dimanche 16 novembre 2008
Merleau-Ponty – (1908-1961).
Le Visible et l’Invisible
Ce que les hommes savaient depuis toujours,
mais n’avaient encore pas reconnu.
Dans cette récolte d’Idées en fagot
Entretenir les feux d’un Sapere Aude .
Dicible et Indicible.
…… « Et il faut conserver à tout prix la polysémie amplifiée que produit l’enroulement de cette idée sur le langage lui-même… »
Notes de travail d’un ouvrage posthume « La Prose du Monde »
Merleau-Ponty
Je m’adresse dans cet entretien au lecteur moyen, qui dans l’ordinaire de son quotidien même le plus menu, est souvent dispersé, bien empressé, et tout accaparé par le tout venant d’une bien décevante inappétence dans les moindres carrefours de son existence. A un point tel que parfois même sa présence d’esprit s’en trouve comme égarée, par de bien futiles broutilles, et le fatras d’objets navrants d’insignifiances. Ainsi donc si préoccupé, qu’il demeure peu disponible en maintes fâcheuses circonstances, toujours réduit hélas aux crédit de son amour propre, et vainement de cesse en butte aux aléas du souci de soi. Mais c’est bien volontiers cependant, que je lui dédie la relique de cette belle proposition en incipit , chargée de sens induit qui restent cependant à supputer dans ce quotidien de nos vécus. Bien sûr que ces conséquences dans leurs incidences se portent sur un sens, dont l’enjeu est bien tangible derrière ces distraites apparences. Ce qui reste à redécouvrir de vrai, dans la contingence subséquente aux termes d’une évaluation à la mesure de ses implications. Ces effets patents d’un sens qui bien qu’évident, nous échappent pourtant souvent bien distraitement. C’est ainsi que désireux de rendre ici, hommage à Merleau-Ponty, ce penseur visionnaire au profil d’humble citoyen d’allure plutôt modeste, je tiens à témoigner en filigrane, de la trame très orientée dans son œuvre par l’accent subtile mis sur quelques pensées si éclatantes de lucidité. Bien qu’on lui reprocha depuis lors, que par trop résigné et conforté dans ses solides convictions et motivations, qu’il se révélait dans cette assurance trop foncière, quelque peu dérangeant. Notamment sur des principes si révérés par l’institution, dont on jugeait les fondements inviolables. Ce qui pour sûr malmenaient ici et là, les idées confortables et trop communément reçues, par une tradition résolument établie dans le discours en titre, de notables éminences grises. Aussi, découvrons dans ce simple indice d’une pensée creusée, qui se ramasse en une syntaxe d’intrigue bien singulière, dans ce phrasé d’un style oh combien symbolique. Cet aperçu opérant tant de significations nous révèle la transcendance de son propos éclairant. Ce qui nous dégourdit l’esprit des vaines aberrations, celles de nos croyances les plus aveugles, qui bien faciles d’accès, nous leurrent d’autant mieux. Je formule tout cela dans mon style de libre arbitre, à la diable du verbe enlevé, bien sûr, puisant à la source de ces informations éparses recueillies dans la publication de ce n° spécial de l’Arc, qui lui fut entièrement consacré en 1991. C’est ainsi que comme saisi et interdit par ces révélations inouïes, je me suis repris et ravisé sur le profil trop commun de mon bon sens. Que dans ces occurrences livresques entièrement vouées à la ferveur d’une lecture assidue de son œuvre, j’offre en quelque manière, par ce geste tout simple, une information P.S.F . aux fervents lecteurs de psychasoc. Contribution tant soit peu modeste, d’un humble admirateur. Et c’est aux accents d’un rituel pathétique, pourtant si dérisoire au regard du mérite de son grand talent, que je m’incline silencieux sur le recueil et l’esprit de sa grande œuvre. Comme la guise en quelque sorte, dans ce pieux simulacre d’une ultime poignée de terre jetée dans cette fosse du temps qui le ravit à nos mémoires. Aussi donc voici qu’en cet instant où j’exhume sa présence, en ces quelques notes arrachées à mon clavier, que je tente tant soit peu en ravivant sa mémoire, de ressusciter son souvenir. Afin de mieux marquer par ce dévolu, mon sincère témoignage à ce penseur émérite, qui par la fatalité de sa trop funeste destinée, n’a pu parachever la rédaction d’un ouvrage depuis toujours anticipé. En sommeil lourd d’intuition, ce projet tant souhaité, se tenait comme un absolu besoin, dans l’exigence de ces vœux qui le tenaillaient depuis longtemps. Ce rêve avorté d’écrire cet ouvrage devenu lors édition posthume : « La Prose du monde », comme le dépôt en bilan d’une vie, dans un testament consigné et tout griffonné de notes hâtives de travail en marge de pages, attestant la belle conviction de sa vocation. Car en effet, son inspiration était sourdement nourrie par le spectacle quelque peu extravagant, celui manifeste à ses yeux des conjectures fantoches de cette rumeur assourdissante du monde, celle des humeurs si jaccassières qui chez tout homme résonnent. Ce sujet du débordement verbeux bien souvent en comportement d’extravagance chez tout un chacun. Traduisant l’impérieuse nécessité de proférer de cesse son vif ressenti, pour enfin au mieux transparaître entendu. Dans le manifeste de cette praxis sauvage, celle d’une expression qui toujours en recours d’insolite, conditionne ce genre trop humain, bien trop réduit à la limite, dans ses rudes épreuves endurées. Parfois même, dans ces effets d’une clinique jargonaphasique, chez certains sujets trop ancrés et comme perdus dans le délié navrant de leurs pensées les plus baroques et fantasques. Ce questionnement d’esquisses insidieuses à vrai dire depuis toujours chevillait à cœur ce philosophe, taraudait son esprit qui en sage observateur, quêtait l’avenant du plus petit discret phénomène humain.
Notons pourtant, l’accent ténu de quelques notes de travail en marge de ses pages d’écriture, qui nous restituent l’arrière-goût de cet humus sauvage qui le grisait. Dans cette effervescence d’une profuse et radieuse spéculation, qui notons le cependant, n’a pas toujours rendu l’écho d’un plein consensus chez nos penseurs contemporains. Car, cette pensée dans son étonnante conception, radicalement innovante, remise et renverse même, les acquis facilement minimalistes d’une traditionnelle « Ontologie du Savoir ». Récusant radicalement le savoir en cause, en remettant dans ces nouvelles dispositions le lieu de la pensée ce penser-corps , lové dans « les plis secrets de la Chair ». Ce qui naturellement bousculaient bien des conventions enracinées dans les facultés d’une raison puisant aux sources sacrées d’une essence, qu’on révérait bien innocemment dans cet esprit d’un évangélisme trop exclusivement angélique et naïvement spirituel. « Il n’y a pas de pensée pure » se plaisait-il à dire. Dans les aboutissements d’une culture qui honnêtement régulée par les mœurs civiles, se devait dans l’estime de soi bien évidemment, s’apprécier digne, juste et à bon escient.
Dénonçant à la base bien des idées reçues, dans le fondement de cet originaire d’une perception intime qui prédispose à notre insu nos humeurs les plus labiles, nous invectivant rudement dans son essor primitif. Dans le déni jugé par beaucoup trop radical, d’une raison prétendue souveraine, trop admise d’emblée, dans ce renoncement allant jusqu’à remettre en question les derniers et les premiers problèmes du discours prétentieux du philosophe. .
Cet extrait rapporté par Cornélius Castoriadis qui commente l’auteur en question dans cette réflexion, est comme la précieuse semence d’une réflexion chargée de sens. La promesse d’une germination qui se doit d’être cultivée dans le plus grand soin d’une attention soutenue. Bien que certaines de ces présomptions soient reçues comme trop extravagantes. Mais ne faut-il pas enfin, aussi savoir parfois s’oublier, s’abstraire de ses préjugés pour mieux voir, dessiller son regard enfin. En quelque sorte, un peu désapprendre pour comprendre, et ainsi mieux se surprendre. Ce que signifie pour des esprits ouverts à cette dimension du symbolique, ce signe dans sa révélation, contient cette entité indispensable et primordiale à la compréhension de nos essences d’être, bien trop souvent ambiguës et sibyllines dans leurs appréhension et acceptions aux aspects si souvent déroutants. Cette judicieuse considération dans sa note privilégiée, sur laquelle je mets l’accent, s’avère ici très nécessairement requise ; ceci, afin de mieux risquer l’augure providentielle d’une profuse sagesse d’idées, de quoi impulser de prodigieux essors à notre entendement. Celui d’un élan soudain opportun dans nos défaillances, nous procurant ainsi l’augure providentielle d’une gratification, celle d’une inspiration aux d’effets bien quiescents et donc apaisants. Que ces quelques remarques osées et hasardées qui ciblent l’attention du lecteur, puissent réveiller le vigile trop souvent assoupi, dans cette lassitude constante des ennuis trop communs à notre humanité. Ces malaises qui trop souvent nous collent de si près, dans le trouble de l’humeur de nos consciences dissipées.
« Le langage réalise en brisant le silence : ce que le silence voulait et n’obtenait pas. Le silence continue d’envelopper le langage ; silence du langage absolu, du langage pensant. – Mais ces développements …..doivent aboutir à une théorie de l’esprit sauvage, qui est esprit de praxis. Comme toute praxis, le langage suppose un institué qui revendique par son expression une dévolution volontariste, préparant un mode d’apparaître. Il s’agit de saisir ce qui à travers la communauté successive et simultanée des sujets parlant, veut, parle et finalement pense. »
Dès la phénoménologie de la perception – 1945 – Merleau-Ponty éprouvait sa pensée en abordant la question du langage, non pas comme préalable méthodique pour s’assurer la possibilité de contrôler l’usage d’un instrument inéliminable, mais comme celle d’un phénomène central dont la considération offre « la chance de dépasser définitivement la dichotomie classique du sujet et de l’objet ». On voit déjà ici la disposition et l’humeur qui l’éloigneront de plus en plus de Husserl. Cela n’était pas seulement un germe l’écart décisif par rapport à Husserl, - la récusation de la possibilité d’une pensée pure – est déjà creusé dans la Phénoménologie de la perception , et il l’est en premier lieu dans le champ même du langage. Les résonances ne feront que s’amplifier dans écrits ultérieurs et, à la fin, c’est tout le Visible, tout l’ Invisible – ouvrages de références – qui vibrera avec elles. Dans les textes qui suivent, le thème du langage et de l’expression s’empare de Merleau-Ponty, et le lecteur des derniers écrits voit sa pensée se précéder elle-même dans les formules où elle se fixe : - Je souligne d’une remarque personnelle, par cette petite réflexion incise - ce bel adage « une pensée qui ne dit pas tout ce qu’elle pense, mais plutôt se soucie de penser ce qu’elle dit ». Merleau-Ponty , lui dit parlant de ce problème de l’expression, dans cette praxis très souvent sauvage d’un dévolu à tout crin, « ….apparaît à la fois comme un problème spécial et comme un problème qui contient tous les autres, y compris celui de la philosophie ». Devançant de loin l’épidémie linguistique, ce mouvement de Merleau-Ponty n’a rien à voir avec l’extrapolation universelle d’un pseudo modèle plat de la langue à laquelle on assiste depuis lors, pas plus qu’avec une « philosophie linguistique » qui prétendrait donner réponse à tout par la clarification la fixation des usages permis des mots. C’est en acte que la réflexion du langage le conduit au tout de la réflexion et que celle-ci le ramène à celle-là, que la question du langage enveloppe la question de l’être qui l’enveloppe.. Car, sur le langage, on peut voir le plus nettement ce que Merleau-Ponty dira, dix ans plus tard, de l’être de toute chose : qu’ « à la fois (il) se donne comme un certain être et….l’expression de tout être possible » ; et il faut conserver à tout prix la polysémie amplifiée que produit l’enroulement de cette idée sur le langage lui-même . La réflexion du langage est d’emblée réflexion des derniers et premiers problèmes de la philosophie ; non pas parce qu’elle les résorbe, mais tout au contraire, parce qu’elle en est le carrefour privilégié, qui éclate dans toutes les directions. Ainsi, après avoir été l’objet de la Prose du Monde et de plusieurs textes importants repris dans Signes, le langage s’installe dans le Visible et l’ Invisible, et en particulier dans l’humus véritablement sauvage des Notes de travail , non plus comme thème séparable, mais comme infiltration universelle ; peu de phrases qui n’y renvoient d’une façon ou d’une autre, et aucune dimension de l’être ou de la pensée à laquelle il ne tienne.
Telle étant la nature du champ, et la qualité de celui qui, à la suite des plus grands, a encore su d’une autre façon en remuer la terre, qu’on n’en cherche pas ici un arpentage ; mais seulement une entrée possible parmi d’autres, et la vue de quelques parties « arrachées au tout » dont il faut espérer qu’elles sont « venues avec leurs racines » -
MOMO
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