mardi 04 novembre 2003
- Jean-Bernard Paturet, De la responsabilité en éducation , Nouvelle édition, érès, 2003.
- Richard Hellbrunn, A poings nommés. La violence à bras le corps , èrès/Arcanes, 2003
L’ouvrage de Jean-Bernard Paturet s’avère un socle solide pour fonder les questions qui tournent autour de la responsabilité, la déontologie et l’éthique professionnelles. Philosophe de formation, professeur en Sciences de l’éducation, l’auteur situe l’éthique à la fois dans ses racines subjectives tout en la projetant dans des perspectives collectives. Peaufinant le concept d’ « éthique de l’alliance » dans la foulée de Hans Jonas, Jacques Derrida, Paul Ricoeur, Emmanuel Levinas et quelques autres, il nous montre à quel point la question de la responsabilité relève d’une réflexion profonde qui plonge ses racines dans la plus pure tradition de la pensée philosophique, tout en trouvant ses points d’application dans les actes éducatifs au quotidien. Le point d’arrivée de cette réflexion qui ouvre sur une question cruciale de la responsabilité de l’homme face à son environnement matériel mais aussi social, permettrait de fonder le niveau profond de l’intervention sociale dans les années qui suivent. Les lois récentes du 2 janvier 2002 sur la Rénovation de l’action sociale, du 4 mars de la même année sur le droit des malades, du 15 mars sur la réforme de l’assistance éducative n’ont fait que marteler cette évidence : les usagers sont au cœur des dispositifs ; ils doivent en être considérés comme les principaux acteurs. Ceci implique qu’ils soient également situés comme responsables. Responsables pas coupables, comme disait Georgina Dufoix après le non-lieu du procès du sang contaminé. Comment transmette dans l’action éducative de chaque jour cette responsabilité ? Comment l’expliquer, la fonder en raison, l’accompagner ? La question ne saurait trouver son prolongement si elle n’est pas d’abord assumée par les intervenants sociaux eux-mêmes.
C’est un peu ce que tente à sa façon Richard Hellbrunn, psychanalyste strasbourgeois, inventeur de la « psychoboxe ». Loin des représentations binaires qui caricaturent l’être humain soit comme un diable, soit comme un ange, l’auteur en tant que praticien social, intervient sur le noyau dur de la violence chez les jeunes. Pas de baratin. Attaché au secteur de la prévention, il les accueille sur un ring de boxe, puis propose ensuite de discuter de ce qui s’y est passé. Il est des jeunes aliénés à la pulsion brute, incapables d’élaboration, qui par cette médiation en viennent à prendre une certaine distance avec ce qu’ils éprouvent. On peut parler ici de mise en acte de la responsabilité du sujet. Il s’agit bien comme l’annonce Pascal Martin, un de ses compères, psychanalyste également, de « dire, redire que la violence, c’est l’homme dans ce qu’il a de plus archaïque, de plus profond, de plus imprévisible. » Dans cette position incorrecte institutionnellement (un psychanalyste hors son cabinet ), politiquement (on ne cherche pas à éradiquer la violence, ni à enfermer les violents, mais à les faire parler de ce qu’ils éprouvent), voire conceptuellement (ici la violence n’est pas prise comme pathologie, mais comme expression ) Richard Hellbrunn ouvre une voie nouvelle dans le champ des médiations éducatives. Il s’agit pour les praticiens sociaux de mouiller leur chemise pour soutenir au plus près, y compris dans le corps à corps, des sujets là où il en sont et non là où on voudrait qu’ils soient.
Ces deux textes, l’un sur le plan théorique, l’autre sur le plan clinique viennent illustrer « à point nommé » l’assertion de Lacan qui fonde l’essence même du travail social et de la transmission « De notre position de sujet, nous sommes toujours responsables ».