mardi 10 juin 2008
L’institution structurée comme un langage (Congrès Psychasoc de Montpellier)
MELI MELO STRUCTUREL
la parole au bout de la langue
Avec la prise de parole, le passage de la langue au langage c'est l'accès du code et de la règle à des approximations, des ratés, des contresens, des lapsus, des métonymies et des métaphores qui font débat et, parce qu'ils relient et confrontent, enrichissent la langue et les parleurs.
Le langage humain ne dit pas vrai, il permet le côtoiement des représentations, les rapprochements d’un imaginaire à l’autre.
L’institution est alors sans doute la focalisation d’imaginaires autour de réels passages à l’acte.
Et le lecteur attentif s'en doute, ce "sans doute" là est indécis.
Alors si l'institution parle, elle utilise :
un vocabulaire pour nommer, classer, énoncer ,
une grammaire pour construire, organiser, déduire ,
une syntaxe pour lier, articuler, interagir .
Et si l'institution prend la parole, qu'a-t-elle à dire ?
Dans l'institution Foyer d’Accueil et de Promotion Hubert-Pascal il me semble bien que depuis vingt ans on parle plus pour comprendre que pour dire.
Cette situation est certainement fortement induite par la présence, dès les débuts de l'institution, de nombreux stagiaires qui interrogent nos classements, nos énonciations et nos propres compréhensions de nos objectifs et nos pratiques.
Outre l'apostrophe individuelle qui confronte chaque professionnel à ses capacités d'énoncer du sens, et du sens partagé avec ses pairs, l'équipe est interpellée dans cette affaire par les centres de formation qui interrogent les qualités techniques et éthiques du sens énoncé et renvoie chacun et l'institution à une nécessité de cohérence collective.
Comme ces interpellations s'ajoutent à celles des familles et celles des "autorités de contrôle et de tarification, "parler" nous est donc nécessaire pour se rendre compte et comprendre, avant de convaincre ou rendre des comptes ; "parler" nous est aussi indispensable pour agir ensemble et instituer.
Ainsi comme dans une recherche-action, le chemin se fait en marchant, la mise en œuvre est préalable à l'analyse des pratiques, laquelle débouche parfois sur la conceptualisation des pratiques.
Finalement, le discours institutionnel en construction permanente se lit dans l'après coup, et le directeur n'en est pas le seul répondant. Le visiteur doit donc être averti à chaque détour du chantier institutionnel :
Attention travaux, Attention aux travailleurs.
Le travail social au bout du compte
Comme s’il pouvait exister du social en dehors d’un travail, comme si le social pouvait être autrement qu’en construction ; construction toujours idéalisée, toujours approximative et garnie d’imprévus
Parce que l’homme a perdu ses références animales instinctuelles, il est obligé de se construire des références palliatives pour ajuster ses comportements et savoir ce qui est bon, bien, juste, beau.
L’éthique et l’esthétique sont donc les marques de l’humanité et les fondements de l’organisation sociale.
Et le social est à la fois une idéologie et ses formes d’actualisation dans le quotidien.
Le travail social est donc autant politique que technique.
Cette dualité fait écho à celle de l’homme, à la fois esprit incarné, qui comme un ongle exacerbe la bête, et corps spirituel à l’instar des champions, "nez", sommeliers, virtuoses et autres artistes …
Le travail dans l'institution Foyer d’Accueil et de Promotion Hubert-Pascal sollicite l'engagement complice des corps et des esprits dans la construction d'un environnement bienfaisant et d'interactions vivables.
Le travail, parce qu'on en est réduits à parler, nécessite aussi d’être complices pour se comprendre un tant soi peu. Parler, dire, c’est proposer une approximation de sens pour essayer de se faire comprendre. L'un parle, l’autre écoute, essaye de comprendre, c'est-à-dire de tente de trouver une approximation faisant écho de façon non discordante. Ces deux positions sont solidaires et indépassables.
Notre travail social éprouve constamment ces complicités fondatrices, et tente parfois de les consolider.
DU VOCABULAIRE INSTITUTIONNEL
Dans l’institution Foyer d’Accueil et de Promotion Hubert-Pascal, on se parle de l’institution, on s’en explique, on s’en parle comme de quelque chose sur quoi on est en situation de responsabilité, de pouvoir et de dépendance, de coordination et de subordination. Du même coup chacun a donc autorité pour parler de l’institution à l’extérieur et agir au nom de l’institution en fonction de son rôle et ses responsabilités.
Peut être partage-t-on alors parfois la sensation que quand on construit cette institution elle nous construit, qu’elle nous appartient autant qu’elle nous dépasse.
Comme si cette entreprise était la notre, avec un peu de culture d’entreprise, … et que nous soyons intéressés aux bénéfices.
Quel langage dans le social ! … quoi que … comme les négociations salariales individuelles et les bénéfices sont absents de nos institutions où les salaires sont fixés conventionnellement et où le fonctionnement est financé par des fonds publics, l’intéressement ne peut-il pas se reporter au moins sur nos choix de qualité des conditions de travail, sur un certain plaisir d’entreprendre ensemble et d’en recevoir de belles images ?
Pour parler de l’institution Hubert-Pascal on se réfère facilement à quelques expressions ou mots couramment employés au cours de nos pratiques quotidiennes. Par exemple :
dans le titre, les mots "accueil et promotion", qui transforment l’adjectif qualificatif "occupationnel" en ébauche de projet institutionnel : au moins accueillir de façon confortable et dynamique et promouvoir les capacités et compétences des personnes
dans l'appellation de certains ateliers ou activités: "Centre Ressources Images", "Centre Echanges et Documentation", "Comité de Gestion" …
dans des positions de principe, "on est entre adultes" les autorisations et interdits sont les mêmes et valables pour tous, "faire crédit à l’autre" de ses bonnes intentions et ses compétences, "il n’y a pas de personnes indignes, mais des mises en situation indignes", on est responsable des situations qu’on propose ou impose à l’autre. "chacun est parfois acteur, parfois spectateur". Il n'y a pas de cas lourds, et le spectateur n'est pas un inactif inutile : il sollicite l'éducateur et l'environnement à produire un spectacle de qualité suscitant l'intérêt des spectateurs.
dans des formules : "utilité sociale", "négociation sociale", "participation sociale", "Sujet, citoyen,adultes", qui donnent des entrées pour mettre en œuvre l’injonction « faites de l’intégration sociale ».
dans d'autres formules : "théâtraliser nos actions", "Chacun est compétent pour sa vie", "Chacun a de bonnes raisons de dire et d'agir comme il le fait",qui donnent des entrées pour s'adresser à l'autre.
Finalement, vingt ans de cheminement commun, nous permettent d’écrire au
un sous-titre en forme de devise :
Faire avec, faire ensemble, faire société, faire des égaux
Faire avec , c’est faire avec la perte et l’irréductible, qu’il s’agisse des manques, des paradoxes et des limites ou bien des blessures, des défauts et désaccords, des différences, des imperfections,
Faire ensemble , c’est prôner la complicité et la mutualisation des diversités, en réponse à l’adversité, aux incapacités et incompétences individuelles. C’est admettre que la différence enrichisse lorsqu’elle n’est pas posée comme le résultat d’une soustraction mais comme l’addition d’aptitudes et spécificités diverses.
Faire société , c’est essayer des dispositifs et des mises en situation pour cheminer ensemble, instituer des modes de partage et d’échange, et construire un imaginaire partagé.
Faire des égaux , c’est surtout ne pas mettre tout le monde à la même place mais faire valoir pour tous le droit commun et affirmer l’humanité et l’"adultité" irréductibles de chacun, ni différentes, ni partageables
DE LA GRAMMAIRE
Mais y a-t-il une grammaire générative à cette affaire pourrait on écrire une autre institution sur ces bases ou bien "Hubert-Pascal" n’est-ce qu’un précipité instable et fortuit ?
Du coté des particularités non reproductibles il y a la dimension historique : une création, ou peut être une refondation comme il se dit parfois, mais sans cimetière des éléphants puisque tous les financeurs, dirigeants et professionnels étaient nouveaux, et qu’il s’agissait pour eux de reformater un équipement hors jeu et usé pour lui redonner une utilité et une forme actuelles.
En dehors de deux préfabriqués, des pins et des écureuils répartis sur les six mille deux cents mètres carrés de pinède municipale en proximité du centre ville de Nîmes, les seuls permanents dans cette affaire, et ce n’est peut être pas anodin, furent la vingtaine de personnes adultes handicapés qui au cours de l’été 1987, changèrent de lieu sans bouger, passant d’une école spéciale municipale à des ateliers occupationnels, mais en fait restant chez eux pour accueillir de nouveaux aidants.
Dans l’élaboration de la grammaire générative institutionnelle, du coté des particularités influentes nous mettrons la conjonction entre des engagements militants publics et des engagements militants privés, d’abord soucieux d’un équipement social utile, de qualité, et dynamique, et pour ce faire responsabilisant les professionnels quant à leurs choix et leurs pratiques.
Nous retiendrons également comme influente, la nature des prestations en jeu. Il s’agit ni de soin, d’éducation, d’enseignement, de formation, de travail, "simplement" d’aide sociale pour des « incapables majeurs », des « enfants prolongés » définitivement et abusivement. Hors des cadres du soin, de l’éducation spéciale, ou du travail protégé, la liberté de tout faire nous oblige alors à ne pas faire n’importe quoi.
Consigne ou mission, « faites de l’intégration sociale » nous était-il dit, nous amenant du même coup à chercher ce qui pouvait bien intégrer des incompétents à l’emploi, ce qui pouvait faire lien et valeur entre eux et "les vrais gens".
En conséquence, du coté de ce qui nous semble reproductible, peut être mettrions nous en premier la dimension environnementale, c'est-à-dire l’affirmation forte que l’institution est d’abord un lieu de vie, notre environnement .
Un lieu de vie c’est-à-dire un lieu où, bénéficiaires et professionnels passent une bonne partie de leur temps, de leur vie, un lieu où pour partie on se construit dans le même temps qu'on se réalise. Un lieu de développement de la personne et du soi social , un lieu où se construisent et se confrontent nos représentations de nous et du monde,
Notre environnement c’est-à-dire ce dont on dépend et ce sur quoi on agit.
De ces faits, un lieu dont l’usage et la configuration nous concernent fortement et qu’il convient donc d’investir nécessairement . Un lieu où s’interrogent les dépendances et les interdépendances .
En rapprochant ces deux groupes propositionnels on arrive facilement à un premier énoncé obligeant à construire l’institution sur un mode participatif et sur un mode exploratoire .
Du coté de la participation , il s’agit bien pour le professionnel de ne pas se poser en tiers forçant l’étroitesse des voies intégratrices des uns et des autres, mais d’entreprendre ensemble, de produire et vivre ensemble des évènements, des échanges, des réalisations, de faire lien autant que de travailler les images et représentations .
Pour le bénéficiaire la participation commence par le droit de choisir ses engagements ses responsabilités, son emploi du temps et de pouvoir intervenir sur les projets autant que sur les modalités et les règles de fonctionnement de l’institution. C’est d’être un interlocuteur valable et conséquent .
Du coté de l’ exploratoire , il s’agit de poser l’institution comme de la construction à entreprendre, plutôt que des modèles et des théories à appliquer :
Du coté des salariés, des pratiques professionnelles auprès d’adultes à expérimenter et conceptualiser ,
Du coté des usagers des compétences personnelles à explorer, à risquer .
Il s’agit pour tous d’accepter d’essayer pour trouver, et de savoir qu’errements et ratages sont des phases inhérentes à toute démarche créative et d’"intelligation" (du verbe intelliger créé par Marcel JOUSSE qui pourrait signifier l’accession corporelle et mentale à l’intelligence des choses et des situations).
L’institution comme lieu d’"arpentage du champ des possibles" selon une formule chère à Claude MOUNOUD.
L’institution est à créer ; l’institution doit être créative ; la démarche créatrice alimente nos pratiques institutionnelles nous interrogeant sur les chemins qui mènent de la création à l’oeuvre.
DE LA SYNTAXE ET DES ARTICULATIONS INSTITUTIONNELLES
Et puisqu’il s’agit ici de jouer au langage, on peut dire que "l’agir", "la transformation" et la "représentation" , sont les conjonctions de coordination qui relient l’exploratoire au participatif, l’environnemental à l’intégratif.
Quant aux compléments circonstanciels de manière ils s’articulent sans doute autour de la responsabilisation et la garantie, la théâtralisation et les mises en situation, la négociation , les systèmes complexes et les logiques d'acteurs.
« L’institution n’est pas l’établissement mais ce qu’ un groupe humain institue pour agir ensemble . » spécifie l'énoncé de Joseph ROUZEL ; L’institution est un champ d’action. L’institution c’est la focalisation d’imaginaires autour de réels passages à l’acte.
L'agir dont parle Tony LAINE est un des fondements de nos pratiques d'ateliers.
Agir pour exister et vivre debout , se donner du pouvoir sur son environnement, agir pour adapter, agir pour transformer .
Dans les Ateliers d'Accueil et de Promotion Hubert-Pascal, l’action à pour perspective la transformation, bien avant la production . Mais les productions sont indispensables ensuite, car elles donnent accès aux représentations et aux analogies qui ouvrent la parole aux abstractions et aux concepts.
Agir et transformer , cela produit des images autant que des objets .
Les images et les objets matérialisent au devant de nous nos représentations, nos propositions de sens , qu'il s'agisse de soi ou du monde.
Et dans sa confrontation à la matière pour la mettre à sa main et adapter son environnement, la personne se transforme, sans qu’il s’agisse là ni d’un acte prémédité, ni d’un acte inconscient.
Alors l’équipe du Foyer d’Accueil et de Promotion Hubert-Pascal a eu besoin de conceptualiser un peu ses pratiques en général, et de création en particulier, pour prendre quelques distances avec les discours sur l’art et le handicap. En mars 2000 nous avons donc organisé un colloque avec pour titre "Création, Transformation, Humanité" qui nous a permis de publier "l’art ça nous regarde, préalables à des pratiques d’atelier", et de se ressouvenir que l’art et le social sont des résultats, des constructions sociales, des productions culturelles dont il ne faut pas mélanger l’objectif avec les moyens.
L’institution sociale ou médicosociale n’est pas essentiellement un lieu de pratique professionnelle et de développement technologique. Cette institution est d’abord un lieu de pratiques culturelles, d’élaboration de sens et de valeurs, à des fins d’éducation, de soins, d’appuis et de partages vis-à-vis de membres du groupe social.
Dans la construction grammaticale de la phrase, l’institution n’est pas sujet, mais complément circonstanciel de moyens.
En ce sens, c'est au moyen de la reconnaissance du majeur dépendant comme Sujet, citoyen, adulte, et par les propositions à tout adulte en situation de handicap, d'accueils, d'accompagnements, d'appuis, de sollicitations à ses choix de participation sociale, que l’institution Hubert-Pascal remplit sur le bassin nîmois sa mission d'intégration sociale.
Mais quels seraient les compléments circonstanciels de manière ?
Une manière utile pour construire des images et des représentations, repose sur la mise en scène et la théâtralisation du quotidien.
La manière essentielle pour que l’agir soit de l’agir ensemble, et qu’il construise et institue, repose sur la reconnaissance et l’ affirmation des compétences et de la responsabilité individuelles .
La déficience et la dépendance obligent à la compensation, pas à la servitude.
Notre mission implique qu'il n'y ait pas soumission.
Pas plus que le discours institutionnel ne peut être en collusion avec le propos parental, le projet du majeur dépendant, tout comme les projets d'activité, ne peuvent être asservis aux convenances de l'établissement ou de professionnels.
Et pour que le professionnel donne valeur aux compétences et capacités de l'usager, il est nécessaire que ses propres compétences puissent faire autorité et que ses capacités soient sollicitées et valorisées.
La formation professionnelle débouche sur la qualification professionnelle reconnaissant l'acquisition de compétences professionnelles ouvrant à la prise de responsabilités professionnelles et la nécessité d'en rendre compte professionnellement.
Evaluer, rendre-compte, donne valeur aux responsabilités assumées.
Les chefs, qu'ils soient de cuisine, d'atelier, de chantier, de projet, assument une charge, et cela du fait de leurs compétences dans ces champs respectifs, qui ne sont pas les champs de compétence des directeurs. Suzanne CORDES, fondatrice des centres ARERAM, précisait qu'un directeur avait tout intérêt à s'entourer de gens plus forts que lui.
La reconnaissance des compétences et des responsabilités affirme leur lien, et leurs diversités qui impose l'étude attentive de leurs complémentarités. Dans le même temps la déficience et la dépendance obligent à bonifier l’interdépendance. L’autre est une ressource et l'institution un lieu ressources.
Nous avons donc choisi d'articuler l'ensemble des fonctionnements institutionnels sur la déclaration de légitimité de logiques d'acteurs rivales.
Cela oblige à négocier, ni avec des adversaires, ni avec une hiérarchie, mais entre acteurs aux intérêts légitimement concurrents (le compagnon d'atelier, le collègue, le salarié, le responsable légal, la mère, le père, le frère, le directeur, le foyer, le voisin …).
Cela oblige à étudier "les bonnes raisons de l'autre" plutôt que de camper sur nos certitudes et parfois notre mauvaise foi. Il s'agit alors de chercher des compromis, de donner pour recevoir, de ne pas prendre sans donner
Cela oblige la mise en œuvre de procédures de négociation et la publicité des arbitrages.
La réunion d'équipe, la réunion d'atelier, sont alors nécessairement les lieux d'arbitrage et de régulation des options prises, les lieux d'officialisation des décisions.
DE LA PONCTUATION
La ponctuation c'est pour respirer quand on lit ; çà donne du rythme à la lecture.
La respiration c'est vital. Le rythme c'est la pulsation, çà a à voir avec le cœur, la circulation du sang et la musique.
Les évènements, les fêtes, les petits rites et les grands rituels, les habitudes, les coutumes, les usages, les procédures et routines qui ponctuent le propos institutionnel sont sans doute le cœur et le poumon du Foyer d’Accueil et de Promotion Hubert-Pascal.
Et l'on sait bien la dangerosité de l'apnée du sommeil.
Alors on essaye de travailler la ponctuation et les respirations institutionnelles, entre système réflexe et musicalité.
Les pauses, parfois on s'y essouffle, parfois on s'y ressource. les temps suspendus, quand le contentement devient un bonheur partagé. Les soupirs, café, cigarette, dépannages et coups de griffe. Les triples croches, quand çà accélère très vite. L'"allégro ma non troppo", d'accord, mais pour durer on y va "vite mais pas trop".
On essaye aussi de travailler entre les ponctuations dont on dépend et celles que l'on produit, et encore entre usages, routines, rituels qui, au quotidien, tambourinent le sens autant qu'ils disent la respiration, rites et évènements qui donnent du souffle, le font perdre ou reprendre.
Les fêtes et cérémonials
Cela peut être des liturgies personnelles (anniversaires en table d'hôte, apéritif de stagiaires), ou collectives (vœux de l'association, repas de fin d'année).
Ils peuvent être produits (repas d'équipe), ou prescrits (concert, loto, repas des parents).
Dans tous les cas il faut que le sens collectif reste su par chacun pour que la charge subjective n'excède pas les bénéfices objectivés.
Les évènements
Ils sont les occasions saisies, l'appropriation de l'impromptu pour en faire de l'histoire. C'est le moment où la prise de pari, le défi relevé, deviennent une affaire commune. Et ce qui devient envisageable parce qu'exceptionnel, s'avère possible, et élargi alors l'horizon quotidien.
Les réunions
Les réunions d'équipe restent la bouteille à l'encre des institutions, mais le législateur oblige notamment la tenue de diverses réunions d'usagers et de représentants. L'empilement et la diversité rendent difficile que les réunions ne soient pas entendues comme des hoquets mais comme un travail de longue haleine et une suite de traits d'union.
les rituels et usages
ils peuvent concerner toute l'institution ou un atelier, une activité (rituels d'accueil, d'arrivée, de départ, ceux d'inscription ou de changements, ceux liés à une activité, distribution de l'hebdo, casse-croûte de chantier, représentation et répartition des tâches, journal d'atelier, ou encore les rituels diffus, applaudissements, plaintes, bureau du directeur). Souvent anodins, ils tendent à devenir anonymes et réflexe, à disparaître de la conversation, comme s'ils ne continuaient pas de parler de nos choix et nos constructions.
Ce qui semble reproductible et utile dans notre façon de jouer de la ponctuation c'est d'abord d'être collectivement attentifs à la portée et l'étendue de la gamme des signes de ponctuation .
C'est un objet de travail d'équipe. C'est aussi que ce travail intègre autant l'évènementiel, le cyclique, la rupture, la pause que le permanent . L'institution peut alors être une histoire en cours et non pas un monument , aussi historique soit-il. Et cette histoire institutionnelle ouvre à des histoires, des trajets de vie personnels.
Notre attention à l'évènementiel, le cyclique, la rupture, la pause, le permanent, permet et nourrit des pratiques d'accueil temporaire, d'accueil séquentiel, et toutes les souplesses institutionnelles qui posent l'institution non comme un lieu de prises en charge, mais comme un réseau coordonné de services , une plate-forme d'offres d'accueils, d'accompagnements et d'appuis à la participation sociale .
Dans cette affaire de respiration "la coordination" (sans fonction hiérarchique, tenue par des éducateurs) serait alors le nez et la bouche du corps de l'institution, interface autant sensible que fonctionnelle entre le ressenti et le décidé.
DES TORSIONS DU LANGAGE, DES JEUX DE MOTS, ET DU RESTE
La réalité c'est quant on se trompe disait Lacan. Il y a du jeu entre les mots et la réalité.
L’institution structurée comme un langage joue des métonymies et métaphores, et ne peut s’exonérer des approximations, lapsus, ellipses et autres distorsions du discours
Comme le langage elle n’est qu’un outil approximatif et un lieu de torsion du sens des mots. Comme le langage elle est outil d'assemblage et d'alliances pour qui le parle, donc d'élimination et de bannissement pour d'autres.
Désigner les autres c'est les dire extérieurs, différents. Le vocabulaire employé au Foyer d’Accueil et de Promotion Hubert-Pascal pour parler des autres, qualifier des groupes nous interroge épisodiquement sur les écarts entre ce que nous disons des "différents" et ce que nous affichons de l'intégration, la citoyenneté et des partages.
Nommer l'autre c'est l'appeler par son nom. Ce n'est pas le désigner par un qualifiant, encore moins le réduire à un élément anonyme du groupe des "jeunes" (dont certains étaient plus âgés que nous), des personnes accueillies ou accompagnées, des usagers ou des clients.
Après les errements précédents nous les désignons collectivement maintenant comme "compagnons d'ateliers". Mais la questions reste entière en ce qui concerne la désignation collective des utilisateurs du Service d'Accompagnement à la Vie Sociale.
Et si pour ces autres étranges nous affirmons comme mission et ambition d'Accueillir, promouvoir, intégrer … Est-ce que notre langage institutionnel parle des langues étrangères, des frontières, des renseignements généraux et de la sécurité du territoire ?
Faire société, c'est aussi gérer la porosité du groupe, l'émigration et l'immigration, les clandestins, les reconduites à la frontière.
Au Foyer d’Accueil et de Promotion Hubert-Pascal, au delà de l'énonciation claire des règles grammaticales concernant les admissions et les embauches, les exclusions et licenciements, il n'est pas toujours évident d'éviter les fautes de syntaxe.
Nos pratiques quotidiennes d'accueil et de partage ont parfois des zones de pénombre qui obscurcissent un déchiffrage clairvoyant des entrées et des sorties, des arrivées et des départs.
Notre affichage de respect des positionnements différents et d'exploration des possibles est parfois estompé par la rigidité des mises en œuvre, la frilosité de nos ouvertures et propositions.
Bien sur on peut relativiser, minimiser et faire appel à la fatigue de l'équipe, au manque de temps de chacun, à l'inquiétude, l'appréhension, à la lassitude et l'épuisement de l'un ou l'autre, pour expliquer nos comportements et les rejet de greffe culturelle .
Mais nous sommes nous construits les moyens institutionnels d'être lucides ? pouvons nous garantir une éthique professionnelle et sociale suffisante, correcte ?
Notre grammaire institutionnelle produit elle suffisamment de régulation pour que individuellement et collectivement nous ne nous abritions pas derrière nos slogans ? Au delà des expérimentations et du développement, des singularités et des petites innovations, pouvons nous assurer le développement durable de pratiques justes, éviter les fractures irréductibles entre le dit et le produit ?
L'institution Foyer d’Accueil et de Promotion Hubert-Pascal se veut une "entreprise apprenante"
Elle affiche des positions très pragmatiques concernant l'analyse et la conceptualisation des pratiques, la régulation des horaires, des fonctionnements et des conditions de travail, les 21 parti pris hubert-pascal et le référentiel d'évaluation.
Mais est-ce que, comme la séparation des pouvoirs garanti la démocratie, la simultanéité de ces dispositifs garanti la régulation ?
Une régulation qui ne vise pas nécessairement à rendre l'inconscient conscient avec l'illusion que ça vaccine pour la prochaine fois. Une régulation qui joue entre la déconstruction collective et les étayages individuels, entre l'établissement et ce qui s'y institue.
octobre 2007