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Professionnels auprès des personnes handicapées

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Professionnels auprès des personnes handicapées
Erès
31/01/2010

Professionnels auprès des personnes handicapées

Sous la direction de Charles Gardou

Editions Erès Toulouse 200 p

23€ 2010

Ils sont les héritiers des Aïchhorn et Tosquelles… Ces travailleurs qui occupent le terrain du malaise social… Ils côtoient des populations en grande fragilité, vulnérabilité, difficultés… Ils ont à tenir la barre pour autrui, mais aussi pour eux-mêmes !… Cela suppose un certain recul, une certaine dimension, une certaine éthique…

Comment faire, en effet, pour ne pas se faire ravager ? Comment ne pas se noyer dans la perte de sens, l’incohérence, l’absurde, le désarroi des autres que l’on accompagne au quotidien ?

Le handicap nous dérange et nous trouble, peut-être parce que si proche de ce qu’il y a en nous qui nous échappe… (Ainsi la folie, que l’on s’empresse d’étiqueter, de parquer, ou de DSM-iser… alors que Lacan l’épinglait comme la seule liberté de l’homme…)

Sachons respecter sans chercher à comprendre, ni à faire du sens. Sachons ne pas en faire un objet de la médecine ou de la normalisation… Sachons être dans l’éthique, « juste mesure entre le désir et l’acte » (Jean Oury)

Car il s’agit bien de résister au rouleau compresseur de la société bien pensante, peureuse et consumériste.

Cela suppose une solide armature psychique et de bons réseaux où pouvoir se ressourcer. Cela suppose de savoir faire la part entre la jouissance de l’autre et la sienne propre, entre la souffrance venant de soi et celle de l’autre, bref, de ne pas se soigner, ni exister, ni s’aider sur le dos de l’exclusion et du mal-être. Cela signerait une toute puissance bien inadaptée tant il est facile d’abuser de la faiblesse d’autrui, piège des métiers du soin.

Il faut au contraire pouvoir inventer, se renouveler, s’aventurer dans la complexité de la matière humaine, prendre des risques, avec des questions nouvelles, dans le cadre du cas par cas, et de l’originalité de réponses adaptées à chacun. D’où l’impératif de savoir chasser ses peurs, ses angoisses, et de lever ses propres verrous. Il faut donc accepter de se former, de se remettre en question, de faire un travail personnel, pour ne pas demeurer « opaque à soi-même » et de bénéficier de cet outil imparable que sont les supervisions et autres contrôles des pratiques afin d’éviter la solitude et les burn out intempestifs.

Car la responsabilité est grande d’oser incarner une forme de permanence où s’instaure la confiance du transfert, en parallèle, de représenter un cadre, un repérage, pour canaliser la dérive de l’autre, et enfin, de mettre en œuvre une écoute, un accueil qui fassent circuler la parole tant avec les usagers qu’avec leurs proches, souvent isolés et perdus.

Il leur incombe de trouver des actes et des gestes de rencontres humaines bien éloignés de la médicalisation à tout crin, de l’invasion de l’administratif et des délires de l’évaluation.

Ils sont face à des drogués, des cas sociaux, des délinquants, des SDF, des alcooliques, des psychotiques et autres miséreux du handicap, tous, éclopés de la vie.

Le climat est à la violence, à l’exclusion. L’angoisse de mort, l’agressivité et les pulsions sont aux commandes ; la loi du réel est dure. Mais ces populations, ont une parole de vérité à énoncer, qu’il faut savoir entendre pour s’en saisir et les aider, dans le bon sens du terme et non pas « dans la tyrannie de faire le bien » (Kant). Elles connaissent leur dépendance, leur folie, leurs impasses et leurs empêchements.

Si l’on s’attache, comme l’enseignant, qui accepte de se laisser enseigner par ses élèves, à ne pas savoir, et à avancer sur la précarité de l’incertitude alors, on a une chance de ne pas nuire, de ne pas faire du pire, mais de préserver l’autre dans sa dignité.

Nous sommes loin de cette rééducation ambiante où le sujet est découpé, saucissonné à coup d’ateliers et d’interventions tous azimuts, sans que l’entité de son être ne soit prise en considération. Il ne s’agit pas de l’adapter à la réalité, ni de le dresser ou redresser : il s’agit d’intégrer sa différence sans l’en spolier, de lui permettre de trouver sa place dans son espace humain, dans l’espèce humaine.

Pas de place pour l’hypocrisie, les faux semblants, les discours de façade. Il faut savoir échouer, pouvoir reconnaitre d’échouer, perdre des idéaux et des illusions, invalider les systèmes tortionnaires afin de « ne pas nourrir la marge par la norme, mais plutôt la norme par la marge. » Voilà un objectif qui transcende : prendre en compte l’irréversible et créer à partir de cette base.

La tâche est ardue et peut devenir ingrate si l’ingratitude et le manque de reconnaissance en sont les seuls retours ; réfléchissons à ce que leur souffrance au travail ne devienne pas le propre de leur vécu. Il est difficile de donner à voir le travail éducatif : il se tisse de petits riens, de détails. Mais on doit y mettre les mains et mouiller sa chemise. De surcroît, lutter, résister avec et pour ceux qui n’en peuvent plus de l’échec, du rejet, de la stigmatisation, implique souvent de subir les revers du déni des familles et la perversion des institutions.

Cet ouvrage collectif propose, dans la simplicité du pragmatisme, quelques témoignages de ces acteurs de la vie sociale, de leur engagement à faire de ces personnes handicapées non pas des handicapées mais des sujets, et des sujets qui eux, n’ont pas de handicaps !

 Florence Plon

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