mercredi 05 avril 2006
La loi c’est la loi, la loi n’est pas le projet… J’ai récemment entendu une avocate exprimer cette assertion qu’elle éclairait de la manière suivante :
Nous connaissons actuellement une floraison de propositions de lois, dont chacune touche à la composition même et au fonctionnement de notre société : projet de loi sur l’immigration, proposition de loi sur la prévention de la délinquance, proposition de réforme de la protection de l’enfance … sans parler du CPE !
Pourtant, dans la médiatisation qui est faite de ces textes, il n’est fait nulle part mention d’un projet de société dont ces lois seraient l’expression ; il y a même un déni de l’idéologie ; la situation globale de notre société « nécessiterait » évidemment ces évolutions législatives. Interrogeons-nous tout de même sur cette articulation entre loi et projet, et sur l’absence de lecture symbolique des idéologies qui sous-tendent ces textes de loi.
Mon propos n’est pas ici d’analyser un fonctionnement politique (encore faudrait-il que j’en aie les compétences, quoique je sois, comme beaucoup d’entre nous, citoyen de ce pays), mais d’éclairer, sur un plan professionnel, cette problématique de l’articulation entre loi et projet.
Il y aurait bien sûr à définir la notion de loi ; s’agit-il de la LOI, de textes de loi, de décrets, d’ordonnance, de règlement ? Disons pour résumer que les lois font la LOI, qu’elles ont une valeur symbolique, et que dans leur pratique courante, les travailleurs sociaux y font constamment référence ; elles constituent un cadre essentiel à leurs missions et à leurs pratiques.
La notion de projet est devenue également un paradigme du travail social : projet d’établissement, projet personnalisé, pédagogie par projet, le terme est omni présent et recouvre une réalité quotidienne largement renforcée par les dispositions de la loi du 2 janvier 2002.
Dans ce contexte, ce qui nous intéresse, c’est comment chacun d’entre nous, dans son action éducative, articule ces deux notions.
La réponse éducative se situerait ainsi à 3 niveaux :
Prenons l’exemple de Jason, 10 ans, qui refuse régulièrement de faire ses devoirs, le soir après l’école.
Ce qui lui sera également signifié, c’est que son attitude apparaît comme un refus de ce que ses enseignants lui ont demandé et de la règle scolaire.
Ces rappels à la règle sont certes indispensables et constituent une première réponse, souvent considérée comme un axe éducatif prépondérant ; ils font référence à la norme sociale et à son intégration.
Ils désignent cet enfant comme « coupable » (je force volontairement le trait) d’une transgression et de ce fait, passible d’une sanction qui aurait comme valeur symbolique de permettre l’intégration de la Loi (notons que cette intégration concerne le jeune comme elle nous a bien évidemment concerné).
Cette forme de réponse ne situe plus le jeune dans une transgression de la norme, mais dans une difficulté, une perte de continuité vis-à-vis de lui-même et de son projet personnalisé. La réponse éducative se situe alors dans un accompagnement permettant à ce jeune de se réapproprier son projet initial.
Notre réponse ne situe plus le jeune dans une problématique individualisée, mais plutôt comme l’interlocuteur d’un don symbolique, au cœur d’un projet de société, où chacun a le droit et se doit de découvrir ce qui constitue le socle des connaissances humaines. Ne pas laisser l’enfant ou l’adolescent dans l’ignorance, leur donner l’envie d’apprendre, leur permettre de sortir des déterminismes sociologiques et des caricatures dans lesquelles ils sont enfermés, c’est une réponse éducative qui se situe du côté du désir, de l’engagement et du projet social.
La prise en compte de ces dimensions nous permet de décaler notre regard, nos habitudes, et de la tendance actuelle à ne considérer que ce qui dysfonctionne : le symptôme, le trouble du comportement, le refus, etc.
Comme nous avions vu précédemment que l’action éducative peut se décliner dans ses dimensions éducative, pédagogique et thérapeutique, nous postulons ici qu’elle ne fait pas uniquement référence à l’intégration de la loi, elle s’articule aussi avec la notion de projet, dans une dimension symbolique d’accompagnement et de transmission.