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Anna Freud et son école

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Anna Freud et son école
Campagne Première
31/01/2010

Note de lecture

Florian Houssier, Anna Freud et son école , Campagne Première, 2010. 305 p., 24 €

Il faut reconnaître à Florian Houssier une belle persistance à explorer les chemins frayés par les pionniers de « l’éducation spéciale », pour reprendre un terme que l’on doit au médecin Itard. Psychanalyste et universitaire, il a su mettre son talent et sa détermination à dégager le lien entre psychanalyse et pédagogie. Ses travaux sur l’histoire de la psychanalyse des adolescents, dans la foulée de François Marty, sont aujourd’hui incontournables.

Après avoir dégagé la haute figure d’instituteur et d’éducateur d’August Aichhorn, il ouvre les pistes qui conduisent à Anna Freud, dernière fille du père de la psychanalyse, son « Antigone » dans ses vieux jours, comme il aimait à la désigner. Grande dame de l’histoire de la psychanalyse, quoiqu’on en dise, quelques critiques que l’on puisse formuler à son endroit, notamment sur son « collage » au père. Anna Freud a commencé sa carrière comme pédagogue et sans doute ne s’est jamais départie de cet intérêt pour la transmission vers les plus jeunes. Un souci qu’elle partagea avec August Aichhorn. A ce sujet sont attendus avec une certaine impatience la publication des échanges épistolaires – c’était avant l’invention d’Internet et des SMS !- entre ces deux précurseurs, qui percèrent, à leur façon, les voies de l’éducation nouvelle.

Anna Freud ne se contenta pas de réfléchir sur les principes d’une pédagogie éclairée par la psychanalyse, elle se confronta à la pratique, notamment en ouvrant à Vienne, sous le regard bienveillant de son père, une école, sise dans le quartier de Hietzing. Cette école, véritable laboratoire pédagogique et de psychanalyse appliquée, fonctionna entre 1927 et 1932, en accueillant des enfants de 7 à 15 ans. C’est une authentique « pédagogie du juste milieu » qui se développe, entre le « scylla du laisser-faire et le Charybde de l’autoritarisme », comme le précisera Freud bien plus tard dans ses Nouvelles Conférences.

C’est l’histoire mouvementée de cette école singulière que Florian Houssier décrit par le menu. Il en parcourt non seulement les linéaments historiques, mais encore il sait nous faire partager la réflexion qui ne cessa d’accompagner l’expérience. En cela l’école d’Anna Freud se révèle une source inépuisable d’inventions. On ferait bien en ces années troublées où les enseignants en tous genres ne savent plus à quels saints se vouer, où la bataille des méthodes et des objectifs fait rage, de s’y plonger pour en tirer des ressources à nouveau frais. Les pédagogues d’aujourd’hui y retrouveraient ainsi ce qui fut en son temps le socle de tout processus d’apprentissage, à savoir la psychopédagogie, discipline aujourd’hui malheureusement disparue de la formation des maîtres. En effet comment s’engager dans une chaine de transmission que constituent les apprentissages scolaires ou professionnels sans se poser les questions concernant la psychogénèse de l’enfant et de l’adolescent. La prise en compte de l’ « Inconscient dans la classe », pour emprunter une belle expression à Francis Imbert, les points d’appuis de la pulsion et de ses avatars chez le petit d’homme, la prise au sérieux du transfert engagé dans la relation éducative, constituent autant de guides théorico-pratiques, qui peuvent éclairer les pédagogues et les éducateurs sur les modes de résistance à apprendre (et à enseigner !) mais aussi sur les potentialités spécifiques au jeune âge. Le « roc de l’infantile » comme le désigne l’auteur de cet ouvrage de référence, constitue la pierre de touche de cette approche. C’est un concept que l’on voit naître chez Freud en 1925, justement dans sa préface à l’ouvrage d’Aichhorn Jeunes en souffrance (Champ Social, 2000) Après avoir posé les fondements de la psychanalyse à partir des hystériques adultes, Freud remarque que grâce aux travaux des éducateurs et enseignants, la psychanalyse s’intéresse désormais à l’Enfant. Et là jaillît une énigme sous la plume de Freud. La psychanalyse va prendre en compte une étrangeté, à savoir l’Enfant ( Das Kind ) qui dure chez chaque être humain tout au long de la vie, et fait quelques apparitions, plus ou moins fracassantes, dans les rêves, les symptômes et la création artistique. Dans une note de 1935 Freud ajoute que la psychanalyse, au regard de ce « traitement de l’Enfant » (c’est moi qui rajoute) doit rester adossée à l’éducatif, sans quoi elle serait réduite au médical. Cet « Enfant » longue durée, enfant de la jouissance, pour frayer avec un terme Lacanien, habité par la pulsion de mort, est bien l’objet des soins des pédagogues et éducateurs comme des thérapeutes. Le traitement de l’ « Enfant-Roi» constitue tout à long de la vie, le fond d’un travail de civilisation, prônant une éducation permanente au titre, comme le précise Freud en 1917 dans la première de ses conférences, du « sacrifice de la pulsion ». La mise en œuvre de ces principes par Anna Freud et ses collègues, notamment Dorothy Burlingham, Peter Blos et Erik Erikson, à l’école de Hietzing, a permis de dégager un praticable opératoire dans le champ éducatif. Dernier point, - tous seraient à reprendre et explorer -, la référence à la psychanalyse dans le champ de l’éducation, déployant une véritable clinique de l’acte éducatif et pédagogique, ne saurait se concevoir sans de solides assises sur le plan institutionnel, mais aussi plus largement politique. En cela on peut difficilement dire que l’époque où cette expérience prit forme ait été tout à fait favorable à l’éclosion d’une véritable école de liberté, dont Siegfried Bernfeld a pu représenter la figure de proue lorsqu’il prônait une éducation inscrite dans la lutte des classes comme fer de lance de la lutte anticapitaliste. D’autre part la passion engagée par les protagonistes de cette expérience n’a pas toujours laissé place à une réflexion apaisée sur le dispositif institutionnel. Du coup les inventions de l’Ecole de Hietzing sont un peu passées à la trappe de l’histoire, recouvertes par la mousse des conflits de personnes, qui continuent encore largement à agiter le microcosme des écoles et associations de psychanalyse et desservent la prise en compte d’un héritage, dont on ne comprend pas qu’il relève du caprice des uns et des autres. Gageons que l’ouvrage de Florian Houssier fera naître un regain d’intérêt théorique et pratique, autant dans le champ de la pédagogie que dans celui de l’éducation, y compris spéciale. Souhaitons aussi que ces travaux réunissent les différents courants psychanalytiques dans un souci partagé pour l’enfance et l’adolescence, autour d’une disputatio   de bon aloi.

Joseph Rouzel, psychanalyste, directeur de l’institut Européen Psychanalyse et Travail Social (Montpellier)

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