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La prise en compte des psychoses dans le travail éducatif

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La prise en compte des psychoses dans le travail éducatif
Erès
31/08/2013

Erès 2013, 160p, 12 €.

Psychanalyste, formateur, ancien éducateur, J. Rouzel n’en est certes pas à un coup d’essai, mais c’est tout de même un coup de maître que cet ouvrage qui ose appeler un chat un chat et aborder le sujet tabou de la psychose dans notre société, et en particulier au sein du milieu socio-éducatif. Dans cette période délirante où l’on assiste à une montée galopante de la jouissance offerte à tous et sans limites, une question de poids se pose : qu’en est-il du traitement de la psychose au sein du lien social et qu’elle est la fonction des travailleurs sociaux qui sont en première ligne ? Ils se retrouvent isolés et livrés à eux-mêmes dans le deal actuel de la répression toute ou de la médicamentation tous azimuts. J. Rouzel leur propose une boussole pour garder le Nord d’une prise en charge éclairée par la psychanalyse qui fait acte d’écouter le sujet en souffrance et de l’accompagner dans les solutions qu’il explore pour survivre. Si la psychanalyse n’a certes pas le monopole du cœur, elle a celui du temps que l’on confère à l’autre, et de la tolérance à la différence, reconnue comme le propre de tout un chacun. Elle a le souci du un par un qui n’entre pas dans les cases, ni dans les statistiques, ni dans la nosographie du DSM et du prêt à penser ; elle est capable de se laisser enseigner au lieu de s’avancer du côté du savoir. Comment un humain, en fonction de sa structure, s’inscrit-il dans le langage, bain de langage qui, lorsqu’il va le reprendre à son compte est censé l’inscrire dans le champ de la perte ? Puisque chacun le sait, « le mot est le meurtre de la chose » soit le passage  consenti au symbolique qui annihile la jouissance débridée. Or, du renoncement à la jouissance, on est passé à un « pousse à jouir » effréné de la consommation d’objets. Et de surcroît, les patients (dits : « usagers ») ne sont pas loin d’être eux-mêmes objectivés par une médecine consumériste. Une société aurait, dit-on les fous qu’elle mérite *1 ! Elle a surtout les soins qu’elle secrète, fondés aujourd’hui sur la rééducation, pour ne pas dire le dressage du comportementaliste et l’empoisonnement par des molécules qui, si elles ne sont pas toujours évitables, dégradent les sujets sans les entendre.*2

Comment ces sujets psychotiques se débrouillent-ils avec la perte quand le mot vient précisément symboliser cette perte, cette représentation de la perte. Somme toute assez mal : ils sont dans le discours, le délire, voire l’hallucination ou le silence abyssal.

Il s’agit d’accompagner un sujet dérangé par un déterminisme et qui cherche ses propres arrangements ; de poser ce postulat que les productions subjectives du fou  sont «  à part entière » et non pas « entièrement à part ». Autre abord de la folie et de son énigme, que Lacan va épingler comme le noyau des sujets et de leur psychisme, toutes structures confondues, dimension intrinsèque de l’être-parlant. Une révolution !

Revenons-en donc enfin aux fondamentaux : soigner les soignants ; contrer la déresponsabilisation ambiante et la désubjectivation ; reconnaître que la psychose fait signe du sujet ; délivrer une clinique de la parole et non du regard ; gérer autrement la question du transfert dans une clinique du non savoir.

Il est supposé, au passage, que le thérapeute, soignant ou travailleur social, sache ne pas reculer devant le chaos et puisse se faire l’éponge des angoisses du malade sans en pâtir. Seul leitmotiv, s’en tenir à la confiance dans le sujet et ses capacités à œuvrer pour lui-même un bricolage dans lequel il convient de le soutenir. Cela s’instaure par l’écoute respectueuse, l’échange non jugeant, la non projection, et surtout la connaissance approfondie de cette structure que le sujet habite, et pas forcément du côté de la déficience : paranoïa, schizophrénie, mélancolie, autisme quatre déclinaisons du rapport à l’Autre.

Il faut savourer et s’instruire de cette démonstration de style et de témérité, car frappée au fer de lance de la clinique et de l’expérience de son auteur, du haut de ses 150 pages, elle a la teneur d’un pavé dans la marre !

Florence Plon 

* 1 voilà le vilain mot est lâché

* 2 Montaigne Les essais 1572 «  A Paris, on construit des maisons de fous pour faire croire à ceux qui n’y sont pas enfermés qu’ils ont encore la raison »

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