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Deuxième Rencontre Mondiale des États Généraux de la Psychanalyse Rio de Janeiro - 2003

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Tristan Foulliaron, Mirian Giannella

samedi 17 janvier 2004

Des favelas, du réel

Thème : Les subjectivités contemporaines

Sous-Thème : Violence et destructivité dans le temps actuel

Résumé :

Les nouvelles sur la FEBEM (Fondation pour le bien être des mineurs au Brésil) à la fin d’une grève de 4 jours des fonctionnaires, disait qu’avant les enfants avaient des hématomes mais maintenant ils ont des traumatismes crâniens, des jambes et des bras cassés et certains sont même morts. Les fonctionnaires disent se défendre.

De l’expérience que j’ai eu comme coordinatrice d’une « maison de passage » pour des adolescents en situation de risque, à São Paulo, qu’au lieu de promouvoir l’insertion des jeunes dans une autre communauté, se limitait à les enfermer, beaucoup de bagarres se produisaient entre eux. Ce qui m’a le plus impressionnée ça a été le mode de rapport que les professionels maintenaient avec ces adolescents. Un langage paranoïaque tout de suite s’instaurait supposant le pire aux adolescents, par exemple, s’ils s’approchaient d’une voiture c’était parce qu’ils étaient des voleurs de voitures. En fait, beaucoup d’entre eux s’appropriaient avec facilité les biens d’autrui. Ce qui me paraissait sans issue était le rapport autoritaire qui tout de suite se manifestait à travers un langage dur avec des impositions et des menaces. Il n’y avait pas de place pour une écoute autre.

À partir de ces commentaires et des échanges de messages avec Tristan Foulliaron et de la lecture des textes sur son travail au ASE (Assistance Sociale à l’Enfance à Paris), a surgit ce texte, en collaboration, sur l’appropriation de la parole par des jeunes menacés de mort dans l’ambience où ils vivent, où il parait que le langage dur est le seul possible et de la difficulté de déjouer ce rapport de force, de subjugation, d’un corps à corps entre jeunes et adultes.

Le "discours" dans lequel les habitants de favelas et de rues semblent se véhiculer sont plutôt des lambeaux de paroles, de corps morcelés, de l'imaginaire de la castration qui n’étant pas symbolisé est mis en scène comme des tentatives d'inscription de bouts de réel volé à un Autre menaçant.

Le problème n’est pas une « mort » symbolique ni même imaginaire, c’est une mort réelle, donc inimaginable. Ce qui nous oblige à plonger dans un monde de processus de survie, sans limite, sans lois que celles supposées émanées du réel : les lois du supposé corps, la loi du supposé plus fort.

Dés lors il ne reste que le cri, dans la mesure où le cri représente la demande de la demande, quand on ne peut plus demander on crie, on cogne, on bat, on insulte. Ces processus se mettent en scène lorsque la demande s'effondre, lorsque toute demande articulable reçoit une fin de non recevoir, cela veux dire : je t'ai bien entendu, mais ça ne changera rien pour moi, elle est reçue comme ratée.

Nous sommes en face de mécanisme de survie ou les tensions Réel -imaginaires sont extrêmes parce que le symbolique est très appauvri. Dès lors la survie tient plus aux mécanismes de fuite ou d'attaque de l'éthologie animale que de l' humain. La parole est avant tout un mécanisme de fuite-attaque, de signes relativement conventionnels à la communauté qui permet de s'éviter comme sujet désirant, souffrant. La demande ne peux que se transformer en cris parce que celle-ci ne renvoit pas seulement à la frustration classique, mais à la privation dans le réel (je te tue si tu… ).

Quand on pense que le père de la réalité incarne la fonction symbolique et qu’il faut insérer le père à tout prix et on confond frustration avec castration, on confond l’objet et la parole, ce qui est de l’ordre de la castration imaginaire.

Il m'arrive de rencontrer de tels enfants cris-douleurs-menaces. Il faut à la fois comprendre leur violence et tenter de la subvertir pas à pas. Prendre acte de cette violence et lui dire aussi qu'elle s'adresse d’abord à lui, en lui, avant de s'extérioriser dans l'autre (tantôt victime tantôt bourreau ).

L'Autre-autre est fondamentalement menaçant, dangereux et à renverser d'emblée toutes les valeurs : il ne le protége jamais et joui de lui.

Écouter ses modes de survie, sans les analyser mais en construisant, ce qui pourrait se traduire en demande dans le rêve-cauchemar de leur récit. Et tenter de ne pas céder sur ces bribes de demandes ( qui supposent toujours du désir ).

C'est long et douloureux aussi bien pour eux que pour l'analyste : trop proche d'eux c'est insupportable ( cela mobilise tous leurs mécanismes de survie ) et ils sont terriblement violents trop loin on se moque d'eux ( comme d'habitude ) et ils ont envie de nous tuer !

Parfois ils doivent jouir de s'autodétruire et de détruire tout ce qui pourrait les construire, comme si, il y avait écrit au fond d'eux que rien ne sera possible pour eux que des logiques de mort réel qu'ils attendent parfois sans affects.

C'est pourquoi il nous faut advenir à des "géometries variables" sans avoir la certitude que nous tenons quoique se soit de certain.

En fait, ils ne cessent de jouer-rejouer les maltraitances réelles subies dans leur enfance; ils se/nous sadisent et se/nous séduisent parfois en mettant en scène les quatre mouvements ! Et ceci dans les mots, les gestes, les pulsions, les passages à l'acte sur eux, sur les autres, l'institution.

Souvent ils demandent à ce qu'on les rejette : “ je ne vaux rien / tu ne vaux rien ", "je devrais crever / tu devrais crever " " ça ne sert à rien de vouloir m'aider/T'en a rien à foutre de moi "…essayant par là de provoquer notre désir/rejet ( ces propos nous mettent sur la piste des traumas qu'ils ont eu à traverser lorsqu'ils étaient enfant ).

Parfois aussi ils sont devenus des autistes-qui-parlent, c'est à dire qu'ils ont que quelques mots d'injures pour parler et pratiquement ne peuvent pas élaborer tant ils sont pauvres psychiquement. Là souvent on s'avoue impuissant malgré les trésors d'imagination que l'on peut leur prodiguer pour qu'ils s'en sortent.

Ces enfants nous disent qu’il est préférable d’être fou mentalement que de mourir et si la mort advient ce n’est que la conclusion logique d’une survie qui volait à la mort. Aussi bien que les boucliers humains, les hommes bombes de ce monde où on a tué la parole, les sujets, où la seule loi des rapports humains serait : “ pousse-toi de là que je m’y mette ”. Tout autre est fondamentalement agressif, dangereux et la parole n’est qu’une autre manière de cogner, de tuer, un morceau de corps et non un lieu d’échange symbolique.

Dans ce temps de violences, aussi bien la nation la plus développé nous donne l’exemple, sourde aux appels de l’opinion publique, dans une attitude de toute puissance qui nous fait peur.

Tout notre travail a pour but, non de les guérir mais qu'ils puissent s'approprier d'une question de sujet, même un embryon de question afin qu'ils puissent dans un second temps peut être demander une thérapie.

Ils nous obligent de travailler avec les limites de notre " je n'en veux rien savoir ", nous poussant à nos supposés extrêmes, mais c'est un leurre, en fait nous avons beaucoup à apprendre des processus de survie-folie qu'ils mettent en scène pour ne pas mourir.

Ils nous obligent à balayer la sémiologie, les perversions - névroses - psychoses de nos études et souvent les certitudes cliniques les plus établies (la théorie sexuelle infantile, par exemple) .

Quand ils arrivent à parler et être entendus on apprend beaucoup sur l’économie psychique. Quand il est possible de mettre l’enfant en position de sujet, de pouvoir choisir, d’être considéré en tant que désir autonome, il s’humanise et le regard brille illuminé, attentif, et il passe à exprimer ses vécus dans un processus de symbolisation quand l’espace leur est fourni, essayant les places possibles où se mettre, chacun poursuivant ce qu’il a besoin pour se constituer en tant que sujet.

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