lundi 07 juin 2021
« Ce qui m’enrichit, c’est l’autre différent de moi et non mon semblable. »
Antoine de Saint Exupéry
L’analyse de pratique, questionner les dispositifs
Jeannine Duval Héraudet 1
Les professionnels des métiers de l’aide ont toujours éprouvé le besoin de partager avec d’autres les situations difficiles qu’ils rencontraient. Convaincus de l’importance de leur relation avec ceux qu’ils accompagnaient, leur objectif était d’améliorer leur accompagnement, et, par voie de conséquence, de favoriser le mieux être de cet autre, et son désir de progresser. Dans cet objectif, Freud avait institué des « séances du samedi soir » entre psychanalystes. Se référant à l’Ecole hongroise et aux apports de Ferenczi, Michaël Balint, un médecin hongrois vivant en Angleterre, avait mis au point en 1949 un dispositif qu’il nommait, entre autres appellations, « séminaire ». Il s’agissait d’analyser, entre praticiens, la relation entre le médecin et son malade. Balint était convaincu de l’importance que prend la qualité de cette relation dans l’évolution de la maladie, au point de la nommer « le médicament-médecin » 2 . Son épouse, Enid Balint, a ensuite étendu cette pratique aux assistantes sociales du planning familial auprès desquelles elle intervenait.
Si des lois, entre 2002 et 2005, ont rendu obligatoire la mise en place d’analyse de pratique pour les équipes des établissements médicaux-sociaux, de nombreux établissements relevant de l’aide, de l’éducation, de la santé, du social, du social, de la Protection de l’enfance, etc., manifestent une demande croissante de cette instance afin d’étayer leurs professionnels.
Cependant, le nom générique « analyse de pratique » est un « mot valise » trop peu explicité qui recouvre un champ très large de dispositifs tellement différents que certains lui préfèrent celui de supervision d’équipe 3 . J’ai conservé pour ma part le nom « Analyse de la pratique » parce qu’il correspond à celui en usage dans les institutions dans lesquelles j’interviens. Je précise et explicite toutefois d’emblée qu’il s’agit d’« Analyse clinique de la pratique » 4 . De même, le contexte me désigne comme « superviseur » ou « intervenante », mais cela ne modifie en rien mon dispositif.
Depuis de nombreuses années, deux grandes logiques coexistent dans le vaste champ de « l’analyse de pratique ». Cette coexistence, qui fut pacifique, prend la forme aujourd’hui d’un clivage volontairement entretenu et affiché, voire d’un rejet de l’autre et d’un désir de suprématie idéologique chez certains, et il semble important, à la fois, de tenter une clarification, et de se poser quelques questions. « Et toujours le désir nous rendait soucieux… 5 ». Je m’approprie cette formule de Charlotte Herfray, en l’interprétant à ma manière. Mon « souci » me conduit à interroger ce qui se passe, de manière insistante. Quelles sont donc, ce que je nommerai ici, ces « logiques » et ce qui les caractérise ?
Deux logiques en jeu, et des différences fondamentales
Une première logique, clinique, dans laquelle j’inscris ma pratique, donne priorité à l’écoute du professionnel pour tenter de comprendre ce qu’il a vécu, ressenti, dans une situation précise, énigmatique, ou, le plus souvent, difficile, et dans sa relation avec celui ou ceux qu’il accompagne, aide, soigne, enseigne. Il s’agira ensuite de tenter de comprendre, au cas par cas, ce que cet autre dont il parle, vit et a vécu au cours de son histoire, ce qu’il met en scène, répète, avec lui et sur lui, dans l’espoir de trouver enfin d’autres réponses que celles qu’il obtient d’habitude. Par un raccourci, nous pouvons avancer que la centration se fait sur l’être en relation du professionnel mais aussi de cet autre dont il parle, considérés en tant que sujets. Cette compréhension permet d’interroger ensuite ce qu’il serait possible de faire pour que la situation, présentée souvent comme une impasse, évolue.
Une deuxième logique, obéissant à un paradigme économique, technocratique, scientifique et cognitiviste, renvoie à d’autres dispositifs d’analyse de la pratique qui ont fait le choix de rejeter toute la part affective du sujet et la part plus ou moins inconsciente présente dans la relation entre un professionnel et un usager, pour adopter une stratégie de résolution de problèmes. Il s’agit alors de ne conserver pour les échanges et les analyses que ce qui ressort du seul comportement manifeste, observable. L’objectif est de dégager des solutions s’appuyant sur des techniques et un savoir-faire .
Des différences importantes peuvent donc exister entre les dispositifs d’analyse de pratique. Il est donc nécessaire pour les demandeurs de bien identifier ce qu’ils recherchent pour leurs équipes. Il revient également à l’intervenant de présenter son propre dispositif afin qu’un choix puisse être fait par les décideurs et les équipes, en connaissance de cause.
Je présenterai dans un premier temps ce que je propose aujourd’hui aux équipes que j’accompagne en tant que superviseur 6 : les critères qui spécifient une démarche clinique, les objectifs du dispositif et sa méthodologie, ses références théorico-cliniques, les repères éthiques et déontologiques, sa dimension formative, ses liens à l’institution, puis les effets constatés.
J’interrogerai ensuite, sans prétendre être exhaustive, différents dispositifs d’analyse de la pratique qui peuvent s’inscrire dans cette deuxième logique, en me centrant sur quelques différences qui me sont apparues comme particulièrement significatives.
Après avoir expérimenté un certain nombre de dispositifs d’analyse de pratique, soit en tant que participante, soit en tant que superviseur, mon expérience me conduit à proposer aujourd’hui aux professionnels mon propre bricolage nommé « Analyse clinique de la pratique » que je considère comme synonyme de « supervision en groupe » 7 .
L’objectif de l’analyse clinique de la pratique est de mettre au travail, dans un groupe de pairs, à partir de l’écoute du récit fait par l’un d’eux, les compétences et savoirs de chacun, pour redonner du sens à la situation énigmatique ou difficile que ce professionnel rencontre, et ce qui serait éventuellement possible de tenter pour faire évoluer cette situation.
Qu’implique le choix d’un dispositif « clinique » ?
Chez les grecs, le klinikos était le médecin qui se déplaçait pour aller au chevet du malade, par opposition à l’ empeirikos qui se prévalait de son expérience pour donner ses conseils à distance. Comme quoi, on n’a rien inventé avec Internet ! L’étymologie du mot « clinique » signifie « s’incliner », « se pencher au-dessus de », et renvoie donc à une proximité, à une analyse au cas par cas. Une démarche clinique est avant tout interpersonnelle. Le travail se centre sur ce qui se joue dans la relation entre un professionnel et celui qu’il a la charge d’aider, d’accompagner, de soigner, d’enseigner, etc. Le groupe d’analyse va donc se pencher au-dessus de la situation apportée par l’un des participants, et tenter de comprendre dans un premier temps ce qui est en jeu dans cette relation. Dans un deuxième temps, chacun se demandera ce qu’il serait possible de faire pour faire évoluer cette situation.
Chaque sujet (professionnel ou usager) est unique, chaque histoire et chaque relation sont toujours singulières, évolutives, le contexte n’est jamais le même, et il importe de tenter d’y comprendre quelque chose lorsque des difficultés se présentent, pour faire en sorte que les choses changent.
Ce que la théorie psychanalytique nomme « transfert » est un déplacement d’affects (du plaisir au déplaisir), de représentations, de désirs, d’attentes, de mécanismes de défense, plus ou moins inconscients, que tout sujet a construit en lien avec sa propre histoire. Ce transfert est présent dans toute relation, y compris avec la boulangère ou le voisin. L’étymologie grecque du mot sympathie (pathie : passion, apparentée à pathos : souffrance, affection), renvoie à retrouver dans l’autre une communauté de sentiments ou d’impressions (sym). Celle du mot antipathie insiste sur ce qui vient en opposition. Carl Rogers a repris le concept d’empathie, dont l’étymologie (en) signifie dedans. Il précisait toutefois qu’il ne s’agit pas pour autant de se mettre à la place de l’autre, mais de faire « comme si » pour tenter de comprendre quelque chose à ce qui le travaille. Le sujet parle aussi de lui lorsqu’il parle de l’autre. Il porte sa part de responsabilité dans ce qui se joue au sein de la relation, et sa lecture des situations est toujours subjective.
Dans les métiers de l’aide, de l’éducation, du soin, la dimension professionnelle et la dimension personnelle, privée, sont étroitement intriquées. Des désirs plus ou moins conscients et des idéaux, ont souvent présidé au choix du métier. Le professionnel s’implique dans la relation, ne serait-ce que parce qu’il veut bien faire son travail. Cependant, et heureusement, toutes les situations ne le mettent pas à mal et son expérience lui suffit.
L’analyse clinique de la pratique propose aux professionnels de partager des situations qui les interrogent particulièrement ou qui les mettent en difficulté. Face à l’autre, le professionnel peut être pris dans de l’insupportable, dans de la colère, dans du rejet, ou au contraire dans un mouvement de trop grande empathie et de proximité. Lorsqu’ils sont trop prégnants, ces éprouvés l’empêchent de conserver ou de retrouver une posture professionnelle et, comme il est dit, à « une juste distance ». Il s’agit bien pour le professionnel de tenter de repérer, en quoi et où, il est pris, voire englué dans cette relation spécifique, avec celui qu’il a en charge d’accompagner, d’aider, de soigner. Deux questions, insistantes et récurrentes, peuvent s’énoncer ainsi : « En quel point sensible cet autre vient-il me toucher ? », puis : « Comment agir et ne pas réagir » ?
Lorsque, en tant que professionnel, on parvient à saisir ce que l’autre nous fait vivre, lorsque l’on parvient à démêler, à se « détoxiquer », à séparer ce qui nous appartient en propre et ce qui appartient à l’autre, il devient possible de s’en dégager suffisamment, de se protéger, de pouvoir conserver ou retrouver une posture professionnelle et de pouvoir mieux accompagner cet autre.
Une démarche clinique interroge également ce que peut vivre, ressentir, le sujet rencontré, en prenant en compte son histoire toujours singulière, complexe, évolutive, insérée dans des contextes de vie spécifiques. Dans une institution, les réunions cliniques sont destinées à analyser la situation de chaque usager. Cette analyse va permettre d’envisager quel projet personnalisé serait le mieux à même de l’aider. Il est important de bien différencier les espaces mis à disposition des professionnels mais aussi de les articuler.
Une dimension complémentaire échoue à l’analyse clinique de la pratique. Par l’effet de son propre transfert, et ce d’autant plus qu’il est en difficulté, l’usager, l’enfant, le jeune, joue et rejoue avec le professionnel et sur lui ses comportements, ses modes de relation habituels ; il lui adresse les questions non résolues qui l’encombrent, qui l’angoissent, qui le mettent à mal, en espérant une réponse autre que celle qu’il obtient d’habitude. Il ne répond pas à ses attentes, il fuit, s’oppose ou se replie. Ce que vit, ressent le professionnel lui permet d’entrevoir ce que cet autre met en scène au sein de la relation et ce qu’il tente de dire par son comportement.
Le partage de la parole dans le groupe d’analyse de la pratique permettra de démêler quelque peu ce qui est en jeu et de passer à une compréhension plus distanciée de la situation, afin de pouvoir envisager des réponses possibles. Ainsi :
Le travail se centre sur ce qui se joue dans la relation entre un professionnel et celui qu’il a en charge d’aider, d’accompagner, de soigner, d’enseigner, etc. Le groupe d’analyse va donc se pencher au-dessus de la situation apportée par l’un des participants, et tenter de comprendre dans un premier temps ce qui est en jeu dans cette relation. Dans un deuxième temps, chacun se demandera ce qu’il serait possible de faire pour faire évoluer cette situation.
Un cadre 8 est posé puis garanti par le superviseur. Le cadre est la partie fixe, prédéfinie du dispositif, et il n’est pas négociable. Il est important, indispensable, car il permet qu’un processus se déroule. Ce cadre recouvre la partie méthodologique et technique du dispositif, donc les règles posées au départ, et les différents temps qui organisent la parole dans le groupe. Il se réfère à un pôle « scientifique » ou théorique et à des valeurs, à une éthique, à une déontologie. Il s’inscrit dans un contexte. Sa cohérence dépend de l’articulation de ces différents pôles. Si un cadre doit être solide, il ne doit pas être rigidifié, et il peut s’avérer pertinent de le réajuster au cours de la relation avec un groupe, à condition de ne pas en dévoyer les grands principes.
Une méthodologie centrée sur la parole et sur l’écoute
Les règles de base
Parler à d’autres de ce qui encombre, de ce qui fait souffrir, de situations dans lesquelles on est empêtré, pour lesquelles on ne sait plus comment faire, est une prise de risque. Il y faut de la sécurité.
Un groupe d’analyse de la pratique est composé de pairs, c’est-à-dire qu’il exclut tout professionnel ayant une fonction hiérarchique et évaluative. C’est la condition impérative pour que soient garanties la liberté et la sécurité de la parole.
Un groupe est constitué d’au maximum 10 à 12 participants.
Un superviseur formé à cette fonction, extérieur à l’institution, a pour tâche d’accompagner le groupe dans ses analyses.
Le travail d’analyse nécessite :
- Un engagement rigoureux de chaque participant (Implication personnelle, régularité de sa présence).
- Que chacun se rende disponible pour une écoute de l’autre, et pour une écoute de lui-même.
Deux règles facilitent l’émergence de la parole et en garantissent la sécurité
o Le non-jugement,
o La confidentialité.
Ces règles, posées et garanties par le superviseur, font partie du cadre posé au préalable. Chaque participant, comme le superviseur, s’engage à les respecter.
Il faut souligner que si le cadre relève du superviseur, les processus mis en jeu au cours d’une séance relèvent des participants.
Les différents temps de la séance
Le dispositif est structuré en des temps précis qui régulent la parole.
Temps 1 : Le récit
A la question : « Qui nous fait travailler aujourd’hui ? », la première personne qui prend la parole, la garde. L’hypothèse avancée est que seul ce professionnel connaît l’importance pour lui-même de parler de cette situation, à ce moment-là.
L’un des participants fait donc le récit, sans préparation, d’une situation professionnelle, concrète, précise, qu’il est en train de vivre, pour laquelle il attend l’aide du groupe, au moins pour mieux comprendre ce qui se passe.
Personne ne l’interrompt.
Il est important que le récit soit non préparé car cela permet qu’émergent les émotions sous-jacentes, des associations, d’éventuelles répétitions, l’insistance de certains signifiants. La suite du travail pourra éventuellement leur donner sens.
L’écoute de chacun se centre en priorité sur le professionnel qui est en train de parler, et le groupe exerce alors ce que Winnicott a nommé la « fonction contenante » , ou versant passif de l'accueil des ressentis du narrateur qui sont perceptibles dans son récit (comme un récipient qui contient, sans déborder ou se briser…) … ou rejeter….
Que se passe-t-il pour le narrateur ? On sait que la parole doit avoir une adresse pour que le sujet s’approprie son propre récit. De plus, par le fait de le partager avec le groupe, le narrateur peut commencer à prendre un peu de distance par rapport à son vécu.
Temps 2 : Le temps clinique du retour des résonances, des associations : « Qu’est-ce que cela me fait d’entendre cela ? »
La question est posée aux autres participants.
L’étymologie du mot « comprendre » signifie « prendre ensemble ».
Le narrateur se met en retrait, à l’écoute. Le superviseur n’intervient pas, sauf pour éventuellement rappeler le cadre et ses règles. Pas d’échanges.
Les paroles du narrateur, son récit, ont résonné en chacun.
Chaque participant est invité à exprimer ce qu’il a entendu, senti, éprouvé, imaginé, lors de son écoute du récit. Qu’est-ce qu’il a perçu ou cru percevoir du vécu, des ressentis, des questionnements du narrateur ou de la narratrice ? Qu’est-ce qui l’a touché particulièrement ? Quelles sont également ses résonances, associations éventuelles, en lien avec une situation qu’il a lui-même vécu ou qu’il aurait pu vivre ? (Sans développer cette situation).
Inviter chaque participant à prendre la parole suite au récit du narrateur, permet de faire émerger des ressentis et des points de vue différents. C’est cela la richesse d’un groupe 9 . Il ressort des évaluations réalisées par les participants que ce temps est estimé comme particulièrement intéressant.
Le groupe assume alors ce que Winnicott nomme « la fonction conteneur » ou versant actif de l’écoute, à l’égard du narrateur. Mettre des mots sur les affects, sur les ressentis que l’on a cru percevoir, c’est les symboliser sous la forme d’émotions partageables.
Que se passe-t-il pour le narrateur ? En écoutant ce que renvoient les autres participants, il peut repérer, mais aussi démêler, ce qui appartient à l’usager et ce qui lui appartient en propre. Il peut ainsi prendre un peu de distance à l’égard de ses propres ressentis et penser à nouveau, avec les autres 10 . Pouvoir agir et non pas réagir, c’est tout l’enjeu de l’acte éducatif.
Lorsque chaque participant s’est exprimé, j’invite le narrateur à prendre la parole, pour se positionner par rapport à ce qui lui a été renvoyé. Il peut s’y reconnaître ou pas, compléter, préciser, prolonger, rebondir.
Temps 3 : Le temps du tissage, des hypothèses de compréhension de la situation dans ses différentes dimensions, et des propositions d’action.
La pensée rationnelle est sollicitée dans une recherche de compréhension de la situation évoquée, dans ses différentes dimensions, sans oublier le contexte institutionnel. Tout le groupe (y compris le narrateur et le superviseur) tente de remettre du sens dans ce qui se présentait comme une énigme ou du non-sens.
Prendre le temps pour comprendre est important, car nous avons tous tendance à apporter trop vite des réponses lorsqu’une question est posée… « Nous devons nous méfier de nos certitudes », avançait Gaston Bachelard. Quand on comprend trop vite et trop bien, on est sûr de n'avoir rien compris. Nous sommes toujours trop rapides à dégainer nos théories, trop pressés de formuler un diagnostic, à faire rentrer l’autre dans des grilles préconstruites. Des questions, des informations et des hypothèses de compréhension vont traverser le groupe, rebondir, se compléter, sans ordre préétabli.
Dans la même institution, certains participants possèdent aussi des informations concernant cet usager, lesquelles peuvent venir éclairer ce qui se passe. De même, chacun peut exprimer la manière dont il vit la relation avec l’usager dont il est question, car l’on sait que, par l’effet de son transfert, cet autre met parfois en jeu des choses très différentes avec les professionnels.
Des questions se posent, s’entrecroisent. Ce sont par exemple : À quoi sert à l’autre de faire vivre cela au narrateur ? Quels sont ses symptômes, ses résistances, ses mécanismes de défense ? Qu’est-ce que l’on connaît de son histoire de vie, de son contexte familial, social, scolaire, professionnel ? Qu’est-ce qu’il peut vivre lui-même, ressentir, vouloir prouver, redouter ? En fonction des informations qui ont été partagées, qu’est-ce qu’il transfère, répète, joue et rejoue de ses modes relationnels avec le narrateur et/ou avec d’autres ? Qu’est-ce qu’il attend du narrateur, d’autres professionnels, de l’institution, ou qu’est-ce qu’il refuse ou fuit ? Sachant que l’on ne construit rien sur du négatif, quels sont ses points forts, ce qu’il aime, ce qu’il réussit, et donc ce sur quoi on va pouvoir s’appuyer ? Qu’est-ce qui a déjà été tenté et quels en ont été les effets ?
Le superviseur a pour tâche de soutenir les échanges et éventuellement de relancer la parole par ses propres questions ou hypothèses.
Chacun peut avancer des hypothèses de compréhension de la situation, tenter de repérer les logiques en jeu (celle du professionnel, celle de l’autre dont il parle, celle de la famille, celle de l’institution, celle des différents contextes dans lesquels vit l’usager, etc.). Les hypothèses formulées ne peuvent toutefois prétendre à la Vérité. Personne n’est à la place de l’autre. Ce sont des « petits délires » comme disait Freud, ou « des petits mythes » selon l’expression de Lacan, parce que l’on n’est pas dans la tête de l’autre, on n’a pas la maitrise sur lui, mais ces hypothèses permettent pourtant de continuer à travailler. Seule la suite des évènements confirmera ou infirmera ce qui a été avancé.
Certains parlent « d’intelligence collective ». Il est facile d’objecter que cette « intelligence » n’est « collective » que par ce qui est produit en fin de séance, car il s’agit plutôt avant tout d’un tricotage entre des compréhensions multiples, des manières différentes de se positionner. Dans un groupe, les histoires de vie de chacun, les expériences professionnelles et les formations sont différentes, à la seule condition d’être compatibles. Le savoir de chacun est à l’œuvre, dans ses trois dimensions : le savoir sur soi, à partir de son expérience de vie, le savoir d’expérience, construit parfois dans des contextes très divers, et le savoir théorique, qui peut avoir des sources différentes mais compatibles. Chacun doit donc s’autoriser à s’y référer et à les partager. Une alliance de travail s’établit entre l’intervenant et le groupe. La richesse d’un groupe correspond à la variété et à la pluralité de ces savoirs, et à ce qui va être partagé.
En réponse à la question : « Comment agir pour faire évoluer cette situation ? », une meilleure compréhension de la situation dans ses différentes dimensions, permet, sans forçage, d’avancer des propositions d’action, si toutefois la situation s’y prête, ou d’envisager un réajustement de la posture professionnelle et des attentes à l’égard de cet autre que l’on accompagne, en prenant en compte le point où il en est.
En conclusion de la séance, le narrateur est invité à dire où il en est, à énoncer ce qu’il estime possible de tenter. Lui seul peut en estimer la pertinence, compte tenu de lui-même mais aussi de son contexte de travail, de l’équipe à laquelle il appartient.
En fin de séance, la situation reste en suspens, ouverte vers ce qui va survenir, et chacun peut prolonger son travail de pensée.
Ce n’est que dans un après-coup que l’on pourra éventuellement constater les effets de ce qui aura été tenté.
L’importance de l’après-coup
La pensée ne s’arrête pas avec la fin de la séance. Elle se prolonge, pour le narrateur, mais aussi pour chaque participant. C’est la raison pour laquelle je propose toujours, en début de séance suivante, la possibilité de faire le point sur la situation évoquée, mais aussi de partager ce qui a pu cheminer pour chacun. Je m’autorise aussi à partager quelques éléments théorico-cliniques qui ont pu surgir dans mon propre après-coup. Lorsque cet éclairage renvoie à ce qu’a pu vivre le professionnel, je m’y inclus, en disant « nous », au vu de mon expérience des métiers de l’aide pendant de longues années. Quoi qu’il en soit, il ne s’agit pas pour le superviseur de faire un cours, mais de reprendre et de rebondir sur un point spécifique des analyses, de réactiver des savoirs connus de la plupart des participants. L’intérêt de ce partage des savoirs est souligné par les groupes lors des évaluations de fin d’année. Il participe à la construction d’un langage commun et donc à une cohérence du groupe. Cette cohérence intègre les différences, lesquelles constituent la richesse du groupe.
En fin d’année, je propose un rappel des situations partagées et j’invite le narrateur d’alors à faire le point. Ceci constitue à la fois un fil rouge qui rend compte du travail du groupe, mais aussi l’occasion de constater, souvent et heureusement, à quel point une situation très difficile ou incompréhensible à un moment donné, a pu évoluer dans un sens constructif.
Le dispositif d’analyse de pratique est inscrit dans la ligne budgétaire de formation permanente des personnels d’un établissement. En quoi peut-on le considérer comme participant à la formation des professionnels ?
L’analyse clinique de la pratique est-elle une instance de formation ?
Certains écrivent : « analyse des pratiques ». Dans une lecture toute subjective que j’accepte de reconnaître et d’assumer, le choix du pluriel m’évoque des techniques, des outils. Ces derniers sont indispensables à tout professionnel, et ils sont spécifiques à chaque corps de métier. Or, ma fonction de superviseur ne consiste pas à faire acquérir ces techniques.
Lors de la construction d’un groupe, le transfert positif à l’égard du superviseur génère souvent des attentes. Certains participants placent celui-ci, pour reprendre un concept de Lacan, en « sujet supposé savoir ». Ils attendent des réponses, un savoir, à la fois théorique et sur ce qu’il convient de faire dans telle ou telle situation. Le superviseur devra travailler à se destituer progressivement de cette place à laquelle il est assigné, pour restituer son propre savoir au groupe, lequel a été évoqué précédemment dans ses trois dimensions.
En lien avec mon après-coup, lorsque la pâte de la séance a reposé, il m’arrive de proposer en début de séance suivante un petit éclairage théorico-clinique, ancré sur la situation analysée. Je pose l’hypothèse que ceci peut prolonger ce qui avait été avancé dans le groupe et éventuellement proposer une autre ouverture. J’ai toujours invité les participants à partager leur propre savoir si celui-ci peut faire avancer les analyses et la compréhension d’une situation, puis les actions que l’on pourrait tenter pour faire évoluer cette situation.
En invitant chaque professionnel à préciser sa pensée, à clarifier sa posture, à faire appel à ses propres savoirs, à bénéficier du savoir des autres participants du groupe, le dispositif d’analyse clinique de la pratique est bien partie prenante des dispositifs de formation continue des personnels.
Des repères éthiques et des limites déontologiques
Une démarche clinique impose le doute épistémologique, tout en se situant dans une position de recherche. Comme il a été souligné plus haut, personne ne possède la Vérité ou la maîtrise sur l’autre. Celui-ci reste toujours une énigme, et la rencontre avec lui comporte toujours un lot de surprise, d’inattendu, d’incertitudes. Une posture clinique impose de prendre en compte le sujet, son désir, sa parole, mais aussi sa part de responsabilité dans ce qu’il met en place. Elle met ainsi en œuvre une éthique du sujet. La limite est de ne pas vouloir à tout prix et à n’importe quel prix faire son bien à sa place, ce que Kant dénonçait comme la pire tyrannie que l’on peut exercer sur l’autre. Il s’agit donc de changer quelque chose du côté du professionnel, en espérant qu’il y aura des effets de changements sur cet autre qu’il soigne, aide, éduque, accompagne. Et, le plus surprenant, c’est que « cela marche » souvent… Le changement de regard ou de posture a de l’effet 11 .
Si l’intrication entre la part personnelle et la part professionnelle est toujours présente dans la relation, il faut souligner que des limites déontologiques s’imposent quant à ce qui est sollicité dans le groupe. Ces limites sont en lien direct avec le fait que l’analyse de la pratique se situe dans un contexte professionnel. Lors d’une évaluation de fin d’année, certains participants m’ont renvoyé que je ne « les poussais pas assez dans leurs retranchements ». Je me suis questionnée, y compris en supervision de superviseur. Suis-je trop « contenante », trop protectrice, trop « maternelle » 12 ? Il m’a été renvoyé que, si c’était le cas, je n’avais pas à me déguiser. D’autres arguments pouvaient être apportés. Un groupe est composé de participants qui ont des attentes différentes et qui en sont à des étapes différentes de leur parcours, à la fois professionnel et personnel. L’objectif de l’analyse de la pratique est de questionner et non pas de déstabiliser le professionnel. Si, avec l’aide du groupe, le narrateur peut repérer son propre transfert, ce qui le touche personnellement et précisément, ce qui le renvoie éventuellement à sa propre histoire, en quoi et où il est pris, voire englué dans une relation, il n’est pas obligé de le partager. Il lui reviendra de le travailler ailleurs, s’il en ressent le besoin et le désir, mais la plupart du temps, ce simple repérage, et d’autant plus lorsqu’il se répète à travers d’autres situations, constitue une aide pour lui-même. Ceci n’a surtout pas à être interprété dans le groupe qui n’a pas à être le lieu d’une « psychanalyse sauvage » 13 . C’est aussi l’une des raisons pour lesquelles le superviseur n’intervient pas lors du deuxième temps des retours cliniques. Il n’est pas, par définition, à la même place que les participants, et ce qui est renvoyé de la part des pairs n’a pas le même impact, car le postulat est que chacun d’eux peut se retrouver, ou a pu se retrouver, dans la même posture. La règle du non-jugement est une aide précieuse et je constate que certains participants prennent la précaution de la rappeler avant certains de leurs renvois. Et pourtant, souvent, « à la fin de l’envoi, je touche ! » comme le disait Cyrano De Bergerac 14 . La richesse et la pertinence de ces renvois est un signe qu’un groupe fonctionne bien, est en sécurité, que chacun peut oser sa parole, mais il faut du temps pour cela.
L’analyse clinique de la pratique est un lieu nécessairement à l’écart, mais inscrit dans l’institution où elle s’exerce. Elle est donc « institutionnalisée » par la Direction de l’établissement qui l’a mise en place.
L’analyse clinique de la pratique et ses liens à l’institution
Les participants exercent dans un contexte spécifique et leurs postures professionnelles doivent obligatoirement prendre en compte ce contexte. Des lois régissent leurs interventions. La question de l’étayage dans l’équipe, des collaborations et des relais au sein même de cette équipe, sont des dimensions importantes qui sont prises en compte, comme celle des partenariats habituels ou possibles.
Le superviseur doit prendre en compte l’alchimie toujours délicate du groupe, ce qui peut bloquer, insécuriser, mais aussi l’impact que peuvent avoir certaines crises et conflits institutionnels. Cependant, l’espace de l’analyse de la pratique n’est ni le lieu de la régulation d’équipe, ni celui de l’analyse institutionnelle. Ce n’est pas le lieu pour déverser ses rancœurs et ses griefs envers telle ou telle décision de la Direction, même si la vapeur s’échappe parfois de la cocotte-minute. Nous savons, de plus, que la plainte a comme caractéristique de tourner en rond. La fonction du superviseur est alors de renvoyer que ceci doit se traiter ailleurs, dans les autres moments de réunion d’équipe, et de recentrer le travail du groupe sur la tâche primaire qui est celle de l’accompagnement de l’usager, en reprenant cette question de François Tosquelles : « Et toi, qu’est-ce que tu fous là ? ». Sous-entendu, « avec l’usager qui est toujours là, et toi aussi, alors qu’est-ce que tu peux faire, malgré tout ce dont tu te plains ? »
En guise de conclusion de ce point : quelques effets constatés
Sous le titre : Comment les neurosciences démontrent la psychanalyse , Gérard Pommier démontre très précisément comment les dernières découvertes neurophysiologiques donnent une place importante aux processus inconscients, y compris dans le fonctionnement du corps et la formation de symptômes, mais aussi à la parole. Le lobe droit du cerveau est dévolu à ce qui est sensoriel : l’image, l’affectif, le pulsionnel. Le travail du lobe gauche prend en charge la parole, la capacité de compter, la symbolisation, l’abstraction en général. Le trajet de l’hémisphère cérébral droit vers l’hémisphère gauche correspond au refoulement du pulsionnel. La symbolisation des éprouvés et des affects s’effectue alors grâce à la parole. Ce qui fait affirmer par l’auteur que « la conscience humaine est toujours verbale 15 . » Comme l’énonce Joseph Rouzel, la parole au sein d’un groupe de supervision va « dénouer » en « faisant acte » et en réalisant « une coupure » dans ce qui tournait en rond.
Ce partage de la parole va permettre d’avancer des pistes d’action. Le principe de base est que ce sont les professionnels eux-mêmes, au plus près du terrain, qui connaissent le mieux leur métier et le contexte dans lequel ils l’exercent. Ils possèdent donc un « savoir » sur ce métier. Il s’agit donc pour le superviseur de faire confiance aux capacités créatives de chacun, de mettre en mouvement et de soutenir la parole au sein d’un groupe afin qu’il génère lui-même les réponses à ses propres questions. Dans un travail de co-construction, c’est le croisement et la confrontation de points de vue différents au sein du groupe qui constitue la richesse de ce groupe et qui fait ouverture dans une situation qui pouvait apparaitre comme bloquée, et il est important que cette ouverture subsiste en fin de séance.
L’analyse clinique de la pratique participe à la solidité d’une équipe et à la coopération entre professionnels. Grâce au partage dans le groupe et à l’étayage de ses collègues, chaque participant peut dépasser les sentiments de solitude face aux situations difficiles qu’il rencontre.
Ceci implique que chacun y aille de ses émotions, de ses inventions, de ses trouvailles, de ses bricolages, donc de sa parole…
J’ai évoqué l’existence d’un deuxième grand courant ou paradigme, qui renvoie à d’autres dispositifs d’analyse de la pratique. Or, il apparaît que notre contexte sociétal met tout en œuvre aujourd’hui pour éliminer des métiers de l’aide, du soin et de l’éducation, tout ce qui pourrait s’apparenter à une démarche clinique.
Lors d’un long cheminement de psychopédagogue et de formatrice d’adultes, j’ai pu vivre ou côtoyer un certain nombre de dispositifs différents. J’ai choisi d’interroger quelques points importants qui les différencient de ce que je propose aujourd’hui aux équipes, et j’assume la subjectivité de mon regard.
Que fait-on des ressentis du professionnel ?
C’est en lisant l’ouvrage de Joseph Rouzel 16 puis en travaillant avec lui à Psychasoc, que j’ai découvert le temps clinique, réservé au renvoi de ce que le récit du narrateur a provoqué en chacune des autres personnes du groupe. Dans les autres dispositifs que j’ai pu rencontrer, bien que se référant à Balint, la pensée rationnelle était sollicitée directement, suite au récit, avec la consigne de centrer les questions puis les hypothèses sur cet autre dont il est question, sur son histoire, sur son contexte de vie et sur le contexte institutionnel. Même s’il est important que le groupe s’approprie le récit du narrateur, la consigne donnée était de ne jamais s’adresser directement à lui, comme s’il n’était plus concerné. J’ai pu entendre à plusieurs reprises certains narrateurs, suite à ces séances, avoir eu le sentiment qu’ils n’avaient pas été écoutés et encore moins entendus dans leur propre vécu, dans leur éventuel mal-être, quant à ce qu’ils mettaient d’eux-mêmes dans la relation.
Le SCAPE 17 , créé dans les années 1990/1995, et destiné aux enseignants de l’Académie de Grenoble, déclare s’intéresser à la dimension relationnelle de l’exercice de la profession, mais limite volontairement l’analyse à l’objet exposé, « les pratiques », laissant de côté délibérément ce qui concerne l’exposant, malgré le mot « clinique » présent dans son appellation. L’objectif est de permettre à un enseignant d’intégrer des savoirs théoriques et des savoir-faire, des techniques professionnelles à partir de l’analyse de situations singulières. Le SAPEA 18 , présenté comme une nouvelle version du SCAPE, sollicite encore moins d’implication personnelle des participants et fait encore une plus large place aux savoirs. Les références en sont les Sciences de l’éducation et la psychologie cognitive. La confrontation des points de vue entre les participants est éclairée par des apports théoriques. Les échanges doivent déboucher sur la détermination de principes pour agir. Ces deux exemples montrent bien quelle est la logique adoptée et quels sont les référents théoriques choisis pour ces dispositifs.
J’accompagne des équipes travaillant en ESAT qui reçoivent des adultes « handicapés psychiques ». Les situations peuvent être très diverses selon les établissements mais aussi selon les équipes. Certains ESAT suivent à la lettre les injonctions économiques et politiques actuelles et s’orientent vers une culture de la productivité et du résultat. Ils font alors abstraction des pathologies qui ont conduit les ouvriers à être orientés dans ces structures « adaptées ». S’il est pertinent pour l’usager, parce que protecteur, de bien différencier les lieux du travail et les lieux pour leur parole, qu’en est-il de leurs symptômes ? Ils les font porter, ou supporter, aux professionnels et ils ne manquent pas d’aller les chercher, par leurs passages à l’acte, leurs fuites, leur absentéisme. Il n’est pas possible de cliver ainsi chez les usagers vie privée et vie professionnelle, et ce d’autant plus que les difficultés sont importantes. L’angoisse peut émerger à tout moment de la journée. Les ouvriers résistent, « décrochent », bien malgré eux, leurs symptômes insistent et se répètent. Faut-il alors les orienter vers un ailleurs, y compris l’hôpital psychiatrique ? On sait pourtant que le travail correspond au besoin d’une certaine normalité. Certains ouvriers énoncent clairement que le travail les aide « à tenir ». Je me suis interrogée sur ce qui est apparu parfois chez certains professionnels comme un refus explicite de s’interroger sur leur propre vécu, voire d’entendre comment les troubles de cet autre qu’ils côtoient quotidiennement peuvent résonner en eux. J’ai pu ainsi constater à quel point des résistances et des mécanismes de défense peuvent s’être mis en place, bloquant toute interrogation à ce sujet. Ces professionnels déclarent alors vouloir ne s’interroger que sur le FAIRE.
J’ai personnellement toujours fait appel à diverses théories si elles pouvaient éclairer ma pratique, à condition qu’elles soient compatibles. Qu’est-ce qui fait tellement peur, pour que l’on rejette à tel point certains éclairages issus de la psychologie clinique ou de la psychanalyse théoriques ?
Haro sur tout éclairage « psychologisant » !
Notre contexte sociétal, dominé par l’économie, se veut de plus en plus technique et il a comme effet, y compris au plus haut niveau des décideurs, que toute référence à une théorie clinique ou psychanalytique doit être rejetée. La consigne généralisée est de se centrer sur le comportement manifeste, le seul observable, puis sur le faire, ou actions à entreprendre. La neutralité des observations et des démonstrations est affirmée comme indispensable, même s’il a été largement démontré que cette neutralité n’existe pas, y compris dans les sciences les plus exactes ou dite « dures ». Aujourd’hui, il faut tout maîtriser.
J’ai exercé pendant presque trente ans le métier de psychopédagogue, accompagnant des grands adolescents handicapés, puis des enfants présentant des troubles du comportement, et enfin, des enfants et des adolescents qui étaient empêchés d’apprendre ou de nouer des liens sociaux constructifs. Ils mettaient en scène à l’école ou au collège des symptômes divers en lien avec leur histoire personnelle, familiale ou scolaire. J’intervenais à l’écart de leur classe, dans un lieu sécurisé par la confidentialité, afin de les aider à exprimer, à élaborer et si possible à dépasser ce qui les encombrait, à partir de médiations diverses qui sollicitaient leur expression. Or, j’ai appris récemment que les textes du CAPPEI, examen qui certifie les nouveaux professionnels spécialisés, excluent toute formation « psychologisante » ! Centration de la formation et du métier sur « le tout pédagogique ». C’est clair… Exit le sujet, ses symptômes, son désir et sa parole, mais aussi ses angoisses et ses mécanismes de défense. Il n’y aurait plus que « des apprenants », même si ceux-ci n’apprennent pas et restent sur le quai…
Je viens d’évoquer mon expérience avec des équipes d’ESAT. Il est bien évident qu’un moniteur d’atelier, comme un éducateur, n’a pas à se prendre pour un psychologue ou un psychiatre. Il a besoin cependant de s’informer au minimum sur la pathologie de cet autre, l’ouvrier, sur ses symptômes, sur ses difficultés spécifiques, sur ses fragilités, sur son histoire, sur ses traumatismes éventuels, afin de pouvoir l’accompagner au mieux, au plus près de ses besoins et de ses possibilités actuelles, en prenant en compte, justement, de ce qui a motivé sa présence dans l’établissement, mais aussi son évolution. Ceci évite parfois de graves erreurs et la plupart des professionnels le comprennent bien.
En analyse de la pratique, ne conserver pour les échanges et les analyses que le seul comportement manifeste, observable, élimine tout hypothèse concernant ce que peut vivre l’usager, ce qu’il projette sur le professionnel et ce qu’il attend de celui-ci, y compris si celui-ci décide, consciemment et après avoir analysé ce qui est en jeu, de ne pas répondre à ces attentes.
Quelle prise en compte du transfert de l’usager à l’égard du professionnel ?
L’usager n’est pas un objet et le professionnel n’est pas une machine.
Nous avons tous pu vivre à quel point la qualité de la relation avec un enseignant a pu déterminer notre investissement dans une matière scolaire et même universitaire. À l’inverse, nous avons pu nous décourager, abandonner, fuir, lorsque cette relation était de mauvaise qualité. Certains « blocages » n’ont pas d’autre origine. Des directives, déjà anciennes mais dont le mouvement s’accélère, voudrait imposer une autre logique, je dirais presque une autre « mécanique ». L’apprenant apprend et on doit lui enseigner. Il s’agit d’améliorer les seules méthodes et les techniques d’apprentissage. Ici aussi, l’expérience de l’enseignement à distance liée à au Covid devrait faire à nouveau réfléchir, lorsque l’on a constaté le nombre important de décrocheurs par manque de lien social.
Un parallèle peut être fait avec les autres métiers qui s’adressent à l’humain. Comment peut-on nier l’importance de la relation éducateur-usager, soignant-malade, etc. ? Comment les dirigeants peuvent-ils être dans un tel déni ? Comment certains professionnels peuvent-ils adopter une telle logique défensive, dressant entre eux et les usagers, une protection qui peut devenir une carapace ?
Tous les dispositifs qui appartiennent à ce que j’ai nommé une deuxième logique adoptent ce qui est nommé une stratégie de résolution de problèmes. Cette méthodologie peut se révéler pertinente en effet dans certaines situations, mais il convient toutefois d’en interroger les objectifs, la méthodologie, et les références théoriques.
Du problème à sa résolution ?
Ces dispositifs d’analyse de pratique suivent un protocole strict, qui se décline en différentes étapes depuis l’énoncé du problème à sa résolution. Cette méthode n’est pas nouvelle. Le GEASE 19 , par exemple, mis au point en 1980 à Montpellier, vise à repérer l’action ou les actions à entreprendre, puis à mobiliser des stratégies diverses, pour résoudre une situation complexe. Deux tâches principales échoient alors au groupe : diagnostiquer et décider, et la principale référence théorique est l’analyse systémique. S’y ajoutent aujourd’hui différents dispositifs de « coaching », issus des courants de management, en droite ligne des modes de pensée américains. Le protocole à suivre est alors présenté sous la forme de diagrammes, de schémas, de matrices, de plannings d’action. Ce qui est nommé « problématique » représente un cheminement regroupant un thème, des interrogations évoquées par ce thème, des questions précises et l' hypothèse que l'on en fait, à l’aide de critères clairement énoncés. Ces questions sont structurées et ordonnées dans des grilles préconstruites qui s’adaptent au contexte et à ce qu’il s’agit de traiter. Ce peut être, pour aller au plus simple : Quel est le problème ? Quelle en est la cause ? Quelle est la solution ? Quels sont les obstacles qui peuvent se présenter ? Quelles sont les ressources dont on dispose ? Quelle procédure, quelles méthodes, quels outils mettre en place afin d’y parvenir ? Quand et comment va-t-on évaluer les résultats ?
Des interrogations traversent en effet tout groupe d’analyse de la pratique, y compris dans une démarche clinique, mais tout dépend du moment où elles sont posées et si elles s’inscrivent ou non dans un ordre qui peut apparaître comme rigidifié.
Cette remarque appelle, de mon point de vue, une deuxième question concernant ce qui est demandé dans le protocole qui organise ces dispositifs, suite au récit du narrateur. Les intervenants qui proposent ces dispositifs considèrent qu’une situation ne peut pas être analysée si celui qui la présente ne définit pas d’emblée quel est son problème. L’énoncé de ce problème est donc considéré comme un préalable incontournable au travail d’analyse du groupe. Or, mes souvenirs de thèse ou des mémoires qui ont précédé, m’ont démontré que je me posais bien un certain nombre de questions au départ, à propos d’un thème possible et général. Ces interrogations m’incitaient à me lancer dans une voie, puis me poussaient à aller investiguer dans un certain nombre de directions. Je devais toutefois, ensuite, limiter le champ de mes observations ou de mes lectures, de mes hypothèses, des réponses avancées, trier, classer, élaguer. En fin de compte, la question principale, dite problématique, ne pouvait se formuler clairement qu’à la fin de tout ce cheminement.
Ceci peut renvoyer à ce qui se passe dans un dispositif clinique d’analyse de la pratique. Comment demander à un professionnel, empêtré dans une situation, d’exposer clairement « son problème » ? La confusion de son récit a un sens. Elle montre à quel point le professionnel peut être submergé, encombré par ses émotions, mais aussi par toutes les informations qu’il tente de transmettre au groupe, souvent en désordre, parce que lui-même est un peu, et, parfois, tout à fait perdu. C’est la plupart du temps la principale raison qui l’a poussé, parfois dans l’urgence, à partager cette situation. Si tout était si clair dans sa pensée dès le départ, aurait-il eu besoin de tout ce travail d’analyse et de tout ce soutien du groupe pour comprendre ce qui se passe et pour trouver la ou les réponses ?
Ceci me renvoie à une autre question concernant la structuration de la séance elle-même.
Fractionner ou suivre le cheminement de la pensée ?
Si tous les dispositifs se donnent comme objectif d’organiser la parole en des temps distincts, la question se pose d’une organisation suffisamment souple et large, ou bien rigidifiée. Un exemple extrême est le GAP 20 , créé en 1975 par André de Peretti. S’il vise, comme les dispositifs précédents, un accompagnement à l’agir et à la prise de décision, et s’inscrit dans une stratégie de résolution de problème, un grand nombre d’étapes très structurées sont posées pour organiser les échanges (il peut en compter jusqu’à neuf). Quand ce n’est plus le moment pour une question, par exemple, ce n’est plus le moment, et, comme j’ai pu le vivre, le participant qui revient en arrière se fait rappeler à l’ordre.
Ce clivage m’est apparu ne pas respecter le cheminement de la pensée, qui a pour nature de faire des allers et retours, de passer d’une question à une hypothèse et vice versa, et ce d’autant plus dans un groupe, lequel suppose des interactions. On ne peut construire une maison qu’après avoir déblayé le terrain de tous les buissons qui viennent faire obstacle. Au cours d’une séance d’analyse clinique de la pratique, les idées s’enchaînent l’une l’autre, il se produit des retours en arrière, il est nécessaire de revenir sur certains points laissés de côté pour pouvoir avancer un peu plus. Un argument appelle un contre-argument. Les choses vont se mettre en ordre, s’organiser, pour tenter de présenter in fine des pistes de compréhension de la situation qui permettront d’avancer des pistes d’action, si toutefois la situation s’y prête.
Une stratégie de résolution de problème se donne comme objectif de dégager des solutions. Comment entendre ce signifiant « solution » ?
Construire des solutions efficaces et évaluables
La société actuelle se donne comme idéal de tout pouvoir gérer. Gérer… Le mot est lâché. Nous vivons aussi, plus que jamais, dans une société comptable, qui exige rapidité, efficacité, rentabilité. Les preuves en sont innombrables. Il nous faut des thérapies brèves, des résultats rapides. Dans une société technocratique, une logique cognitiviste, plus scientiste que scientifique, prétend qu’à tout problème correspond une solution technique, instrumentale, cognitivo-comportementaliste ou médicamenteuse. De multiples experts se donnent pour tâche d’éradiquer le symptôme, de remettre le sujet dans la « bonne voie », dans les normes. Des méthodes sont préconisées en vue de réaliser un projet précis qui sera évalué. Il convient alors de laisser de côté ce que la théorie systémique a nommé « la boîte noire », c’est-à-dire le fonctionnement interne des sujets concernés, leur vécu, leurs affects et, bien entendu, les processus inconscients présents dans la relation. Les politiques décident et donnent des consignes. Des directives, sous la forme d’injonctions, sont transmises par voie hiérarchique aux exécutants. Entre les décideurs qui, souvent, ignorent tout du terrain, et les exécutants, aidants, éducateurs, enseignants, psychologues, thérapeutes, personnels de santé, le fossé se creuse.
Ceux qui travaillent avec la protection de l’Enfance, ont pu constater à quel point certains enfants ou certains jeunes sont drogués par des neuroleptiques et/ou submergés de rééducations tous azimuts. Des adultes en ESAT n’ont plus de désir, plus aucune énergie et s’endorment debout, sous l’effet des antipsychotiques. Lorsque la question est soulevée d’un espace où ils pourraient exprimer et élaborer ce qui les travaille vraiment, ce qui les angoisse, même s’ils pouvaient se montrer volontaires pour cette démarche, la question de budget ou de listes d’attente viennent souvent faire obstacle. Et puis, du temps est nécessaire pour ce genre de démarche et les résultats se font souvent attendre…
Le mot « solution » marque pour moi la certitude de la réponse, tandis qu’une démarche clinique impose le doute épistémologique, au niveau, à la fois de la compréhension de ce qui se présente comme l’énigme du sujet, en ce qui concerne les réponses que l’on tente d’apporter, mais aussi des effets de ces actions. Celui dont on parle n’est pas un objet. Il est mu par des désirs, par des pulsions. Il se barde de mécanismes de défense. Va-t-on considérer que seuls ses agirs comptent ? Va-t-on s’arrêter à ce qui est observable, manifeste, et ne pas s’interroger sur ce qui est lié à son histoire et à son contexte de vie ? Ne pas s’interroger sur ce qui le travaille à même son corps, sur ce qui l’angoisse, sur ce qui l’encombre, sur ce qui surgit parfois dans des passages à l’acte ou dans des symptômes psychosomatiques ? Si l’on décide de ne pas interroger « la boîte noire », ce qui relève de son Être, ce qui le pousse à répéter encore et encore ses modes de fonctionnement au sein de la relation, on risque de passer à côté des réponses qui auraient pu l’aider à se construire ou à se reconstruire, à vivre mieux, y compris avec ses symptômes. On risque de passer à côté des réponses qui pourraient l’aider à établir des relations sociales satisfaisantes, et apaisées, à apprendre, à travailler, à aimer, à vivre. Le mot « accompagnement » risque de perdre tout son sens.
Comment nous positionnons-nous vis-à-vis des décisions, injonctions ou recommandations prises aujourd’hui par les décideurs politiques, lorsqu’ils mettent tout en œuvre pour que soient rejetées, éliminées des métiers de l’éducation, du soin, de la pédagogie, du social, du médico-social, les démarches qui peuvent s’éclairer des apports de la psychologie et de la psychothérapie cliniques, des apports de la théorie psychanalytique, et d’une manière générale, de tout ce qui relève de l’humain, du sujet, de son désir, de sa parole, de ses peurs, de ses angoisses, de ce qui se joue et se transfère dans la relation ? Comment peut-on nier ainsi ce que nous a appris l’expérience clinique ?
Or, que se passe-t-il lorsqu’un dispositif d’analyse s’inscrit strictement dans cette technicité que certains voudraient voir généralisée ? Le sujet continue à parler, à désirer. Il résiste. Il va parfois s’arranger pour infiltrer ses préoccupations, son mal être, son vécu, ses ressentis, dans les brèches du dispositif le plus rigide, le plus fermé, ou s’arranger pour provoquer ces brèches. Il va « se faire remettre à sa place », ne pas être entendu, mais il va déstabiliser un protocole trop bien construit à l’avance, démontrant une fois de plus que la vie est porteuse de surprise et d’inattendu.
Certains résistent au plus haut niveau 21 . Une lettre de la FEP 22 , adressée le 3 mai 2021 au Président du Conseil national de l’Ordre des médecins, dénonce un arrêté du 10 mars 2021, lequel définit une liste de programmes d’interventions à l’intention des médecins et des psychologues. Face à des troubles du développement cognitifs et socio-communicationnel, ceux-ci devront pratiquer des tests en se référant à des théories cognitivo-comportementales, cocher dans les cases de la grille du DSM par exemple, puis proposer des programmes de remédiation neuro psychologique et cognitive et de la psycho éducation. Il ne s’agit toutefois aujourd’hui encore que de recommandations et non d’obligations. Cependant, le rouleau compresseur est en route.
Qu’en sera-t-il des dispositifs d’analyse de la pratique qui osent s’écarter de ce chemin tout tracé ? Comme toute démarche clinique déjà aujourd’hui, l’analyse clinique de la pratique devra assumer d’être subversive.
En analyse de la pratique, tout intervenant, tout superviseur, doit faire des choix en ce qui concerne le dispositif qu’il propose. Ces choix sont liés à sa formation, à son expérience, à son éthique. Cependant, comme l’énonce cette affirmation de Saint Exupéry, citée en exergue de cet écrit, ce ne sont pas les ressemblances qui m’enrichissent, mais les différences. Le constater m’incite à interroger encore et toujours mes choix, et à les confirmer, au vu des effets qu’ils produisent auprès des équipes.
Je résiste, à la manière du colibri, « je fais ma part 23 ».
1 Superviseur individuel et de groupe ; Docteur en sciences de l’éducation, DU d’analyse de pratique, Institut de psychologie Lyon II ; Psychopédagogue pendant de nombreuses années ; Formatrice au Rectorat de l’Académie de Grenoble et à Psychasoc ; membre de L’@psychanalyse. Site http://www.jdheraudet.com |
2 Michaël Balint, 1957, Le médecin, son malade et la maladie , Petite Bibliothèque Payot, éd. 1968. S’inspirant de ce dispositif, le psychanalyste Jacques Lévine a proposé le « Balint-enseignant » ou « Soutien au soutien », que j’ai pu pratiquer moi-même.
3 Rouzel, J. 2007, La supervision d’équipes en travail social , Paris, Dunod.
4 D’où le titre choisi pour deux ouvrages collectifs : Duval Héraudet, J. (dir.), 2015, L’analyse de la pratique : à quoi ça sert ? Toulouse, érès, Préface de Joseph Rouzel ; Duval Héraudet, J. (dir.), 2019, Analyse Clinique de la pratique en milieu scolaire … et ailleurs … Paris, L’Harmattan, Préface de Joseph Rouzel. Un article, « 3- Qu’est-ce qu’une analyse de la pratique professionnelle ? », consultable sur le site http://www.jdheraudet.com
5 C’est le titre d’un article paru en 2013 sur le site de Psychasoc. Charlotte Herfray, était psychanalyste, docteur en psychologie et en sciences de l’éducation, enseignant-chercheur à l’université Louis-Pasteur de Strasbourg.
6 J’ai développé également la présentation de ce dispositif, révisée ici, dans un article, « 3- Qu’est-ce qu’une analyse de la pratique professionnelle ? » consultable sur le site http://www.jdheraudet.com
7 Ce bricolage est largement inspiré du dispositif construit par Joseph Rouzel, ancien éducateur et psychanalyste, et mis en œuvre dans le centre de formation de Psychasoc à Montpellier. Il l’a présenté dans son ouvrage : Rouzel, J. 2007, La supervision d’équipes en travail social , Paris, Dunod. J’ai conservé quelques-unes des entrées du Soutien au Soutien, créé par le psychanalyste Jacques Lévine.
8 Je me réfère à la définition d’un cadre que donne José Bleger. Bleger, J. « Psychanalyse du cadre psychanalytique », dans Kaës et al., 1979, Crise, rupture et dépassement , Analyse institutionnelle en psychanalyse individuelle et groupale , Paris : Dunod, coll. Inconscient et culture.
9 Certains participants expriment parfois une certaine frustration sur le moment et reconnaissent ensuite la valeur constructive de cette règle, au point de la transférer à certains temps de leurs réunions d’équipe.
10 Je peux témoigner avoir entendu, alors que j’étais moi-même participante, des narrateurs avoir eu le sentiment de ne pas avoir eu l’espace pour exprimer ce qui les travaillait vraiment, et ne pas avoir été entendus dans leur propre mal-être. Celui-ci leur « était resté dans l’estomac ». Si l’on se réfère à Lacan, il était resté dans le réel de leur corps, car non symbolisé. Le dispositif en question imposait, suite au récit, de passer directement à la compréhension de la situation et de ce qui se passait pour l’autre.
11 En maîtrise de Sciences de l’éducation, j’avais choisi pour titre de mon mémoire « Un changement de regard », alors que j’accompagnais des enfants et des pré-adolescents présentant des troubles du comportement.
12 Ma posture est différente en supervision individuelle. Je m’y autorise plus, mais à la fois le contexte et la demande ne sont pas les mêmes. L’interprétation, toutefois, reste le fait de cet autre que j’accompagne, ce qui est plus intéressant et plus productif.
13 Si j’insiste sur ce point, c’est que j’ai pu le vivre avec certains superviseurs.
14 Edmond Rostand, Cyrano de Bergerac .
15 Pommier, G. 2018, Comment les neurosciences démontrent la psychanalyse , Flammarion, Champs essais, p. 117.
16 Rouzel, J. 2007, La supervision d’équipes en travail social , Paris, Dunod.
17 SCAPE : Séminaire clinique d’analyse des pratiques éducatives.
18 SAPEA : Séminaire d’Analyse des Pratiques d’Enseignement-Apprentissage.
19 GEASE : Groupe d’entraînement à l’analyse des situations éducatives. Cette démarche se veut systémique : elle tente de comprendre cette situation en tenant compte de ses différents composants mais aussi de son évolution. Elle vise le changement du système en modifiant l’importance de chaque facteur. Les référents théoriques se veulent multiples : psychologie, sociologie, didactique, pédagogie, analyse institutionnelle.
20 GAP : Groupe d’approfondissement professionnel.
21 Pour ne citer qu’eux, L’appel des appels , lancé par Roland Gori, psychanalyste et professeur émérite de psychologie et de psychothérapie clinique à L’Université Aix-Marseille ; Les différents écrits de Joseph Rouzel, ancien éducateur et psychanalyste, disponibles sur le site Psychasoc et de L’@psychanalyse. De mon côté, je viens d’écrire un article en soutien aux rééducateurs de l’Éducation nationale ou psychopédagogues, qui va en cours de publication par la voie de la FNAREN (Fédération nationale des Rééducateurs de l’Éducation nationale).
22 Fondation Européenne pour la Psychanalyse.
23 C’est la réponse du colibri lorsque les autres animaux lui demandent si c’est en portant une goutte d’eau dans son bec dans des allers et retours qu’il éteindra le feu de forêt.