samedi 27 décembre 2003
Ce propos critique très resserré résume l’idée que je me fais de l’impasse dans laquelle, à l’occasion du tumulte provoqué par le dit amendement Accoyer (amendement législatif visant à réglementer le champ des psychothérapies), je vois une nouvelle fois s’enferrer dans le duel individu/société tous ceux qui, dissociant la dimension de la parole de la dimension proprement normative du langage, continuent de désarticuler la problématique du sujet de la problématique institutionnelle. Nombreux sont en effet ceux qui du côté de la psychanalyse, prétendant à l’extraterritorialité de celle-ci, parlent de l’espace de la cure ou plus généralement de la clinique comme d’un espace asocial, sans s’apercevoir que se faisant ils réduisent l’institutionalité au seul registre du réel, et le rapport du sujet au social au seul face à face. Comme si, par exemple à la suite de Marx, on ne pouvait saisir que l’être humain n’est pas une abstraction inhérente à l’individu, mais qu’il est dans sa réalité, l’ensemble des rapports sociaux ou, dans son existence la plus individuelle, en même temps un être social. Ou comme si à la suite de Freud, aux fins d’éviter de mettre le sujet d’un côté et la société de l’autre, il n’y avait pas lieu de situer les relations sociales entièrement à l’intérieur du domaine de la psychologie individuelle … La Société est d’abord pour l’être humain une figure mythique, cette scène des fictions ordonnées à la loi du langage qui le fonde comme parlant ; autrement dit la Société est une scène dans le sujet , constitutive, en son texte et ses figures identificatoires, de l’institution de sa parole…
Dans les réactions diverses à cet amendement Accoyer je n’ai pas lu que par-delà la position pour le moins démagogique et confusionnelle de ceux qui professent « l’utilité sociale de l’écoute » ou « la fonction sociale éminente des 30000 psychothérapeutes de France » , ou que par-delà la position aristocratique de ceux qui dans la fragmentation actuelle des groupes préservent leur pré carré, l’enjeu nodal du juridisme 2 (2) impliqué sous la question du statut juridique toujours indéfini de la psychanalyse 3 (3) ait été relevé.
Aussi, de ma modeste place d’interprète exerçant une fonction d’éducateur de milieu ouvert dans la sphère de la justice des mineurs, à partir du travail de dégagement et d’élaboration référé au double champ de la psychanalyse et du droit qui est le mien depuis des années, j’ai pensé pouvoir, par un biais adjacent, apporter ma contribution à l’affaire.
Le rapport présenté par le pédopsychiatre Maurice Berger lors des Etats généraux de la psychiatrie de juin 2003, sous le titre L’échec de la protection de l’enfance – rapport dont je peux par ailleurs partager nombre d’observations – m’est apparu significatif de ce que mon titre nomme actualité du juridisme psy ; il m’a fourni l’occasion de la critique . Mais il me faut ici préciser que relever le juridisme médico-psy imprégnant ce rapport ne saurait avoir à mes yeux d’autre motif que de faire résonner l’idée d’une clinique qui, à hauteur de l’enjeu œdipien 4 (4), concerne tous les niveaux d’exercice de la fonction symbolique parentale . (Ma réflexion se trouvera largement développée, éclairée par une étude de cas, dans un petit ouvrage à paraître, intitulé L’interprète et la scène de légalité de la clinique )
Depuis longtemps, d’en bas si je puis dire, de cet observatoire privilégié qui est le mien je vois, tel Ulysse sous les traits du mendiant, s’avancer les prétendants, tous ceux qui pour avoir une théologie du sujet et un juridisme éducatif ou psychothérapeutique si bien affirmés croient pouvoir réduire le droit à une technique, et les juges à de simples caisses enregistreuses de leurs « expertises ».
S’appropriant la question de l’intérêt de l’enfant de manière globale, sinon totalitaire, Maurice Berger a donc dans son rapport très officiel aux Etats Généraux de la Psychiatrie de juin 2003 (consultable sur le site Internet de ces Etats Généraux) professé sans vergogne que la « parole médicale, pédopsychiatrique plus précisément, seule indépendante, car non soumise à une hiérarchie administrative, politique, ou judiciaire » devait être le principe fondamental gouvernant tout le champ de la protection de l’enfance.
Cet éminent représentant de la pédopsychiatrie française n’a par là fait que valoir, sous le motif de l’indépendance du médical, l’orientation de tous ceux qui cherchent, sous des références parfois concurrentes, à rafler la mise du pouvoir illimité de la Science, la mise d’un pouvoir technocratique médico-psy auquel rien ne peut et ne doit résister…
Sous le double paravent de l’efficace gestionnaire et de la raison scientifique (enjolivée de la raison « psychanalytique ») M Berger a ainsi affiché sans retenue la prétention commandante de tous ceux qui, au mépris du droit, au mépris des protections procédurales qui sont celles d’une société non totalitaire, pensent pouvoir extraire de leur savoir clinique (non dénué de vérités) une orientation politique générale, une codification scientiste et une maîtrise techno-gestionnaire des pratiques.
Pour tous ceux-là l’expertise médico-psychiatrique, l’expertise psy, doivent avoir valeur tutélaire sur le judiciaire et les autres champs de l’aide sociale ; les juges des enfants ne peuvent être, en raison de leur « incapacité à évaluer les risques pour le développement psychique d’un bébé et d’un enfant, en dehors des situations de « dommages visibles » (sévices, abus sexuels) » , les vrais juges du danger. Cette qualification du danger doit appartenir au monde scientifique médical. Les juges n’ont qu’à enregistrer, et les travailleurs sociaux appliqueront… Il y a ceux qui diront et ceux qui suivront… D’où, toujours selon M Berger, la nécessité de « la mise en place de réseaux animés par les praticiens libéraux (pédiatres ou pédopsychiatres) incluant les gynéco-obstétriciens libéraux et hospitaliers, les pédiatres, les services de PMI », aux fins, très clairement affirmées, d’assujettir le judiciaire, l’éducatif, l’aide sociale, au pouvoir disciplinaire des experts médico-psy. Cela n’avait jamais été écrit et affirmé à ma connaissance avec une telle clarté, une telle netteté d’intention. Et l’on peut penser que pareille position, non critiquée au sein de la psychiatrie française et, je le crains, mésestimée, sous critiquée dans le champ de la psychanalyse, n’a pas été sans alimenter la perspective technocratique (médico-psy) de maîtrise sur laquelle semble se fonder l’amendement Accoyer…
A la rescousse de la pensée défaillante c’est l’instant de faire résonner le diagnostique aiguisé du poète :
« Après ces deux guerres totalisantes, échec de la philosophie et de l’art tragique, échec au seul profit de la science-action, la metteuse en œuvre, devenue, la gueuse en son fait-tout, sous ses visages meurtriers et ses travestis, le passeur de notre vie hybridée, pour elle affaire triviale » (René Char)
A défaut de supporter son savoir comme science des limites de la science 5 (5) et de s’extirper de son propre juridisme (juridisme qui opère par exemple en faisant du diagnostique psychopathologique une qualification de l’ état de la personne , et des vérités cliniques une contre-idéologie), le discours médical psychiatrique, comme tant d’autres discours institutionnels « parentaux », ne peut qu’épouser, sous ses maintes moutures biologisantes et comportementalistes, le positivisme du temps, la volonté politique d’ignorer la structure, la division, la condition tragique de l’homme… Ce qui est le plus sûr moyen de s’enferrer dans les idéaux, anciens et nouveaux, du familialisme, dans l’idéal d’un monde où les obéissants, les bien-pensants, toujours par avance, se trouveraient innocentés…
Mais la critique du juridisme psycho-médical, pour éviter de sombrer à son tour dans un anti-juridisme qui ne serait qu’un juridisme occulte, exige aujourd’hui, tant pour les politiques que pour les différents ordres (ordre médical, ordre psy), de faire ce pas, ce travail de pensée par lequel peut être reconnue la fonction anthropologique du droit . Les interprètes psy sauront-ils prendre acte des effets cliniques du droit ? Saura-t-on, dans le fil d’un Lacan soulignant ce que la « conception sanitaire de la pénologie » vient dénier de la « signification expiatoire du châtiment » (Ecrits, p.137), saisir en quoi, à travers le judiciaire, soit-il pénal, le sujet peut-être rétabli à son propre droit ? Rétablissement qui n’est possible, ainsi que déjà le perçut Hegel, si ce sujet est considéré, tel le fou, comme cet animal nuisible qu’il faut mettre hors d’état de nuire, en cherchant à l’intimider, à l’amender ou à le « soigner »…
Au regard de ce que j’ai appris au cours de la longue conquête, ce n’est que si la médiation judiciaire, au plan juridique de la mise en œuvre de la Limite qui est le sien, peut être repérée comme un authentique travail (clinique) de re-liaison du sujet à la Loi symbolique, langagière, de la différence des sexes et des générations, qu’il est alors possible de saisir en quoi le thérapeutique, comme accompagnement du rapport du sujet à la négativité (et non comme son colmatage), peut s’y articuler. Ce qui suppose aussi d’éclairer en quoi, au niveau non-juridique de la parole qui est le sien, le travail thérapeutique, arrimé à la scène de légalité du sujet traité, est un accompagnement médiateur, dans les dispositifs les plus divers (sous réserve de non confusion des places et des plans), de ce rapport du sujet à la Loi et au texte.
Mais de cela les divins fonctionnaires de la Science médicale psychiatrique, tout comme les militants de la Psychanalyse céleste 6 (6) , ne veulent rien savoir, attachés qu’ils sont à refermer l’écart, l’espace institutionnel de la castration, en colmatant la brèche ouverte dans la philosophie pastorale par la découverte freudienne… Ils continueront de discourir sur la clinique en la désarrimant de la problématique (juridique, langagière, institutionnelle) de la Loi, de cette Loi qui dans son épure relève de la seule dogmaticité langagière masculin/féminin, parents/enfant…
Dans l’illimité de leur fantasme de pouvoir et de reconnaissance l’idée même d’un cadre de légalité de l’identification (et partant, de la clinique) leur est étrangère ; il n’y a de cadre, comme de « partenariat », que cadre et partenariat mis à disposition d’une volonté de puissance naturellement masquée sous les signifiants-maîtres si positifs du bien , du soin, de l’intérêt ou de la parole de l’enfant… Et la position de la maîtrise, y compris quand elle se présente sous les postures de l’anti-maître, exige de ne rencontrer aucune instance qui produise de la limite et de l’écart, aucun interprète qui lui échappe… Chacun établit ses réseaux en extension… Et c’est ainsi que sous couvert de l’idéologie du soin, de l’efficace gestionnaire, voire de la théologie psychanalytique dernier cri du « consentement », les nouveaux juristes, maîtres et garants incarnés du pouvoir imaginaire omniscient, deviennent en vérité, je pèse mes mots, des juristes fondamentalistes – des juristes qui pour être ignorants des leçons du droit et oublieux de l’écart du sujet au Pouvoir subvertissent cette différenciation des places et des registres de discours inhérente à la séparation des pouvoirs qui caractérise toute société non totalitaire. La position de ces nouveaux juristes, participant de l’indélimitation des plans du fait et du fantasme 7 (7) , de l’indélimitation des sphères du judiciaire et de l’aide sociale, favorise, a contrario d’effets cliniques, le duel et la confusion qui règnent dans les cas… Et c’est pourquoi le juridisme psy, légiférant sur le réel du sujet le plus souvent hors le cadre légal de son identification, en justifiant sous des prétextes divers « l’usage du transfert à des fins utiles » (manière élégante de promouvoir la manipulation), conduit, dans la subversion du Tiers qui s’y implique, à réduire la scène de la clinique, comme scène de la représentation fondatrice, au seul ordre de la maîtrise et de la domination… Le commencement reste ici le Un, jamais le Deux… A la problématique nodale œdipienne se substitue le seul jeu sado-masochiste, homo-sexuel , de la domination… A la représentation œdipienne, aux images fondatrices père et mère comme images distinctes et croisées (et non comme images du Grand Tout des parents combinés ), se substituent l’image bureaucratique du Père , la figure gouvernante de Big Mother… et le cortège des passages à l’acte institutionnels…
Si la folie, malheur absolue de la contradiction disait encore Hegel, est la déliaison du fantasme inconscient de la Loi, et si inversement la vraie clinique (pas la pseudo-thérapie adaptative, régressive et manipulatrice) est re-liaison subjectivante du sujet du désir inconscient à la Loi, se pourrait-il qu’il y ait ouverture clinique, ouverture d’un espace tiers supportant l’accès au meurtre du Père , si les praticiens, habitant la contradiction et vivant la Limite pour leur propre compte de sujet, ne se trouvaient eux-mêmes, en quelque plan de la médiation à l’Image Souveraine qu’ils officient 8 , liés à l’ordre institutionnel, langagier, juridique, de la Loi ?
Daniel Pendanx,
Bordeaux, le 22 décembre 2003
1 (1) La fable africaine ci-dessous, pur joyau de la culture universelle, rapportée par Sory Camara dans sa thèse d’Etat, me sert habituellement à faire miroiter cet essentiel, l’enjeu insu, l’énigme de la transmission :
« Le roi eut trois fils, tous aussi beaux que des génies.
Il leur dit un jour : « Je détiens une sagaie héritée de mes ancêtres.
Elle se dresse au bord du torrent derrière le village. Si l’un de vous
Connaît une femme en tant que femme, il sera attaqué par la sagaie ! »
Longtemps après, les fils voulurent aller à une fête de la circoncision
dans le village voisin. Le père ne leur interdit point. Mais il exigea qu’ils prêtassent
serment devant la sagaie avant de franchir le torrent. Ils le firent chacun :
« Me voici partant pour cette fête
Si je touche une femme, si une femme me touche
Que la sagaie me perce, qu’elle me perce et me coupe les jambes. »
Puis ils franchirent le torrent à cheval. Pendant la fête, l’aîné et le cadet
s’éloignèrent constamment des femmes.
Le benjamin allait et venait avec elles. Toutes les nuits, il en avait une dans sa case.
Ses frères lui disaient :
« N’as-tu donc pas peur ?Notre père te tuera ! «
Il répondait :
« Allah seul connaît ceux qui vont mourir ! »
La fête terminée, ils rebroussèrent chemin. L’aîné arriva au bord du torrent,
là où se dressait la sagaie du père.
Il jura qu’il n’avait point touché de femme. Il sauta.
Son cadet fit de même. Vint ensuite le benjamin dépourvu de crainte :
« Me voici revenant de cette fête, si j’ai touché une femme
si une femme m’a touché
Il franchit allègrement le torrent. La sagaie demeura fichée en terre.
Il arriva au village ; il s’adressa à son père en ces termes :
« Tu nous avais dit, celui qui d’entre vous couchera auprès d’une femme,
ma sagaie l’attaquera
Tu nous as trompés
Ainsi je suis allé à la fête, j’ai fait l’amour, j’ai franchi le torrent,
la sagaie ne m’a pas fait de mal
Là-dessus le père fit mander ceux-ci :
Il les décapita pour n’avoir pas été des hommes. »
2 (2) Pour la définition de ce terme l’apport de Pierre Legendre – un apport toujours largement circonscrit du côté des psychanalystes – me paraît incontournable. Je cite : « Par juridisme j’entends la pratique du discours d’interprète que dans la structure normative occidentale nous imputons au juriste. Cette imputation suppose la reconnaissance des places d’interprètes, de procédures d’interprétation et d’un principe tiers qui n’est rien d’autre que l’Interdit socialement mis en scène. Sans différenciation des places, des fonctions et des discours, le rapport à la Loi devient une mascarade. Cela revient à dire que le totalitarisme est par essence subversion et détournement de la différenciation des discours, méconnaissance de l’imputabilité de la parole, destruction de l’espace subjectif. … Dans cette perspective je dirai : le totalitarisme, c’est la prétention d’être à toutes les places à la fois, de les contrôler toutes, d’être tout. Le juridisme qui s’ignore est, pour nos sociétés, une forme totalitaire, en ce qu’il vient à la place, sans jamais le déclarer explicitement, de la fonction de l’interprétation juridique. … Le totalitarisme, au sens juridique du terme, c’est en psychanalyse la transformation du transfert en un droit de police sur le sujet. … Comment justifier un tel retournement du transfert ? Je vous renvoie à ce juridisme de très bas étage, digne de certains casuistes probabilistes dénoncés par Pascal et plus tard par Hegel, mais qui se donne pour quintessence de la psychanalyse, dont se gonflent les gloses sur le transfert dit de travail. Autant promouvoir à ciel ouvert l’inentamable du fantasme de l’analyste, quand celui-ci se donne le droit de verrouiller pour son patient l’accès au meurtre du Père, s’octroyant ainsi le droit d’asservir son semblable. Vous avez là l’exemple du juridisme sans nom et de ses suites totalitaires, et bien entendu de sa reproduction si les choses restent en l’état. »
(dans Revenir à l’essentiel, revue Césure, 1993)
3 (3) Savoir comment donner politiquement droit de cité à la psychanalyse, sur des bases rigoureuses, supposerait de reprendre, hors la précipitation actuelle, la réflexion ouverte sur le statut juridique de la psychanalyse en 91 par Bruno Nicole, Michel Troper et Jacques Sédat (dans le chapitre V du livre Etats des lieux de la psychanalyse). A lire ce premier travail on voit bien sur quelle difficulté bute l’affaire : il ne peut y avoir un statut juridique propre à la psychanalyse si n’est opérée en droit la coupure de la psychanalyse d’avec le médical et le paramédical. Mais cette coupure a un prix subjectif et politique qu’aujourd’hui beaucoup paraissent ne vouloir payer. Car définir un statut juridique exige d’inscrire les limites et les protections du champ de compétence de l’analyse (à mon sens autour des notions clefs de « plan non juridique de l’interprétation », de « cadre », et « d’abus de transfert »), et d’établir un statut fiscal commun.
4 (4) Mettre hors jeu ou négliger en quelque cas que ce soit la configuration œdipienne c’est qu’on le veuille ou non mettre hors jeu ou négliger la problématique du meurtre du Père qui ouvre seule l’accès du sujet au mythe parental. Cela ne peut avoir pour effets que de rabaisser la clinique, sous des prétextes plus ou moins sophistiquée, au réalisme positiviste qui est celui de la gestion technocratique des cas. Ce point est abordé et développé par André Green dans le chapitre Configurations de la tiercéité , en particulier p.249-260, de son ouvrage Idées directrices pour une psychanalyse contemporaine (PUF, 2002).
5 (5) C’est par cette formule que P. Legendre définit la psychiatrie dans son texte Classification et connaissance, remarques sur l’art de diviser et l’institution du sujet, paru dans Confrontations psychiatriques , n°24, 1984
6 (6) Je nomme militants de la Psychanalyse céleste (formule prise à P. Legendre) ceux qui, tout en méconnaissant le fait que le cadre juridique de la filiation, fondé sur la différence langagière structurale des sexes et des générations, ordonne la scène (œdipienne) de la représentation qui soutient l’accès subjectif à la parole, parlent d’un côté de la Loi à majuscule, en des termes spiritualistes le plus souvent abscons, et de l’autre de la « loi des hommes », de la loi juridique, en des termes purement positivistes. Fragmenter ainsi la Loi en deux lois, en affirmant que la loi juridique n’aurait rien à voir avec la loi symbolique, la Loi à majuscule, c’est dénier que le problème central de la psychanalyse – celui de l’advenue du sujet à sa parole comme à une parole distincte de celle d’autrui – est, pour le dire avec Lacan, « celui des rapports dans le sujet (souligné par moi, D. Px) de la parole et du langage » (Ecrits, p.279).
Dans l’épilogue de l’ouvrage précité dans la note 3 Serge Leclaire observait de son côté que « les psychanalystes, pourtant familiers des lois du discours, tendent à anoblir d’une particule majuscule les lois de l’inconscient – dans la tradition de quelque divin discours – et d’un même mouvement n’hésitent pas à imputer une pareille passion au juriste qui pourtant n’en a cure. »
7 (7) Je renvoie sur ce point à l’article de Daniel Boulet, Les faits et les fantasmes. A propos d’une affaire de parricide : le juge et l’expert psy , publié dans Autour du parricide, Travaux du laboratoire européen pour l’étude de la filiation , [I] , 1995.
8 (8) La médiation psychanalytique (expression qu’a parfois employé Lacan) est le plan non juridique, ni plus ni moins, de cette médiation de la relation du sujet du désir inconscient à l’Image Souveraine. C’est parce que cette dimension non juridique du traitement analytique du transfert peut-être repérée et posée comme telle par la psychanalyse que l’on peut parler à propos de la découverte freudienne de révolution de l’interprète.
Copyright © par PSYCHASOC
n° de déclaration : 91.34.04490.34
— site web réalisé par Easy Forma —