samedi 24 août 2002
"Prendre en compte l’inconscient, cela n’est pas réservé aux analystes ; les travailleurs sociaux, à condition de se soumettre à une étique qui les y engagent, y sont aussi confrontés" J. ROUZEL
Le 06 juin 2000 prenait naissance à Besançon un petit groupe de travail sur la question de l’arrimage de l’acte éducatif à la psychanalyse. Pour amorcer ce travail un texte d’introduction intitulé « L’acte éducatif et ses références théoriques, note préliminaire à un travail d’articulation entre la pratique éducative et les références théoriques. » a été proposé à quelques personnes intéressées et le livre de D. ROQUEFORT largement distribué ou conseillé.
D’autres écrits et notamment ceux de J. ROUZEL et ceux de J. LAFONT ont alimenté par la suite notre réflexion.
Ce qui est présenté ici au travers les réflexions, les invitations et les notes de réunions de travail est une sorte de balbutiement, une invite à partager ce cheminement.
r - L’acte éducatif et ses références théoriques (note préliminaire à un travail d’articulation entre la pratique éducative et les références théoriques), mars 2000
r - Une parole de coupure (le 02 mai 2000)
r - Le scrupule (le 06 juin 2000)
r - L’erreur et la faute (le 25 juin 2000)
r - Les règles et l’énonciation (le 11 septembre 2000)
r - Le bien de l’enfant (le 30 septembre 2000)
r - L’acte éducatif et ses références théoriques (note préliminaire à un travail d’articulation entre la pratique éducative et les références théoriques), mars 2000
Prendre pour objet de ré interroger notre rapport à la théorie est avant tout une démarche de décrochage de la pratique. Non pas pour s’en éloigner mais pour y revenir, plus attentif encore à ce que celle-ci peut avoir à nous apprendre sur notre métier et, il faut bien l’admettre, sur nous même. C’est aussi renforcer la capacité de chacun à rendre compte de la seul chose qui vaille la peine, son engagement dans le travail.
Est-il innocent que cette question se pose au cœur de la pratique auprès des adolescents, au plus près de cette étape de changement voire de bouleversement ?
On peut se demander si toute personne participant à une oeuvre d’aide ou de soin, dans une institution ou un service, n’est pas confrontée à des fonctionnements ou à des comportements qui peuvent régulièrement interroger, au plus près de l’intime, le rapport à l’enfance de l’adulte en situation professionnelle.
Nous pouvons supposer que cette interrogation est souvent plus violente au contact des adolescents du fait de la spécificité de cette période (I), sachant que durant celle-ci les jeunes mettent, de manière plus criante, les adultes à l’épreuve, les sollicitant dans leurs capacités à “ tenir position ” (II) alors que, face à la mobilisation d’affects inconscients, les professionnels sont souvent en manque d’espace d’élaboration ou de référence théorique (III).
Afin d’engager la réflexion nous proposons ici de cheminer le long de cet axe qui va du temps adolescent à l’élaboration des équipes en institution
I - Le temps adolescent :
Parmi l’ensemble des particularités de l’adolescence nous pouvons en retenir deux qui ne résument pas elles seules la problématique de l’adolescence mais peuvent être considérées comme “ emblématique ” des aspects qui risquent de mettre l’adulte en difficulté dans la mission qui est la sienne. Il s’agit de l’aspect pulsionnel des affects qui sont mobilisés dans ce temps particulier et de l’immaturité caractéristique de cette période.
- L’aspect pulsionnel :
C’est la force des pulsions en jeu qui fait écrire à C.W. WINNICOTT, en conclusion de son chapitre sur l’adolescence (in jeu et réalité), que “ dans le fantasme inconscient, ce dont-il s’agit là, c’est de vie et de mort ”. Prendre en compte la force de cette mobilisation psychique nous permet d’imaginer le risque que peut représenter le fait de s’y trouver lié à un titre ou à un autre et d’avoir à supporter les identifications projectives des adolescents qui se trouvent pris dans cette traversée.
Et ceci à un double titre si l’on considère que la difficulté d’avoir à tenir un cadre contenant peut se doubler de la crainte de voir se réactiver ses propres conflits non suffisamment élaborés.
- L’immaturité :
Dans le même ouvrage C.W. WINNICOTT affirme que “ au moment de l’adolescence, l’immaturité est un élément essentiel de santé ” et F. MARTY (psychologue, psychanalyste) d’ajouter (lettre du GRAPPE n°38) que “ les parents demandent souvent aux adolescents d’être en même temps créatifs et réalistes, sans leur laisser le temps d’une seconde latence... ”.
Quelle institution, quel professionnel n’a pas porté à l’excès l’objectif de maturité en demandant (voir en exigeant) que l’adolescent qu’il a mission d’éduquer (donc de conduire) ait fait le chemin avant de l’avoir véritablement commencé, soit adulte avant d’avoir seulement amorcé, avec la sécurité suffisante, le temps de son adolescence.
Si l’on ajoute à ces deux caractéristiques combien le paradoxe de l’adolescence est vite “ oublié ” dès que traversé on imagine combien fini par devenir étrangère cette volonté adolescente de vérifier que les liens peuvent tenir en les éprouvant, donc en prenant le risque de la rupture (lorsqu’elle n’est pas délibérément provoquée).
La famille de référence tout comme les adultes proches vont être assignés à “ tenir la position ” dans cette drôle de guerre ou l’adolescent possède à première vue l’avantage du terrain (qu’il occupe volontiers), celui de la vitesse de déplacement (au sens propre comme au sens figuré) et souvent celui de la surprise. Seul l’adulte convaincu “qu’il en sortira vivant” peut espérer triompher sans que “ l’adversaire ” soit désarmé et réduit au silence ce qui serait en l’occurrence une bien piètre victoire.
II - La mise à l’épreuve et la position :
Alors que, confronté au travail de l’adolescent, il nous faut bien répondre (au sens où de la responsabilité adulte est mobilisée), la question se pose de savoir sur quel fondement le professionnel tente d’asseoir la pertinence de sa réponse.
- Une pertinence qui ne serait pas technique :
Même si cela peut paraître tentant la question ne se réduit pas à l’utilisation de techniques éducatives. Lorsque Arlette PELLE (psychanalyste) rappelle que “ ce n’est pas avec la théorie qu’on éduque mais avec ce que l’on est ” (lettre du GRAPPE n°37) c’est pour déplorer d’être obligé de constater que “ on aboutit régulièrement au refoulement des instances psychiques qui gouvernent la relation et l’on contribue à instituer une nouvelle profession : les techniciens de la relation ”.
- Une pertinence articulée à la parole :
En matière d’éducation il est plus probable que la relation qu’il s’agit de faire vivre s’articule à la notion de confrontation , étant posé (toujours avec WINNICOTT) que “ l’adolescent... a besoin qu’une réalité lui soit donnée par un acte de confrontation ” et que de plus “ cette confrontation doit être personnelle ” sachant que, précise-t-il, “ la confrontation est quelque chose qui contient, sans esprit de vindicte ni de représailles, mais qui a sa force propre ”. C’est dans ce même esprit que J.P. LEBRUN (psychiatre - psychanalyste) interroge et affirme: “ Répondre par la sanction, pourquoi pas ? Mais tel n’est pas l’enjeu, même si parfois c’est nécessaire. L’enjeu, c’est que soit énoncée la limite, pas tellement pour qu’elle soit respectée mais pour qu’elle situe l’interlocution , pour qu’elle donne consistance à la rencontre ” (lettre du GRAPPE n°38).
Ces notions “ d’énonciation ” et “ d’interlocution ” peuvent renvoyer à l’importance accordée à la parole et à la position de celui qui la fait vivre.
- Une pertinence inscrite dans le registre de la castration :
Dans le registre du psychisme l’interlocuteur est précisément celui qui vient “ inter-dire ” et favoriser un “dire” qui viennent prendre place entre la jouissance du passage à l’acte et l’accès au désir. Pour Daniel ROQUEFORT l’éducateur “ est garant de la loi, mais d’une loi qui commande de désirer par l’exercice du langage ” (“ le rôle de l’éducateur ” - l’Harmattan). Cette position ne peut-elle être tenue sans que l’éducateur soit renvoyé à son propre rapport au manque ? “ Comment quelqu’un qui n’a aucune idée de la castration, ou qui n’en voudrait rien savoir, pourrait-il faire profession de la représenter ? ” interroge le même auteur.
Encore faut-il que les lieux institués qui font profession de prendre des adolescents en charge prévoient de réserver des espaces pour ce travail d’élaboration, que celui-ci soit accompagné et que les enjeux puissent être posés.
III - l’élaboration :
Toute élaboration vise à dégager l’acteur de sa prise dans les effets de la réalité et à réinjecter une capacité à penser. Cela peut être le fruit d’un travail sur la “ déconstruction ” des apparences tel que l’offrent les théories du système ou le résultat d’une reprise des affects dans leur dimension transférentielle et contre transférentielle.
Quel que soit le mode d’approche, la visée est celle d’un décrochage, d’une remise en élaboration et témoigne d’un effort de symbolisation. La psychanalyse tient quant à elle le désir du sujet comme point vif de sa question et s’entend à la fois comme théorie et comme expérience.
“ Pourquoi la psychanalyse ? ” interroge Daniel ROQUEFORT (ouvrage cité) “ Parce qu’elle est la seule qui affronte réellement la question posée par le désir du sujet ”. Notons au passage qu’il avait pris soin de préciser plus avant qu’il ne “ s’agit d’aller chercher dans la psychanalyse ni un savoir ni des recettes, mais un fondement à une pratique qui devra ensuite s’élaborer ”.
Nous pouvons en effet interroger la psychanalyse comme théorie alors que celle-ci se soutient d’abord de l’expérience d’une rencontre avec l’inconscient. Pour René CLEMENT la psychanalyse, en tant que théorie de la vie psychique, consciente et inconsciente “ permet d’analyser plus avant, en quelque sorte à contrario, les enjeux mêmes de ce que représentent pour le monde adulte la parentalité, ses avatars et la complexité infinie du désir d’enfant ” (“ les parents en souffrance ”, STOCK) .
Enjeu d’importance pour les professionnels si l’on considère avec lui que “ le manque à penser produit du pousse à agir, dans l’anxiété, l’urgence et le passage à l’acte ”.
Si, comme nous le soulignons plus avant, l’acte de confrontation est posé comme fondement de l’acte éducatif, celui qui s’y engage mobilise à son insu l’ensemble de ses ressorts conscient et inconscient.
Alors que D.W. WINNICOTT affirme que, dans le fantasme, pour l’adolescent c’est de vie et de mort dont il est question, nous pouvons faire l’hypothèse que pour l’adulte en situation professionnelle, ce qui serait à interroger et à élaborer serait du côté de l’amour (et la fonction du transfert) et de la réalité (donc de la subjectivité).
- L’amour :
Dans un article intitulé “ la fonction de transfert ”, Jeanne LAFONT (psychanalyste) porte bien haut la question de l’amour : “ Faire profession d’aimer : le transfert permet d’oser cette formule, parce qu’il se pense en terme d’amour. L’amour y affleure, comme moteur, comme résistance aussi, comme la dimension même que la relation doit dépasser pour une élaboration subjective, un au-delà qui organise une “ autonomie du sujet ” qui ne veut rien dire d’autre que sa capacité, à la suite de cette relation, de pouvoir aimer un autre ”.
Ce n’est pas sans un certain travail d’élaboration et l’autorisation “d’en dire quelque chose” qu’il est possible de repenser son intervention, d’entendre combien les désirs et les fantasmes pèsent de tout leur poids dans la pratique éducative. Arlette PELLE précise: “...l’amour du professionnel est un amour sous condition : un amour qui oblige à savoir ce qui le motive ”. Elle conclut par cette question : ”Un professionnel peut-il vouloir faire le bien , aimer seulement avec son ignorance, avec son je ne veux rien en savoir ”
Pour Jeanne LAFONT réfléchir à la fonction du transfert est un des enjeux essentiel et il n’est qu’à considérer les différentes affaires ou d’évidence les professionnels se sont “ pris les pieds dans le transfert ” pour penser avec elle que “ c’est de nos jours, un risque majeur de la pratique sociale, tant qu’elle refusera de poser la question de sa fonction. Elle doit théoriser, c’est à dire être capable de parler “ en raison ”, au groupe social dont elle est issue, les cadres de sa compétence, des limites de son efficace, dans une véritable théorisation du transfert, et non de l’amour ”.
Pour ajouter à la question qui nous préoccupe elle précise “ et il me paraît infiniment important d’entrer dans cette théorie, d’accepter même que la théorie soit nécessaire ”.
- La réalité :
A y regarder de près la réalité vient souvent dans le discours éducatif pour justifier ce fait que seul l’avis de l’adulte est le bon, que le professionnel a raison... puisqu’il sait.
Travailleur de l’éducatif ou du soin, peu importe que notre savoir soit ou ne soit pas questionné, nous ne sommes pas tenus d’en rendre compte, de nommer nos références. Nous savons quel objectif le jeune doit atteindre, quel projet il doit mettre en place, pour le bien de la personne prise en charge, c’est évident puisque cela tombe sous le bon sens.
D’ailleurs l’article 1 de l’annexe 24 ne pose t-il pas que “ l’éducation spéciale a pour but de répondre, après les avoir reconnus, aux besoins communs à tout enfant, (dont) leur aspiration à l’autonomie et la maîtrise des risques ”.
Comment, à partir de la pensée une “ nécessité ” de l’intervention qui ne soit pas réduite au “ besoin ” et qui puisse prendre appui sur la subjectivité de chacun ?
C’est cette notion de réalité que Jeanne LAFONT interroge encore lorsqu’elle affirme que “ la réalité n’est pas un concept, ni une matérialité objective, garantie, si ce n’est sous la forme d’une conquête, toujours à refaire, dans le partage avec les autres ”.
Articulé au transfert et non plus à l’amour, à la subjectivité plus qu’à la réalité, la théorie peut permettre que se redéfinisse une position éducative, jamais complètement acquise, qui fonde la possibilité de dire. Et pour reprendre la formule de Jeanne LAFONT, plus qu’un savoir sur l’adolescence l’élaboration permettrait de passer du “ qu’est-ce que j’ai fait ” à “ qu’est-ce que je peux dire, transmettre, de ce que j’ai cru faire ? ”. Seule position qui autorise une transmission.
Il reste à se demander comment, à ce point précis, soutenir celui qui s’y engage et qui y risque le confort d’une soumission ainsi que le pseudo savoir des certitudes.
BIBLIOGRAPHIE
-Joseph ROUZEL “ Le travail d’éducateur spécialisé ”, Editions DUNOD
-Daniel ROQUEFORT “ Le rôle de l’éducateur ”, Editions l’HARMATTAN
-Jeanne LAFONT “ Les Pratiques Sociales En dette de la Psychanalyse ”,
Editions POINT HORS LIGNE.
-René CLEMENT “ Parents en souffrance ”, Editions STOCK - L. Pernoud.
-D.W. WINNICOTT “ Jeu et réalité - L’espace potentiel ”, Editions GALLIMARD.
-La Lettre du GRAPE n°37 “ Entre enfants et professionnels : des histoires d’amour ?
Editions ERES
-La Lettre du GRAPE n°38 “ Histoires de violences ”, Editions ERES.
r - Une parole de coupure (extrait de la lettre d’une participante - le 02 mai 2000)
…
Je souhaiterais engager une réflexion sur ce que Joseph ROUZEL appelle les "actes créateurs" de la pratique éducative :
... » il S'agit pour un éducateur de subvertir la commande -sociale ( ... faire que les personnes qui lui sont confiées se tiennent tranquilles), et pour cela de devenir un homme rusé. Il s'agit au lieu même de l'aliénation de poser des actes créateurs. Des actes qui visent l'avènement du sujet chez chaque personne qu'il rencontre . »
... ou encore ce que Daniel Roquefort appelle « éduquer sans effort » :
... « Tout ce qui favorise l'entrée dans le langage, et par conséquent l'émergence du désir peut être dit éducatif. En revanche, tout ce qui maintient le sujet dans les rets des motions pulsionnelles incestueuses lui tourne le dos... La castration veut dire qu'il faut que la jouissance soit refusée, pour qu’elle puisse être atteinte sur l’échelle du désir
L'éducateur, dans sa fonction, représente l'exigence inscrit dans cette phrase. On peut mesurer au poids de chaque mots toute la grandeur de sa tâche, mais aussi la redoutable difficulté qui attend ceux qui s'y risquent. En effet, si la métaphore du Nom du Père constitue le fondement de cet fonction et son critère distinctif, il s'en suit que l'éducateur doit représenter le mouvement de conversion qui s'y joue, c'est à dire le passage du désir de la mère qui vise la jouissance, au Nom du Père qui ouvre au désir. Ce faisant il est immédiatement renvoyé à sa propre castration. »
Est-il capable d'énoncer en son nom un « oui » ou un « non » qui fasse tranchant ? Et ce, sans biaiser, sans circonvolutions inutiles, sans s'abriter derrière l'équipe, les sacro-saint règles, les diverses médiations ou artifices, les préjugés les préventions. Un « oui » ou un « non » qui ne s'alimente pas la soupe étouffante des bonnes intentions, des pieux dévouements, ou des vœux charitables, mais qui, tout contraire, se fondant sur la métaphore du Nom du Père sait ne donner que du rien, le rien de sa propre castration, signe du véritable amour, qui n'est autre, comme l'enseigne Lacan, que d’offrir ce qu’on a pas !
Il n'y a, à mon avis, rien à ajouter pour décrire l'exigence dans laquelle nous sommes d'assumer des paroles de coupure, des « non » qui ne s'autorisent d'aucun autre, parce-qu'ils s'appuient sur notre propre castration.
La difficulté réside pour moi, dans l'exigence dans laquelle nous sommes également, de rendre compte de ces positions qui viennent faire "tranchant' et qui bien souvent alimentent une plainte chez l'enfant.
Les référents ASE disent souvent qu'ils doivent « faire la part des choses » entre la plainte de l'enfant et la position de l'accueillant.
... comment pourrions-nous mettre au travail cette impossible rencontre entre l'acte éducatif - qui renvoie l'enfant au manque et à la perte - et la demande (implicite) de l'institution : Que l'enfant soit comblé et qu'il cesse de se plaindre !
…
r - Le scrupule (le 06 juin 2000)
La psychanalyse a cette particularité de représenter le “scrupule” du travailleur social: ça le dérange en ce que la psychanalyse questionne sans cesse le praticien social sur ce qu’il fait là. Bref la psychanalyse, ça fait scrupule en ce que ça ne laisse pas tranquille sur son désir. (J. ROUZEL)
Il m’a semblé que ce petit caillou (le scrupule) était bien venu pour introduire cette invitation à la création d’un groupe de travail qui se donnerait pour objet d’interroger l’acte éducatif sous le regard de la psychanalyse. D’en jalonner la route de quelques-uns, bien modestes mais insistants, serait-il le moyen de s’autoriser à parler les questions sur lesquelles bute régulièrement notre pratique ? J’ai cru percevoir que ce désir nous était commun et pouvait nous mettre au travail.
Même si le champ des sujets ne peut être borné dès à présent je reprends volontiers, en guise d’introduction, la préoccupation de N. C. qui, lors de quelques échanges autour de l’idée d’un groupe de travail, a suggéré que la question du “fantasme” pouvait articuler notre démarche tant cette aspect est présent au cœur de la demande de prise en charge comme au creux de sa réalisation. Il est d’autres aspects que la psychanalyse tente d’éclairer et notamment celui de la position éducative et de son indispensable “autorisation”... Nous aurons l’occasion à partir des questions de chacun de mieux cerner notre propos.
Documents joints :
- La fonction du transfert J.LAFONT in La lettre du GRAPE n° 37 )
- L’acte J.LAFONT in Les pratiques sociales en dette de la psychanalyse – chapitre 9
- Violence et pensée Serge BOIMARE in la lettre du GRAPE n° 39
- Concepts actuels du développement de l’adolescent : concéquences quant à l’éducation D.W. WINNICOTT in Jeu et réalité
- La résistance à la psychanalyse : la responsabilité des psy. René CLEMENT in Les parents en souffrance
r - L’erreur et la faute (le 25 juin 2000)
I never makes
the same mistake twice
each one is slightly different
Aphorisme anglais
Pour tenter de tracer la ligne de démarcation entre erreur dans le travail et faute professionnelle, je propose de reprendre cette notion de l’erreur avant de développer les enjeux du « dire ». La faute enfin, sera abordée comme caractéristique d’une volonté, justement, de n’en rien dire.
l L’erreur
Lors d’un congrès sur la prise en charge des adolescents par le secteur soignant organisé conjointement par le Ministère de la Justice et par celui des Affaires Sociales, au Printemps 2000, il a été déclaré à la tribune par un chef de bureau que de faire une erreur était chose humaine, mais que de la redoubler était une faute. Le thème dans lequel cette assertion a été faite était celui de l’expertise et cet orateur voulait sans doute démontrer avec quel sérieux il entendait que l’on s’occupe du bien des jeunes auxquels nous avons à faire. Il me semble, et cela a justifié une intervention de ma part, que l’erreur et la faute ne sont pas de même nature et que la répétition n’emporte pas à elle seule la qualification.
C’est donc à une sorte de réhabilitation de l’erreur que je vais m’employer dans une époque où celle-ci est a priori vouée aux gémonies.
Dans son ouvrage intitulé « Un monde sans limites », J.P. LEBRUN, psychiatre et psychanalyste à Namur, reprend cette tendance des temps modernes où l’échec n’a plus droit de cité. « Nous connaissons la formule souvent utilisée aujourd’hui : Echec à l’échec !
L’échec, le ratage ou même l’incertitude n’ont plus bonne presse. En revanche, aujourd’hui, c’est l’erreur qui est à rechercher, avec sa contrepartie qu’est la nécessité inflative de s’assurer, au sens de se fournir un maximum de garanties pour pouvoir soutenir sa parole... ».
Nous voyons ici comme le gant se retourne et le paradoxe qu’il y aurait à s’assurer d’une parole sans risque.
L’éradication de l’erreur tient à deux forfanteries. La première se saisit dans l’oubli du sens premier du mot erreur, l’autre dans la négation des vertus de l’erreur et des zones d’ombre qui habitent chacun d’entre nous.
- L’origine du mot erreur :
Le terme latin « errare » a donné tout à la fois « errer », s’écarter de la vérité et, par confusion avec l’ancien français, « errer » dans le sens de voyager qui donne « errance », « errements », etc., qui évoque l’idée d’aller de côté et d’autre, au hasard, à l’aventure. C’est la même racine qui a donné « error » d’où découle le mot « erreur ».
Nous percevons mieux ici combien l’erreur se confond avec l’idée d’errer. Avant d’être une fausse doctrine ou une fausse opinion (ou pire un dérèglement des mœurs) l’erreur est d’abord l’action d’errer : « compter moi vos longues erreurs sur la terre et sur l’onde » (Detille), y compris sur le plan moral ou intellectuel.
- Les vertus de l’erreur :
Au cœur même de la répétition de l’erreur, il y a un dire qui insiste à se faire entendre. S. FREUD le premier a longuement expliqué tout l’intérêt qu’il y avait à s’attarder sur ces erreurs, ces actes manqués perçus comme autant d’actes réussis du côté de l’inconscient.
En matière éducative, la place que prennent nos actions conscientes ne sera jamais aussi importante que ce qui vient se jouer, à notre insu, dans la relation. Les phénomènes de transfert, de contre transfert, d’identification projective ne peuvent éclairer notre position que dans l’après-coup le plus souvent. Se pencher (et non s’épancher) sur nos erreurs est donc un devoir dans le travail. C’est même la condition première pour que quelque chose soit pris en compte dans la répétition. Que se passe-t-il donc pour qu’un jeune vienne ainsi buter au même endroit et mette autant d’énergie à nier l’évidence le plus souvent. Nous pouvons ainsi nous demander quelle culpabilité envahissante saisit tel ou tel jeune qui assure avec force, pris sur fait (dans le passage à l’acte), que ce n’est pas lui malgré toutes les évidences ?
Que se passe-t-il pour nous même quand seul ou d’un collègue à l’autre, voire d’un service à l’autre, nous sommes amenés à reproduire les mêmes erreurs qui conduisent parfois aux même échecs ? N’est-ce pas à l’endroit même de la répétition que nous sommes conviés à nous arrêter pour tenter d’entendre ce qui insiste à se dire ?
l Les enjeux du « dire »
Comment les erreurs, ou ce qui est vécu comme telles, peuvent être interrogées pour servir d’indicateur (à minima) ou être reconnues comme parole (dans le meilleur des cas) ?
Il n’y a probablement pas d’autres issues que de s’astreindre à en parler et ceci pour deux raisons principales :
* La première raison est celle de la définition même du terme de responsabilité (du latin « responderer » qui signifie tout à la fois répondre à une lettre ou à une convocation qu’être situé en face de). En cela est responsable celui qui peut accepter et subir les conséquences de ses actes , en répondre, se tenir en face.
Sur ce versant, dire l’erreur serait une façon de « se mettre en face », en position d’en répondre et donc de ne pas « fuir sa responsabilité ».
Il serait à ce sujet mal venu que les acteurs d’une profession qui tient la « responsabilisation » des publics dont elle a la charge comme un objectif principal de son action, ne s’imposent pas à eux-mêmes quelques exigences à cet endroit.
Nous pouvons interroger le prix que nous sommes prêts à payer pour tenir cette exigence et nous percevons ici l’importance qui représente la constitution de lieu de parole comme autant de lieu d’exercice de... la responsabilité.
* La deuxième raison est liée à ce dont l’erreur participe. En tant que rupture dans la linéarité de l’acte elle témoigne d’un manque, d’une « incomplétude ». D. ROQUEFORT soutient justement que celle-ci est constitutive de la pratique éducative et que l’éducateur se doit de la représenter. « Représenter l’incomplétude, un trou dans le savoir, et donc la possibilité pour l’enfant d’y articuler un désir. Le non-savoir de l’éducateur est le signe qu’un savoir est en attente de l’enfant, ailleurs et qu’il peut y accéder, accompagné, soutenu par son éducateur ».
Loin de la craindre, l’erreur comme irruption dans la dérive rationaliste témoigne de la subjectivité de chacun des acteurs.
l Les risques du « taire »
Articulé à l’idée de cheminement dans son rapprochement avec la notion d’errance, effort à dire dans sa répétition et gage de l’incomplétude du travailleur social, l’erreur aurait de quoi être portée au rang des vertus à développer !
Point trop d’effort cependant, cela ne sera pas nécessaire car celles que nous produisons à notre insu sont probablement déjà bien plus nombreuses que celles que nous pourrions nous engager à faire.
Il s’inscrit déjà à cet endroit un premier distinguo avec la faute qui serait un « volontariat » de l’erreur. En effet, ce plaidoyer vaut principalement pour l’erreur qui échappe à ces auteurs, involontaire d’abord, et dont la lecture ne peut se réaliser pleinement que par le biais de son énoncé. Commise sciemment, avec la volonté de nuire au travail, il s’agit bien évidemment d’une faute.
Cependant sur le plan éducatif ce qui distingue la faute de l’erreur est plus qu’une question d’intentionnalité dans l’acte. C’est d’abord le choix délibéré, par peur ou faiblesse, de taire (ou de faire taire) l’erreur qui est constitutif de la faute.
En reprenant notre développement, ce qui vient faire obstacle au « dire » sur l’erreur menace l’errance et donc la pensée, vient empêcher l’exercice de la responsabilité et pervertir l’acte éducatif , rien moins que cela.
C’est le silence qui constitue la faute comme « action de faillir, de manquer ». Faillir à sa position d’adulte, manquer à la parole.
Et ce silence, il est de la responsabilité de ceux qui ont à garantir le travail, de le traiter comme affaire sérieuse et de la sanctionner au besoin.
Il ne devrait donc exister dans une institution d’autre crainte à parler que celle qui touche à ce que la parole décale en soi-même.
Au prix de cette élaboration, il peut être compris que le fait de masquer l’erreur participe toujours d’un « bénéfice » individuel là ou le fait de la travailler est un gain pour tous et qu’il y a finalement plus de risque à taire l’erreur qu’à tenter de la nommer.
* Le texte est extrait d’une réponse faite aux Délégués du Personnel du C.E.A. dans le cadre d’un débat sur la parole et la sanction.
Documents joints :
- La fonction du père J.P.LEBRUN in Un monde sans limite ERES
r - Les règles et l’énonciation (le 11 septembre 2000)
“La levée de l’état carentiel est en fin de compte un problème libidinal, ce qui signifie que ce sont les relations affectives que l’enfant noue avec l’éducateur, ou pour parler de façon plus générale, avec les personnes de son entourage, qui restent le plus importantes.” (Auguste AICHHORN - Jeunes en souffrance - 1925)
“A quoi sert-il de réfléchir à longueur de temps sur le bien de l’autre, si ce n’est pour éviter cette question: pourquoi s’imaginer en savoir quelque chose ?” D. ROQUEFORT
Nous avons prolongé notre chemin, un peu, en ce mois de juillet 2000.
Dans la difficulté même de ce travail de reprise nous avons tourné autour de la question de l’énonciation et partagé au passage l’imaginaire de quelques boîtes de ravioli déposées dans notre conscience en guise de viatique(*) avant d’interroger les “sacro-saintes règles” des lieux d’éducation.
En paraphrasant D. ROQUEFORT nous nous sommes demandés à quoi peut-il donc servir de se poser inlassablement la question des règles dans les lieux d’éducation si ce n’est pour masquer le fait que l’interdit ne se soutient pas d’autre chose que de son propre rapport à la loi. Un rapport personnel qui trouve sa source au lieu même de sa propre prise dans la question du manque et s’appuie sur sa possibilité à tenir, face à l’enfant (et pas seulement face à lui !), son énonciation.
Justement et pour reprendre l’interrogation initiale c’est le “bien de l’enfant” qui est mis en avant pour cautionner ces préoccupations. Ce “bien de l’enfant” qui semble posé comme préoccupation primaire, scrupule élevé au rang d’objectif et qui, posé en terme quantifiable, en terme de savoir, évacuerait justement la question principale, celle du manque et de la castration. En cela la visée du “bien de l’enfant” redoublerait, du côté maternel, la position des acteurs et rabattrait toute tentative d’énonciation (cette parole de coupure) au rang des maltraitances.
Ceci expliquerait la difficulté de la tâche des acteurs en éducation, toujours un peu suspects lorsqu’ils tentent de “désintriquer” dans le travail un bien palpable calqué sur l’idée de “ suppléance” (forcément pleine et entière) d’avec un bien élaboré par le sujet lui-même qui prendrait en compte les mouvements pulsionnels, ambivalents, où reste présente la dimension du manque.
Comment ce présupposé du “bien de l’enfant” vient percuter nos pratiques, c’est ce que nous nous proposons de reprendre ensemble la prochaine fois.
(*)Le corps du “délit” était la question posée par l’intervention d’une maîtresse de maison prenant la décision de déposer 2 boites de ravioli sur la table alors que les adolescents présents n’avaient cessé de se plaindre des repas précédents
r - Le bien de l’enfant (le 30 septembre 2000)
“Je te demande de refuser ce que je t’offre parce que ce n’est pas ça” J. LACAN séminaire 20, Encore, SEUIL (cité par D. ROQUEFORT p 62)
“En se plaçant ainsi sous l’imaginaire d’une relation éducative dont les risques auraient été totalement épurés, c’est aussi la fonction d’apprentissage de la confrontation au risque qui se trouvait occulté ou refoulé”. Les effets de l’affaire Dutroux sur les attitudes éducatives La lettre du GRAPE n°37.
Une participante a proposé sous forme de boutade de nous apporter lors de notre prochaine rencontre le manque lui-même…
Il serait difficile d’être plus synthétique après notre temps de travail ou la question fut finalement celle du détour par ces pratiques où “manque le manque”, pratiques recouvertes par cette visée du bien de l’enfant que nous avions choisi d’interroger.
Cette visée, entendue comme représentation aurait d’abord pour effet de passer au rouleau compresseur de la conviction toutes ces multiples questions, grandes ou petites, qui soutiennent une possible nomination des sujets que nous sommes du lieu de ce travail que nous pensons faire (pour reprendre la formule de J. LAFONT )
Dans l’histoire de S., cet enfant qui a été retiré puis remis à sa famille d’accueil sous la pression des médias, l’amour qui est mis en avant pour justifier son retour en famille d’accueil, est un amour sans manque, un amour de complétude, un amour qui se suffit de sa suffisance, que quiconque ne saurait remettre en cause. C’est sans doute celui dont parle Lacan lorsqu’il souligne “ Le rôle de la mère, c’est le désir de la mère. C’est capital. Le désir de la mère n’est pas quelque chose qu’on peut supporter comme ça, que cela vous soit indifférent. Ca entraîne toujours des dégâts. Un grand crocodile dans la bouche duquel vous êtes - c’est ça, la mère. On ne sait pas ce qui peut lui prendre tout un coup, de refermer son clapet. C’est ça le désir de la mère. Alors j’ai essayé d’expliquer qu’il y avait quelque chose qui était rassurant. Je vous dis des choses simples, j’improvise, je dois le dire. Il y a un rouleau, en pierre bien sûr, qui est là en puissance au niveau du clapet, et ça retient, ça coince. C’est ce qu’on appelle le Phallus. C’est ce rouleau qui vous met à l’abri, si tout à coup, ça se referme”
Mai c’est aussi du registre de la perversion, rappelle D. ROQUEFORT, lorsqu’il est dénié que l’autre puisse être fondamentalement manquant et J. LAFONT dans son article sur le transfert (lettre du GRAPE n°37) rappelle les enjeux du repérage des mouvements transférentiels dans le travail et l’aspect inquiétant de cet “amour visible” que prétend promouvoir C. SIGALA dans le film “visiblement je vous aime”. “Qu’est qu’un amour visible demande-t-elle sinon la jouissance sexuelle ? ” .
Dans le cas de S. , en mobilisant les média, que défend le fils du couple d’accueil, animateur de télévision, du coté de sa mère ? Là encore c’est d’images comme témoins de l’amour à voir dont il est fait usage.
En quelque sorte ce qui est évoqué par la famille d”accueil est l’illustration type, le parangon, de cet amour porté en écharpe, présenté comme réponse absolue, monstrueuse, soutenue par cette conviction qu’il faut apporter à l’enfant ce qui lui a manqué, quitte à lui faire ingurgiter de force.
En l’espèce ce qui semble évité est cette obligation, dans laquelle nous sommes en éducation, d’avoir à soutenir l’enfant dans ce cheminement de deuil, dans un travail de renoncement à ce que, précisément, il n’a pas eu. Dans le cas de placement d’enfants carencés, cette question peut se résumer à celle de savoir comment accompagner l’enfant dans ce renoncement. La carence ne serait pas d’être frustré de l’amour de la mère (c’est notre lot à tous d’une manière ou d’une autre) mais lié au fait que le manque imaginaire se superpose au manque réel. En lieu et place de la frustration ( manque imaginaire d’un objet réel par un agent symbolique cf. D. ROQUEFORT page 36 et 37) l’enfant a surtout dû se colleter un manque réel d’un objet réel . D’où la difficulté à renoncer à ce qui s’est inscrit en forme de vide au lieu de pouvoir se symboliser en terme de manque.
La seule façon d’accompagner un enfant dans le travail qui est le sien serait donc de le confronter à des manques “symbolisables”(*), une suite de manques qui lui donne progressivement accès au manque insupportable dont le sujet qu’il est doit, enfin de compte, pouvoir répondre.
Quelles garanties pouvons-nous apporter dans ce travail ? Aucune ! Si ce n’est d’être en place pour soutenir le travail lui-même. éducationCela n’a rien à voir avec ce qui sous-tend régulièrement la pratique sociale où éducative lorsque les acteurs sont sommés de tout garantir.
Progressivement, nous sommes passés de la garantie minimum requise qui veut que les adultes ne fassent pas de mal à un enfant (éviter les situations perverses ou de maltraitance à la Cosette) à l’exigence d’une garantie totale où il serait possible de s’assurer que tout se passera sans mal. En lieu et place de la mobilisation, chez chaque acteur de l’, de points de responsabilité autour desquels peut s’articuler le discours, vient s’imposer une responsabilité générique où le bien de l’enfant se confond avec sa sécurité.
Pris à ce piège, les adultes risquent de ne plus savoir comment ils doivent se comporter, ce qu’ils sont autorisés à faire et ce qu’ils peuvent engager du lieu de leur subjectivité, dans l’accompagnement et la confrontation.
Le risque est banni et avec lui tout acte éducatif digne de ce nom. Les adultes chargés d’éducation les moins désirants trouvent à cet endroit toute justification à leur désengagement. Cela expliquerait-il que les jeunes aillent ailleurs, sur la scène publique, jouer cette confrontation désertée dans l’espace privé ?
Que pouvons-nous revendiquer à cet endroit et existe-t-il un acte éducatif sans risque ? C’est ce que nous nous proposerons de travailler ensemble la prochaine fois.
(*) J’avais retranscrit dans un premier temps « des manques supportables » comme si la nature même du manque n’était pas justement d’être insupportable ! Décidément…
Documents joints :
- Les formations de l’éducateurs J.ROUZEL in L’acte éducatif
- Les effets de l’affaire DUTROUX sur les attitudes éducatives J.L.GENARD in la lettre du GRAPE n°37