conseil Général, de son côté, ses fonctionnaires se sont bien gardés de nous en proposer le moindre, alors que l’on peut supposer qu’ils possédaient une connaissance exacte des opportunités au niveau de la région.
L’activité au sein du gîte a perduré jusqu’en Décembre 2003, le mois de Juin précédent, le président d’association nous avait annoncé qu’il mettait l’A.M.E.S.D. en cessation de paiement, ce qui entraînerait invariablement le dépôt de bilan puis la liquidation de l’entreprise .
Celle ci fût prononcée en Novembre 2003 par le tribunal de Grande Instance de Douai, des appels d’offre furent réalisés pour la reprise des activités.
B)UNE TENTATIVE UTOPIQUE POUR UN NOUVEAU DEPART
Durant les mois d’incertitude qui précédent la liquidation de l’A.M.E.S.D., nous décidons avec le concours d’élus locaux, de fonder notre propre association, celle-ci pouvant, si tout se passe bien, se substituer à l’A.ME.S.D. le cas échéant.
Le challenge est de taille : Il s’agit de rédiger des statuts, de contacter des professionnels intéressés par notre projet et susceptibles de prendre des responsabilités au sein d’un conseil d’administration, d’effectuer les démarches nécessaires auprès des autorités compétentes en vue d’obtenir les agréments requis et enfin de trouver des locaux répondant aux exigences définies par la loi pour l’accueil d’adultes déficients mentaux.
Nous réunissons sans trop de difficultés un noyau de professionnels d’horizons divers, de parents de résidants, d’élus prêts à relever le défi.
Avec l’éclairage de J.Rouzel et de J.Loubet (Psychothérapeutes et formateurs de renom embauchés par l’A.M.E.S.D. deux ans auparavant pour guider le personnel dans la rédaction d’un nouveau projet pédagogique) les statuts sont rédigés et déposés en trois mois.
Malheureusement nous constatons que notre initiative ne suscite pas l’intérêt des partenaires sociaux : Le Conseil Général du Nord dont nous demandons le soutien à plusieurs reprises ne daignera jamais nous répondre.
Pourtant, fort de la triste expérience de l’A.M.E.S.D., nous avons apporté beaucoup de soin à la rédaction des statuts puis d’un nouveau projet pédagogique.
L’intérêt principal de celui ci réside dans le fait qu’il émane directement des professionnels qui le mettraient en œuvre, ainsi la conception des pratiques éducatives, héritée entre autre, de l’application avec succès des apports de la psychothérapie institutionnelle durant plus de dix ans, ouvre la champ à des projets novateurs :
-La création d’un centre de documentation multimédia ouvert aux usagers, aux professionnels internes et externes à l’établissement et ce dans l’enceinte même de la structure.
-L’organisation régulière de conférences/débats sur la déficience, la maladie mentale, mais aussi sur des sujets divers susceptibles d’intéresser les résidants, les salariés, et le public extérieur qui y aurait accès :
J’ai déjà souligné l’importance que j’attribue à la communication et à une coopération effective entre une institution et son environnement direct, quartier, village. Lorsque l’on vise l’intégration d’un établissement recevant des personnes en difficulté on ne peut pas faire l’économie d’associer de quelque façon que ce soit, les gens qui résident à proximité, on s’expose autrement au risque d’une exclusion, voire de phénomènes de rejets violents de la part du voisinage.
-Le développement d’un dispositif institutionnel autorisant plusieurs formes de trajets aux résidants par l’aménagement de lieux d’accueil à dimension humaine et de nature variés (collectif restreint, studios, appartements), répondant aux impératifs de l’accompagnement de personnes présentant divers types de difficulté (psychose, autisme, déficience).
-La désignation de deux personnes « ressource » non salariées de l’association dont la tâche serait d’assurer une médiation entre les différents partenaires du projet, puis de veiller à sa bonne exécution, voire d’inciter à sa révision.
Je n’ai pas la prétention de croire que le développement de notre projet au sein de l’association P.A.S. (Promotion de l’Accompagnement Spécialisé) aurait représenté la solution idéale et providentielle répondant exactement à nos problèmes, mais ce que je pense en revanche c’est que les efforts et le travail que nous avons fourni auraient dû, peu ou prou inspirer nos repreneurs dans les orientations retenues pour l’avenir de nos activités.
J’ai le sentiment aujourd’hui que les 18 mois que nous avons passé à lutter puis à coopérer avec les différents partenaires sociaux, politiques et économiques n’ont pas été considérés à leur juste valeur par ceux ci, l’aide que nous étions en droit d’attendre de leur part s’est plutôt traduite par une espèce d’ignorance hautaine.
On s’étonne beaucoup moins, au vu de ce constat édifiant, du décalage formidable qui existe entre la réalité des gens qui animent et font vivre les projets sur le terrain et les représentants des organismes de tutelle censés coopter ou financer les projets leur étant destinés, la multiplication des procédures administratives qui orchestrent et accompagnent l’exercice des professions de ces instances découragent toute tentative de coopération.
Un peu à l’image de ce qu’ont observé des auteurs comme M.Crozier ou E. Friedberg, au sein d’organisations de type « bureaucratique », les informations et les consignes circulent toujours parfaitement du haut vers le bas (direction/salariés) mais curieusement n’empruntent que très rarement le chemin inverse (modèle dit « pyramidal).
C)LA VIE APRES LA MORT ?
La liquidation de l’association prononcée par le tribunal de Douai en Novembre 2003 a été assortie de la décision de laisser deux mois à d’éventuels « repreneurs » pour présenter un dossier sérieux.
Une prise de contact entre les instances syndicales soutenues par les élus locaux, avec les dirigeants d’une grosse association Dunkerquoise (que je ne citerai pas) a été rapidement programmée.
Les soucis majeurs étaient d’une part d’éviter aux résidants d’avoir à souffrir d’une seconde épreuve (départ du gîte en urgence sans garantie d’un lieu d’accueil adapté si personne ne se montrait intéressé par nos activités) et d’autre part, d’assurer aux salariés tous services confondus la possibilité de retrouver un emploi équivalent dans les conditions les meilleures.
Il s’est vite avéré que cette option était la seule viable puisque l’association que nous avions contribué à fonder n’avait obtenu ni soutien ni les autorisations nécessaires à la gestion éventuelle des activités.
La transition s’est donc effectué non sous la forme d’une reprise, financièrement trop coûteuse pour l’association Dunkerquoise, mais via la création d’un nouvel établissement, concrétisée par l’ouverture à Roubaix d’un foyer occupationnel.
En ce qui me concerne, il m’a été proposé de renforcer l’équipe de l’ex Foyer d’Hébergement Eclaté situé à Aniche, commune moyenne située à mi chemin entre Douai et Denain, cette structure est la seule à avoir conservé les mêmes locaux (loués par le S.IC.A.E.I.) en renouvelant le bail.
Le foyer comprend quatre maisons réparties sur les communes d’Aniche et d’Auberchicourt, trois d’entre elles reçoivent des résidants tandis que la dernière a usage de bureau pour l’équipe.
L’établissement accueille 9 résidants à mon arrivée, mais son agrément autorise un effectif total de 12 personnes, les résidants bénéficient d’une orientation en Centre d’hébergement par la COTOREP (Commission Technique d’Orientation et de Reclassement Professionnel), tous sont susceptibles de travailler en Centre d’Aide par le Travail ou en Atelier Protégé.
Le foyer est administrativement un centre d’hébergement comme le précise son agrément mais le projet indique plutôt un fonctionnement de type Foyer Logement (permanences téléphoniques, absence de veilleur) cela en adéquation avec les besoins spécifiques des personnes admises.
J’intègre donc l’équipe composée d’une chef de service éducatif, d’une éducatrice spécialisée, d’une Aide Médico-Psychologique avec laquelle je travaillais déjà au sein du S.I.H.L., avec l’espoir de pouvoir appliquer au sein de l’ex- F.H.E. les pratiques éducatives qui ont fait leurs preuves au Service d’Initiation à l’Habitat. De plus les moyens conséquents tant financiers qu’humains, promis par notre nouvel employeur doivent nous permettre de mettre en œuvre assez vite un projet neuf pour la structure.
CONCLUSION
Avant tout, je tiens à rappeler les circonstances qui ont été celles de la production de cette monographie.
Le démarrage de la formation a coïncidé chronologiquement avec la liquidation de l’A.M.E.S.D., le D.H.E.P.S. représentait pour moi l’occasion de me démarquer radicalement de ce que je venais de vivre, je comptais bien en effet, consacrer mon travail de monographie à un tout autre sujet que celui-là.
Il y a plusieurs raisons à cela : La première était la peur qu’un manque d’objectivité lié à la proximité des événements ne vienne corrompre l’esprit de l’écrit : Je voulais échapper au risque de déraper en transformant ma monographie en un virulent réquisitoire contre les instances politiques, sociales, financières concernées.
Deuxièmement et indépendamment des raisons précédentes, je compte bien à plus ou moins long terme diversifier la nature de mes pratiques en consacrant un peu de mon temps à la formation en école d’éducateurs, le D.H.E.P.S. est un élément clé pour mon futur parcours professionnel et consacrer le travail d’une année au seul « cas » d’Auby me paraissait discutable.
Malgré tout ma formatrice de suivi a su me convaincre au fil des temps de régulation, de la nécessité d’effectuer mon travail sur ce thème afin de me permettre d’une part, de faire le deuil de cette expérience et d’autre part de chercher à tirer des leçons constructives à même de me guider dans mes futures projets professionnels.
Il aurait été facile d’attribuer la seule responsabilité du naufrage de notre projet aux organismes de tutelle et aux instances compétentes, la D.R.A.S.S. en tête.
Ce n’est certes pas l’envie qui m’en a manqué car le rapport que j’entretiens avec l’autorité et ses représentants (tel que mis en évidence dans ma partie autobiographique) n’encourage guère ma clémence à leur égard généralement.
Cela dit, il faut bien reconnaître que des erreurs sont imputables de part et d’autre :
Analysons le volet immobilier de l’affaire par exemple : L’ouverture d’un lieu d’accueil pour personnes en difficulté dans des sites inadaptés, mal rénovés donc dangereux : Responsabilités partagées entre 1) Le bailleur, 2) L’association, la direction de l’établissement , 3) Les services de la D.R.A.S.S., le conseil Général et les élus locaux.
Passons au montage financier maintenant : Le conseil Général finance par l’intermédiaire de prix de journée l’activité immobilière d’une Société d’Economie Mixte qui loue des bâtiments insalubres mais refuse d’exécuter les travaux nécessaires à une remise en conformité, pourtant le département persiste et signe en accordant via le budget de fonctionnement de l’établissement, une hausse substantielle des loyers alors que le bailleur vient d’annoncer son dépôt de bilan et ne laisse donc aucun espoir quelconque concernant des réparations éventuelles.
Enfin pour terminer, l’éclairage politique : Les élus locaux dont certains sont à l’origine du projet voient leurs représentants évincés petit à petit des instances décisionnelles sur l’initiative de certains membres du conseil d’administration, dont on pourrait interroger la nature des motivations d’ailleurs.
Pour couronner le tout il faut se figurer des enjeux qu’ils soient de nature politiques ou financiers entraînant des interactions plus ou moins intéressées et officielles, entre tous les protagonistes concernés.
Ce n’est malheureusement qu’en toute fin de chaîne que l’on retrouve le « volet humain » avec les conséquences que l’on connaît : Plus de 40 personnes en grande difficulté ou en souffrance mentale pour lesquelles 60 salariés animent et défendent un projet ambitieux avec rigueur et professionnalisme au sein de bâtiments pourris, construits sur des sols plombés, situés à l’écart du centre de la ville d’implantation.
« Innover c’est savoir prendre des risques, mais ne pas forcément en faire courir aux individus à qui l’on destine ses projets ».
Personnellement je compte bien tirer à profit les leçons dégagées de mon expérience à l’A.M..E.S.D.
Pour ce faire il nous faudra, mes collègues et moi-même tâcher de remettre en œuvre les pratiques inspirées par les apports de la psychothérapie institutionnelle en les combinant avec les nouvelles orientations des politiques sociales; Cela devrait être facilité en partie par l’obligation d’application de la loi de réforme sociale de Janvier 2002, celle ci met notamment l’accent sur la nécessité de renforcer les droits des personnes accueillies, ou encore de favoriser la mise en place d’instances de représentation et de médiation à l’intérieur comme à l’extérieur des établissements.
Néanmoins, il nous faudra également faire face à la volonté affirmée de rationaliser l’acte éducatif se traduisant entre autres par la multiplication de procédures administratives contraignantes en total décalage avec la réalité de l’exercice de notre profession.
L’expérimentation de cette « gymnastique éducative » fera sûrement l’objet du travail de mémoire final de mon D.H.E.P.S.
BIBLIOGRAPHIE :
-H.S. Becker, « Outsiders » 1963. Trad. Française Métaillié 1985
Cité page 5.
-Hors série magazine Sciences Humaines : « La bibliothèque idéale des sciences humaines » Novembre 2003, cité page 6.
-B.Dumas/M.Séguier « Construire des actions collectives » Ed. Chroniques sociales 1999, cité page 15.
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