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Comment accueillir et canaliser les débordements dans l’institution?

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Céline ANTARAKIS

mardi 17 janvier 2023

Cet article est uniquement disponible au format PDF, veuillez le télécharger en cliquant sur l'image ci-dessous :

 

Comment accueillir et canaliser les débordements dans l’institution?  

Journée action formation - Réseau Clinique du lien - Alès - 11/06/21

_ _ _ _ _

La médiation familiale:   un processus de gestion coop érative des conflits entre   membre d une même famille.

La base, c’est de bien poser le problème avant de chercher des solutions

 et pour que l’on soit sûr de bien le poser ensemble,

il va falloir coopérer.

Comment accueillir et canaliser les débordements dans l’institution?

Ce titre me tracasse, me démange, me dérange, ce qui me traïne…

Accueillir  = accueillir l’Autre, la situation qui se présente:

-  regarder = > voir avec présence, reconnaître (découvrir un savoir que l’on a déjà)

-  parler = > mettre en mot, la parole et le langage,  reconnaitre l’autre comme interlocuteur, échanger

-   prendre le temps, prendre et donner de son temps - > proposer une pause dans le temps, proposer de se poser, pour s’installer dans un cadre ou un espace/temps, confortable, sécurisant (aller vers qq chose de + serein ou d’apaisant).

L’accueil ne peut être qu’une proposition à l’autre, qui peut ne pas l’accepter et/ ou solliciter quelques autres modalités.

Canaliser   = est-ce mettre dans un canal … ?   Cela m’évoque avant tout la phrase de Bertold Brecht sur la violence souvent parlée du fleuve qui peut tout emporter sur son passage sans jamais parler de la violence de la berge qui enserre le fleuve.

   Canaliser quoi, qui? Canaliser l’Autre? Comment s’y prendre, fut-ce t-il un     enfant?

 

Les débordements dans l institution …

L’institution à la fois instituée donc, établie solidement, ne peut pour autant être intangible ou que par fantasme, un fantasme nécessaire bien-sûr.

Cadre symbolique avant tout, les débordements sont prévisibles, puisqu’en partie fantasmé par chacun.

Il y a, à la fois la nécessité de penser le cadre de l’organisation collective qui institué fait référence, fait point d’attache, qui relie et structure les relations;

et à la fois, se dire qu’il ne peut y avoir une mise en oeuvre, sans faille, dans la perfection, ou sans manque, puisque tout un chacun est manquant.

Penser un cadre et penser l’appliquer sans heurt, le penser intangible c’est le penser sans compter sur la relation, sur l’Autre comme sujet.

Et penser/croire que tout un chacun n’est pas une partie prenante de cette institution, la penser donc comme une entité indépendante, détachée, au dessus, sans lien avec tout un chacun, ne serait qu’aliénation, c’est évidemment un débordement de l’institution. Et ça rend fou!

Le titre « les débordements dans l’institution » surtout s’ils seraient à canaliser, me laisse à penser qu’il y aurait l’institution comme Sujet, Sujet totalisant qui se comporte bien, gardien des bons comportements qui trouvent que certains sujets à l’intérieur débordent.

L’institution n’est pas un sujet, c’est la construction imaginée et symbolisée de l’ensemble des sujets, c’est la multitude des sujets.

Aussi, si la relation de certains sujets fait difficulté, tension, ou si une relation entre sujets de l’institution est malmenée, « si le nous se noue » 1 , alors parlons-nous relation, pour ajuster, faire au mieux pour chacun. Cessons je crois de penser dispositif et procédure, ou correctif d’erreur du sujet, tous ces plans sans accrocs qui n’existent pas. Elaborons la relation et donc l’organisation collective qui fait institution. Continuons de fantasmer chacun aussi l’institution, mais toujours sans trop y croire, ou sans trop s’y croire.

N’accordons pas en prime tout pouvoir à cette institution; sans s’en garder aucun; à nouveau ce serait s’en délier, et donc s’aliéner.

Aujourd’hui, entre désaffiliation et aliénation, comment se vivre dans et avec l’institution? ou finalement dit encore plus simplement comment éviter les ruptures?

La médiation familiale   n’est pas un dispositif, une procédure, une technique,  un outil, c’est une discipline à part entière, qui a son cadre:

-  cadre de référence théorique,

-  cadre éthique et déontologique,

-  cadre de mise en oeuvre (mener un processus).

C’est une pratique très ancienne mais institutionnalisée il y a peu (il y a  25 ans, entre autre par sa professionnalisation avec un DE de niveau II, diplôme supérieur de travailleur social et par son entrée dans le code civil des affaires familiales, par la création d’un comité national de la médiation familiale, l’établissement d’un  code éthique et déontologique).

   Le médiateur se doit d’avoir une expertise dans ce qui est de mener un processus de gestion coopérative des conflits, le médiateur familial se doit d’avoir en plus des connaissances sur la complexité des liens familiaux, en droit, en socio et anthropologie, et bien sûr, en psychologie.

   Chaque médiation est un processus singulier. Plusieurs éléments le compose, les invariants comme le cadre proposé, et les variations de la proposition du médiateur familial qui accueille chacun et accueille se qui se dit, ou ce qui se tait, ce qui se passe, que ce soit sous silence ou dans les cris, il accueille les variations propres à chaque relation.

   Chaque fois qu’il pose son cadre, il tend, pour reprendre la métaphore d’Elisabeth, une voile pour favoriser la prise au vent.

   Cette image me sied pleinement, j’imagine bien les 3 attaches, 2 au mat  (principes éthiques et déontologiques d’un côté, références théoriques de l’autre) et la troisième que je dois ajuster avec les personnes en fonction de la houle, du temps qu’il fait, de la force et de la direction du vent.

   Mon cap, c’est qu’il trouve le leur ensemble, pour qu’ils puissent poursuivre la relation ensemble ou séparément mais sans rupture. La rupture ce n’est pas la séparation, c’est la relation sous tension, à l’extrême, il n’y plus de jeu possible dans les cordages, plus de « je » sans « tu es ». Quand la rupture s’annonce  on ne sait pas ce qui va péter en premier (cordage, voile, mat ….?), mais mieux vaut l’éviter.

Je borde (la voile, mon cadre donc), sans jamais vouloir contenir ou canaliser, ni  sans jamais vouloir gommer /compléter le trou du réel.

J’accueille. La reconnaissance de chacun à sa juste place dans sa singularité permet que chacun ait la possibilité de prendre sa part.

Le médiateur familial pose un cadre et le fait vivre (vérifie l’adhésion et la faisabilité pour chacun), cet ensemble institué (théorie déontologie …, principes et règles écrites et énoncés, mais surtout, cette mise à l’épreuve du cadre et cet éprouvé font alors contenance.

On institue ensemble, avec les personnes les conditions de cette médiation.  C’est un processus qui engage chacun, et qui s’engage avec chacun.

Les accords en médiation ne sont pas des compromis, mais des accords co- construits, institués par l’un et l’autre.

Le processus prévoit les heurts, les ratés et les impasses. Toute sa mise en oeuvre nécessite vigilance pour que si cela arrive cela ne soit pas attribués à l’un ou l’autre mais à une impossibilité de faire ensemble à ce moment là.

Je m’appuie sur la relation et garde le cap jusqu’au bout, pour qu’elle soit viable  pour eux, ensemble ou dans la séparation. Eviter la rupture ou restaurer, s’il y a rupture, la relation.

Je vais prendre pour exemple la médiation parent-adolescent, qui n’est pas la plus simple, (Elle demande d’ailleurs aux médiateurs familiaux une formation supplémentaire).

Elle a une spécificité de par le lien vertical de la filiation mais aussi par l’horizontalité de l’individuation de cet adulte en devenir, qui veut grandir et que  les adultes souhaitent faire grandir. Chacun, dans sa construction et dans la relation familiale est pris dans une dialectique entre appartenance-filiation et séparation-individuation.

Je vais vous parler de la médiation familiale entre Johanna, et ses parents . Johanna ne va plus au collège depuis plusieurs semaines, l’assistante sociale intervient. Celle-ci décide de proposer à la famille une médiation familiale.

Le premier entretien permet aux parents de dire qu’ils souhaitent que leur fille continue d’aller au collège, parce que:

-   aller à l’é cole   c est important  ;

-   le collè ge et l assistante sociale disent que c est obligatoire et que si elle ne revient pas… ils   risquent avoir des probl è mes avec d autres professionnels, on  risque leur enlever Johanna ;

-   une tension s installe entre eux et Johanna, entre eux et le coll è ge et les professionnels issus des institutions…  (Je me demande avec qui vont-ils devoir rompre pour que l’autre relation tienne?)

Johanna, elle, peut dire qu’elle ne veut plus rien savoir des adultes :

si d autres professionnels s en mêlent pour la placer, bon c est pas grave elle   fuguera   ;

-  pour son avenir, non ce n’est pas un problème, puisque apprendre un métier elle peut le faire avec internet « il y a des tutos »;

mais elle voit bien que la relation avec ses parents se tend, elle ne le souhaite  pas,

- parce qu elle   les aime

- et quand   ça crie c est pé nible , (un coup c’est pas grave, rien ne se passe et tout d’un coup c’est un vrai problème).

- Une tension s installe  (là dans la seule relation qui compte aujourd’hui, les autres ont déjà rompus me semble t-il).

Ok. On garde comme problème à regarder la relation puisque c’est là-dessus  qu’ils se rejoignent. Celle entre parents qui veulent le bien pour leur fille et leur fille qui veut bien faire pour elle et pour eux, relation qui est sous tension.

Aussi, parce que je leur permets de dire toutes ces raisons, parce que je ne  décide pas pour eux ou pour elle s’il faut que Johanna aille à l’école (la loi le dit et mon cadre fait avec la loi aussi, si elle n’y va pas la protection de l’enfance  prend le relais);

parce que je ne juge pas si c’est bien ou mal; parce que je ne juge pas quelle serait la bonne raison d’y retourner ou de ne  pas y aller;

parce qu’ils ont leur bonne raison de s’engager ensemble dans le processus; parce qu’ils vérifient, parents et ado que les entretiens sont bien confidentiels, entre eux mais aussi avec l’extérieur (report des rdv, untel a dit…) ils vérifient que ce que j’institue avec eux, tient bon la voile et le vent.

Petit à petit, chacun se réinscrit, par cet espace de parole à sa juste place dans  la relation et du coup Johanna dans une plus juste projection d’elle même, mieux reliée, se voit à nouveau à l’école même s’il faut la changer de collège parce qu’une embrouille sur les réseaux sociaux avait pris trop de place et que le retour n’est plus possible…

Je n’ai pas cherché où était selon moi le problème, et donc je n’ai pas cherché à résoudre ce potentiel problème. Je leur ai permis de poser le problème commun. Je suis restée au plus près de ce qu’ils souhaitaient dire et faire, je me suis inscrite dans la relation, je suis devenue une alliée pour résoudre avec eux ce qui était, toujours selon eux, le problème. Alliance et pas coalition avec les uns ou les autres, alliance mais de ma juste place tout en posant et faisant vivre le cadre, le mien celui de la médiation familiale, devenu ainsi le nôtre.

Pour cela il me fallait les accueillir, les voir, les reconnaitre, prendre le temps , leur proposer un espace/temps où l’on pourrait parler, mieux parler ce qui éventuellement fait problème, si quelque chose se résout c’est tant mieux, mais si quelque chose se détend c’est le plus important, on s’éloigne alors de la rupture que cela soit entre eux ou d’avec les institutions.

Céline ANTARAKIS - Association CEMAFOR-

1  Rouzel Joseph, préface de Bonjour l’institution de Jacques Cabassut, ed. champs social

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