mardi 14 juin 2005
Dans la foulée du remarquable n° 753 de Lien Social consacré au théâtre en prison comme moyen de réinsertion., voici quelques commentaires et élargissements au débat.
Il existe un film Les enfants du désordre , réalisé en 1990 par la cinéaste Yannick Bellon, avec Emmanuelle Béart et Robert Hossein. Jacques Miquel, directeur du Théâtre du Fil y joue son propre rôle et des jeunes de la PJJ y ont participé. Ce film retrace, dans une fiction plus vraie que vraie, cette expérience singulière et il n’a pas pris une ride. On y voit une jeune fille, Marie, incarnée par l’épatante E. Béart, arrivée de prison au théâtre du Fil (de la Comète dans le film) avec un embarras de taille : elle a une petite fille et ne sait pas être mère. Le travail théâtral va lui permettre d’épouser et d’éprouver, sous couvert d’un personnage et du jeu d’acteur, les contours de cette fonction maternelle, pour finir par l’incarner avec sa fille.
L’expérience du Fil – lâchement laissé en rade par un Ministère de la Justice qui ne jure aujourd’hui que par l’esbroufe sécuritaire et l’enfermement des jeunes – témoigne de l’importance des médiations éducatives comme l’essence même de la profession, ce sur quoi il ne faut pas lâcher.
Malheureusement, et cela interroge autant les centres de formation que les pratiques de terrain, le même lâchage se produit un peu partout. C’est une forme de lâcheté et de démission. Où en est la rencontre éducative qui instaure une relation de confiance forte, dans le transfert, comme dit Freud, arrimée à une « faire ensemble », voire un « vivre ensemble ». Où sont les ateliers de création, d’expression, d’invention, de bricolage, animés par des éducateurs, comme autant d’Autres Scènes (re-Freud) sur lesquelles, grâce au partage d’une activité qui le passionne, un sujet peut donner forme à ce qui l’habite et qui lui fait violence ? Ces espaces de métabolisation, métaphorisation, transformation… constituent le fer de lance de l’action éducative. Relisons le bel article de Tony Lainé, tout simplement intitulé « l’agir », paru il y a quelques années dans la revue des CEMEA, Vers une Education Nouvelle.
Mais pour soutenir une telle position encore faut-il que les éducateurs eux-mêmes puissent disposer d’espaces d’invention, d’élaboration, de bricolage, comme je l’ai écrit souvent. Des lieux d ’échange comme la supervision ou l’analyse des pratiques, à partir de l’outil que je nomme instance clinique, ou encore des colloques et autres journées de bidouillages… A ce sujet j’invite tout un chacun à participer aux Entretiens du Travail Social qui se tiendront à Saint Etienne du 1er au 3 décembre 2005 (Contact : Afore : 04 77 59 36 50 ou sur le site de Psychasoc) Faute de quoi, comme on le voit monter en puissance, le rouleau-compresseur managérial, avec ses normes dures, normes Iso et autres démarches-qualité, risque de broyer la machine à inventer et à penser.
1 Sur cette question vois mon ouvrage, La parole éducative , à paraître en août 2005 chez Dunod.
médiations éducatives
Gesang Nolwenn
dimanche 29 novembre 2009