Chemins de formation, au fil du temps, chemins de traverse, intelligence de l’improbable, direction Martine Lani-Bayle, l’Harmattan, N°18, Paris 2014, 21€.
Il faut rendre hommage à Martine Lani-Bayle qui dirige de main de maître cette collection créée en 2001, et qui fonctionne malgré les avatars de l’édition dans notre conjoncture de crise éditoriale. Ce succès se fonde sur une politique rédactionnelle qui fait ses preuves, le choix de la qualité de la rigueur, voire de l’esthétique. C’est une recette à tous coups gagnante. Une superbe présentation, de très belles illustrations en photos noir et blanc, une présentation claire, avec références, notes et bibliographies sérieuses, une cohérence dans l’association des articles. Et le choix d’un thème toujours passionnant lié aux évolutions actuelles de l’éducation, de la transmission du savoir, des résistances aux avancées de sa propre formation, de l’accès à la connaissance, bref de la vie courante des personnes qui s’impliquent dans leur devenir et ne prennent pas le risque de rester immobiles. Il en ressort un impression de sérénité et de paisible réalisation, ce qui est le fait, comme disait Alexis Gruss*, du sceau de la qualité : « un numéro est réussi quand on ne voit pas l’effort fourni en amont et que sa réalisation est fluide… ». Les auteurs de ces articles, sont doctorants ou enseignants en sciences de l’éducation, ou en sociologie, ou psychologie du développement le plus souvent, mais gardent une simplicité d’expression qui tranche avec la narcissisation des publications actuelles. Ils analysent les expériences qu’ils relatent, après les avoir examinées au plus près sur le terrain, de façon à en faire des moments de vie uniques mais connectés aux mouvances passionnantes de notre société à l’évolution galopante.
Ce qui fait la force de cet ouvrage vient d’un traitement de faits de société au cas par cas, au cœur de la vie unique et spécifique de chacun de ceux qui s’embarquent dans l’intelligence de leur écoute propre. De ce fait, le lecteur se voit plongé dans une atmosphère saine et constructive parce que baignée d’humanité. Ces bifurcations, ces nouvelles insertions, toutes douloureuses qu’elles soient, indiquent combien un sujet qui fonctionne sur son désir est prêt à en payer le prix en efforts et en motivation, en pertes financières, en temps passé et en conflits familiaux ou sociaux. Lorsque les chemins de vie se transforment en chemins de traverse, ce n’est certes pas sans obstacles ni difficultés. Mais ces pionniers n’ont pas froid aux yeux et entendent orienter leur vie dans une option d’écoute profonde d’eux-mêmes. Cela va du cadre supérieur qui s’engage dans un apprentissage manuel, aux femmes émigrées en rupture totale avec leur propre culture, aux handicapés accédant à la force de leur volonté à des études longues… Tous ces parcours sont certes atypiques, mais fréquents et relevés en France, comme dans le monde entier et à tous les âges de la vie. Nous parlons bien sûr ici d’exceptions ; ces exceptions qui confirment la règle mais qui, au regard de cet éclairage, pourraient bien servir à faire évoluer cette règle de manière à ce que tout un chacun devienne une exception et puisse en exprimant son originalité, se mouler dans l’ensemble du groupe… Une utopie ? Peut-être pas tant que cela au vu des changements d’orientation qui se mettent en place pour pallier les disfonctionnements et les impasses de notre monde vieillissant et caduc. Comment faire pour que l’improbabilité devienne de l’ordre du possible ! Comment faire de sa vie une vie avec laquelle on soit en accord et heureux ! Voilà un projet qui devrait rallier les indécis ! Il y a encore des gens qui se battent. Les innovations qui se déclinent ici, rompant avec le passé, se font les initiatrices d’un avenir sociétal en pleine mutation. Cela ouvre la voie à un certain optimisme.
Florence Plon
*directeur du cirque du même nom.