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Un toit pour tous : belle utopie

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Vivienne Leste

mardi 06 février 2007

A-t-on pensé aux conséquences humaines si les solutions ne sont pas à la hauteur ? Le risque d’actions non concertées, plus pulsionnelles que spontanées est de creuser davantage le fossé, de détruire une relation patiemment construite.

Les enfants de Don Quichotte prétendent avoir rencontré les associations qui oeuvrent auprès du public en errance. Celle dans laquelle j’interviens n’a pas été consultée. Savaient-ils qu’une démarche d’insertion professionnelle avait été mise en place avec certains « campeurs » du canal Saint-Martin ? Et qu’ils n’avaient pas opté pour l’insertion professionnelle qui implique pourtant la mise à l’abri dans un premier temps et dans un second temps l'accès à un logement individuel.

Tous, n’ont pas le même niveau d’autonomie. Acquérir un logement individuel passe inévitablement par différentes étapes pour la plupart : chambre d’hôtel, hébergement collectif, résidence sociale, pension de famille, maison relais…, logement individuel. Des étapes et un accompagnement sont indispensables pour mener à bien cette démarche. Ne pas agir dans l’urgence. Se donner un objectif, poser un diagnostic, choisir des critères d’évaluation, afin de construire progressivement et avec les personnes. Les accompagner vers une autonomie passe par la reconstruction de l’estime de soi.

Educatrice de rue 1 , auprès d’un public désocialisé ou en voie de désocialisation, j’affirme qu’il existe à la rue différents types de personnes : ceux qui travaillent et n’ont pas de quoi se loger, ceux qui n’entrevoient plus la ou les solutions mais qui se battent pour s’en sortir, les routards, ceux qui sont clochardisés ou en courent le risque immédiat, etc.… ils n’ont pas non plus la même histoire, le même parcours; n’ont pas connu les mêmes difficultés. Le terme SDF englobe toutes ces personnes. Il est nécessaire de souligner que de part la diversité des individualités, les problématiques ne sont pas non plus identiques, il est donc impensable d’entrevoir le problème du logement sous un même angle pour tous.

Un toit pour un toit n’a aucun intérêt, il faut au préalable régler les problématiques liées à l’alcool, aux soins, à l’installation dans l’errance, à l’insertion professionnelle, aux problèmes psychiatriques pour certains, etc....,

Prendre de front le problème des grands exclus, ne pas vouloir cacher la misère pour la rendre moins visible.

Il existe des moyens en France, il faut les adapter, les faire évoluer en fonction de la population et non faire de l’hébergement tous azimuts, suite a un coup médiatique.

Agir dans l’urgence n’est pas la garantie de solutions pérennes.

Les éducateurs de rue qui travaillent au quotidien auprès des grands exclus savent qu’un public très marginalisé demande un accompagnement individuel soutenu avant de pouvoir entrevoir la mise à l’abri. Il apparaît nécessaire de dissocier les parcours de chaque individu, afin d’apporter les solutions adaptées à chacun.

Trop souvent certains ne savent plus gérer les moindres actes de la vie quotidienne et ne se projettent plus entourés de murs. La demande de logement ressemble à s’y méprendre à un fantasme protecteur.

Accompagner ne veut pas dire proposer une solution lors d’un rendez vous dans le seul but de "caser" la personne et avoir bonne conscience.

L'accompagnement passe par la rencontre des personnes sur leurs lieux de vie pour recenser les besoins afin de mettre en place progressivement des actions adaptées pour apporter la solution appropriée. Leur permettre de se réapproprier une identité de citoyens, ne plus se percevoir comme un clochard. Les considérer dans leur globalité, les conduire progressivement vers une solution pérenne, et non pas créer des « clochards à domicile ».

Le problème du logement pour certains individus ; « c’est l’arbre qui cache la forêt »…. Pour cette raison, ce sujet ne doit pas être un « fourre tout » où le contenant prendrait plus d’importance que le contenu.

Il y aura toujours des gens en marge de la société, l’utopie c’est de croire que tous doivent être logés, l’intégrisme, c’est de vouloir les loger sans respecter leur libre arbitre.

Vivienne LESTE, éducatrice spécialisée de rue

1 Educatrice de rue : allers vers les personnes sur leurs lieux de vie. Rencontrer toutes celles qui ne rendent plus dans les institutions. Etablir à nouveau une relation de confiance et faire avec la personne.

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