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LA FIN DU COURAGE

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LA FIN DU COURAGE
Fayard
30/04/2010

LA FIN DU COURAGE

Cynthia Fleury Ed Fayard 2010 200 p 14 €

 Dans ma région, une entreprise dédouane un cadre injoignable alors qu’il est d’astreinte ; huit jours avant, la même direction mettait à pied un ouvrier introuvable sur le chantier… colère des salariés reprise en écho par les syndicats… levée de bouclier : réponse sibylline : « ça peut arriver à tout le monde »…

 Ainsi va la vie, la vie dans notre société, une vie d’où s’exclue le courage, celui de dire, celui d’interdire, celui surtout de prendre des responsabilités et d’en assumer les conséquences.

 Un chef de service hospitalier m’exposait avec humour « qu’il n’y avait dans son service que des victimes : victime d’un mauvais diagnostic, victimes d’une chimio inefficace, victimes d’une mauvaise lecture d’examens… personne n’y meurt de sa belle mort ; c’est toujours la « faute à l’autre » !

 Les gendarmes sur les routes, font ce même constat, lors des interpellations pour exactions : c’est toujours exceptionnel, toujours pas vu pas pris ; il y a toujours une bonne raison, une explication, c’est pas nous…  c’est pas moi… c’est éventuellement l’autre, un autre moi, qui aurait bu ou brulé un feu rouge, ou provoqué un accident… Combien de temps cela peut-il durer ? Longtemps sans doute, car les expériences du courage ou de la lâcheté, pour autant qu’elles servent de leçon, ne peuvent se faire qu’au un par un, au rythme de l’expérience vécue.

 Personne ne prend plus ses responsabilités, certes, mais personne ne se voit plus octroyer de responsabilités. Tout un chacun se noie dans des tonnes de paperasseries, de dossiers, de traçabilité, de justificatifs, de preuves pour un achat de Bic ou une sortie d’enfants à la piscine. On n’a plus aucun droit, et les demandes se font en triple exemplaires… les initiatives ne sont pas encouragées, les créations se perdent dans les méandres des autorisations qui ne viennent d’ailleurs pas…

Et d’ailleurs prendre des décisions peut se payer cher quand on voit les dérives procédurières faites aux médecins qui osent des actes cliniques à risques.

 Mener une politique dans un pays, tout comme en entreprise, c’est définir un cadre, donner des directions, de là où l’on dirige, c’est à dire d’une place d’exception ; c’est tout sauf le pouvoir à tous.

Oser poser des actes, s’avancer à découvert, choisir et prendre des décisions comportent bien plus de risques que de renoncer et céder à tout. Dire non demande de s’engager, de ne pas faire consensus, de se retrouver seul hors de la masse, voire de ne plus être aimé…

 Résister, n’est pas synonyme de recherche de plaisir immédiat, de bénéfice personnel. La planète, on le sait va en payer les frais sans que personne ne bouge tant le profit égoïste est primordial. Demain ne nous concerne pas ! La mode est aux décisions curatives, à petits pas, plutôt qu’aux anticipations douloureuses.

 Tout cela pour en venir à cette question : pourquoi manquons-nous autant de courage ? Qu’est-ce que le courage ?

 Des réponses que décline avec brio et sens moral  Cynthia Fleury dans un petit traité de philosophie passionnant et fort bien écrit, allant du courage individuel au courage politique où tout un chacun se sent concerné par les autres.

« Virtus », en latin, qui voulait dire courage, venait de « vir », l’homme, tenu par ses  qualités morales. Tamino, dans la Flûte enchantée, reprend cette position : «  je n’ai pas peur d’affronter la mort comme un homme et de marcher sur le sentier de la vertu . » Cette donnée a traversé les siècles.

Que transmettrons-nous aux générations futures et comment mourrons-nous si nous avons laissé faire en silence, si nous avons omis de nous sentir concernés, si nous avons renoncé à nous battre. Ne pas céder sur notre désir, nous dira Lacan, c’est la seule richesse de l’homme quand il ne lui reste plus rien d’autre.

Où en est l’homme d’aujourd’hui, qu’elle est sa place dans notre société ? Place de père, place de dirigeant, place de leader politique, quel modèle laisserons-nous aux générations à venir ? Si, comme l’avance l’auteur : « le courage, c’est l’autre nom d’un rendez-vous avec soi-même 1  », alors, il reste un certain chemin à parcourir…

 Florence Plon

P 48

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