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Et au milieu, cool, un éducateur.

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Antoine PASSERAT

lundi 09 mai 2011

Et au milieu, cool, un éducateur.

Je suis rentré dans la profession d’éducateur au sens large du terme (remplaçant, en formation de moniteur éducateur, moniteur éducateur,…) depuis maintenant quelques années. Je suis confronté parfois à un sentiment assez paradoxal, un sentiment d’usure. Je dis paradoxale car je suis malgré tout, jeune dans ma vie et dans la profession et je me sens parfois usé comme si je portais un fardeau depuis de nombreuses années.

Alors souvent j’écris, j’écris pour me rappeler ce que je fais, j’écris pour me rappeler comment j’aime le faire, j’écris aussi pour me rappeler mes difficultés, et enfin j’écris car quand je me relis parfois je me dis, « c’est bien ce qu’il y a d’écrit, je devrais l’appliquer ».

Finalement pour moi écrire ma pratique c’est un peu comme un filet. Parfois quand je me sens tomber, je lis, ce que je fais, ce que d’autres ont fait et parfois j’écris.

Aujourd’hui, c’est un sentiment de découragement, mélangé à des soupçons d’espoir dus à des lectures ou des retours que l’on m’a fait, qui m’ont amené à cet écrit…

J’avais envie de raconter une histoire.

Cette histoire, c’est l’histoire de personnes, d’êtres humains, d’adultes, d’enfants, d’adolescents…

C’est l’histoire de toutes ces personnes qui ont des histoires pas faciles. Certains sont handicapés, d’autres ont subi la maltraitance d’autres personnes, certains au fil des années ont été exclus ou se sont exclus de la société…

Toutes ces personnes sont confrontées à la vie, certains l’affrontent, certains l’évitent, certains la fuient…

Et pour beaucoup d’entre eux, entre eux et la vie, au milieu cool, un éducateur.

Cette histoire finalement c’est un peu la mienne dans mon travail. Je suis parfois confronté à ce que j’appelle la sidération. Malgré les années d’expérience, un premier diplôme « en poche », un deuxième en cours, la rencontre d’un nouveau public, au cours d’un stage, m’a fait redécouvrir ce sentiment étrange et peu agréable qu’est la sidération.

C’est au cours d’un stage auprès d’enfants placés en accueil d’urgence que j’ai pu être traversé par cette émotion.

Je dirais que comme beaucoup d’émotions dans notre travail, celle-ci est issue d’une foule d’informations arrivant d’un coup, de nombreuses choses à assimiler, de plusieurs rencontres simultanées, d’une place de professionnel à se faire…

Je ne sais pas s’il est réellement intéressant de retranscrire tout ce que j’ai ressenti, tout ce que j’ai vu ou ai cru voir dans un premier temps. À mon avis la première vision que j’ai eu du foyer est énormément faussé par la masse d’information. Cependant ce que je peux retenir et ramener éventuellement car cela reste la base de notre métier est la rencontre avec un groupe d’enfants en difficulté.

Pourquoi groupe d’enfant en difficulté ? Je m’interroge en même temps que je l’écris. La première réponse qui me vient et me semble évidente est qu’ils sont en difficulté vu qu’ils sont placés ! Mais cela ne suffit pas à l’explication, je crois que c’est un  groupe  en difficulté au-delà d’enfants en difficulté que j’ai découvert. Ce groupe d’enfants a comme particularité d’être composé d’enfants avec des situations qui se font échos les unes aux autres.

Cela se ressent dans le travail car ils ont peu de limites. Malgré ma petite expérience professionnelle, quelle ne fut pas ma surprise lorsque j’ai découvert que ces enfants de moins de 10 ans avaient cette facilité par moments à me regarder et à me dire « non » !

Sentiment cruel qui m’a envahi alors ! Où est donc passée cette chose qui fait que, quand je parle, sur mon lieu de travail habituel, on m’écoute, et là tout à coup plus rien !

Je crois que je peux dire qu’une période compliquée à suivi pour moi au niveau personnel, j’ai dû me remettre en question, moi qui pensais le faire encore fréquemment, je me suis rendu compte  qu’on est jamais aussi bien remis en question que par les autres  contrairement au proverbe populaire qui dit qu’ on n’est jamais aussi bien servi que par soi-même  !

Et voilà, tout cela est un peu décousu, le sens que moi-même je cherche je ne le trouve plus.

Donc ces enfants ont des problématiques, de maltraitance beaucoup, des parents qui n’arrivent pas à s’occuper d’eux (pas encore pour certains).

Finalement je parlais d’écris, l’écriture pour poser des choses, je parlais aussi de l’éducateur dans la relation, et, au vue d’un texte un peu en désordre, j’ai envie de citer un morceau de texte fait avec les enfants de ce foyer, quelques lignes, à travers lesquelles je les ai découvert un peu, dans un moment de calme, un moment de partage. Un moment court, une heure, une heure et demi mais riche en échange.

Pour la petite histoire, avant de citer un extrait du produit final, la demande de certains enfants était de faire du rap. J’ai proposé d’essayer de les accompagner dans cette démarche. Je leur ai expliqué que le rap ce n’est pas trop mon truc, mais écrire je sais faire et le rap finalement c’est un texte qu’on écrit et qu’on « rap » ensuite et libre à eux de le rapper. Nous nous sommes donc penché sur ce texte, deux enfants puis trois, quatre, puis deux ont participé. J’ai essayé de les aiguiller simplement, les laisser auteur de leur parole, juste les aider à la poser, les organiser un peu…

Un jour on pleure, un jour on rit

Ça fait pas des années qu’on est arrivée

Des jours, des semaines à peine passées

Un jour ***nom du foyer*** a vu débarqué

Un ,deux, trois enfants puis des tas sont arrivées

Un jour, on joue, un jour on écrit

Et un jour, ces enfants deviennent des guerriers

Au contact des éducs leurs chambres deviennent bien rangées.

Pas toujours facile de vivre en commun,

Quand on n’est tous ensemble pas facile d’être un.

Et voilà, un extrait de ce qu’ils ont pu écrire. Ce qui a été créé a été taper à l’ordinateur par deux des enfants. Puis imprimer pour ceux qui le désiraient, et curieusement, il n’a jamais été « rappé ». Je crois que ce qui a été mis dedans avait une valeur différente de ce qu’il voulait à la base. Je ne suis cependant pas mécontent de ce que nous avons partagé.

J’ai avancé dans mon stage, les choses se sont organisées dans ma tête. Je distingue maintenant ce que je dois faire au quotidien au niveau organisationnel. Je distingue me semble-t-il certains enjeux institutionnels, un peu l’histoire des lieux, ce que ça engendre sur le terrain...

J’arrive à mieux appréhender le groupe , avec beaucoup de conseils et d’échanges avec les autres professionnels de l’institution, je sens mon positionnement évolué auprès des enfants.

Cependant ce qui ne change pas, c’est ce sentiment face à leur problématique. Je sens que j’ai du mal à accepter au fond de moi qu’à cet âge ils aient pu vivre certaines choses qu’on ne devrait jamais vivre. Et à la fois, en tant que professionnel, je dois, tout en prenant en compte leur histoire, ne pas m’apitoyer, et les accompagner au mieux vers une vie où ils seront le plus possible à leur place d’enfant.

En me sentant plus à l’aise avec eux, en retrouvant un peu ma posture professionnelle acquise au cours de ces années de pratique j’ai pu réussir à prendre de la distance. J’ai pu rentrer en lien avec eux à travers différentes médiations, paroles, activités, écrits, rencontres pendant des clash…

Et finalement, le temps avançant, je les ai un peu rencontré avec leur histoire, et je me suis dis comme j’ai pu me le dire auparavant dans d’autres circonstances, en d’autres endroits, je me suis dis que ces enfants ont des vies difficiles mais qu’entre eux et leurs vies, au milieu, cool, il y a un éducateur.

Rédigé en mai 2011.

Antoine PASSERAT, moniteur éducateur en formation d’éducateur spécialisé.

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