vendredi 03 septembre 2004
Pourquoi écrire ? La raison première étant peut être de se soulager d’une émotion, d’une sensation, d’une situation qui colle et englue notre quotidien et notre pratique professionnelle. Sans vouloir abuser du jeu de mot facile, dans écrire il y a cri. Et si l’écriture n’était qu’un cri ? Comme un écho qui résonne les cris (l’écrit) permettent de s’entendre vivre, agir, réagir et voir s’éloigner un mot, un son à l’encre qui libère. Au début il y a le cri. Joseph Rouzel écrit dans la pratique des écrits professionnels en éducation spécialisée : « …mais cette fréquentation quasi quotidienne de sujets en souffrance paradoxalement, pousse à une autre forme d’écriture. Il s’agit de sauver sa peau. »
L’écrit est une parole couchée sur une feuille. Avec l’avantage que cette parole ne vas pas être coupée par un collègue bienveillant qui s’exclamera « c’est exactement comme pour moi » ou bien « ça me rappelle ce qui m’est arrivé…ou « tu vois je te l’avais dis » Aller au bout de sa phrase et de son argumentation sans être interrompu est un luxe quand nous sommes tous confrontés à la difficulté d’écouter et d’être écouté ou d’entendre et de se faire entendre.
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A mesure que j’écris et que j’efface ce que j’écris je me rends compte qu’il est difficile de dire les raisons qui poussent à l’écriture. Faîtes votre choix. Un peu pour chercher la « bonne distance », (j’écris donc je vois) un peu pour relativiser, un peu pour se soulager, (j’écris donc j’ai moins mal) un peu pour se sentir vivre, ( j’écris donc je suis ) un peu pour s’illusionner, (j’écris donc j’ai compris) un peu pour avancer et du coup faire avancer l’autre (j’écris donc j’y crois), un peu pour témoigner et transmettre, un peu….. Une certitude, écrire permet d’y voir plus clair puis de sombrer à nouveau puis de retrouver la lumière…. Entre ombre et lumière on avance, on avance, on avance… comme dit la chanson.
On aime écrire un peu, beaucoup, passionnément, à la folie, pas du tout. Il paraît que l’on écrit surtout quand on va mal. Peut être. Il paraît que l’on écrit pour être lu et reconnu. Peut être. Il paraît que les écrits ne reflètent pas la réalité. Pas toujours. Sans évoquer les écrits institutionnels, écrire est-il nécessaire pour sa pratique professionnelle ? Certainement. Certaines écoles d’éducateurs demandent qu’un cahier de bord soit tenu par le stagiaire sur son lieu de stage. Cet outil de travail permet d’élaborer et de s’approprier sa propre trajectoire professionnelle et de ne pas en perdre une miette. (presque pas) Le travail est colossal au point que l’on ne s’est pas toujours comment s’y prendre.
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Le plus difficile est de lâcher prise sur son obstination à vouloir maîtriser ce qui risque de sortir, ce qui peut s’échapper, ce que l’on pense et espère voir venir ou advenir. On reste dans la maîtrise totale au point parfois de vous écœurer de l’écriture. La page blanche de l’éducateur. A croire que l’on ne vit rien de particulier. Le plus difficile est peut être là. Se lâcher dans l’écriture. On se trouve inodore et incolore, vide et insipide. On se voudrait si merveilleux si génial et phénoménal, si inventif et créatif. On n’est pourtant pas en compétition pour le prix Goncourt ou le concours Lépine. On en oublie que l’important est de livrer avec simplicité ce que l’on vit avec cet enfant, adolescent ou adulte qui a besoin d’être accompagné aujourd’hui et demain. Facile à dire. Facile à écrire. Ce qui paraît simple est toujours très compliqué. Avec le temps ça le devient moins puis ça le devient encore et moins et encore….
Ecrire demande beaucoup d’humilité malgré les apparences. Cet acte demande d’accepter de se perdre puis de se retrouver puis de se perdre à nouveau dans ces doutes et incertitudes. Ecrire demande à être soi-même. Facile à dire, facile à écrire.
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Ecrire est une forme de respect envers cet autre qui demande de s’interroger continuellement sur ce que l’on fait dans cette relation éducative si complexe. La parole et l’écriture sont des outils essentiels à notre pratique éducative et il est important de les utiliser, parfois avec aisance parfois avec difficulté, encore et toujours pour avancer encore et toujours. Pour parodier le proverbe : écrivons, écrivons , il en restera toujours quelque chose.