jeudi 20 octobre 2016
Le cheval et l’écurie
Un couple venait d’acheter un cheval. Quelle joie pour eux d’accueillir cet animal magnifique. La joie commença à diminuer quand le cheval plein de vie et d’affection pour ses maîtres commença à désobéir. Chaque soir, il refusait d’entrer dans son écurie. Malgré la douceur, la menace ou la violence, le cheval refusait d’y entrer.
Un spécialiste posa un diagnostic : trouble du comportement. Il fit une ordonnance pour un traitement qui calma provisoirement le cheval mais le résultat ne changea guère. Il ne rentrait toujours pas dans l’écurie et ne montrait plus à présent sa joie de vivre. Le couple tenta d’aller voir d’autres spécialistes qui proposèrent d’autre solutions pour faire obéir ce cheval. En vain.
Puis un jour, un voisin s’approcha un peu plus prés du cheval. Il sentit sa tristesse, son agressivité. Chaque jour, il lui rendait visite. Chaque jour, il écouta avec patience et persévérance sans vouloir le guérir, le changer. Il n’avait aucune attente sauf celle d’être là pour ce cheval. Il appris à déplacer son regard sur cet animal que l’on disait caractériel. Il ne focalisa plus sur le problème mais sur la pulsion de vie qui était encore là dans cet animal.
Il fallut beaucoup de temps pour qu’un jour l’animal le conduise dans un coin sombre de cet abri. Il essaya de comprendre mais en vain pourquoi le cheval le menait dans cet espace. Comprendre était encore trop tôt. Un soir, il rendit visite au cheval. Dans cette pénombre, il vit une ombre qui se déplaçait. Dans le coin que lui avait montré le cheval, il vit une forme animale. Il pensa à un loup. Il sortit en courant avertir le couple. Ils firent du bruit et virent que cette ombre n’était plus là. Il décidèrent de sécuriser l’écurie pour qu’aucun animal sauvage n’y pénètre. Depuis ce jour là, le cheval accepta d’être accompagné pas à pas vers ce lieu fermé. Quelques jour plus tard, il y passa sa première nuit. Le diagnostic de trouble de comportement disparut en quelques jours et le traitement fut arrêté progressivement.
Combien de professionnels ne voit pas le loup et continue pourtant à vouloir y faire entrer de force celui qui a peur, se tétanise ? Je pense à tellement d’enfants que l’on tente de dresser ou redresser, de faire entrer de force dans un cadre et que l’on menace d’exclusion sans voir que ce qui les rend encore vivant, c’est de ne pas entrer dans cette écurie. Un jour, ils seront peut être prêts pour aller voir qui est ce loup. En attendant écoutons, écoutons, écoutons et respectons le rythme, le temps nécessaire pour marcher sur ce chemin. En attendant, dans ma pratique d’éducateur spécialisé en CMPP, je reste vigilant à ne pas jouer le jeu des institutions qui ne voit pas toujours le loup.
JEAN LUC VIUDES
Educateur spécialisé en CMPP Istres