mercredi 23 janvier 2008
Mots clés : communication ; idéologie ; progrès, technique.
Avez-vous remarqué cet usage constant de la communication ? Pas un jour sans que le terme ne soit prononcé. Pas une entreprise qui n’y fasse référence. Les formations sont foison sur le sujet. Est-ce parce que nous ne saurions plus communiquer ? Ou serait-ce en rapport à ces moyens que sont internet, le téléphone portable, modèles d’après lesquels se déterminent nos modes relationnels ?
Dans l’action rationnelle, elle se présente comme un mode d’organisation, de gestion, de management. L’image de l’entreprise semble ne pouvoir se concevoir sans le système de communication par lequel elle se définit.
Qui ignore encore cette relation ténue entre l’acteur et sa stratégie ? Acteur qui communique en permanence au sein de l’entreprise et de la société. C’est par lui que passe la communication et le traitement de l’information, qu’il contrôle, qu’il maîtrise, selon sa position hiérarchique. C’est la raison pour laquelle on peut se demander qui, entre employés, ouvriers et dirigeants, ne communique pas ? Et où se situe donc le problème de communication ?
Dans le culte obsédant de la performance, de la transparence, porté à son paroxysme, le but est de justifier les pratiques par la rentabilité et l’efficacité. De fait, sous couvert de technicité et de scientificité, la communication s’est imposée, saturant l’espace social, participant en cela à la puissance d’un totalitarisme social avéré.
Avatar de la modernité et du progrès, la communication est devenue un maître mot. Communiquer serait-il donc gage de qualité absolue du fonctionnement organisationnel ?
Si la communication consiste à échanger, à partager des informations entre individus, il s’agit d’un mode de faire selon un système de langages, et des manières particulières : séduire, persuader, convaincre, manipuler, mobiliser, manager, gérer, endoctriner, etc. La sémantique est quasi inépuisable. D’autant que cela concerne le culturel, l’imaginaire, le symbolique ; le domaine de l’explicite et de l’implicite, du conscient et de l’inconscient, du formulé et du non formulé. Un système de langages multiples et complexes.
N’occultons pas qu’une société est autant « conditionnée par le fait de parler », que « modelée par la capacité de se taire » (G. Simmel)1. La communication contient aussi la dissimulation, le mensonge. Et que dire de l’opinion, « figure » évoquée en permanence ! Comme si elle était raison !
Il faut communiquer ! Voilà une injonction qui relève de l’obsession. Est-ce ainsi que l’on pense mettre en œuvre une politique de communication, efficace, dans une entreprise ? Le contexte actuel tend à donner à la communication, par un glissement vers les moyens plus que vers le sens, une logique idéologique, de manière tyrannique (I. Ramonet)2: hormis la communication, point de salut ! Jusqu’à faire croire que celui qui ne communique pas serait une entrave au fonctionnement de l’entreprise, de la société.
La communication est devenue un véritable concept incantatoire, se présentant comme un modèle, une autorité par laquelle toute entreprise se doit de fonctionner. Se pose t-on la question de savoir ce qu’elle représente ? Sous prétexte de communiquer, l’intention est en fait la maîtrise du système d’informations.
Arguer du pouvoir inconditionnel de la communication pour mettre en acte tout changement est un discours naïf aux allures d’imposture. Et faire entendre que nous ne savons pas communiquer relève de la supercherie. Face à une telle duperie, rien de tel pour rendre le climat social délétère.
Nous pouvons en effet nous interroger sur le sens de la communication au regard des faits actuels. Le discours sur la communication apparaît plutôt comme une manière de conquérir l’organisation et ses individus. Ce qui ne manque pas de cynisme. De quoi créer de profondes blessures : désordre dans les esprits et malaise dans les organisations.
François SIMONET, Pau le 22/01/2008
Docteur en Sciences de l’Éducation et de la Formation
Chargé de cours de Sciences de l’Éducation à l’Université de Pau et des pays de l’Adour (UPPA)
Membre du G.R.E.F.E.D. : Groupe d’Études et de Recherche sur les Faits Éducatifs et le Développement.
1 G. Simmel, Secret et sociétés secrètes. Éditions Circé / Poche, traduit de l’allemand par Sybille Muller, 1996.
2 I. Ramonet, La tyrannie de la communication. Éditions Gallimard, collection Folio actuel, 2001.
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