mercredi 25 juin 2008
« Quand je m’occupe de ce qui est spécifique à l’humain, je suis vraiment dans l’accompagnement de ce qui caractérise l’humanitude. Je n'ai pas de solution : Mon objectif, ce n'est pas de construire la société de demain, c'est de montrer qu'elle ne doit pas ressembler à celle d'aujourd'hui »
Albert Jacquard
Je me souviens de ces années d’hier et d’aujourd’hui à vivre cette réalité partagée avec des jeunes et adultes autistes. Je savais qu’ils étaient autistes parce que leur dossier parlait pour eux et sans eux. Je les ai vus descendre du bus à une allure folle. Chacun cherchait la peur de l’autre sans arriver à penser à autre chose. Mais qu’est-ce qui se passe ? Nous avions préparé des verres de sirop pour les accueillir. Quelques minutes après, les verres étaient sous les tables et le personnel sans dessus dessous. J’ai croisé quelques regards qui en disaient long sur l’envie de tourner les talons et de repartir en bus. Mais la tornade ne permettait pas de se poser de questions trop longtemps. Cette ambiance dura quelques jours avec des hauts et des bas d’un coté comme de l’autre. Et là, des yeux se sont rencontrés, de bruits, des coups, des sons vers cet autre que l’on croyait vraiment étrange, étranger à soi et pour soi. Petit à petit, l’autiste disparaissait pour laisser apparaître l’être. Si Dolto a dit que le psychotique n’existe pas, certains éducateurs ont commencé à penser aussi que l’autiste n’existait pas.
Ce qui existait n’était qu’une rencontre d’humains à humains. Petit à petit, l’équipe a travaillé sur la sensation de « vivre avec » ces jeunes et adultes. Ce qui était étrange, étranger devenait plus familier par la mise en place de rituels amenant à élaborer un espace structuré et structurant.
La réalité partagée de Marcel Sassolas est la seule réalité qui montre que la connaissance de l’autre commence par ce partage du quotidien, de l’activité, des repas, des temps collectifs ou autre. La responsabilité première d’un cadre éducatif est de mettre à mal toutes les représentations sur la différence de l’autre et la tentation de le rendre objet malgré lui. Le travail éducatif commence quand la rencontre avec l’autre (autiste ou non) a eu lieu. Pour cela, il n’y a qu’une vérité, celle de sortir de son bureau, celle de se confronter à cette peur de l’ignorance, de la maîtrise, de la toute-puissance qu’il faudra tôt ou tard lâcher pour que l’altérité soit au rendez-vous. Il n’est jamais facile de rencontrer une personne autiste. Il n’est jamais facile pour une personne autiste de rencontrer une personne ordinaire. Nous sommes donc quitte à affronter une difficulté qui nous apparaît si immense que l’on ne peut qu’en sourire ensuite. Le jour où l’on verra l’humain avant l’autiste, ce jour-là, la société de demain ne ressemblera plus à celle d’aujourd’hui.
zhang weize
zhang weize
dimanche 21 mars 2010