dimanche 06 novembre 2005
ex : Cultures en mouvement
Depuis la nouvelle de la disparition d’Armand Touati, directeur de la revue Sciences Humaines et sociétés, le Vendredi 23 septembre(article de Roger Dadoum dans le Monde du 30 septembre intitulé « Un passeur de savoir ») ses collaborateurs et amis sont plongés dans la consternation. Encore jeune, cet homme, montrant un courage hors du commun, s’est battu contre une maladie implacable qui a fini par l’emporter au moment où chacun pensait, que son énergie incroyable avait eu raison d’elle. Tout de suite après le colloque de Strasbourg intitulé « Jeunes, du risque d’exister à la reconnaissance »qui réunit un millier de congressistes du 15 au 18 juin 2005, et fut une réussite, il préparait celui de 2006 à Cannes, intitulé, ironie du sort, « souffrance » (« souffrances, accueillir, entendre, transformer »du 7 au 10 juin 2006),dont il avait brillamment rédigé la thématique. Nous étions quelques-uns uns à préparer très à l’avance, comme nous le faisions tous les ans, les tables rondes et les ateliers, répartis en thèmes s’articulant au titre principal, et permettant aux congressistes de participer à un travail de formulation, de clarification, d’élaboration et d’ébullition intellectuelle rarement proposée par une revue à ses lecteurs. De nombreux chercheurs et praticiens (psychologues, philosophes, enseignants, formateurs, anthropologues, travailleurs sociaux chercheurs de tous horizons) avaient trouvé dans cette revue mensuelle un moyen d’exprimer leur point de vue à un public plus large, à ouvrir des débats sur des questions contemporaines, toujours empreints d’une sensibilité éthique lequel faisait à proprement parler partie de l’esprit particulier de la revue, essentiellement constituée d’hommes et de femmes engagés dans la Cité.
Aujourd’hui une autre nouvelle vient de tomber, confirmée par écrit à tous les collaborateurs de la revue par Yolande Touati son épouse, qui assistait son mari dans cette aventure éditoriale depuis « Le journal des psychologues »-qu’il dirigeât précédemment pendant de nombreuses années : la revue ne Sciences de l’Homme continuera pas, son dernier numéro sera celui d’octobre 2005.La poursuite de cette aventure avec Armand Touati était un quasi-miracle de l’édition, un pari continuellement renouvelé, tenu avec enthousiasme par un homme qui ne ménageait ni sa force ni ses réseaux. Sans Armand Touati, elle devient une gageure.
Devant la tristesse de tous les rédacteurs réguliers ou ponctuels de Sciences de l’Homme et société (Cultures en mouvement) et de ceux qui en étaient très proches, je me demande si une telle chose est possible. S’il ne faut pas garder coûte que coûte ce lieu d’expression privilégié, qui par sa structure même était accessible à une pensée praticienne, toujours en bute à des moyens et des tactiques autrement plus puissantes, celles que développe à satiété la pensée patricienne. S‘il n’y a pas lieu de rassembler nos forces pour que ce lieu inspiré par notre ami se reconstitue ailleurs et dans le même esprit et propose une réflexion résistante et vivante sur notre société, ses acteurs, ses institutions. La logistique nécessaire pour arriver à un tel but est peut être dans nos rangs, puisque dans cet énorme réseau qu’avait su constituer notre ami, pendant plus de vingt années d’engagement éditorial, il y a des éditeurs, des directeurs de collection, des imprimeurs peut-être, des libraires sans doute.
Il va sans dire que le premier devoir de cette nouvelle revue serait de rendre un hommage vibrant à son animateur infatigable, mais aussi de faire une rétrospective du travail extraordinaire qui a été accompli, un bilan des territoires et des perspectives qui ont été dégagées, pour se donner les moyens de les poursuivre.