mardi 10 décembre 2024
« La réalité économique d’aujourd’hui dans les institutions,
et la supervision dans tout ça ? » 1
Q1-
Les professionnel.e.s verbalisent le fait que la réalité financière et économique dans les institutions prennent le dessus sur les valeurs défendues par les intervenant.e.s de la relation.
On a une mise en tension de deux éléments qui ne vont guère ensemble, du moins par les temps qui courent : « réalité financière et économique vs valeurs des intervenants de la relation ». Mais est-ce complètement antagoniste, ou bien s’agit-il d’être assez rusés (au sens de la métis des grecs anciens 2 ) pour résister et continuer à soutenir une éthique et une clinique de la relation en institution, laquelle relation est fondée avant tout sur des échanges de parole ?
La réalité socio-économique dans laquelle est plongé le monde actuel, décrit et analysé par mains auteurs, autant sur le plan de la sociologie, que de l’économie et même de la psychanalyse, a un nom : le capitalisme, dit aussi néolibéralisme. Né au début du XVIIIè siècle en Angleterre, chez des philosophes du libéralisme tel Bernard de Mandeville ( La fable des abeilles 3 ), elle a proliféré tout au long du XXè et dans ce début du XXIè. Le logiciel du capitalisme a infusé toute la pensée économique d’Adam Smith à Friedrich Hayek. Trois siècles plus tard, certes nous sommes plus riches, mais à quel prix : les 1% des plus riches possèdent désormais autant que les 99% restants. Et au prix de la destruction du monde de l’humain et de la planète. L’impératif du capitalisme est le suivant : libre circulation des biens et des pulsions excitées par les machines du spectacle : télé, réseaux sociaux, Internet etc. (cf. Guy Debord, La société du spectacle 4 ) Tout ceci est connu.
La Fable des abeilles , The Fable of the Bees: or, Private Vices, Publick Benefits en anglais , est une fable politique de Bernard Mandeville , parue en 1714 . « Soyez aussi avides, égoïstes, dépensiers pour votre propre plaisir que vous pourrez l’être, car ainsi vous ferez le mieux que vous puissiez faire pour la prospérité de votre nation et le bonheur de vos concitoyens. » Bernard de Mandeville : « Les vices privés font la vertu publique ». Ce miracle est permis par l'intervention d'une Providence divine (cf. la fameuse « main invisible » postulée par Adam Smith ).
Comment les institutions sociales, médico-sociales, sanitaires, scolaires etc. échapperaient-elles à cette folie destructrice ? L’impératif économique et le chiffre y sont rois, au détriment de la clinique du sujet, qui prend en compte chacun un par un, à partir de ce qu’il dit. La marchandisation de ces métiers de l’humain est en marche. Les conséquences sur les professionnels y sont patentes : désaffection des métiers, turn-over, perte de sens, épuisement, perte des repères qui balisent l’activité (collectif, équipe, institution) et en garantissent les valeurs et l’éthique. C’est la valeur marchande qui domine et les modalités de la parole et de l’échange, qui structurent toute forme de socialité, défaillent, sont refoulées, perverties.
La chute des idéaux et des valeurs religieuses ou laïques, l’avènement d’un scientisme envahissant, notamment issu des neurosciences, la montée en charge d’un libéralisme débridé, l’éclatement des collectifs, l’exacerbation autant de l’individualisme que des communautarismes, les bouleversements de la structure familiale, l’explosion des populismes, la virtualisation des liens sociaux, la mise en place d’un management féroce dans beaucoup d’institutions, instaurant une exigence de rentabilité doublée d’évaluation quantitative, le déferlement de protocoles et d’injonctions de bonnes pratiques… ont bouleversé l’environnement social. Le monde capitaliste, gangréné par la marchandisation de tout ce qu’il y a sur terre, a gagné petit à petit le champ du travail social. Les conséquences bien évidemment induisent des bouleversements dans les pratiques quotidiennes, où pas mal de professionnels se disent « déboussolés ».
Les populations prises en charge sont de plus en plus affectées par le délitement du lien social, dont l’ambiance n’est guère à la solidarité. L’explosion des inégalités plonge les intervenants sociaux dans une course sans fin pour faire respecter les droits élémentaires des citoyens. Les dérèglements géopolitiques qui multiplient les conflits armés sur la planète amènent les travailleurs sociaux à accueillir des milliers de réfugiés, notamment des très jeunes (MNA) ; la montée des intégrismes les pousse à se pencher sur des jeunes « radicalisés », soit dans la délinquance, les addictions, les conduites à risque ou le passage à l’acte ; la désaffection de l’État pour les soins psychiques conduit les travailleurs du social à côtoyer des sujets psychotiques alors qu’ils n’y sont pas vraiment préparés etc.
« Cantonnés à une vision presque exclusivement comptable de l’accompagnement des publics les plus fragiles, les décideurs ne parviennent plus à prendre la mesure de l’étendue des besoins ». (Enquête de J. Rouzel et S. Fournier, « Éducateur spécialisé : un métier en danger ? », 2023 paru dans VST. 2023/4 n° 160)
Longtemps le secteur social s’est cru à l’abri des mouvements financiers qui agitent le monde. Au tournant des années 70 le passage s’est effectué d’un capitalisme industriel à un capitalisme financier. L’arrivée récente dans les projets éducatifs des SIB ( Social Impact Bonds , Contrats à impact social.), le premier signé par La Sauvegarde du Nord en 2016, force à déchanter.
Petite provocation en pays protestant 5 : si Luther a contribué à l'essor du rationalisme moderne, selon Max Weber, c’est dans le calvinisme que le capitalisme trouve sa véritable source. En effet, Luther transforme la représentation du travail, mais il reste attaché à une vision conservatrice du monde. Le calvinisme exercera, lui, une influence proprement révolutionnaire. Weber en trouve l'origine dans les effets psychologiques exercés chez les fidèles par le dogme de la prédestination . Selon Jean Calvin , Dieu a de toute éternité destiné certains hommes au salut et condamné les autres à l'enfer (dogme du double décret ou de la prédestination). Le fidèle calviniste va alors chercher dans son activité professionnelle les signes de sa confirmation : la réussite dans la recherche des richesses lui semblera être le témoignage de son statut d'élu. Seuls, en effet, les élus peuvent avoir du succès dans l'activité que Dieu a donné à accomplir aux hommes pour sa plus grande gloire, c'est-à-dire dans le Beruf (la profession) comme vocation. Pour s'assurer de leur statut d'élu, les calvinistes vont ainsi transformer leur vie en une recherche méthodique des richesses dans le cadre de leur profession ; bien entendu, il est hors de question de transformer les richesses ainsi produites en luxe ou démonstrations ostensibles. C'est dans cette ascèse , centrée sur l’acquisition rationnelle de richesses, que le capitalisme trouvera, selon Weber, l'impulsion fondamentale à son essor. Avec Calvin, Mandeville et quelques autres on s’aperçoit que le capitalisme n’est pas une pure économie, mais qu’il est largement alimenté par des croyances et des idéologies qu’il s’agit d’interroger.
La ruse, la mètis : une justice distributive. La justice distributive est, selon Aristote , la « première espèce de la justice particulière qui s'exerce dans la distribution des honneurs ou des richesses ou des autres avantages qui peuvent être répartis entre les membres d'une communauté politique. » (Aristote, Politique , Livre III, IX, 1280 a 16 - 22 ; Livre III, XII, 1282 b 24 - 34.) Chacun selon ses moyens. Cf. Freud pour la polyclinique de Berlin qui conseille à Max Etingon et Karl Abraham de réserver une séance gratuite sur dix pour que les habitants des quartiers populaires puissent bénéficier de la cure analytique.
D’où l’intérêt en phase préliminaire lors de la demande de supervision d’analyser la demande aussi dans ses aspects financiers. Question : « Vous êtes prêt à miser combien ? » Deux critères : la réalité du budget ; l’investissement dans ce travail. Ça n’a rien d’évident lorsque des directeurs doivent chercher des financements pour faire fonctionner un espace de travail dont ils ne sauront rien, sur lequel ils n’ont pas de prise, qui leur échappe (règle de confidentialité). Il faut donc pouvoir les embarquer, pas seulement sur le plan financier, mais qu’ils soient partie-prenante, en leur faisant valoir ce qu’apporte la supervision au niveau institutionnel en remobilisant le désir des intervenants et le sens de l’action (plus grand engagement des professionnels, réduction des absences, lutte contre le burn-out etc.)
Q2- Comment rendre l’impossible possible ?
C’est bien parce qu’il y a de l’impossible qu’il y a aussi du possible. Donc il ne s’agit pas de rendre l’impossible possible, c’est… impossible, mais de repérer l’impossible, noyau dur du réel, pour dégager des espaces du possible. Nous passons beaucoup de temps à lutter contre l’impossible, et c’est épuisant, au lieu d’apprendre à faire avec.
On a trop donné la parole à des experts qui, en réduisant ces métiers à des protocoles, des procédures, des évaluations chiffrées… en dénient l’aspect fondamental de la relation. Dans la crise actuelle il s’agit de refonder la dignité des métiers du soin et du travail social en se recentrant, au-delà des droits légitimes des citoyens, sur la fonction de la parole. Et de renouer avec une clinique de la rencontre humaine. Nos métiers et les liens que nous tissons dans nos institutions sont et seront ce que nous en faisons et en ferons.
« L’impossible nous ne l’atteignons pas, mais il nous sert de lanterne », René Char.
Souvenons-nous que pendant l’ Occupation, René Char, sous le nom de «Capitaine Alexandre », participe, les armes à la main, à la Résistance, « école de douleur et d’espérance », écrit-il.
Le combat de René Char et de ses camarades était clair et l’ennemi visible : le nazisme. Mais aujourd’hui l’ennemi est invisible, il est même tapi au cœur de chacun d’entre nous. Ce que nous nommons capitalisme ou néo-libéralisme est une tentative folle, qui se répand sur toute la planète, de réduire tout ce qui existe à l’état de marchandise. Et pour cela le capitalisme instille dans les corps et les esprits l’idée que tout est permis, qu’il faut faire sauter la butée de l’impossible. Nous sommes tous pris par cette démesure. Or comme le chantait Bernard Lavilliers en 1984 si « Tout et permis, rien n’est possible ».
La modernité a créé Un monde sans limite 6 , toxique, qui détruit les relations humaines autant que la planète sur laquelle nous vivons.
On le voit bien, dans ces métiers de l’humain qui essaient tant bien que mal de maintenir à bout de bras un lien social vivant, le sens se perd. Enseignants, soignants, travailleurs sociaux sont en difficulté et se heurtent à cette déliquescence.
L’impossible ( Unmöglich ) est une référence à la préface que Sigmund Freud rédigea en 1925 pour l’ouvrage de l’éducateur August Aichhorn 7 . Il y rappelle les limites et l’impossible des métiers dont le cœur est la relation. Ces métiers (diriger, éduquer, soigner) sont voués à des résultats aléatoires et insuffisants. En effet l’acte de soin, l’acte éducatif, l’acte politique peuvent être jugés « opérants », mais certainement pas « exacts » au sens scientifique.
En 1925, Freud dans cette préface à l’éducateur August Aichhorn, que l’on trouve dans le petit bouquin que j’ai publié en 2022 8 et qui fut à l’origine d’un colloque qui réunit 300 participants à Marseille, parle de ces trois métiers de l’impossible. Mais il précise dans un autre texte en 1937 ( Analyse finie, analyse infinie ) que, s’il y a de l’impossible dans les métiers de diriger, d’éduquer et de soigner (il écrit en 1937, psychanalyser), c’est « parce qu’on peut être sûrs d’un résultat insuffisant ». Voilà qui entame sérieusement nos idéalisations et qui devrait nous calmer dans nos prétentions à tout maitriser. Il y a un point de butée, de castration, un point de réel, donc un impossible. Cf. La réponse à Marie Bonaparte qui s’enquérait auprès de Freud de : « comment être une bonne mère ? » : faites comme vous voulez, mais ça ne sera jamais bien !
Freud dès 1915 – et ça fera scandale - nous avertit que la pulsion première, c’est la pulsion de mort. Ce que Lacan dénommera : la jouissance. Et la survie des civilisations dépend de la lutte permanente, du détournement incessant de la pulsion de mort par la pulsion de vie. En 1929 il précise que « L’homme n’est point cet être débonnaire, au cœur assoiffé d’amour, dont on dit qu’il se défend quand on l’attaque, mais
un être au contraire qui doit porter au compte de ses données instinctives une bonne somme d’agressivité. Pour lui, par conséquent, le prochain n’est pas seulement un auxiliaire et un objet sexuel possibles, mais aussi un objet de tentation. L’homme est en effet tenté de satisfaire son besoin d’agression aux dépens de son prochain, d’exploiter son travail sans dédommagements, de l’utiliser sexuellement sans son consentement, de s’approprier ses biens, de l’humilier, de lui infliger des souffrances, de le martyriser et de le tuer. Homo homini lupus : qui aurait le courage, en face de tous les enseignements de la vie et de l’histoire, de s’inscrire en faux contre cet adage ? » 9 |
Homo homini lupus , l’homme est un loup pour l’homme. Alors à ce loup il faut lui limer les dents, lui poser des limites, bref l’apprivoiser. « C’est quoi apprivoiser ? demande le petit prince au renard - Apprivoiser, c’est créer des liens. » 10
La supervision peut donc être considérée comme un mode de traitement de la jouissance (pulsion de mort) qui excède chacun. Dans les métiers de l’humain les professionnels sont profondément affectés par ce qui se joue et se transfère dans la relation. A travers l’imposition d’un cadre, mais aussi grâce à l’invitation à parler, se jouent des effets de castration, de « pastout », pas tout dire, pas tous en même temps etc.
Exemple de traitement de la haine. Une éducatrice après une séance où elle avait déversé toute sa haine pour un enfant qui lui faisait les pires misères, constate dans l’après-coup : ce n’était plus le même !
Q3- Comment accompagner les professionnel.e.s et les outiller face à ce qui que se dit « de la réalité économique » ?
Deux mots : accompagner et outiller .
Accompagner : du latin, ad-con-panis : partager le pain avec un but commun, idée de compagnons de route ; outillage : il faut disposer pour penser l’action « d’outils conceptuels » (Michel Foucault).
La question souligne bien que l’économie relève d’un dire, d’un discours, qu’il s’agit donc de décrypter.
Or il faut penser l’économie dans toutes ses dimensions. Pour le comprendre il faut revenir à l’origine du mot : Oïkos , la maison ; oïkein , habiter ; Oîkonomos , qui administre sa maison. L’économie, que l’on réduit à l’économique, concerne donc la façon dont on administre la maison de hommes, notre habitable humain, ce que Lacan désignait comme « humus humain ». Il faut donc décliner une économie symbolique fondement des échanges de parole et de langage ; une économie politique , qui interroge profondément les bases de notre démocratie (c’est aussi une question institutionnelle) ; et enfin une économie psychique que découvre Freud, à savoir que « nous ne sommes pas maîtres en la demeure » et qu’il s’agit donc d’apprendre à faire avec l’inconscient qui nous gouverne et qui se manifeste au grand jour dans les lapsus, les actes manqués, les rêves, les passages à l’acte, les symptômes etc. Sachant que dans l’homme ça parle. Donc rétablir économie psychique, économie symbolique, économie politique.
L’économie ne se réduit pas au Divin marché 11 du capitalisme qui réduit tout ce qu’il y a sur terre à l’état de marchandise. Pour en sortir, il s’agit d’abord de sortir le capitalisme hors de soi, avec la perspective d'une nouvelle Renaissance . Une nouvelle dynamique du type de celle du Quattrocento , initiée par Pic de la Mirandole , qui a su retrouver les fondements grecs de la civilisation et s'y appuyer pour dépasser l'enlisement dans des dogmes obscurs. Le philosophe Dany-Robert Dufour par exemple propose de reprendre le processus civilisationnel, là où il fut interrompu, pour qu'advienne l'individu enfin réalisé, fruit de la civilisation occidentale, osant enfin penser et agir par lui-même tout en reconnaissant à l'autre les mêmes droits à l'individualisation que les siens. Soit un individu guéri de l'égoïsme actuellement érigé en loi universelle (le self-love d'Adam Smith) et prévenu contre toutes les formes de grégarité (celles des barbaries récentes des foules fanatisées et des masses collectivisées et celle, actuelle, de la tyrannie sans tyran de la consommation de masse). Les dictatures populistes, autre nom du fascisme, qui se répandent comme traînée de poudre sur la planère devraient nous, mettre la puce à l’oreille sur le danger qui guette, le retour de « la bête immonde ».
On attribue souvent l'origine de l'expression « bête immonde » à une réplique de l'épilogue de la pièce La Résistible Ascension d'Arturo Ui (satire de l'ascension d' Adolf Hitler ) écrite par Bertolt Brecht en 1941 :
« Le ventre est encore fécond d'où a surgi la bête immonde. »
Mais le texte original de Brecht (en allemand : « Der Schoß ist fruchtbar noch, aus dem das kroch » ; littéralement : « Le ventre est encore fécond d'où c'est sorti en rampant ») n'utilise pas cette métaphore : le nazisme , en l'espèce, est seulement désigné par le pronom neutre allemand « das », signifiant « ça, cela ».
Q4- Comment prendre soin des intervenant.e.s de la relation ? Il y a des grandes souffrances au travail – instabilité des équipes – turnover – frustrations.
Ici insiste le « prendre soin ». Et une demande du « comment ?». Le comment renvoie plutôt à de l’invention en fonction des situations. Je ne crois guère aux recettes de cuisine. Si l’on pense clairement le « prendre soin » chacun trouvera en fonction des circonstances la façon de s’y prendre.
La supervision dans un tel contexte prend un aspect subversif et révolutionnaire. Redonner sa place à la parole de chacun, seule condition objective pour faire lien social, dérange. Re-susciter le désir de travailler, aimer et jouir des petits bonheurs qu’offre la vie (ce que Freud plaçait à l’horizon de la cure analytique) fait figure de contestation. Restaurer la parole, là où La haine de la parole 12 domine, constitue alors une mesure de salut publique. D’où l’importance que les superviseurs s’outillent de concepts éclairants, autant sur le plan social que psychique, pour soutenir des possessionnels en souffrance, comme le sont les populations qu’ils accompagnent. 13
Les espaces de supervision, étant donné le contexte délité des institutions sont souvent envahis par les plaintes de professionnels. Mais on ne saurait se cantonner au registre d’accueillir la plainte qui relève toujours d’une promotion de « la belle âme » (Hegel) chez le plaignant, et d’une dénonciation d’un autre coupable. Prendre soin c’est donc amener chacun à prendre soin de soi, donc à repérer et assumer dans chaque situation sa propre responsabilité. « De notre position de sujet, nous sommes toujours responsables. » 14
Q5- Comment promouvoir la supervision sur les autres champs autres que la santé et le social ?
A l’hôpital, en milieu scolaire, voire dans les entreprises… Il s’agit bien de faire l’ouverture là où des professionnels sont en souffrance. Il s’agit toujours, comme l’énonçait François Tosqulles de soigner l’institution. Par exemple, un collègue psychanalyste de Strasbourg, Richard Hellbrunn, est intervenu auprès d’employés d’une banque traumatisés à la suite d’un braquage. A Psychasoc 15 nous avons mené une supervision pendant plusieurs années auprès de gendarmes.
Reste la question : comment faire ouverture ? Comment faire savoir ? Il y a trop peu d’écrits et de témoignages. Sortir de l’entre-soi… Extension du domaine de la lutte , mais contrairement à l’anti-héros du roman de Michel Houellebecq qui porte ce titre et qui démissionne devant l’inhumanité de la société, il y a lieu de ne pas perdre espoir. 16
Joseph Rouzel, psychanalyste, superviseur, directeur de l’Institut européen psychanalyse et travail social, membre de la Fondation européenne pour la psychanalyse, ancien éducateur, écrivain.
rouzel@psychasoc.com
Quelques lectures :
- Guy Debord, La société du spectacle , Gallimard, 2018.
- Dany-Robert Dufour, Baise ton prochain. Une histoire souterraine du capitalisme , Actes Sud, 2019.
- Claude Allione, La haine de la patole , Les liens qui libèrent, 2013.
- Joseph Rouzel, La planète-camp : psychanalyse de l’extermination , L’Harmattan, 2023.
- Joseph Rouzel, La supervision d’équipes en travail social , Dunod, 2013.
Notes:
1 Questions soulevées par Hakim Ghemour, membre de l’Association romande des superviseurs ? J’ai tenu cette conférence lors de l’assemblée générale de cette association très active en Suisse le 9 novembre 2024 à Genève.
2 Marcel Détienne et Jean-Pierre Vernant, Les ruses de l'intelligence. La mètis des Grecs, Champs-Flammarion, 2018.
3 Bernard de Mandeville, La fable des abeilles , Présenté par Dany-Robert Dufour, Pocket, 2017.
4 Guy Debord, La société du spectacle, Folio-Gallimard, 1996.
5 Max Weber, L'Éthique protestante et l'esprit du capitalisme , Paris, Pocket/Plon, collection Agora, 2010.
6 Jean-Pierre Lebrun, Un monde sans limite , érès, 2009.
7 J’ai republié en 2000 ce texte d’Aichhorn daté de 1925, devenu introuvable, avec la préface de Freud, Jeunes en souffrance, Éditions Champ Social.
8 Sigmund Freud, Trois métiers impossibles. Avec les commentaires de Joseph Rouzel, Jacques Cabassut, Marie- Jean Sauret (Sous la direction de Joseph Rouzel), L’Harmattan, 2022.
9 Sigmund Freud, Le Malaise dans la civilisation, Points-Essais, 2010.
10 Antoine de Saint Exupéry, Le petit prince , Poche, 2007.
11 Dany-Robert Dufour, Le Divin Marché. La révolution culturelle libérale , Denoël, 2007.
12 Claude Allione, La haine de la parole , Les Liens qui Libèrent, 2013.
13 Sur les concepts je renvoie à mon ouvrage La supervision d’équipe en travail social , 2 ème édition, Dunod, 2015.
14 Jacques Lacan, « La science et la vérité », Écrits , 1966.
15 http://www.psychasoc.com
16 Michel Houellebecq, Extension du domaine de la lutte , Poche, 2010.